Chaque lundi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Philippe Val livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Philippe Val - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/philippe-val-les-signatures-deurope-1
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00:00 - Et comme tous les lundis sur Europe, bonjour Philippe Valle !
00:02 - Bonjour Dimitri, bonjour à tous !
00:04 - Alors Philippe, vous êtes à distance, vous ne savez pas ce que vous ratez,
00:07 mais vous avez choisi de nous parler ce matin de votre amour des journaux.
00:11 - Voilà. Alors, le bureau de Cabu était invisible.
00:15 C'était une vaste planche à dessin qui disparaissait sous une pyramide de journaux.
00:20 Elle partait du sol et engloutissait la table pour faire un tas qui ressemblait au Massif Central.
00:26 Quand je lui demandais s'il n'avait pas vu passer un article sur la pêche aux moules ou sur Martin Luther King,
00:31 il disait "si, si, attends". Un peu comme un homme-grenouille,
00:34 il brassait dans son océan de papier et ressortait triomphant avec l'article recherché.
00:39 - Et c'est avec Cabu, Philippe, qu'est née votre passion pour la presse ?
00:43 - Eh oui, pendant plus de 30 ans, on a parlé des journaux, on a disséqué leurs maquettes,
00:48 étudié leurs chemins de fer, commenté leur caractère, leur grosseur, leur type,
00:52 le papier, le format, la prise en main, la pagination, bref.
00:55 On avait le virus. Et je l'ai gardé et j'écoute toujours avec attention la revue de presse d'Olivier
01:02 qui me donne un avant-goût de ce que je vais découvrir dans les journaux du jour.
01:06 Les gens qui ne lisent pas les journaux ne savent pas de quel plaisir ils se privent.
01:11 - Et alors Philippe, est-ce que vous aimez tous les journaux ?
01:14 - Oui, enfin bon, certains moins que d'autres, mais j'ai envie que tous vivent et que tous s'achètent.
01:20 Je suis effrayé par l'érosion de leurs ventes et rien ne vient remplacer les journaux,
01:26 sinon les aberrations qui circulent dans les réseaux sociaux qui les concurrencent.
01:29 Nos libertés doivent tout au large spectre de la presse qui va de l'humanité à valeurs actuelles
01:35 et la disparition d'un titre est une mauvaise nouvelle pour chacun d'entre nous,
01:40 quelle que soit son opinion politique.
01:41 - Je vous trouve bien indulgent ce matin, Philippe, ça ne vous ressemble pas.
01:45 - Oui, non mais attendez, je n'ai pas fini, il y a quand même un gros problème dans la presse en France.
01:50 C'est le magistère moral que fait régner le quotidien Le Monde sur l'ensemble des médias
01:55 et notamment des médias de service public.
01:57 Le journalisme est une claricature dont le Vatican autoproclamé est Le Monde.
02:04 Chacun s'accorde, bon gré mal gré, à considérer que Le Monde est le journal de référence.
02:11 Or, c'est une imposture, Le Monde ne mérite en aucune façon ce statut de journal de référence
02:17 à moins de considérer qu'être frontalement pro-palestinien, discrètement trotskiste, délicatement woke
02:25 confère à un titre de presse une hauteur morale à laquelle chacun doit se référer.
02:30 - Mais alors, pour résumer, Philippe, vous aimez tous les journaux sauf le journal Le Monde ?
02:34 - Non, pas du tout, je suis un fidèle lecteur du Monde qui compte dans sa rédaction
02:38 des journalistes pour lesquels je nourris sincèrement estime et admiration.
02:43 Je peux lire avec curiosité un journal dont les articles sur Israël relèvent plus des vociférations de Mélenchon
02:50 que d'un reportage d'Albert Londres.
02:52 Mais le passage des duples aînés à la direction de la rédaction a eu sur Le Monde
02:57 l'effet de la myxomatose chez les lapins.
03:00 On peut tout à fait voir Le Monde avec des yeux rouges et souffrir de constipation
03:04 mais alors il faut renoncer à être le journal de référence.
03:08 Le Monde n'est la référence de rien, ni en termes de journalisme, ni en termes de politique, ni en termes de culture.
03:15 Le Parisien, modèle de concision de professionnalisme,
03:18 le Figaro qui a su se moderniser avec succès ces dernières années et qui offre une information de grande qualité,
03:24 les Échos qui collectionnent les plumes talentueuses, Libération, Ouest France, L'Opinion,
03:29 méritent autant que Le Monde le statut de journal de référence.
03:33 Notre monde démocratique crève de cette aristocratie journalistique
03:37 qui dicte ce qu'il faut dire, faire et penser aux autres rédactions.
03:41 L'heure est venue d'une nuit du 4 août qui abolisse ce privilège du monde que plus rien ne justifie.
03:47 - Comme vous y allez fort quand même, je vous ai trouvé indulgent mais pas tant que ça finalement.
03:52 - Oui voilà, et bien entendons-nous bien. Je souhaite au Monde tous les succès du Monde.
03:56 Mais depuis Balzac et les Illusions Perdues, on sait comment se fabriquent les âneries qu'on lit parfois dans les journaux.
04:02 Rappelons-nous ce reportage de Plenel dans Le Monde en 1991,
04:07 accusant Mitterrand d'être financé par les cartels panaméens de la drogue.
04:11 C'était une très très grosse ânerie.
04:14 Eh bien, nous avons tout à gagner à perdre nos illusions.
04:18 Le Monde n'en publie pas moins que les autres.
04:21 - Signature Europe 1, Philippe Vall. Merci beaucoup Philippe.