Hey salut à tous et bienvenue dans cette nouvelle vidéo où on va parler de la série documentaire "Merci Internet" qui retrace le parcours de Squeezie.
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Twitch : adam_bros
00:00 : Introduction
01:00 : Un documentaire intéressant mais...
05:30 : Le mensonge des documentaires
11:20 : La mise en scène des coulisses
14:30 : Le contrôle du récit de Squeezie
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ÉducationTranscription
00:00Et si Squeezie avait un plan ?
00:02Le documentaire intitulé Merci Internet retraçant son parcours vient de sortir sur Amazon Prime.
00:07Et si on y apprend des choses très intéressantes,
00:09c'est toute la stratégie de Squeezie et son contrôle sur le web français qui semblent se dévoiler.
00:14Je vous propose alors de voir ensemble les révélations de la série,
00:17mais surtout la manière dont elle s'inscrit dans le plan de Lucas Hauchard.
00:21Regardons un peu ce qui se cache derrière l'influenceur le plus influent de France.
00:25En fait ce surmenage, c'est la peur que plus tard on se dise merde j'ai pas assez profité.
00:31La peur des regrets en fait.
00:33La peur des regrets je crois.
00:35L'histoire de cet adolescent sur qui personne n'aurait misé,
00:38et qui a fort de persévérance et d'espoir, est devenu votre ami.
00:42Mon ami.
00:43Parce qu'il a bossé comme une brute pour que sa chaîne YouTube existe et soit la première de France.
00:48Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que c'est de la merde ?
00:50Est-ce qu'on s'est trompé ?
00:52Est-ce que ça peut nous arriver aussi à un moment de faiblesse ?
00:57Bon déjà je me suis attardé sur le documentaire,
00:59et c'est vrai qu'il y a des points qui sont intéressants à analyser.
01:02Le point le plus intéressant du documentaire est de loin le traitement de la dualité entre Squeezie et Lucas Hauchard.
01:08J'ai toujours défendu ici même que les personnalités des youtubeurs,
01:11et qu'ils étaient dans la vraie vie, étaient deux êtres distincts et séparés.
01:15Merci Internet confirme cette thèse,
01:17avec un Squeezie extrêmement travailleur et exigeant en off,
01:20par rapport à son image publique, qui est beaucoup plus légère et frivole.
01:23Et la série insiste sur une affirmation que j'ai trouvé très pertinente,
01:27à savoir l'effacement de Lucas Hauchard au profit de Squeezie.
01:30En retraçant son parcours, qui a commencé très jeune,
01:33on se rend vite compte qu'il n'a laissé que très peu de place à sa vie personnelle par rapport à YouTube.
01:38C'est évidemment accentué par le fait que toute son intimité est extrêmement préservée par le docu,
01:43qui n'aborde jamais ses relations amoureuses ni même ses vraies relations amicales en dehors de la sphère professionnelle.
01:48Mais au-delà d'un choix éditorial, ça semble coller à cette vision du monde de Lucas,
01:53qui a décidé, inconsciemment probablement, de sacrifier une grande partie de sa jeunesse pour sa passion,
01:58de se laisser dévorer par celle-ci, pour en tirer un maximum de bénéfices malgré le risque que ça comporte.
02:04Et si, contrairement à ce que laissaient entendre certaines rumeurs, le documentaire ne finit pas sur un burnout,
02:09on observe la prise de conscience de Squeezie à ce sujet,
02:12ce qui est particulièrement pertinent à une ère où les créateurs de contenu
02:15sont de plus en plus à souhaiter se mettre en retrait pour éviter de se laisser déborder.
02:19Aussi, son rapport aux jeux vidéo et sa marginalisation,
02:23d'abord comme gamer auprès de sa mère et de ses proches,
02:26puis comme YouTuber au sein des médias mainstream,
02:29est éclairant pour comprendre sa volonté à toute épreuve de constamment élargir son audience et cette soif de succès.
