Nadia Daam est maman d'une jeune fille de 18 ans. Elle ouvre les portes de son foyer sans tabou. En livrant le quotidien de sa relation avec sa fille, elle déculpabilise les mères débordées et trouve des pistes pour conserver une belle complicité avec son ado.
#adolescence #sororite #education #feminisme
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00:00 Parce qu'on a tendance à se dire quand on est parent, et à forcer y encore une fois,
00:03 quand on est seul que tout est grave.
00:05 Et prendre un tout petit peu de recul, rire de soi-même aussi c'est pas mal.
00:10 Rire de ses ratés, rire de ses échecs éducatifs, ça remet les choses en place.
00:15 - On vous sait aussi Nadia très féministe, mais là vous reconnaissez que votre féminisme,
00:20 je me permets l'expression, vous vous êtes assise dessus à plusieurs reprises.
00:23 - Je ne suis pas toujours très cachère.
00:25 Mais je trouve que c'est intéressant, et d'ailleurs j'ai des conversations avec des lectrices
00:30 sur le sujet, passionnantes, qui me disent peu ou prou la même chose.
00:33 Qu'elles aussi, elles étaient pleines de certitudes, qu'elles savaient qu'elles allaient élever leurs enfants,
00:39 leurs garçons, mais aussi leurs filles, avec des valeurs féministes,
00:43 sauf que confrontées au réel, évidemment que c'est plus du tout la même chose.
00:46 Et moi ça s'est imposé, j'en parle dans le livre, pour ce qui est des vêtements,
00:52 de l'aspect vestimentaire, de comment une jeune fille doit s'habiller.
00:55 Évidemment qu'avant que ma fille ait 16 ans, j'ai milité pour que les femmes puissent s'habiller absolument comme elles veulent,
01:01 mon corps, mon choix, ça ne faisait absolument aucun doute dans mon esprit.
01:04 Quand elle a commencé à faire certains choix vestimentaires, oui ça m'a dérangée.
01:08 Et ça m'a dérangée que ça me dérange.
01:10 - Si elle mettait un pull pour sortir, un gros pull, vous seriez plus tranquille.
01:14 - Bah ouais, parce que c'est avant tout, c'est ça la question en fait.
01:20 Si c'est une jeune fille qui sort aujourd'hui dans la rue en crop top ou en jupe,
01:24 c'est évidemment pas une question de morale, pour moi le vêtement n'a pas de morale.
01:27 C'est simplement que ça la met davantage en danger,
01:30 c'est que ça la soumet encore plus à ce qu'on appelle le harcèlement de rue,
01:33 encore que, et moi c'est très bien, on peut être harcelé dans la rue avec un survêtement et un pull, etc.
01:40 Mais c'est simplement que moi je me sentais plus tranquille effectivement,
01:44 quand elle se couvrait un peu, et ça me dérange profondément.
01:48 - Un garçon on l'éduque, une jeune fille on lui apprend quoi ?
01:52 - À se protéger, ce qui est quand même pas du tout la même chose.
01:56 Et ça je m'en suis rendue compte en discutant encore une fois avec des amis
02:00 qui élèvent des garçons à peu près du même âge sur des questions très concrètes.
02:05 Je l'évoque également dans le livre sur la question de l'alcool et des drogues par exemple.
02:10 Mes copines qui ont des gamins de 15-16 ans m'ont dit "bah oui, moi effectivement j'ai pris mon garçon
02:16 et je lui ai expliqué qu'il ne fallait pas trop boire ça et qu'il ne fallait pas faire de mélange".
02:19 J'ai dit "ah oui parce que moi c'est pas du tout la nature de la discussion que j'ai eue avec ma fille,
02:23 moi j'ai dû lui expliquer qu'il fallait toujours surveiller son verre,
02:26 j'ai dû lui expliquer très très tôt ce qu'était l'assommission chimique,
02:29 j'ai dû lui expliquer très tôt ce qu'était l'altération du discernement".
02:35 On parlait de gravité tout à l'heure, là on est tout de suite dans quelque chose de grave
02:39 et d'une certaine manière on va priver les jeunes filles pour leur bien et pour les protéger
02:44 de la légèreté à laquelle les garçons ont droit à eux.
02:48 - On n'arrête pas de dire qu'il s'est passé plein de choses depuis #MeToo.
02:51 En réalité, vous avez eu, j'ai eu quasiment la même adolescence que votre fille ?
02:55 - Ouais.
02:56 - Ça n'a pas beaucoup bougé ?
02:57 - Bah j'ai l'impression, en tout cas les fléaux dont je parle n'ont pas disparu,
03:00 le harcèlement de rue n'a pas disparu.
03:02 La seule bonne nouvelle c'est qu'il est davantage nommé et documenté aujourd'hui
03:07 mais ça n'est évidemment pas plus simple ni plus facile d'être une femme
03:11 et d'être une jeune femme dans l'espace public et même dans la vie de manière générale.
03:15 Oui, il y a eu #MeToo, ouais.
03:17 Et ça on peut que s'en féliciter et mesurer le chemin parcouru
03:21 mais au fond rien n'a changé, les statistiques sont les mêmes.
03:25 - Au contraire de ce qu'on a vécu, peut-être c'est la sororité, c'est là que ça change chez nos filles,
03:29 c'est pas un 20 mots, ça existe véritablement.
03:31 - Moi je l'ai découvert avec ma fille ce mot, même si évidemment j'en étais très familière
03:35 de ce mot-là dans les milieux féminins, c'est un mot qu'on brandit et qu'on prononce beaucoup
03:39 et j'ai jamais trop su quoi mettre dedans.
03:42 Et j'en ai eu une bonne illustration de ce qu'est ou de ce que doit être la sororité
03:47 en observant ma fille et ses copines.
03:50 Je parle évidemment pas pour toutes les adolescentes, c'est un échantillon,
03:54 je parle de la vingt-trentaine de jeunes filles qui viennent chez moi de temps en temps
03:58 et je vois qu'elles, elles se sont débarrassées de ce avec quoi nous on s'est construites,
04:02 les femmes des générations d'avant, c'est-à-dire cette idée qu'il n'y a pas de place pour tout le monde,
04:06 qu'il n'y a pas de place pour toutes les femmes, que pour prendre sa place, occuper sa place,
04:10 il faut être validé par un regard masculin et pour être validé par un regard masculin,
04:14 il faut rejeter tout ce qui est suspecté d'être trop féminin.
04:19 Le maquillage, les voix trop aigües, les sujets dits superficiels.
04:23 Moi à quinze-seize ans, je me donnais des airs de loup-bard, je faisais semblant d'être un garçon,
04:27 je faisais semblant d'aimer la bière, je trouvais que les autres filles étaient toutes un peu nulles
04:31 et un peu bêtes. Et bien ça j'ai l'impression que ça a profondément changé.
04:35 Cette idée qu'il y aurait une rivalité naturelle entre les femmes,
04:38 elle a, il me semble en tout cas, disparu au profit de ce qu'on peut appeler une sororité.