Le "8h30 franceinfo" de Dominique de Villepin

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00:00 *Musique*
00:05 Bonjour Dominique de Villepin.
00:06 Bonjour.
00:07 Pour la première fois de son histoire, l'Iran a attaqué directement Israël.
00:10 Des centaines de drones, de missiles lancés dans la nuit de samedi à dimanche contre l'État hébreu.
00:15 Il y a quelques instants, Emmanuel Macron accuse l'Iran d'avoir décidé de frapper Israël,
00:20 provoquant une "rupture profonde", je cite les mots du président de la République.
00:23 Est-ce que c'est un point de bascule dans la situation actuelle au Proche-Orient ?
00:27 La suite nous le dira, mais ça peut l'être parce qu'il y a effectivement une escalade,
00:32 il y a un seuil qui a été franchi dans les objectifs fixés par l'Iran,
00:37 qui est de frapper directement le sol israélien.
00:42 Ça c'est une nouveauté, c'est une rupture donc,
00:45 même si dans l'esprit des Iraniens, et c'est là où le diable est dans les détails,
00:50 il y a sans doute eu la volonté de désamorcer cette escalade.
00:55 C'est-à-dire à la fois de frapper sur le principe, mais en même temps d'éviter tout dégât significatif.
00:59 C'est pour ça qu'ils l'ont un peu annoncé.
01:01 C'est pour ça qu'ils l'ont annoncé, et c'est pour ça sans doute que la frappe n'avait pas la puissance
01:05 qu'elle aurait peut-être pu avoir.
01:07 Mais on voit bien que dans ce jeu, qui est celui de la dissuasion,
01:13 eh bien ça ne fonctionne pas comme ça.
01:15 Parce que dans le fond, c'est aujourd'hui Israël qui a dans la main l'appréciation de cette escalade,
01:21 et donc la décision d'une riposte, sachant qu'on est déjà dans une séquence qui est une séquence longue,
01:29 dont le dernier élément, c'était la frappe par Israël d'un consulat à Damas,
01:35 et la mort d'un certain nombre de gardiens de la Révolution.
01:40 Donc, effectivement, nous sommes aujourd'hui dans une situation nouvelle,
01:44 avec cette étape qui a été franchie par l'Iran,
01:48 et qui peut nous introduire dans un conflit d'un nouveau type.
01:52 Et finalement, est-ce qu'Israël, en frappant le consulat à Damas,
01:56 n'a pas d'une certaine façon poussé l'Iran à sortir de l'ambiguïté ?
02:00 Parce que jusqu'à présent, l'Iran menait une guerre par procuration contre Israël,
02:05 via ses proxys, le Hezbollah notamment.
02:08 Est-ce que c'était ça peut-être l'objectif ?
02:11 Ou en tout cas, c'est ça que révèle cette attaque ?
02:13 Vous avez raison de souligner que la politique traditionnelle de l'Iran,
02:17 c'est une politique fondée sur la prudence,
02:21 fondée sur le déni, fondée sur l'ambiguïté.
02:25 Et dès lors que c'est le territoire iranien qui a été frappé par Israël,
02:29 ne l'oublions pas, une enclave diplomatique consulaire,
02:32 c'est le territoire du pays concerné.
02:35 Il n'y a pas d'extraterritorialité, mais il y a un principe d'inviolabilité des consulats.
02:40 Et donc, l'Iran était obligé de riposter,
02:44 d'abord compte tenu de cette violation du principe,
02:47 mais ensuite, parce que jusqu'à maintenant, vous le soulignez,
02:51 l'Iran a agi à travers ses proxys, par procuration,
02:55 à travers notamment les différents membres de l'acte de la résistance,
02:58 c'est-à-dire les milices irakiennes, les milices syriennes,
03:02 les milices Houthis principalement, ainsi que le Hezbollah.
03:06 Donc là, nous sommes dans une logique aujourd'hui de confrontation directe.