02:35Pareil au sujet de la reproduction sociale, qui est parfaitement illustrée avec son père Gikos,
02:39qui lui a directement transmis la passion des jeux vidéo et de la vidéo,
02:42et sa mère psychologue, qui n'y est sûrement pas pour rien dans son envie de sans cesse apporter du divertissement aux gens pour les rendre plus heureux.
02:50Par contre, son rapport aux abonnés et à la célébrité est ambigu et peut-être pas assez mis en valeur.
02:55D'un côté, son envie de rencontrer en vrai son public, d'avoir des interactions réelles et répétées à maintes reprises.
03:01Et de l'autre, on voit bien, et c'est tout à fait normal, que ces interactions l'empêchent de vivre normalement au jour le jour et participent à dégrader son quotidien.
03:09Il aurait été intéressant de creuser un peu plus pour comprendre ce paradoxe qui touche tout youtubeur,
03:15à savoir la volonté d'être aimé par la masse, mais l'incapacité émotionnelle et même physique pour Squeezie de prendre sur lui tout cet amour rendu.
03:23Un discours presque méta sur ce documentaire, qui va venir par la force des choses renforcer son lien trans-parasocial, aurait été également intéressant de sa part.
03:30Là, clairement, on sent que le documentaire a aussi été fait pour rapprocher l'audience de Squeezie,
03:35notamment dans une période où il devient tellement gros et une super star qu'il pourrait s'en éloigner.
03:41Pareil sur sa gestion de sa vie privée, qu'il a toujours gardée à l'écart des réseaux sociaux,
03:45ce qui n'empêche pas les internautes détectives amateurs de repérer immédiatement sa nouvelle copine par le biais de stories Instagram,
03:50ou de son appartement, ou de son chien, ou même du fond d'écran qu'on aperçoit à 5 secondes.
03:55Et si le documentaire commence assez fort, je trouve à titre personnel qu'il redescend, alors qu'ironiquement, Squeezie s'élève.
04:02L'idée d'adopter une structure chronothématique est un peu perturbante, mais pas inintéressante.
04:06Cependant, conclure avec le dernier épisode quasiment entièrement consacré à Gentlemates est déroutant, voire même presque décevant.
04:13Même si on comprend bien que c'est un projet récent qui a passionné Squeezie, le grand public ne l'associe pas tant que ça à celui-ci.
04:19Théodore Bonnet l'admet lui-même, la plupart des gens ne s'y connaissent pas en esport, et encore moins à Valorant.
04:24Alors il est difficile de voir la victoire comme champion de France, même si elle semble spectaculaire, comme le pinacle de sa carrière.
04:31Encore plus quand on ne comprend pas forcément grand chose aux règles de la compétition.
04:35Là où ne montrer jamais ça à personne était satisfaisant, c'est qu'en sortant juste avant le nouvel album,
04:40il offrait une perspective d'avenir immédiate pour l'audience et un nouveau pic atteint.
04:45Or, ici, on a l'impression que c'est l'épisode 4 consacré au GP qui joue ce rôle, ce qui rend le tout brouillon en termes de construction d'épisodes.
04:52En tout cas, vous, dites-moi, qu'est-ce que vous avez pensé du documentaire pour ceux qui l'ont vu ou ceux qui ont vu les premiers épisodes ?
04:59Est-ce que vous avez vraiment appris des choses ? Est-ce que vous avez trouvé intéressant le fait qu'il nous emmène un petit peu dans les coulisses ?
05:05Donc, même si j'ai pas passé un mauvais moment, j'avoue avoir été un peu déçu par la série, en particulier sur certains points qu'on abordera après.
05:13Bon, ça, c'est ce que j'ai pu analyser au simple visionnage du documentaire.
05:17Mais en le regardant et en réfléchissant un petit peu à la carrière de Squeezie et aux raisons qui l'avaient poussé à faire ce documentaire,
05:23j'ai commencé à voir d'autres aspects.
05:26Car en prenant un peu de recul sur la série et sur l'état de notre environnement médiatique, on peut y déceler une stratégie assez maligne et révélatrice de la part de Squeezie.
