L’avis de François Ruffin, député Picardie debout ! de la Somme à l’Assemblée nationale.
Il vient de sortir son livre : « Mal-travail: Le choix des élites », dans lequel il dresse un état des lieux de la souffrance au travail, un mal qu’il tient pour entretenu au profit de quelques grands actionnaires.
Il vient de sortir son livre : « Mal-travail: Le choix des élites », dans lequel il dresse un état des lieux de la souffrance au travail, un mal qu’il tient pour entretenu au profit de quelques grands actionnaires.
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00:00 Les élites veulent le bien des travailleurs.
00:02 Faux.
00:03 Le travail n'a plus de sens.
00:05 Faux.
00:06 Il faut que les travailleurs représentent un tiers des conseils d'administration des entreprises.
00:09 Au moins, oui.
00:10 Aujourd'hui, le travail permet de vivre.
00:12 Non, difficilement pour plein de gens.
00:14 Aujourd'hui, le travail permet de survivre.
00:16 Oui, sans doute.
00:18 Crise du travail veut dire crise démocratique.
00:21 Ça y participe, oui.
00:23 La gauche a abandonné.
00:24 Non, on est là.
00:26 Les françaises et les français aiment leur travail.
00:28 Oui, ils n'aiment pas comment on leur fait faire leur travail.
00:31 La colonne vertébrale de la gauche, c'est le travail.
00:34 Ça doit être la colonne vertébrale de la gauche.
00:37 Oui.
00:38 Il existe un management à la française.
00:40 Oui.
00:41 L'extrême droite peut aider les travailleurs.
00:42 Non.
00:43 La politique de terrain n'existe plus.
00:45 Si.
00:46 Oui.
00:47 Le pouvoir doit être partagé entre travailleurs et patrons.
00:49 Oui.
00:50 Les hommes et les femmes politiques sont éloignés de la réalité.
00:52 Ça dépend, mais ça peut arriver, oui.
00:55 On accorde plus de valeur au travail.
00:57 Faux.
00:58 Transformer le milieu du travail permettra d'affronter la crise écologique.
01:01 Oui.
01:03 Les jeunes ne veulent plus travailler.
01:06 Non.
01:07 Rétablir un dialogue est la clé.
01:09 C'est important, oui.
01:11 C'est une clé.
01:12 Vous avez écrit le livre "Maltravaille".
01:15 C'est un livre dedans où vous écrivez comment les politiques, les chefs d'entreprise,
01:19 et même ceux qui sont censés soigner les médecins comme complices d'un système qui va à l'encontre des travailleurs.
01:25 C'est quoi justement ce système à la française et qui en est à l'origine ?
01:28 En fait, le point de départ du livre, c'est pendant la crise des retraites,
01:33 où me rendant dans les manifestations ou sur les ronds-points,
01:36 j'entends des gens qui me parlent de leur mal de dos,
01:39 que c'est concrètement, mais aussi de leur mal de tête au travail,
01:43 qui me parlent de leur malaise, de leur mal-être au travail.
01:47 Et ça vient presque plus que les deux ans de plus que les 64 ans,
01:52 qui sont un souci évidemment à l'époque.
01:54 Mais donc je ressens ce mal-travail, c'est-à-dire comment les français aiment leur travail,
02:00 peuvent être fiers de leur travail, mais n'aiment pas comment on leur fait faire leur travail.
02:05 Donc c'est le point de départ.
02:07 Et en fait, c'est une dégradation, c'est pas comme si c'était né d'aujourd'hui,
02:11 c'était pas comme si c'était la première fois que je l'entendais,
02:13 même si là ça surgissait, et dans une parole collective,
02:16 où tout le monde venait, presque de concert, dire la même chose.
02:21 Et d'ailleurs c'est venu jusqu'aux oreilles du président de la République,
02:24 puisqu'il avait promis à l'époque un nouveau pacte de la vie au travail,
02:27 dont on voit pas l'ombre.
02:28 Mais c'est pas comme si c'était né d'hier, c'est pas comme si non plus c'était une fatalité.