03:10 Donc, effectivement, il y a un élargissement du conflit.
03:14 Et c'est en ça que l'incertitude est particulièrement lourde,
03:18 parce qu'Israël, depuis des années, a l'intention d'empêcher le risque nucléaire iranien
03:27 et donc de saisir les occasions qui pourraient se présenter pour casser ce programme.
03:33 Nous savons tous qu'après la décision prise par Donald Trump de faire dérailler l'accord de 2015,
03:38 nous sommes dans une situation de non-droit où l'Iran progresse vers ce programme nucléaire.
03:44 Aujourd'hui, on le situe comme un pays du seuil. Donc, il y a effectivement un risque.
03:49 Et il y a donc deux préoccupations pour Israël, deux cibles particulières.
03:53 La première, c'est le programme nucléaire iranien.
03:55 La deuxième, c'est le Hezbollah, qui représente une menace pour le territoire israélien.
04:00 Vous parlez de la riposte israélienne.
04:02 Vous pensez que cette attaque peut mener à une attaque contre les sites nucléaires iraniens ?
04:09 C'est à cela que les États-Unis ont répondu quand Joe Biden a adressé le message à Benjamin Netanyahou
04:16 qu'il ne les accompagnerait pas dans une démarche offensive, d'attaque offensive contre l'Iran.
04:22 Il y a bien sûr cette question du programme nucléaire iranien et d'un éventuel bombardement de ces sites.
04:27 Reste la question de savoir si Israël peut le faire seul.
04:30 Et là, il faut introduire un paramètre nouveau depuis le 7 octobre.
04:34 Le premier, c'est un paramètre stratégique.
04:37 Depuis le 7 octobre, l'Israël veut rétablir une dissuasion qui a été rompue par l'attaque du Hamas.
04:47 Et Israël l'a fait dans une logique de surenchère, de vengeance,
04:51 pour marquer l'inviabilité de son territoire et sa volonté du « plus jamais ça ».
04:58 L'État israélien est à refuge, a été violé.
05:01 Donc, une riposte disproportionnée qui a vocation à sidérer toute tentative d'agression du territoire israélien.
05:10 Le deuxième élément, c'est qu'Israël, depuis le 7 octobre, encore plus qu'avant,
05:14 veut affirmer sa volonté d'émancipation vis-à-vis de tout le monde, y compris des États-Unis.
05:20 Il y a une volonté d'indépendance, ce qui est rappelé par un certain nombre d'experts et d'analystes.
05:25 C'est cette grande solitude d'Israël.
05:27 Dans cette solitude, Israël veut d'abord compter sur ses propres forces
05:32 et à partir de là, donc, affirmer cette logique d'action et d'indépendance.
05:38 Sauf que dans la situation actuelle avec l'Iran, les États-Unis ont déjà posé des bornes.
05:43 Les États-Unis, Joe Biden a prévenu, pas de guerre, nous n'interviendrons pas face à l'Iran.
05:48 Alors, vous avez raison, les États-Unis ont prévenu.
05:50 Mais quelle est la crédibilité aujourd'hui de la position américaine ?
05:54 Ne l'oublions pas, à plusieurs reprises depuis le 7 octobre,
05:57 l'Amérique a posé des lignes rouges et Israël a transgressé ces lignes,
06:02 y compris d'ailleurs sur la nature de la riposte après le 7 octobre.
06:05 Les États-Unis ont dit "Nous avons tiré les leçons de l'Afghanistan et de l'Irak,
06:10 nous n'aurions pas dû mener ces interventions militaires, faites preuve de modération".
06:15 Avec un soutien malgré tout affiché.
06:17 Mais c'est ça qui est intéressant dans la position américaine,
06:19 c'est que les États-Unis essayent de conserver les deux bouts dans la même main.
06:24 D'un côté un soutien inconditionnel, de l'autre des pressions pour inciter Israël à la modération.