05:33Vous le savez, notamment car désormais chaque semaine une vidéo sort à ce propos sur YouTube, les influenceurs vous mentent partout, tout le temps.
05:41Et au-delà de servir d'appât qui vous pousse à cliquer, et qui serais-je pour juger, je m'en sers aussi la preuve avec cette vidéo,
05:48ça révèle une véritable analyse sur la notion de vérité et de mise en scène de soi sur les réseaux sociaux.
05:53Merci Internet va pour moi prolonger cette dimension et même aller encore plus loin dans la fine frontière entre les deux.
06:00Pour cette partie, je m'appuie majoritairement sur le livre Documentary Witness and Self-Revelation de John Ellis
06:07et l'essai de Richard Blunenberg intitulé Documentary Films and the Problem of Truth.
06:12La spécificité du genre du documentaire est qu'il est constamment relié à la notion de vérité.
06:17C'est même la promesse principale de la plupart d'entre eux.
06:20Or, cette dernière est inatteignable pour n'importe quelle forme médiatique.
06:24Par là, je n'entends pas qu'il n'existe pas de vérité en soi et que tout se vaut.
06:282 plus 2 égale 4, cette couleur est le bleu et le fait de s'abonner à ma chaîne vous rend plus heureux, ce sont des vérités.
06:34Mais une vidéo YouTube, même un vlog, une story Instagram ou en l'occurrence un documentaire, c'est toujours un point de vue.
06:40Ce contenu est toujours le résultat de choix éditoriaux qui vont venir maquiller et habiller cette vérité.
06:45Cela va de l'angle de caméra à l'intonation du narrateur ou encore à la musique.
06:49Par exemple, je vous mets au défi d'identifier des passages du documentaire où Norman fait des vidéos apparaît.
06:54Il n'est pas nommé au moment où Squeezie parle des personnalités qui régnaient sur la plateforme avec la mode des podcasts
06:59et le Squeezie Gaming Show semble considéré par tout le monde comme le premier show de YouTuber effaçant le zapping amazing dont il était la tête d'affiche.
07:06Pareil pour les vidéos qu'ils ont tournées ensemble, en particulier Assassin des Templiers qui reste aujourd'hui le plus gros succès de Squeezie sur YouTube
07:13avec 83 millions de vues qui a probablement inspiré son Overwatch Rap Battle mais qui n'est même pas mentionné.
07:19Et je ne dis pas qu'il aurait forcément fallu, mais que ça montre bien que même dans l'absence d'une personne ou d'un élément, on voit le point de vue d'un documentaire.
07:27Bref, vous avez compris, la vérité n'existe pas même dans un documentaire qui se veut le plus neutre et factuel possible.
07:33D'ailleurs, c'est plutôt assumé dans la série de Squeezie puisqu'on nous explique qu'on adopte le point de vue de Théodore Bonnet.
07:38Mais Merci Internet n'est pas un documentaire comme les autres.
07:41Son marketing s'est beaucoup reposé sur une promesse qui elle aussi est fausse mais qui arrive à en duper plus d'un, celle des archives.
08:00Cela fait plus d'un siècle que le format du documentaire filmé existe.
08:04Et si, à l'origine, le public acceptait sans trop brocher le point de vue qui lui était proposé, en 100 ans, l'éducation aux médias a fait du chemin.
08:11Or, depuis, la majorité des gens ont accepté l'idée qu'une image n'est jamais la vérité pleine et absolue, comme j'expliquais avant, mais qu'elle est avant tout une construction médiatique.
08:21On voit même de plus en plus d'œuvres aborder cet angle de la construction médiatique.
08:25C'est le cas, par exemple, du format du mockumentaire comme The Office où les personnages sont conscients d'être filmés et, en particulier les dernières saisons, qui jouent sur cette thématique.
08:34Récemment, la superbe série Jury Duty, faux documentaire, caméra cachée, montrait aussi les dessous de ces reportages que le public a désormais à l'esprit.
