Antoine Regle (avocat) : "Notre politique pénale fabrique des récidivistes"

  • il y a 5 mois
Avec Antoine Regley, avocat

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00:00 7h47, Sud Radio vous explique. En 2023, sur nos routes, 3402 personnes ont perdu la vie.
00:09 Plus de 230 000 ont été blessées, dont 16 000 gravement.
00:12 Des victimes auxquelles il faut rajouter leur famille.
00:15 Et qui sont parfois doublement victimes. Victimes de la route et victimes d'un système.
00:19 Antoine Reglet, bonjour. - Bonjour monsieur.
00:21 - Et merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio.
00:22 Vous êtes avocat en droit routier, auteur de ce livre "Drames de la route.
00:26 Combat contre l'injustice pour ne pas être victime", deux fois aux éditions Hugo Duc,
00:30 qui vient de sortir cet ouvrage qui donne la parole aux victimes,
00:34 tout en étant aussi un manifeste, d'une certaine manière manifeste pour tenter d'améliorer le sort de ces victimes,
00:39 de leurs familles, pour qu'elles ne soient pas victimes.
00:42 Donc deux fois, et l'un ne va pas sans l'autre, Antoine Reglet,
00:45 puisque les histoires de ces victimes et de leurs familles que vous racontez,
00:49 leurs témoignages aussi qui sont dans ce livre,
00:52 témoignent justement des obstacles, d'une certaine manière,
00:56 et des déceptions auxquels elles sont confrontées ensuite.
00:59 - Oui, ça fait plusieurs années désormais que j'accompagne des victimes de la route
01:02 et j'ai constaté qu'elles étaient oubliées, ignorées, parfois méprisées, voire même trahies.
01:06 Et j'ai donc fait le souhait pour leur donner le courage de se battre,
01:09 pour saluer les efforts qu'elles font pour se relever,
01:13 et bien de raconter d'abord le drame, parce qu'il faut sensibiliser,
01:17 il faut entendre ce que cela représente pour ces familles, pour ces personnes-là,
01:21 et puis après, le courage, la résilience, l'espoir, les victoires.
01:25 Après, on a souhaité dénoncer des injustices,
01:28 l'injustice pour les victimes d'une justice trop lente, d'une justice trop clémente,
01:32 d'assurances qui, en grande majorité, vont les culpabiliser,
01:36 pour les indemniser moins, et puis aussi injustices de lois
01:41 qui sont décevantes, je pense à la loi sur l'homicide routier,
01:44 et d'un pouvoir politique qui, en règle générale, promet beaucoup,
01:47 dès lors qu'il y a des faits divers médiatiques, et qui derrière, agit assez peu.
01:51 - On pense à l'affaire Palma, justement, vous parliez de cet homicide routier
01:55 qui remplace l'homicide involontaire, vous disiez "c'est une coquille vide",
02:00 c'est ce que vous dites, mais c'est un symbole quand même fort, non ?
02:03 pour les victimes et les familles de victimes.
02:05 - Ça peut être les deux, c'est un symbole extrêmement fort,
02:08 c'est dans cela que c'est une coquille, c'est important,
02:11 elle est belle, cette coquille, donc elle est belle pour les victimes,
02:13 c'est important qu'on leur dise "non, il y a des comportements,
02:15 on ne peut pas dire qu'ils sont involontaires,
02:17 donc on va parler d'homicide routier".
02:19 - Très bien, mais derrière, est-ce que ça pense les plaies des victimes,
02:23 et est-ce que ça évite les drames de demain ?
02:25 - Je pense que non, c'est dans cela que je dis qu'elle est vide,
02:28 et je dis qu'on peut aussi aller beaucoup plus loin,
02:30 il faut se saisir de ce dossier, Palma,
02:32 il y avait aussi les policiers de Roubaix, quelques mois après,
02:35 et qu'est-ce qu'on a eu au final ?
02:37 On a eu Elisabeth Borne et Darmanin, qui en juillet nous ont annoncé quoi ?
02:40 des suspensions automatiques, on va perdre 8 points au lieu de 6,
02:43 des broutilles si vous voulez.
02:45 On est, pour moi, dans une affaire avec Palmade,
02:48 où on peut aller jusqu'à une révolution juridique,
02:51 humaine et indemnitaire, et en réalité, là, on fait des réformettes.
02:54 Donc j'appelle le pouvoir, les citoyens,
02:58 à commencer avec ce livre, qui est, vous l'avez dit, un manifeste,
03:01 et le mot est terriblement bien choisi,
03:03 à s'emparer de ce livre, pour aller faire pression sur leurs députés,
03:06 pour qu'on arrête la politique de la communication et des réformettes,
03:10 pour aller à une politique de la considération et la révolution.