06:30 Partons de l'idée que dès lors que les États-Unis jouent leur rôle historique de garant,
06:35 Israël sera plus enclin à les écouter.
06:38 Ce n'est pas ce que nous voyons.
06:40 Après le 7 octobre, dans la stratégie vis-à-vis de Gaza, de pilonnage de Gaza,
06:44 les États-Unis n'ont pas été écoutés.
06:47 De la même façon, le 1er avril, lors de la frappe du consulat iranien à Damas,
06:54 les États-Unis n'ont pas été consultés par les Israëls.
06:58 Mais Israël visait des cibles militaires, visait des hauts gradés iraniens,
07:03 impliqués dans des attaques contre son État.
07:05 Ce n'était pas une attaque contre une ambassade, c'était une attaque contre des cibles militaires.
07:09 Mais nous sommes dans une enclave diplomatique.
07:12 Tout Iranien peut être considéré dès lors qu'il est gardien de la Révolution comme un ennemi d'Israël.
07:16 Et alors, on est fondé systématiquement à frapper tout le monde, partout, tout le temps.
07:20 Donc, il faut savoir distinguer selon les situations.
07:23 Et c'est en ça que le principe traditionnel historique de la dissuasion,
07:27 il introduit le paramètre de la proportionnalité et de la mesure,
07:31 c'est-à-dire d'une escalade qui se fait étape par étape.
07:34 Avec Israël aujourd'hui, nous ne sommes pas dans cette logique.
07:37 Israël veut éviter toute mise en cause de ses intérêts, de son territoire, de sa population.
07:43 Donc, elle est amenée à surréagir par rapport à un certain nombre de situations.
07:48 - Monsieur le Premier ministre, Dominique de Villepin,
07:49 on se retrouve dans un instant juste après le Fil info de Clerchez Kagrini.
07:52 Il est 8h40 sur France Info.
07:54 - La France a procédé à des interceptions d'engins iraniens à la demande de la Jordanie.
07:59 Précision ce matin d'Emmanuel Macron sur BFM.
08:02 Pour le président, l'Iran a provoqué une rupture profonde en attaquant l'État hébreu.
08:07 Pour autant, Paris fera tout pour éviter un embrasement de la région.
08:10 Paris qui convoque d'ailleurs aujourd'hui le représentant de la République islamique en France au quai d'Orsay.
08:15 Une ex-star du X, un avocat surnommé Pitbull et un candidat à la présidence américaine.
08:21 Principaux protagonistes du procès de l'affaire Stormy Daniels qui s'ouvre aujourd'hui,
08:25 Donald Trump est le premier ex-locataire de la Maison-Blanche à comparaître au pénal.
08:30 Il aurait voulu acheter le silence de l'ancienne actrice porno avec qui il aurait eut une liaison.
08:36 Les Insoumis ont un meeting dans les cités.
08:38 C'est une information France Info. Réunion prévue dans les quartiers nord de Marseille,
08:41 en Seine-Saint-Denis ou encore dans les banlieues de Toulouse et de Bordeaux.
08:45 Opération pour remobiliser l'électorat d'Elefi pour les européennes alors que la liste de Manon Aubry patine dans les sondages.
08:51 Rendez-vous maintenu au 8 décembre. Notre-Dame roufrira alors ses portes.
08:56 5 ans après avoir été ravagée par un incendie gigantesque.
09:02 France Info.
09:06 Le 8 30 France Info. Agathe Lambret. Jean-Rémi Baudot.
09:11 Dominique de Villepin, ancien Premier ministre.
09:14 Nous parlions d'une éventuelle riposte israélienne à l'attaque iranienne,
09:18 à la riposte à laquelle le monde est suspendu.
09:21 Est-ce qu'Israël serait fondé à riposter ? Est-ce qu'une riposte serait légitime ?
09:26 À partir du moment où son territoire a été visé, elle est fondée effectivement à invoquer la légitime défense.
09:34 La question qui se pose, c'est que nous sommes dans une escalade, c'est-à-dire que nous ne sommes pas à la première étape de cette escalade.
