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La journaliste Nadia Daam publie « La Gosse ». Elle y explore sa relation avec sa fille, qu’elle élève seule, à l’adolescence. Éducation féministe, monoparentalité, représentation de l’amour... ELLE l’a rencontrée.

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Transcription
00:00Un jour, elle m'a dit, j'étais en train de parler,
00:02elle se tourne vers moi et avec vraiment l'air le plus sérieux du monde,
00:05elle me dit, mais t'as toujours eu cette voix en fait ?
00:07Je dis, bah oui, pardon.
00:09Je m'appelle Nadia Dame, je suis journaliste
00:12et je viens de publier un livre qui s'appelle La Gosse aux éditions Grasset.
00:15Je parle évidemment de la relation mère-fille,
00:17je parle de monoparentalité puisque c'est mon cas.
00:20J'élève ma fille seule depuis quelques années déjà,
00:23depuis la disparition, depuis la mort de son père.
00:26Quand on m'a annoncé que j'allais avoir une fille,
00:28mon premier réflexe a été d'être ravie.
00:31Ça me semblait moins compliqué, moins ardu que d'attendre un garçon.
00:34Et en réalité, non, on est perdus comme tout le monde et comme tous les parents.
00:38Il y a quand même un truc flagrant entre les premières années de l'enfant
00:41et les années de l'adolescence.
00:43Ma fille, elle me suivait partout.
00:44Je m'en rappelle très bien que quand j'étais enfermée dans les toilettes,
00:46elle me glissait des petits mots sous la porte en me disant,
00:48maman, reviens, tout ça.
00:50Et qu'on ait donc passé de ça au moment où elle pouvait parfaitement se passer de moi,
00:55voire où elle voulait juste que je ne sois plus dans les parages.
00:57Elle a commencé à s'agacer de plein de petites choses.
01:00Elle ne supportait plus ma voix, par exemple.
01:03Et d'un seul coup, ma voix n'était plus apaisante, elle était horripilante.
01:06Je sais qu'il y a un truc qui l'agace vraiment profondément.
01:09Et en plus, c'est un truc qui m'agacait quand ma mère le faisait,
01:12c'est que je passe mon temps à lui demander ce qu'elle veut manger au repas suivant.
01:16Et ça, ça la rend ouf.
01:17Et moi aussi, ça me rendait ouf quand ma mère le faisait,
01:19mais n'empêche que dès le matin, je lui dis, tu veux manger quoi à midi ?
01:21Non seulement, elle me rappelle que je suis une daronne,
01:23mais surtout, je l'ai entendue il n'y a pas très longtemps
01:25m'appeler non pas ma daronne, mais la daronne.
01:29Et ça, ça m'a rendue ouf.
01:30J'ai eu beaucoup de mal à pleurer les premières années devant ma fille
01:33parce qu'on m'avait dit que ce n'était pas bien de pleurer devant son enfant.
01:38Et puis un jour, j'ai vu un psy qui m'a dit,
01:39mais si, si, bien sûr, vous avez le droit de pleurer devant votre enfant.
01:42Et du jour où on m'a dit ça, je n'ai pas arrêté de pleurer,
01:45parce qu'en plus, je suis une chialeuse, je pleure assez facilement.
01:49Et je pense aussi que m'autoriser moi à pleurer,
01:52ça a d'une certaine manière autorisé ma fille à exprimer ses émotions.
01:55Donc, plutôt que de pleurer chacune dans nos chambres,
01:58on pleure, on pleure dans le salon et devant Top Chef.
02:00C'est compliqué de parler d'amour à ses enfants
02:02et c'est compliqué de parler de ses amours à ses enfants,
02:05surtout quand ce sont des histoires d'amour un peu laides.
02:09Je me suis vraiment demandé quelle représentation de l'amour romantique
02:12j'avais pu donner à ma fille.
02:14Moi, je suis féministe, donc je l'ai vraiment élevée dans cette idée-là
02:17qu'il ne fallait pas se laisser abuser, qu'il ne fallait pas se laisser dominer.
02:20Et donc, il y a le discours et puis il y a ce que moi, je lui ai montré.
02:23Je lui ai montré, peut-être, parce qu'elle m'a vue me préparer,
02:27avoir beaucoup, beaucoup d'attente, beaucoup, beaucoup d'espoir
02:30et puis rentrer un peu triste le lendemain.
02:32Quand on élève une fille, on sait qu'être une fille,
02:35c'est risquer sa peau à chaque moment ou presque.
02:38C'est être potentiellement victime de la brutalité, de la violence masculine.
02:42J'ai fait tout ce que j'ai pu, mais encore une fois, statistiquement,
02:45et c'est horrible à dire, je sais qu'il arrivera malheur à ma fille
02:48parce qu'elle est une fille et que j'y peux rien
02:51et qu'elle non plus, elle n'y pourra rien.
02:53J'ai peur de cette histoire de nid vide.
02:55Ça me travaille beaucoup, elle va avoir 18 ans dans quelques jours.
02:59Alors, ça travaille tous les parents, mais peut-être encore une fois,
03:01de manière plus intense quand on vit seul avec son enfant.
03:03Parce que quand il part, ce n'est pas juste un enfant qui part,
03:06c'est un parent qui reste seul.
03:08Et ça impose, je crois, de penser ou de repenser son rapport à la solitude,
03:15à comment est-ce qu'on occupe ses week-ends
03:18quand on n'a pas un enfant à divertir, à occuper.
03:22Moi, potentiellement, je sais que je vais vraiment très mal finir
03:25quand je vais vivre seule avec moi, mon chat, mon pyjama
03:29et je vais regarder les Kardashians toute la journée.

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