La vérité sur l'hypnose
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 *musique*
00:02 Allez, on se réveille, on se remue.
00:04 C'est pas le moment de flancher les gars, c'est un bel effort qu'on a fait jusqu'ici, alors on n'abandonne pas.
00:08 T'as raison ! Il est hors de question de craquer maintenant, vous m'entendez ?
00:11 Faut absolument garder le mental ! On est très forts ! On a trop à perdre, faut rester calme !
00:17 Surtout pas de panique !
00:19 Ça a l'air super comme préparation mentale. Bonjour Jonathan Belle-Legrou !
00:23 Bonjour !
00:24 Vous êtes donc préparateur mental, précurseur de la pratique de l'hypnose dans le sport en France.
00:29 Vous suivez quelques sportifs de haut niveau français, notamment des grimpeurs sur glace,
00:34 des sportifs qui font du judo, de la natation, du squash, y'a de quoi faire.
00:38 L'hypnose, c'est pas quelque chose sur lequel vous aviez des préjugés, je crois,
00:41 parce que vous aviez notamment grandi avec une tante anesthésiste qui pratiquait l'hypnose à l'hôpital,
00:46 avec de véritables résultats, comme on sait.
00:48 Alors j'ai vu que votre performance TEDx s'appelle "Profession détrompeur de cerveau".
00:53 C'est quoi, Jonathan Belle-Legrou, un détrompeur de cerveau ?
00:56 Eh ben, bravo pour les infos !
00:59 Bah écoutez, vraiment...
01:00 C'est bien préparé !
01:01 Merci !
01:02 Détrompeur de cerveau, c'est...
01:04 En fait, souvent on associe l'hypnose au fait de tromper le cerveau
01:07 et de faire croire à quelque chose qui n'est pas réel.
01:11 Et en fait, c'est plutôt l'inverse.
01:13 C'est-à-dire que, je pense que notre mental est très fort pour nous faire croire à des choses qui ne sont pas réelles.
01:19 Par exemple, quelqu'un qui souffre d'anxiété,
01:22 il a un avenir qui est rempli de scénarios catastrophes qui ne verront pourtant jamais le jour.
01:29 Mais qui vont faire en sorte que la personne ne va peut-être pas oser se lancer dans un sport,
01:35 dans une performance, pour faire sauter une barrière, comme tu l'as fait.
01:39 Donc finalement, mon métier, c'est pas tant de dire "maintenant tu es fort, maintenant tu es fort, maintenant tu es fort",
01:46 c'est peut-être de détromper le cerveau, en fait,
01:48 qui ferait croire à la personne que cette performance n'est pas accessible, que cette compétition n'est pas pour elle.
01:55 - Donc on vous dit plutôt "non, tu n'es pas nul, non, tu n'es pas nul, non, tu n'es pas nul".
01:58 - Non, parce que justement, la négation, on sait que ça ne fonctionne pas très très bien.
02:02 Si je dis "ne pensez pas à un éléphant rose", c'est le grand classique.
02:05 - On va risquer de penser à un éléphant rose.
02:07 - Du coup, ne stresse pas pour tes examens, n'aie pas peur pour l'opération,
02:12 et puis ne pense pas au froid avant d'aller sous la glace.
02:16 Ça ne marche pas très bien.
02:18 - Arthur Guérin-Bohéry, vous parlez d'un état quasi hypnotique avant d'aller sous la glace,
02:22 vous faites exprès, vous pratiquez l'opto-hypnose ou pas ?
02:26 - Finalement, sans le vouloir, je pense que oui, un petit peu,
02:31 parce que les exercices qu'on pratique, en tout cas que je pratique,
02:35 la méthode que j'ai mise au point en tout cas pour me préparer avant de partir,
02:40 me met dans un état de concentration très avancé, je dirais.
02:47 Effectivement, il y a quelque chose d'un peu hypnotique.
02:51 Je ne vois plus trop ce qui se passe autour, je n'entends plus trop ce qui se passe autour,
02:55 je suis focalisé sur mon objectif.