09:41 Et la question, c'est l'objectif. Quel objectif poursuit aujourd'hui Israël ?
09:45 Rétablir la dissuasion. Nous pouvons le comprendre.
09:48 Est-ce qu'aller un cran plus loin en frappant des intérêts iraniens conduit à l'embrasement régional est une question d'appréciation ?
09:57 Quel est l'intérêt aujourd'hui d'Israël ? Est-ce que c'est de risquer l'unité des fronts ?
10:02 Ou est-ce que c'est de marquer des points pour renforcer sa sécurité ?
10:05 Il y a deux grands objectifs pour Israël en termes de sécurité.
10:09 Le premier, c'est la question du programme nucléaire iranien.
10:13 La logique voudrait qu'Israël ne se lance pas dans cette aventure sans un soutien extrêmement fort des Américains.
10:22 Est-ce que matériellement Israël a la possibilité d'agir sans les États-Unis ?
10:26 À la fois un soutien en termes de couverture aérienne et de renseignements,
10:31 et en même temps en termes de moyens parce qu'il s'agit d'utiliser des armes, des bombes antibunker qui sont difficiles à acquérir et rares.
10:40 Est-ce qu'Israël dispose de ces moyens ?
10:43 Est-ce qu'Israël dispose des possibilités de monitorer, de contrôler une opération comme celle-ci seule ?
10:49 Le gouvernement israélien, dans la logique que je viens d'indiquer, de solitude et d'émancipation, peut estimer que c'est maintenant ou jamais.
10:58 Donc ça c'est un risque majeur que prendrait Israël.
11:02 Le deuxième objectif, si Israël considère, et vous avez vu que le cabinet de guerre qui s'est réuni hier est divisé sur le moment, sur les objectifs, sur la façon de procéder,
11:13 il y a un deuxième objectif qui est susceptible peut-être de rallier davantage de suffrages que le premier, risqué, très risqué et dangereux pour la situation régionale.
11:22 C'est l'objectif qui consisterait à frapper le Liban Sud, le Hezbollah,
11:28 compte tenu des moyens dont dispose l'arsenal, dont dispose le Hezbollah, moyens en hommes, moyens en matériel,
11:35 et compte tenu du fait que la cible évidemment du Hezbollah c'est Israël.
11:39 Mais le Hezbollah, le premier objectif du Hezbollah, c'est de protéger le programme nucléaire iranien.
11:47 Donc on voit bien qu'aujourd'hui tout est lié.
11:49 Tout est lié et la question c'est est-ce que Benjamin Netanyahou, à la tête d'un gouvernement qui est un gouvernement précaire, fragile, soutenu par les ultranationalistes,
11:59 peut prendre le risque pour durée de se lancer dans une aventure aux résultats imprévisibles ?
12:06 Est-ce qu'on fait de la politique aujourd'hui en matière internationale dans cette logique d'imprévisibilité, de non-contrôle de la situation ?
12:14 Est-ce que c'est pour cela que toutes les voix, celles de Joe Biden, président des Etats-Unis, celles d'Emmanuel Macron, ce matin encore, invitent à la prudence, invitent à la mesure ?
12:25 Évitons cette logique d'embrasement, sachant, et je crois qu'il faut dire un mot du contexte international dans lequel on est,
12:32 la tentation d'Israël, et c'est normal, c'est de privilégier la scène territoriale, le pourtour israélien, et la scène régionale.
12:41 Mais le monde ne se réduit pas au Moyen-Orient. Et il y a une interaction entre les différentes scènes de crise du monde.
12:49 On voit bien, par exemple, le prix que paye l'Ukraine au développement de ce qui se passe à Gaza et dans la région.
12:56 Il y a donc à prendre en compte cette logique de conflit, d'embrasement régionaux, de fronts successifs.
13:03 La nature ayant horreur du vide, d'autres fronts pourraient s'ouvrir.