08:42L'émergence et le succès de ces programmes quasi méta montrent bien que le public a évolué sur la question.
08:47Cette prise de conscience s'est accompagnée d'une hausse du scepticisme à l'égard des images présentées.
08:52Un doute légitime qui a explosé avec l'arrivée des réseaux sociaux et qui va sûrement continuer avec l'intelligence artificielle.
08:58Ce serait notamment la raison de la disparition des reconstitutions dans la plupart des documents actuellement.
09:03On a conscience qu'une reconstitution, c'est toujours un peu romancé, narré et à un certain point de vue.
09:10Et de l'autre côté, les intervenants ont aussi pris conscience de l'utilisation potentielle de leurs propos et la possibilité d'en détourner le sens.
09:17C'est ce qui pose problème au genre de la télé-réalité actuellement.
09:19Les candidats ne sont plus aussi candides, naturels et promptes à dire et faire n'importe quoi qu'avant.
09:25Parce qu'autant dans la première saison du Loft, ils ne savaient pas exactement à quoi s'attendre et ils ne savaient pas quelle portée médiatique leurs actions et leurs discours pouvaient avoir.
09:33Mais aujourd'hui, ils en ont conscience et donc ils adoptent des stratégies et ils l'intègrent dans leur manière d'être.
09:39Ce qui rend plus difficile pour la production d'avoir des bonnes séquences.
09:42Alors, c'est la question que se sont posées à mon avis tous les réalisateurs de documentaires et la question qu'a dû inconsciemment se poser Squeezie et son équipe.
09:48Comment maintenir la promesse de vérité malgré la connaissance du public ?
09:53En offrant toujours plus d'authenticité et cela grâce aux archives.
09:57L'archive est devenu un outil privilégié du documentaire.
09:59Évidemment, on pense une nouvelle fois à Montre-jamais-ça-à-personne qui offrait aussi à voir des archives dans l'intimité d'Orelsan.
10:06Mais je pense aussi à la série documentaire sur les Beatles, Get Back, qui reprend également des archives inédites du groupe alors au bord de la rupture.
10:13L'archive va transformer le rôle du spectateur en témoin.
10:17Elle apparaît comme un témoignage brut, une preuve infalsifiable.
10:21« Regarde, je suis trop petit. Je suis trop petit, moi. »
10:25« C'est autreur ! »
10:26« Donc très rapidement, il s'est mis dedans avec moi et on a eu beaucoup de consoles. »
10:30Pour le chercheur Philippe Marion, l'illusion médiatique d'immédiateté s'est manifestement renforcée au fil de l'histoire des médias.
10:36Selon le principe qu'il appelle du confort médiatique, un bon média travaille à se faire oublier comme si sa transparence était garante de l'impression que le monde réel nous parvient sans aucune médiation,
10:47sans aucun intermédiaire.
10:48Cela va nous pousser à baisser nos défenses en nous promettant de nous dévoiler ce qui se passe réellement en coulisses, ce qu'il y a caché derrière les rideaux.
10:56Le public a conscience des ficelles et rêve de les découvrir.
11:00L'archive Making Of va lui donner sur un plateau d'argent.
11:03C'est ce qui rend Merci Internet pertinent dans sa proposition.
11:06On pourrait penser qu'un documentaire qui nous plonge dans la vie d'un influenceur,
11:09dont le principe est de raconter sa vie en ligne, même si dans le cas de Squeezie c'est assez modéré, ça n'aurait aucun intérêt.
11:15Mais non, car l'audience sait que ce qu'il montre sur Youtube n'est pas la réalité.
11:20La preuve en est sa relation amicale avec Cyprien qui s'est brutalement arrêtée officiellement.
11:24Alors, cette fois, fini la mise en scène pour les caméras, fini les interviews qu'on fesse dans un cadre bien propre.
11:30Désormais, le documentaire nous promet d'être la petite souris qui se faufile pour voir les dessous de ses représentations médiatiques.
11:36Ça nous offre parmi les séquences les plus pertinentes du documentaire.
