Doan Bui, reporter au "Nouvel Obs" depuis vingt ans, est la rédactrice en chef (avec Eric Aeschimann) de notre hors-série "Indochine : 1858-1954, la colonisation oubliée", actuellement en vente en kiosque. Elle explique ce qu'il l'a poussée à voyager au Vietnam, sur les traces de ses ancêtres indochinois.
Cette vidéo est extraite d'un nouveau rendez-vous LIVE que nous vous proposons tous les jeudis, à partir de 13h30, sur notre site et notre compte TikTok. Inscrivez-vous ici : https://bit.ly/revue-de-presse-live
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00:00 Quel était le but de ce hors-série ? Pourquoi et comment avez-vous voulu décoloniser ce regard sur la colonisation ?
00:06 Déjà, je suis d'origine vietnamienne, donc c'était hyper important pour moi de raconter cette histoire-là
00:12 qui a été occultée ces cent ans de colonisation française,
00:16 parce que ça a été écrasé par la mémoire de la guerre du Vietnam,
00:19 qui a été énormément racontée par Hollywood,
00:21 et aussi, ça a été occulté par nous, la France,
00:24 parce qu'il y a eu la guerre d'Algérie, dont la mémoire est tellement douloureuse,
00:26 qu'elle a écrasé cette guerre d'Indochine.
00:28 Très peu de gens savent par exemple que le Napalm,
00:31 en fait on connaît toute cette photo de la petite fille qui a été brûlée au Napalm,
00:35 on l'associe avec la guerre du Vietnam,
00:37 mais on ne sait pas que c'est pendant la guerre d'Indochine,
00:40 ce sont les Français d'abord, le général de l'âtre, qui a bombardé au Napalm,
00:42 mais on ne sait pas, il y a eu quasiment un million de morts pendant cette guerre.
00:46 Donc moi-même étant d'origine vietnamienne, je ne connaissais pas très bien cette histoire,
00:51 pour plein de raisons, parce qu'il y a eu tellement de guerres,
00:54 qu'il y a eu beaucoup de silence dans notre histoire familiale,
00:57 que moi en fait, ça fait 20 ans que je suis à l'Obs,
00:59 et ça fait 20 ans que finalement, aussi à travers le journal,
01:03 je travaille sur cette histoire-là, cette histoire qui est aussi l'histoire de ma famille,
01:07 et que j'essaie de la reconstituer, de la raconter,
01:10 et en fait c'est très lié à l'histoire de notre journal,
01:12 il est vraiment lié à tous ces mouvements de décolonisation,
01:14 on a beaucoup travaillé sur la guerre d'Algérie, et la guerre d'Indochine,
01:17 ça fait vraiment partie de l'ADN de notre journal "Le Nouvel Observateur".
01:20 On a Jane Delafoy sur TikTok qui nous demande pourquoi ce sujet ?
01:23 Parce qu'en fait pour moi, la guerre d'Indochine, cette colonisation,
01:26 ça fait partie de l'histoire de France en fait,
01:28 et quand j'étais au lycée, il y avait toute une leçon sur les décolonisations,
01:32 mais c'était, on faisait tout, et je crois qu'on a dû consacrer 5-10 minutes
01:36 à la colonisation d'Indochine,
01:38 en fait ce qu'il me racontait, voilà aussi mon histoire,
01:41 et en fait je me suis rendue compte que, y compris parmi les asio-descendants,
01:45 on la connaissait peut-être mal,
01:47 alors que ça fait partie de l'histoire de France,
01:49 et donc je trouvais que c'était important qu'on lève le voile sur cette histoire-là,
01:53 qui a encore fait partie de l'histoire de France,
01:55 et pour la première fois, je dois dire,
01:57 vraiment c'est une première dans la presse française,
01:59 on a décidé de mettre en avant des voix d'asio-descendants,
02:02 français, mais asio-descendants, aussi des américains,
02:05 donc par exemple on a un texte inédit du romancier Viet Thanh Nguyen,
02:08 qui a eu le poli-dé en 2016,
02:10 et qui aujourd'hui, en fait, il a eu un roman qui a eu beaucoup de succès,
02:13 et ce roman a été adapté par Park Chan-Wook,
02:16 et c'est un peu la première fois que cette guerre du Vietnam est racontée du point de vue vietnamien,
02:20 et aujourd'hui il y a tout un mouvement de comment on raconte l'histoire autrement,
02:23 comment on raconte l'histoire aussi du point de vue de ceux qui ont été concernés par cette guerre,
02:27 donc les asio-descendants,
02:29 donc voilà, c'est une grande fierté pour moi de mettre en avant ces voix et ces artistes.
02:33 C'est ce que tu expliques d'ailleurs dans l'édito,
02:35 l'envie d'avoir donné cette place aux personnes asio-descendantes,
02:38 qu'est-ce que ça a apporté finalement de leur avoir donné cette place-là ?
02:41 Déjà j'ai eu énormément de retours,
02:43 des gens qui me disaient "c'est la première fois que cette histoire est racontée comme ça".
02:46 Tout à l'heure on a parlé d'Aun Marci.
02:47 Avant "Tirailleurs", il y a eu un autre film dont je me souviens très bien,
02:50 qui m'avait beaucoup marqué, qui s'appelait "Indigène" avec Jamel Debbouze,
02:53 et qui racontait en fait ces tirailleurs nord-africains qui ont combattu.
02:57 Mais en fait quand j'ai vu ce film,
02:59 pour moi les tirailleurs c'était que des tirailleurs africains et nord-africains.
03:03 Je ne savais pas qu'il y avait des tirailleurs antelles chinois
03:05 qui étaient venus pendant la première guerre mondiale,
03:07 et y compris pendant la seconde guerre mondiale,
03:09 et des travailleurs aussi recrutés de force.
03:11 Des découvertes après, grâce à des travaux d'historien, des documentaires et autres.
03:15 Mais toute cette connaissance là, je l'ai amassée en fait brique par brique.
03:19 Donc oui, il y avait un silence comme une espèce d'oubli.
03:23 Donc c'était important d'autopier cet oubli.
03:25 Et je pense que ce numéro, il faut l'acheter, il faut le garder,
03:28 parce qu'il répare aussi un petit peu cet oubli.
03:31 Et de tous les retours que j'ai eus, c'était vraiment ça.
03:34 Enfin c'était "merci d'avoir aussi raconté cette histoire d'un point de vue
03:39 qui a souvent été pas prise en compte.