02:57 Je crois que certains sportifs appellent ça le "flow",
03:01 on est dans cet état de concentration où tout devient presque automatique.
03:05 Et je pense que ça rejoint peut-être les états hypnotiques, ou en tout cas méditatifs.
03:11 À mon avis, il y a un peu de ça dedans.
03:14 C'est des exercices de respiration qui, pendant deux heures finalement,
03:17 au bout d'un moment, on finit par être dans cet état-là.
03:20 - C'est quoi la spécificité des athlètes, Jonathan Bellegro ?
03:24 Il y a une différence entre hypnotiser une personne lambda, comme moi, on peut essayer là.
03:27 - Tu n'es pas lambda, Marie.
03:29 - Ou à un ou une athlète.
03:31 Oui, il y a une différence, c'est que, j'en vois deux.
03:35 Un, beaucoup d'athlètes connaissent l'état d'hypnose sans le savoir.
03:39 Tout simplement parce qu'ils connaissent cet état d'hyper-focalisation sur une tâche,
03:44 sur un moment, un instant précis.
03:47 Donc, ils ont cette habileté-là.
03:49 Alors après, on va parler de l'état d'hypnose sous forme d'état modifié de la conscience.
03:54 Et c'est vrai, comme tu le dis, la respiration va créer cet état-là,
03:58 mais il y aurait aussi d'autres portes d'entrée, comme la méditation, la pleine conscience, l'hypnose.
04:03 En fait, à partir du moment où on sort de notre habitude,
04:06 et qu'on se concentre sur quelque chose de nouveau, un peu d'extraordinaire,
04:10 genre plonger sous la glace, on est dans l'état d'hypnose.
04:15 Et un athlète va rencontrer ça beaucoup plus de fois qu'une personne lambda.
04:19 - Comme moi.
04:20 - Même si tu n'es pas lambda.
04:22 Ensuite, la deuxième chose, c'est que souvent, lorsqu'on travaille,
04:25 il va falloir travailler dans un moment très très bref, un moment de compétition.
04:29 Moi, généralement, des fois, il m'arrive, tu évoquais le squash,
04:32 des fois j'ai deux minutes.
04:34 - Pour hypnotiser quelqu'un.
04:35 - Donc on se rapprochera plutôt des techniques d'hypnose type d'urgence qu'on va trouver à l'hôpital.
04:40 Mais voilà, c'est un peu...
04:43 Ou avec une personne qui viendrait en cabinet, on prendrait un petit peu plus de temps.
04:47 Mais globalement, tout le monde est hypnotisable.
04:49 Et puis, il faut juste s'adapter et trouver la bonne technique pour la personne.
04:53 - Justement, vous parliez de l'hypnose dans les blocs opératoires,
04:56 l'hypnose médicale, comme vous disiez.
04:59 J'ai l'impression qu'il y a plusieurs façons d'hypnotiser.
05:01 Moi, j'ai un ami qui est hypnotiseur de spectacle.
05:03 Lui, il a arrêté parce qu'il trouvait que c'était hyper violent,
05:05 la façon dont on pouvait hypnotiser des gens très rapidement,
05:08 les sortir de l'hypnose en les accompagnant aussi finalement très peu.
05:11 Et il m'a même raconté qu'une fois, à la fin d'un spectacle,
05:13 une personne est venue la voir parce qu'elle avait les doigts collés
05:16 et elle n'arrivait pas à les décoller.
05:17 C'est possible ça, vraiment, de rester bloqué après une hypnose ?
05:20 - Oui, mais comme c'est possible de rester bloqué sur une suggestion
05:23 qu'on a entendue tout petit, sans hypnose, à l'école,
05:25 et qui nous dit "toi, tu seras nul en maths"
05:27 et ça va nous conditionner toute notre vie.
05:29 Maintenant, c'est plus le rapport à la suggestion.
05:33 Parce que l'hypnose, c'est faire passer des suggestions
05:35 et faire en sorte que le cerveau commence à y croire.