11:39Je pense au passage sur son album, où il rumine l'échec de ce dernier, quelque chose dont il n'avait jamais vraiment parlé publiquement.
11:58Ou encore le très, voire trop court passage sur son départ de Wabédia, qu'il explique par des différentes visions de business.
12:04Sauf que, vous me voyez venir, cette promesse est également fausse.
12:09Comme d'habitude, je suis désolé de vous le demander, mais si vous souhaitez soutenir mon travail et que je puisse continuer à vous proposer des vidéos régulièrement,
12:14n'hésitez pas à vous abonner, à liker et à participer en commentaire, voire même à partager le contenu.
12:18Ça m'aide vraiment beaucoup, merci à tous ceux qui le font, c'est vraiment super sympa.
12:23On avait déjà mobilisé le travail d'Erving Goffman et de la mise en scène de la vie quotidienne,
12:27où l'auteur explique que même dans des situations sociales les plus banales,
12:31les humains sont en performance afin de maintenir leur face sociale intacte.
12:36On passe notre temps à jouer un rôle pour nous conformer socialement.
12:39Et désormais, à l'image du documentaire de Squeezie, ça va plus loin.
12:42Dans son livre « The Presentation of Self in Contemporary Social Life »,
12:47David Schulman prolonge les travaux de Goffman dans notre société actuelle.
12:51Il revient sur la notion de stage.
12:53Pour Goffman, un individu peut être on stage, donc sur scène, et off stage, donc en coulisses.
12:59Pour lui, les deux désormais s'entrechoquent.
13:01Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies font que nous sommes quasiment constamment sur scène
13:06en train de performer pour maintenir notre face sociale.
13:08Alors, même quand il nous est donné à voir Squeezie chez lui, loin de Youtube, sous la forme de Lucas Auchard,
13:14en fait, on est encore face à une mise en scène médiatique.
13:17Une mise en scène peut-être plus authentique, mais qui ne représente pas la vérité pour autant.
13:21C'est comme lorsqu'une personne vous dit d'agir de manière naturelle.
13:24En réalité, cette phrase vous demande d'agir plus efficacement
13:27afin d'empêcher un public de discerner que quelque chose ne va pas et de perturber la situation sociale.
13:32Mais c'est encore une performance.
13:34Vous n'êtes jamais vous-même, et encore moins quand une caméra,
13:37même tenue par votre pote ou votre frère, est constamment braquée sur vous.
13:41D'ailleurs, les véritables séquences archives ou off sont assez peu nombreuses,
13:45datent maximum d'il y a 3 ans et ressemblent notamment sur les premières années plus à des making-of qu'autre chose.
13:50A ce titre, je trouve que Merci Internet remplit moins la promesse que celui d'Orelsan
13:55dont la caméra semblait allumée en permanence.
13:57Alors que pourtant, c'est ce qui a été vendu au moment de la promotion de la série.
13:59Ici, on comprend vite que ce ne sont que des bribes de moments de vie,
14:03souvent de vie professionnelle, qui sont très encadrées et mises en scène.
14:06Cette mise en scène va alors servir à imposer un récit.
14:09Et il est là, en fait, le véritable plan de Squeezie.
14:12Parce qu'il existe un point commun entre le GP Explorer,
14:14l'interview face cachée chez Hugo Décrypte et Merci Internet.
14:17Squeezie, oui, mais plus spécifiquement, Unfold.
14:20Cette boîte de production n'est autre que la boîte de production de Lucas.
14:24Et elle démontre qu'il y a, derrière ses contenus, une véritable stratégie.
14:27Et cette stratégie, c'est de réussir à dicter le récit médiatique autour de Squeezie.
14:32Le récit est constitutif de toute société humaine, et encore plus à notre ère médiatique.
14:36L'humain est passionné par les récits,
14:38et dans ma vidéo sur Seb, on avait vu que c'était lié à des raisons même neurologiques.