03:13 - On va parler de la question des assurances,
03:16 qui ne sont pas épargnées dans votre ouvrage,
03:18 on va parler aussi de la justice, trop lente,
03:21 de la déception qu'on peut avoir en tant que victime vis-à-vis des sanctions.
03:24 J'aimerais qu'on parle aussi de la question de l'accompagnement
03:27 de ces victimes, puisque vous le pointez du doigt aussi dans votre ouvrage,
03:30 ce sont des victimes qui ne sont pas, ou très peu,
03:33 accompagnées finalement dans cette épreuve-là.
03:36 - Oui, l'accompagnement psychologique est inexistant,
03:39 alors bien évidemment il y a les associations,
03:42 les avocats, tous les professionnels,
03:44 mais lorsque vous apprenez que vous allez perdre vos jambes,
03:47 que vous avez perdu votre gamin, que vous êtes à l'hôpital,
03:50 que le médecin ne choisit pas forcément les bons mots,
03:53 ou que le policier qui est venu ne les a pas nécessairement mieux choisis,
03:56 vous n'avez personne. Il n'y a pas de cellule psychologique,
03:59 il n'y a pas de psychologue qui descend du cinquième étage,
04:02 qui est de permanence pour vous soutenir,
04:04 et puis quand vous rentrez chez vous, que vous annoncez aux enfants
04:06 que leur père est mort, c'est le cas de Sophie,
04:08 vous êtes seul devant la mort, vous êtes seul devant la détresse,
04:11 et personne, si vous n'avez pas suffisamment d'argent,
04:14 ne vous paye des séances de psy.
04:16 Moi je souhaite, ça ne coûte pas grand-chose,
04:19 que l'on accompagne, nous, Solidarité Nationale,
04:21 ces familles pendant une année ou deux années,
04:23 en leur payant des séances de psy.
04:25 - Sophie qui est justement l'un des témoignages nombreux
04:28 qu'on retrouve dans votre livre,
04:31 on revient dans un instant, dans un tout petit instant,
04:33 Antoine Reglet pour parler de ce livre "Drames de la route,
04:36 contre l'injustice", on va parler justement des assurances,
04:39 dans un instant, tout de suite.
04:41 - Le Grand Matin Sud Radio, 7h-8h30, Benjamin Gleize.
04:45 - 7h56 sur Sud Radio, on a encore quelques minutes avec vous,
04:49 Maître Antoine Reglet, "Drames de la route,
04:51 combat contre l'injustice", c'est votre ouvrage qui vient de sortir,
04:54 vous défendez notamment les victimes de ces accidents de la route,
04:59 vous pointez du doigt les assurances, très clairement,
05:02 qui font tout finalement, alors pour gagner du temps,
05:05 et qui ne sont pas toujours très honnêtes avec les victimes.
05:08 - Oui, ce n'est pas toutes les assurances,
05:09 c'est certaines assurances, dont on épargnera ici les noms,
05:12 qui ont tendance à culpabiliser les victimes,
05:15 c'est-à-dire de leur dire "vous avez certainement une part
05:17 de responsabilité dans votre accident, 20%, 30%,
05:20 et du coup on va vous retrancher ce pourcentage
05:22 de l'indemnisation à laquelle vous avez le droit".
05:24 Et on le voit énormément pour les motards,
05:26 c'est-à-dire que dès qu'un motard est victime d'un accident,
05:28 direct, on a une expertise en accidentologie sur la vitesse.
05:33 Donc aujourd'hui, la loi Banninter nous permet malgré tout
05:36 de protéger ces victimes en disant "c'est à l'assurance".
05:38 - 1985.
05:39 - 1985.
05:40 De dire aux victimes "c'est à l'assurance de démontrer
05:43 que la victime a commis une faute, et que cette faute
05:45 est en lien direct avec le dommage".
05:49 Le problème c'est que de plus en plus, il est compliqué
05:51 pour les victimes de se défendre si elles sont seules.
05:53 Comment répondre à des conclusions d'avocats adverses
05:55 qui vont dire "vous avez 20% de responsabilité",
05:57 comment elles se défendent ?
05:58 Eh bien, elles ont aussi besoin d'avocats,
06:00 comme beaucoup, comme moi.
06:02 Moi j'ai la double casquette, c'est-à-dire que je défends aussi des auteurs.
06:04 Et ça me permet, c'est un avantage extraordinaire pour les victimes,
06:07 ça me permet quand on les accuse finalement d'avoir commis des fautes,
06:09 moi de démonter ces fautes-là pour qu'elles soient mieux indemnisées.
06:13 Donc oui, il faut que les entreprises d'assurance
06:15 arrêtent de culpabiliser les victimes.
06:17 - Mieux indemnisées, puis les harmoniser, c'est quand même incroyable
06:19 parce qu'on a un barème d'indemnisation préjudice corporelle.
06:23 En gros, on dit finalement "perdre un bras, ça coûte tant",
06:26 "une jambe, c'est tant".