05:37 Si je dis à la personne "les doigts sont collés" et qu'il y croit,
05:40 les doigts vont être collés, maintenant il y a un moment
05:42 où le facteur critique va commencer à reprendre le dessus.
05:46 Et il y a plein d'études qui ont été testées là-dessus.
05:49 Est-ce qu'on peut rester bloqué sous hypnose ? Non.
05:51 Est-ce qu'on peut bloquer les doigts indéfiniment ? Non.
05:56 À un moment donné, ça va se débloquer.
05:58 Par contre, ça sera hyper inconfortable
06:00 et moi je suis tout à fait contre.
06:02 Parce que l'objectif, c'est quand même que la personne soit confortable,
06:07 que l'expérience soit un jeu, que ce soit consenti.
06:11 C'est tout ce rapport-là qu'il faut créer avec un athlète.
06:14 Enfin, dans mon travail avec un athlète, mais en général avec l'hypnose.
06:17 Et parfois, ceux qui font de l'hypnose de spectacle ont pas ce temps-là.
06:20 Et en plus, les spectateurs ne sont pas dans l'environnement pour faire ça.
06:25 C'est-à-dire qu'ils viennent se divertir.
06:27 Alors que moi, quand ils viennent me voir, ils viennent s'entraîner.
06:30 Ça n'a rien à voir.
06:31 Est-ce que l'auto-hypnose, c'est quelque chose que vous utilisez l'un comme l'autre au quotidien ?
06:34 Pour faire des petites tâches, comme venir ici à vélo en moins de 45 minutes ?
06:39 Voilà.
06:40 Jonathan.
06:42 Oui.
06:43 Déjà parce que je pense que ça fait pas mal partie de ma vie.
06:47 J'ai écrit deux bouquins sur l'auto-hypnose.
06:49 Donc je pense que je les ai quand même bien intégrés, certaines techniques.
06:52 Là, par exemple, j'ai une petite de 6 mois à la maison.
06:55 C'est très pratique pour arriver à s'endormir rapidement et plus facilement tamponner la dette de sommeil.
07:00 Hyper bonne idée pour les jeunes parents.
07:02 Voilà.
07:03 Pour les jeunes parents, c'est pas mal.
07:04 Un mini-truc avant de se quitter ? Un mini-exercice d'auto-hypnose ?
07:08 Oui, moi j'en ai un. Vous recommandez ? Enfin, j'en aurais plein.
07:12 Mais si on prend cette idée de la suggestion, on se fait plein de suggestions toute la journée.
07:17 Genre "ouah, je suis fatigué", "ouah, j'en peux plus", et tout, et tout.
07:20 Et ces suggestions, en fait, à la base, c'est des pensées.
07:23 Et si on commence à croire à nos pensées, à ce moment-là, elles viennent nous suggérer un état.
07:27 Si je me dis "je suis fatigué, je suis fatigué, je suis fatigué" pendant longtemps, je vais commencer à ressentir de la fatigue.
07:33 Et donc, à la base, ce qu'on va faire, c'est qu'on va espacer nos pensées.
07:37 Donc je proposerais par exemple aux auditeurs, puis à vous aussi si vous avez envie,
07:41 c'est d'imaginer que nos pensées elles vont et elles viennent en permanence.
07:44 Donc chaque pensée qui arrive, à un moment donné, elle repart.
07:48 Et il y a un mouvement dans nos pensées, et il y a un moment où, quand elle repart, l'autre n'est pas encore arrivé.
07:54 Et l'idée, c'est d'espacer ce temps-là, entre chaque pensée, pour ensuite placer la pensée qu'on aimerait bien pouvoir se donner.
08:03 Genre "eh, ça va bien aller".
08:06 Ok, merci Jonathan.
08:08 Vous avez presque réussi à nous hypnotiser pour creuser le sujet.
08:12 On peut vous lire dans "L'incontournable de l'auto-hypnose".
08:15 C'est publié chez Enfora en 2022.
08:18 *musique*