Déficit public : et si on taxait les rentes ?
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00:03 Les informés de l'écho, comme tous les samedis à cette heure-ci, une vingtaine de minutes pour décrypter les sujets d'actualité économique et sociaux.
00:10 Avec vous Emmanuel Cuny, bonjour.
00:11 - Bonjour à tous.
00:12 - Nos informés ce matin, Alexandra Roulet, bonjour à vous.
00:15 Membre du cercle des économistes, professeur à l'INSEAD, l'Institut européen d'administration des affaires.
00:20 Ancienne conseillère économique aussi d'Emmanuel Macron à l'Élysée.
00:23 Avec nous également Xavier Rago, bonjour à vous.
00:24 - Bonjour.
00:25 - Président de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.
00:28 Au programme aujourd'hui, Emmanuel Cuny, ce projet du Premier ministre Gabriel Attal,
00:33 taxer les rentes pour récupérer de l'argent face à l'ampleur du déficit public.
00:37 - Exactement. A l'heure des déficits publics redondants et exponentiels,
00:41 le Premier ministre Gabriel Attal a justifié, en fait, mercredi devant l'Assemblée nationale,
00:47 son choix de mettre en place une mission de réflexion autour de la taxation des rentes.
00:52 Alors qu'est-ce que le Premier ministre entend exactement par ces rentes à imposer, vous le disiez,
00:57 pour récupérer de l'argent, on racle les fonds de tiroir.
01:01 Alors c'est toute la question, car finalement, on n'en sait pas plus sur ce que cache ce mot "rente"
01:05 évoqué par le chef du gouvernement.
01:07 Si ce n'est que le Premier ministre s'y engage, il ne s'agit pas de toucher aux citoyennes et aux citoyens.
01:14 - Nous allons travailler, pas pour aller chercher, comme je peux le lire ici ou là,
01:18 le livret A ou l'épargne des Français.
01:20 La vraie différence entre nous et les oppositions dans cet hémicycle,
01:24 c'est que nous ne nous en prendrons jamais aux Français qui travaillent,
01:26 aux fruits de leur épargne, aux Français qui ont travaillé toute leur vie.
01:30 C'est ça la vraie différence entre vous et nous.
01:32 - Voilà donc taxer les rentes des Français, mais quels rentes précisément ?
01:36 La proposition est suffisamment large, en tout cas suffisamment floue,
01:41 pour alimenter tous les fantasmes et créer des remous dans les différentes oppositions parlementaires.
01:46 Quel sens économique donner à ce projet ? C'est ce que nous allons voir.
01:50 - Alexandra Roulet, qu'est-ce qu'une rente d'abord et de quel rente potentiel pourrait-il s'agir en fait ?
01:55 - Alors dans l'absolu, le mot rente est très très large.
01:58 C'est un mot qui est utilisé depuis que la science économique existe, par les physiocrates, etc.
02:02 qui recouvre toutes sortes de situations, la rente foncière, la rente de monopole.
02:06 Là quand même, on voit que le gouvernement, par les déclarations à la fois des députés
02:11 qui sont dans la commission et du Premier ministre, a un peu précisé ce qu'il avait en tête
02:13 par le mot rente dans ce cas précis.
02:16 Donc c'est un peu une autre façon de dire les super profits.
02:18 C'est-à-dire que semblent être visés les profits qu'on peut dire excessifs
02:24 ou qui ont été générés par la crise sanitaire, la crise énergétique, l'inflation, etc.
02:29 s'y rattachent la question aussi des rachats d'actions, des super dividendes, etc.
02:35 Une fois qu'on a dit ça, on n'a pas tellement précisé le propos
02:38 parce que la notion de super profit elle-même est assez difficile à définir.
02:43 Et je pense que c'est en ce sens que la mission, la task force peut avoir du sens.
02:49 C'est que précisément, on a beaucoup entendu parler de ce sujet de taxer,
02:53 on ne sait pas trop quoi, les super profits.
02:55 Et essayer de savoir de quoi on parle, quelle pourrait être concrètement une mesure ?