06:28 Et alors ça, ça dépend des régions, c'est pas harmonisé.
06:31 - C'est-à-dire qu'il y a un bras qui coûte plus cher, par exemple,
06:33 dans une région que dans une autre, pour parler cruellement.
06:36 - Est-ce que c'est parce qu'il est plus bronzé qu'un autre, je sais pas.
06:38 Toujours est-il qu'il n'y a pas un barème, il y a des fourchettes,
06:42 c'est une nomenclature d'un TIAC.
06:45 On vient dire "un bras, ça coûte".
06:47 Non, on peut pas parler comme cela en réalité.
06:50 C'est-à-dire que quand vous êtes travailleur manuel,
06:53 votre main, oui, elle coûte plus que celui qui va travailler plus avec sa tête.
06:57 Vous pouvez être pianiste et perdre un petit doigt,
06:59 ça vous ruine votre vie, alors que si vous êtes journaliste,
07:02 ça vous la ruine moins.
07:03 Donc en réalité, oui, il n'y a pas d'harmonie,
07:05 mais en réalité, ce qu'il faut dire, c'est qu'aucune situation
07:08 ne ressemble à une autre.
07:09 Là où vous dites vrai, comme souvent, c'est que
07:13 dans le sud ou dans le nord, vous allez avoir des juges
07:15 qui vont appliquer différentes nomenclatures
07:18 selon le barème de leur cour d'appel.
07:20 Et ça, il faut l'harmoniser.
07:21 Moi, dans le livre, je propose une harmonisation.
07:23 Je propose, quand on dit "vous avez commis telle faute
07:26 qu'on ne puisse pas vous réduire l'indemnisation d'autant",
07:28 je propose pour les homicides routiers
07:31 qu'on ne puisse plus dire à la famille de la victime
07:34 "le papa ou la maman qui est décédée a commis une faute".
07:37 Non, on arrête de culpabiliser les morts, pardon,
07:40 c'est indécent.
07:41 Et pour les victimes qui restent vivantes,
07:43 on ne peut pas, quoi qu'elles aient fait comme fautes,
07:46 leur donner moins de 50% de l'indemnisation.
07:49 - Question, réponse rapide, s'il vous plaît.
07:53 Est-ce qu'on doit criminaliser ou non,
07:55 c'est la question qui se posait.
07:57 Ces accidents de la route.
07:59 Et puis, également, j'aimerais que vous commentiez
08:01 cette phrase que vous avez dans votre ouvrage.
08:04 "Au lieu de recruter des juges, on forme des récidivistes".
08:07 - C'est toute la politique pénale de répression
08:09 qui doit être revue.
08:10 On pense toujours à augmenter les peines de prison.
08:12 En réalité, elles ne sont jamais appliquées.
08:13 Donc, il faut prendre le problème à la racine.
08:14 La racine, c'est tous ceux qui n'ont pas causé d'accident
08:16 et qui conduisent sous stupes ou sous alcool.
08:18 Ces gens-là, même quand ils sont récidivistes,
08:20 ne voient jamais le juge.
08:21 Il y a des alternatives aux poursuites,
08:22 ils ne voient jamais le juge.
08:23 Oui, en fait, quand on fait de la gestion de flux de dossiers,
08:25 quand on veut toujours juger plus de dossiers
08:27 au mépris et des droits de la défense et des droits des victimes,
08:29 on fabrique des gens qui n'ont pas peur de la justice,
08:31 on fabrique donc des récidivistes, oui.
08:33 Donc, repensant à la politique pénale,
08:35 arrêtons ce double discours tendant à dire
08:36 "on veut taper plus",
08:37 c'est l'État qui le dit,
08:38 mais en réalité, qui donne des circulaires
08:40 pour qu'on tape toujours moins.
08:41 - Donc, la question de la criminalisation, pour vous,
08:43 elle n'est pas nécessaire ?
08:44 - La question de la criminalisation, elle s'est posée.
08:45 Elle est très difficile juridiquement en parlant.
08:47 Elle a un intérêt, c'est d'aller devant les cours d'assises.
08:50 Elle a un désavantage, c'est la lenteur qui serait encore plus grande
08:53 puisque dès lors qu'on criminaliserait,
08:54 il y aurait des instructions criminelles
08:56 et elle serait plus longue que les affaires
08:57 que l'on peut avoir actuellement en correctionnelle.
08:59 - Témoignage de victimes, de familles de victimes,
09:02 et puis ce manifeste aussi, je le dis,
09:04 avec un certain nombre de solutions
09:06 pour que les victimes de la route
09:07 ne soient pas doublement victimes.
09:08 Drame de la route, combat contre l'injustice,
09:10 c'est l'ouvrage que vous venez de publier
09:12 aux éditions Hugo Doc, Maître Antoine Reglet.
09:14 Merci d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.
09:16 sur Sud Radio. Bonne journée.

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