13:06 - Dominique de Villepin, ce matin, Emmanuel Macron a expliqué que la France a procédé à des interceptions de projectiles iraniens à la demande de la Jordanie.
13:14 Et hier soir, sur le plateau de France 2, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a précisé qu'il ne s'agissait pas de défendre Israël,
13:24 mais je cite "nous avons pris nos responsabilités comme nous sommes un acteur de la sécurité régionale".
13:30 En gros, il refuse de dire que la France a défendu Israël. Est-ce que la France devait intervenir alors qu'elle n'a pas d'accord militaire avec Israël ?
13:38 - Alors, le président de la République a essayé de faire la synthèse entre ces différentes positions ce matin,
13:43 puisqu'il y a à la fois, comme vous l'indiquez, une dimension d'autoprotection. Je crois que c'est le terme qui avait été encogné hier.
13:49 - Est-ce qu'il n'y a pas une forme d'hypocrisie, à ne pas le dire ?
13:51 - Justement. L'ambiguïté diplomatique, elle est aussi là pour ça.
13:55 Donc, autoprotection, parce que nous avons un certain nombre d'enclaves ou d'emprises militaires dans cette région,
14:01 depuis Djibouti, en Irak, en Jordanie, dans les Émirats Arabes Unis,
14:07 donc qu'avec les Jordaniens, au service des Jordaniens, nous assurions une protection,
14:12 et qu'il finait ce soit Israël qui, en l'occurrence, en est bénéficié, c'est une chose.
14:17 Que la France, dans sa rhétorique diplomatique, dans son discours diplomatique,
14:23 puisse dire que nous sommes intervenus, que nous sommes partie prenante à ceci,
14:27 ça comporterait un inconvénient particulièrement grave.
14:30 Ce serait de nous introduire dans ce cycle et dans ce risque d'engrenage d'action-réaction.
14:36 La France n'a pas à être partie prenante dans cette logique-là,
14:39 puisque notre rôle à nous, si on a exercé une médiation, à exercer une influence,
14:44 c'est de pondérer, c'est de modérer...
14:47 - On deviendrait co-belligérant, d'une certaine manière ?
14:50 - Non, nous n'entrons même pas là-dedans, parce qu'il s'agit plus de, en l'occurrence,
14:54 de perceptions dans la région, nous ne l'oublions pas, depuis maintenant plusieurs années,
14:59 et ça s'est aggravé lors de la visite d'Emmanuel Macron,
15:02 quand il a parlé de coalition, qui aurait pu être la réplique de la coalition anti-Daesh autour d'Israël.
15:07 Ceci, dans la rue Arabe, comme on dit, même si certains veulent croire qu'elle n'existe pas,
15:12 dans les opinions arabes, a été particulièrement mal vécue.
15:15 - Mais aujourd'hui, vous trouvez que la France est dans son rôle ?
15:18 - Il y a une civilisation, dans un certain nombre d'États, contre la France.
15:21 Si la France veut être utile, elle doit être à sa place,
15:24 et à sa place, c'est d'abord avec un objectif de stabilité et de paix.
15:27 - Donc, vous donnez un bon point au président, la France a été dans son rôle en intervenant,
15:31 et le président a la bonne stratégie en ne dévoilant pas toutes les intentions...
15:35 - Mais je pense, en l'occurrence, qu'il ne s'agit pas de ne pas dévoiler,
15:39 il s'agit de dire tout simplement la vérité, et qu'en l'occurrence,
15:42 nous ne sommes pas un acteur dans le cas d'une coalition,
15:45 même si on voit bien que du côté israélien, la tentation,
15:48 c'est à la fois de réanimer l'idée d'une coalition occidentale,
15:53 mais en même temps, d'aller même jusqu'à une coalition arabe.
15:56 - Mais, Dominique de Villepin, juste un mot, pardon.