02:32 Ça a été une volonté.
02:34 Ça a été une volonté des dirigeants économiques et des dirigeants politiques
02:38 d'installer le mal-travail dans notre pays.
02:40 Pourquoi ? Parce qu'il y a eu le choix de considérer le travail,
02:43 non pas comme étant un atout, mais comme étant un coût.
02:47 À partir du moment où c'est un coût, ce coût il faut le diminuer.
02:51 Et donc il faut écraser le coût.
02:54 Mais en écrasant le coût, on écrase aussi le travail et les travailleurs.
02:57 Et c'est ce qui se produit en vérité depuis 40 années, alors par des biais différents.
03:01 Le premier biais, ça va être évidemment sur les salaires,
03:05 parce qu'il faut répéter ça, même si c'est pas là-dessus que porte mon livre,
03:11 c'est que les Français doivent pouvoir vivre de leur travail,
03:13 bien en vivre et pas en survivre.
03:15 Or, on a eu un écrasement des salaires à partir du milieu des années 80.
03:20 Mais c'est les délocalisations qui font qu'on va chercher du mal-travail
03:26 avec des horaires impossibles, avec parfois du travail des enfants, au loin,
03:30 parce que c'est une manière d'écraser les coûts.
03:32 Et je dirais que ce mal-travail au loin, il revient comme un boomerang en France
03:36 par d'autres biais, la sous-traitance, qui est bien souvent de la mal-traitance,
03:40 on le voit dans le ménage, on le voit chez les vigiles,
03:42 on le voit dans un tas de secteurs où les conditions de travail des sous-traitants
03:47 ne sont pas du tout celles des donneurs d'ordre.
03:49 Ça vient aussi avec la question de la précarité, avec la montée,
03:56 la multiplication par 3 du nombre de personnes en CDD ou en intérim,
03:59 avec aujourd'hui, et c'est la nouveauté sous Emmanuel Macron,
04:02 les auto-entrepreneurs, qui se comptent maintenant par millions,
04:05 c'est-à-dire des métiers avec statut et revenu qui se transforment en des bouts de boulot,
04:10 et qui n'assurent plus stabilité et sécurité pour les personnes.
04:14 Et enfin, le dernier point, c'est les cadences.
04:17 Et c'est cette phrase qui revient constamment quand on interroge les gens sur leur travail,
04:22 c'est "on ne respire plus".
04:24 Que ça soit à l'hôpital, avec l'infirmière qui n'a plus le temps de s'asseoir sur le lit
04:30 pour discuter 5 minutes avec une mamie, mais sort de la chambre à reculons
04:35 en essayant de ne pas nouer contact, ça lui fait du mal à cette infirmière
04:39 parce qu'elle sait qu'elle est là pour faire des actes, des piqûres, des prélèvements,
04:42 prendre des températures, ok, mais elle est là aussi pour nouer du lien,
04:46 parce que le soin c'est de l'humain.
04:48 Mais de la même manière, dans la logistique, les charistes peuvent expliquer
04:52 comment depuis qu'il y a le casque avec la commande vocale,
04:55 on est passé de 100 colis dans la journée à 350 colis,
04:58 comment on n'arrête plus, comment on ne respire plus.
05:01 C'est-à-dire que pour moi le travail doit être finalement une espèce de brasse coulée,
05:06 où on fait une tâche, on respire, la respiration c'est quoi ?
05:10 C'est le café qu'on a pris avant, c'est l'échange sur le match de foot de la veille,
05:15 tu as vu comment l'OM a perdu, enfin voilà, c'est ce type de petites choses-là
05:19 qui font de la respiration à l'intérieur du travail.
05:22 Et aujourd'hui on est passé de la brasse coulée, on fait une tâche, on respire,
05:25 on fait une tâche, on respire, à de l'apnée.
05:28 On fait une tâche, on fait une tâche, on fait une tâche, on fait une tâche,
05:30 et en fait ça finit par peser à la fois sur les cœurs et sur les corps
05:34 les corps des gens qui craquent.