14:41Ça explique donc la mode du storytelling sur YouTube,
14:44et ça explique également notre manie à accoler une histoire à côté de chaque personnalité publique.
14:49Pour reprendre encore une fois l'exemple d'Orelsan,
14:51c'est un jeune provincial de la classe moyenne fan de rap qui perce grâce à son côté provocateur
14:55et devient un des artistes français les plus influents de la décennie.
14:58Sauf qu'il faut prendre conscience qu'un récit, ça se construit et ça s'entretient.
15:03Par exemple, ce que je dis pour décrire Orelsan
15:05aurait pu être tout à fait différent si la polémique autour du titre Sale P**** avait perduré.
15:09Il aurait alors été ce rappeur misogyne qui glorifie les violences faites aux femmes
15:13et qui a vu sa carrière entachée par cela.
15:15Des films comme A Star Is Born ou plus récemment Dream Scenario
15:18montrent bien que le risque pour une star, c'est de perdre le contrôle de son propre narratif et de son image,
15:24ce qui fait sa valeur en réalité.
15:26Une personnalité va alors construire son histoire au travers de son contenu,
15:29mais aussi des interviews ou des différents portraits qui lui sont consacrés.
15:33C'est pratique parce qu'avec un peu de bonnes relations du côté de la presse et un discours bien rodé,
15:37la célébrité peut rester maître de son récit.
15:39Sauf que la difficulté désormais, c'est que depuis l'avènement des réseaux sociaux,
15:43le récit se co-construit de plus en plus avec le public.
15:46On avait étudié le cas de McFly et Carlito, ou même les Nastuations,
15:49qui ont vu leur image et leur positionnement être remis en question par les discussions en ligne.
15:53McFly et Carlito étaient accusés de surjouer,
15:55les Nastuations étaient accusées de faire semblant d'être comme ses abonnés alors qu'elles étaient super riches et super célèbres,
16:02et ça avait porté atteinte à leur réputation et à leur image.
16:05Même si pour McFly et Carlito, ils sont justement, avec leur reboot,
16:08en train de reprendre le contrôle sur ce récit.
16:11Pour éviter de laisser Twitter dicter le récit qui l'entoure,
16:14Squeezie prend les devants en le racontant lui-même.
16:17Ainsi, sa promotion se cantonne à une interview dans un format qu'il produit,
16:20chez Hugo Décrypte, un de ses meilleurs amis,
16:22qui le laisse complètement dérouler son discours sans contradiction ni relance, même sur des sujets sensibles.
16:28On est obligé de dire aux gens qu'on est très adeptes, on ne peut pas faire genre
16:32« Bonjour Monsieur Travers, ah super, merci, je suis content de faire votre émission. »
16:37D'ailleurs, preuve en est de la volonté de Squeezie de garder la mainmise sur le récit médiatique qui l'entoure,
16:43un super article-portrait dans Le Monde a été publié par Vincent Manilev.
16:48Déjà, il a refusé de répondre à ces questions,
16:50alors que pourtant, on parle quand même d'un journal très populaire,
16:52et le portrait ne lui est pas spécialement défavorable.
16:54Mais encore plus intéressant, tout son entourage a refusé de s'exprimer,
16:58et le peu qui ont accepté de s'exprimer l'ont fait de manière anonyme.
17:01Ça montre bien que, à mon avis, ses proches ont conscience qu'il a absolument envie
17:05de garder le contrôle sur ce qui est dit autour de lui, notamment dans les médias,
17:09et donc préfèrent refuser de s'exprimer à sa place,
17:12et lui-même refuse de s'exprimer dans des médias où il n'a pas le contrôle.
17:16Le documentaire est dans la continuité de cette stratégie.
17:18Ainsi, Cyprien est abordé comme un mentor exceptionnel,
17:22et des éloges lui sont faites en permanence.
17:24Mais aucun mot sur leur prise de distance ensuite,
17:27ni même sur le mini bad buzz qui a pourtant touché Squeezie quand cela a été rendu public.