15:58 Tout à l'heure, vous avez parlé de la solitude d'Israël,
16:01 face à cette attaque iranienne, Israël a été soutenue par les États-Unis,
16:05 le Royaume-Uni, la Jordanie aussi a intercepté des drones, la France,
16:09 on en parlait, donc, paradoxalement, c'est un raid iranien
16:13 qui met fin à l'isolement diplomatique d'Israël ?
16:17 C'est un retournement ou pas ?
16:19 - Il y a deux points qui sont, en quelque sorte,
16:23 dans le bilan israélien positif de cette journée d'hier.
16:27 Le premier, c'est l'efficacité des moyens technologiques dont dispose Israël,
16:31 qui a permis de réduire à néant cette attaque,
16:33 à supposer que cette attaque ait véritablement voulu frapper Israël.
16:38 Donc là, il y a une réussite pour Israël, il y a une efficacité.
16:41 Le deuxième élément, c'est effectivement une solidarité qui s'est exprimée.
16:45 Je crois qu'il faut la nuancer.
16:47 On ne peut pas mettre sur le même plan la Jordanie, l'Arabie saoudite
16:50 et les autres États arabes.
16:52 - Les autres États arabes appellent à l'apaisement.
16:55 - Absolument, et je ne crois pas non plus que leur intérêt soit de rentrer,
16:58 de devenir acteur au service de tel et tel.
17:01 Donc je crois qu'il y a effectivement cela.
17:03 Il n'en reste pas moins que face à l'histoire,
17:07 face à la tragédie qu'a vécue Israël le 7 octobre,
17:11 ce sentiment de solitude existe.
17:14 Et qu'il est encore davantage aiguisé par le fait que c'est un gouvernement faible
17:19 qui est aujourd'hui à la tête d'Israël.
17:21 C'est un gouvernement qui est fragile du fait même de cet équilibre
17:25 entre les ultranationalistes et les autres.
17:28 Donc c'est un gouvernement qui, s'il veut durer,
17:31 doit constamment rechercher de nouvelles cibles
17:34 et doit constamment être dans l'action au service de la sécurité d'Israël.
17:39 Donc il y a aujourd'hui du côté israélien, du côté politique israélien,
17:43 la tentation peut-être de la fuite en avant, en tout cas de l'escalade.
17:48 Alors que, et c'est là où les pays européens comme les États-Unis doivent jouer leur rôle,
17:54 il faut ramener Israël à son devoir aujourd'hui de puissance régionale.
17:59 Et quel est ce devoir ?
18:00 C'est d'abord un devoir humanitaire.
18:02 Il y a une fois à Gaza, il y a une tragédie qui continue de se dérouler.
18:06 Et deuxième devoir, c'est un devoir politique.
18:09 C'est-à-dire que la carte militaire, la stratégie militaire,
18:15 elle est sans fin, elle ne règle jamais rien.
18:18 Nous le savons depuis 25 ans.
18:20 Donc il faut transformer en politique, en objectif politique.
18:23 Aujourd'hui, Israël n'a aucun objectif politique.
18:27 Je vous propose d'y revenir dans un instant.
18:29 On se retrouve juste après le Fil info de Claire Chekaglini.
18:33 Il est 8h51 sur France Info.
18:35 En cas de menace terroriste, la cérémonie d'ouverture des JO se limitera au trocadéro.
18:41 Le plan B dévoilé par Emmanuel Macron sur BFM ce matin.
18:44 On va tout faire pour avoir une trêve olympique, affirme aussi le président.
18:48 Il précise par ailleurs que l'armée française a intercepté des engins iraniens visant Israël.
18:53 Opération menée à la demande de la Jordanie.
18:56 Et puis Washington dément avoir été informé de l'attaque samedi de l'Iran sur Israël.
19:01 Des responsables turcs, jordaniens et irakiens affirment le contraire.
19:05 Une version donnée initialement par Téhéran,
19:08 qui indique avoir prévenu il y a plusieurs jours les autorités américaines.
19:12 Et puis hier, le cabinet de guerre israélien s'est réuni.
19:15 Aucune annonce officielle à son issue, mais selon la République islamique, une réplique a été actée.
19:20 33 000 hospitalisations de patients atteints du Covid cet hiver face à l'épidémie qui perdure.
19:27 Une nouvelle campagne de vaccination débute aujourd'hui.
19:31 Elle s'adresse aux résidents des Ehpad, aux plus de 80 ans et aux patients immunodéprimés.
19:36 Renata va souffler jusqu'à plus de 110 km/h sur les côtes des Hauts-de-France.
19:41 La dépression venue d'Ecosse arrivera à la mi-journée sur la Somme, le Nord et le Pas-de-Calais,
19:46 qui seront en vigilance orange pour vents violents.
19:50 Toujours avec Dominique de Villepin, ancien Premier ministre.
20:00 Vous disiez juste avant le Fininfo qu'Israël n'avait aucun objectif politique.
20:04 Israël en tout cas souhaite récupérer ses otages, toujours 133 retenus dans la bande de Gaza.
20:10 Hier, Israël a annoncé que ses otages étaient dans Rafa, dans cette ville au sud de la bande de Gaza.
20:17 Cette ville où Israël envisage de mener une offensive.
20:21 Est-ce que cette attaque iranienne peut précipiter une offensive dans Rafa en guise de riposte ?
20:27 Les déclarations d'Israël de ce point de vue sont sans ambiguïté.
20:31 Israël à aucun moment ne veut relâcher la pression sur Gaza,
20:35 ni même envisager de remettre en cause sa stratégie sur Rafa.
20:40 Donc il y a bien une volonté d'aller jusqu'au bout.
20:42 Je rappelle que cela fait plus de six mois que cette crise a commencé
20:46 et que les résultats dont on peut discuter, mais ne sont malgré tout manifestement pas à la hauteur des ambitions israéliennes de départ.
20:54 Donc on peut toujours imaginer qu'à la fin, on aura la tête, le scalp de Yaa Yassinouar et de quelques autres.
21:01 Mais le véritable drame, c'est celui d'un peuple palestinien.
21:06 Et rien n'est pire que d'associer l'ensemble du peuple palestinien au Hamas.
21:12 Je crois que cette logique qui vise à essentialiser, à simplifier en quelque sorte les réalités,
21:19 sont dramatiques parce qu'elles poussent toujours à davantage d'escalade et à davantage de guerre.
21:25 Et c'est en cela qu'il faut reconnaître la réalité aujourd'hui du Moyen-Orient.
21:30 Si je prends par exemple la situation dans le golfe de l'Iran, l'Iran est un pays affaibli, divisé,
21:36 où on voit que les gardiens de la révolution prennent l'ascendant très fortement sur le régime des molas,
21:42 avec des difficultés économiques, avec des difficultés avec sa propre population.
21:47 Quel est le meilleur moyen aujourd'hui ?
21:49 Est-ce que la France a la moindre marge de manœuvre pour éviter cette offensive aujourd'hui dans Rafa ?
21:54 La France a peu de prises.
21:57 Mais qui a une prise aujourd'hui sur la décision d'Israël d'engager une épreuve de force à Rafa
22:04 ou de répondre dans une escalade avec l'Iran ? Qui a cette capacité ?
22:09 Israël n'écoute plus personne ?
22:12 Je crois qu'Israël, depuis le début du conflit, poursuit dans sa logique,
22:17 avec à la fois un logiciel politique qui est celui du besoin absolu
22:21 de montrer qu'on sécurise toujours davantage le peuple israélien
22:25 et en même temps de poursuivre son objectif d'eradication du Hamas.
22:28 Quelle est la crédibilité à la fin ?
22:30 Est-ce qu'Israël sera plus en sécurité au terme de cette offensive sur Gaza
22:36 et au terme de frappes supplémentaires sur l'Iran ?
22:40 C'est une véritable question qu'il faut se poser.