17:32Pourtant, c'était l'occasion parfaite de développer le sujet,
17:34et un documentaire indépendant aurait forcément abordé la question.
17:37Ici, Lucas a décidé de ne pas en faire un sujet.
17:40Le problème n'existe médiatiquement pas.
17:42C'est ce qui avait en partie été reproché à The Last Dance,
17:46excellente série documentaire qui revenait sur la dernière grande saison des Chicago Bulls
17:49à l'époque de Michael Jordan.
17:51Le programme était très évasif, voire bienveillant,
17:54à l'égard de l'addiction pour les jeux d'argent de la star,
17:56que certains accusent quand même d'être à l'origine de l'assassinat de son père.
18:00Et pour cause, Michael Jordan est producteur du show,
18:03et avait donc évidemment un droit de regard et un droit de cadrage.
18:06Parce qu'il n'est pas question de censurer ou d'éviter complètement certains sujets,
18:10comme c'est le cas pour Cyprien dans Merci Internet.
18:12Mais en produisant le programme,
18:14Squeezie et Michael Jordan s'offrent un espace d'expression médiatique
18:17sans contradiction ou remise en cause de leur narratif.
18:20Cela explique aussi l'implication de certaines célébrités
18:22dans la réalisation de biopics à leur propos,
18:24comme ce fut le cas de Queen sur Bohemian Rhapsody,
18:27Rocketman avec Elton John, ou dernièrement Priscillia.
18:30A l'inverse, on a également vu que des documentaires indépendants
18:34pouvaient poser problème aux personnalités publiques.
18:36La série qui suit l'ascension de Kanye West,
18:38aussi grâce à des images d'archives,
18:40Genius, mais par un réalisateur indépendant,
18:43met en lumière la face problématique et dangereuse du rappeur,
18:47notamment sa schizophrénie et bipolarité.
18:50C'est pour cette raison que Tommy Wiseau,
18:52mystérieux personnage à l'origine de ce qui est considéré
18:54comme un des pires films de tous les temps The Room,
18:56a fait interdire un documentaire de fans à son sujet.
18:59Notamment parce qu'on sait qu'il ment sur son âge, il ment sur ses origines,
19:02son histoire reste encore très floue.
19:04Il y avait donc une volonté de sa part de garder ce récit très flou à sa portée.
19:08La diversification horizontale et verticale de Squeezie,
19:11qui a développé sa propre boîte de production et son agence d'influence,
19:14lui permet une indépendance importante aux yeux de n'importe quelle personnalité publique.
19:19Mais elle lui offre surtout la possibilité de développer un récit
19:23cadré et construit autour de son image publique.
19:26Squeezie, le jeune geek perdu dans sa vie
19:28qui est devenu l'idole des jeunes à force de travail et créativité,
19:31tout en restant ouvert et bienveillant.
19:33Je pense que cette stratégie est la bonne,
19:35et elle permet à Lucas de survoler les différentes polémiques à son égard,
19:38car ce storytelling est déjà fortement ancré dans l'inconscient collectif de beaucoup.
19:41Même si cette stratégie, pour l'instant, se déroule à merveille,
19:45elle n'est pas sans risque non plus.
19:46Car si le récit médiatique de Squeezie est fixé et contrôlé,
19:50il n'en reste pas moins à la merci de l'émergence
19:52d'un contre-discours qui pourrait le détruire.
19:54C'est ce qui s'est passé quand l'autrice Anaïde Djalali,
19:56qui a ghost-writé une partie de l'album Oxys,
19:59s'est exprimée sur Twitter en marge du documentaire
20:02dénonçant les méthodes de travail de Lucas.
20:04Un tweet qui a fait 27 000 likes et plus de 8 millions d'impressions,
20:08démontrant bien l'intérêt du public pour un contre-discours.
20:11Car si Squeezie a toujours surfé sur les vaguelettes autour de son image,
20:14un narratif complètement inverse à celui qu'il a proposé
20:18pourrait bien se retourner contre lui.
20:19Mais d'ici là, force est de constater que son plan se déroule comme prévu.