22:42 Personnellement, je suis très loin de le penser.
22:45 Je crois que toutes ces politiques de surenchère militaire, à la fin,
22:49 conduisent dans le monde d'aujourd'hui, qui est un monde de guerres mondialisées,
22:53 où toutes les fronts sont susceptibles de s'unir,
22:56 où le risque, c'est de coaliser des forces contre nous
23:00 et en particulier d'obtenir une polarisation du monde
23:05 entre les régimes autoritaires et les régimes démocratiques.
23:07 Je ne crois pas que l'offrande parait.
23:09 La haine d'Israël, par exemple, de l'Iran, ça n'a pas commencé hier.
23:12 C'est depuis 1979.
23:13 Mais vous avez raison.
23:15 Mais aujourd'hui, nous avons franchi quelques étapes en très peu de temps.
23:17 Donc le risque, c'est dans cette intensification, dans cette escalade,
23:22 d'aller à cette polarisation du monde.
23:24 L'Iran, allié des États-Unis, allié de la Russie,
23:29 qui a un accord stratégique avec la Chine
23:31 et avec un certain nombre de groupes dans cette région,
23:34 n'est pas non plus sans moyens, une fois de plus,
23:36 même si l'Iran est affaibli et divisé.
23:38 Donc la question, c'est quel est le meilleur moyen pour obtenir l'objectif qu'on se donne ?
23:44 Et qu'est-ce que doit faire la communauté internationale ?
23:46 Parce que le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté fin mars
23:48 une résolution dans laquelle il exigeait un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
23:52 Même les résolutions de l'ONU n'ont aucun poids dans ce conflit ?
23:56 Les pays européens et les États-Unis,
23:59 dans une forme d'unanimité au moins au début
24:03 et dans un soutien inconditionnel à Israël,
24:05 se sont privés de beaucoup des moyens qui leur auraient permis,
24:08 dans un dialogue avec Israël,
24:10 de pouvoir amener Israël à modifier son positionnement,
24:14 à tout le moins dans une stratégie qui, sur le plan humanitaire,
24:17 ne soit pas aussi dévastatrice que celle qui a été décidée.
24:20 Je pense que toute la position des pays occidentaux
24:23 est affaiblie par la gestion de ce conflit,
24:25 y compris, et au premier chef, la gestion du drame ukrainien.
24:30 Je crois que la crédibilité de nos pays,
24:33 en termes de droit international, de respect du droit international,
24:36 en termes de respect du droit humanitaire
24:38 et en termes de deux poids deux mesures, est fragilisée.
24:41 Ce sont des armes que nous donnons à la Russie et à d'autres pays.
24:45 Est-ce que la France doit reconnaître un État palestinien ?
24:48 Très rapidement, oui.
24:50 Je pense que tout ce qui peut conduire la communauté internationale
24:54 à passer de la logique de conflit et de la logique militaire
24:59 à la logique politique, il faut faire de la politique.
25:02 La politique, c'est ce qui permet de faire la guerre avec d'autres moyens.
25:06 Et c'est en cela qu'il faut faire de la politique.
25:09 Il faut revenir à des logiques de négociation.
25:12 Il faut temporiser.
25:14 Manifestement, on voit bien, même si l'Iran est une puissance révisionniste,
25:17 déstabilisatrice, on voit bien qu'elle ne souhaite pas l'escalade.
25:20 Comment Israël peut renforcer sa sécurité ?
25:23 C'est un vrai débat qu'il faut avoir avec ce pays.
25:25 Dominique de Vipin, merci beaucoup d'avoir été l'invité de 830 France Info,
25:29 ancien Premier ministre, ancien ministre des Affaires étrangères.
25:31 Agathe Lambret, on se retrouve demain pour une nouvelle interview.
25:34 Dans une poignée de minutes, ce sera les informés de Renaud Delis.
25:36 On reviendra évidemment sur l'attaque de l'Iran contre Israël.
25:40 [Musique]

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