03:00 Est-ce qu'il y a même une mesure qui serait réaliste ?
03:02 Parce qu'on sait aussi que c'est typiquement des assiettes qui sont extrêmement mobiles.
03:06 Donc pouvoir dessiner les contours de ce que ce genre de mesure pourrait être, ça a un intérêt.
03:12 Quand on entend le Premier ministre dire qu'on ne taxera pas les citoyens,
03:16 ça veut dire que ça ne sera a priori que pour les entreprises ?
03:19 Oui, il a précisé les citoyens qui travaillent et donc le fruit leur épargne.
03:23 Parce qu'effectivement, la rente, ce n'est pas du tout le sens commun, les rentes viagières.
03:29 Vous ne pouvez pas penser à l'assurance chômage quand même ?
03:31 Non, non, non, pas du tout.
03:32 Les rentes, pour un économiste comme a dit Alexandra,
03:35 ce sont des revenus qui sont liés au fait que les marchés ne fonctionnent pas très bien
03:39 parce qu'il y a des situations de monopole ou parce qu'il y a des avantages liés à des événements exceptionnels.
03:44 Et donc les rentes, c'est de l'argent qu'on peut taxer sans réduire la croissance, sans augmenter le chômage.
03:49 C'est un peu le paradis pour un économiste.
03:51 On trouve les rentes, on a de l'argent, on réduit la dette publique
03:53 et en plus on augmente l'efficacité "économique".
03:56 Une fois qu'on a dit ça, effectivement, de quelles rentes on parle ?
03:58 Ce sont des rentes qui sont liées au super profit, liées à la crise énergétique en particulier.
04:04 Cette crise a changé considérablement le prix d'énergie, le prix du transport, le prix du pétrole.
04:11 Et donc il y a certains secteurs, on les voit dans la comptabilité nationale,
04:14 qui ont des profits qui sont un peu plus élevés que ce qu'on a connu depuis 20 ans.
04:19 La question légitime, c'est l'État a mis beaucoup, beaucoup d'argent pour aider les entreprises
04:23 dans la crise Covid, dans la crise sanitaire et dans la crise énergétique.
04:26 Il a rosé l'âge, on peut dire, on le sait maintenant.
04:29 Il est légitime de reprendre un petit peu cet argent aux entreprises qui en ont bénéficié plus qu'auparavant.
04:36 Il y a déjà une taxe sur les énergéticiens qui est mise en place.
04:39 L'idée, ce serait de l'énergie. À quel genre de secteur d'activité on pourrait penser ?
04:43 Je crois que les secteurs d'activité qui sont mentionnés, c'est les autoroutes, c'est les laboratoires.
04:47 Après, je suis un peu en décalage avec ce que dit Xavier.
04:50 Je pense qu'il est légitime de se poser la question de ce que cette taxe pourrait,
04:55 les contours qu'elle pourrait avoir.
04:57 Mais ce qu'on a vu sur la taxe sur les énergéticiens, c'est qu'elle a finalement rapporté très peu.
05:01 Et c'est tout le sujet. Encore une fois, je reviens au fait que les entreprises,
05:04 et notamment les grands groupes qui sont quand même en partie visés par ce genre de mesures,
05:07 sont assez à même de contourner souvent les mesures fiscales.
05:11 Et donc, il faut s'assurer qu'on puisse mettre en place des mesures qui, à la fois juridiquement,
05:15 et qui, de façon réaliste, puissent rapporter.
05:18 Parce que pour moi, on a quand même eu, on a des gains économiques et politiques assez importants
05:23 à avoir une ligne qui consiste à dire "on ne taxe, on n'augmente pas les impôts".
05:27 Et donc, la seule justification qui pourrait être de dévier de cette ligne,
05:31 ça serait vraiment d'avoir une mesure qui réalistiquement rapporterait énormément.
05:35 Emmanuel Cuny, juste une petite question, vous réagirez ensuite, Xavier Arrago.
05:40 Pourquoi ne pas annoncer de but en blanc, carte sur table,
05:44 les secteurs qu'on va viser et Gabriel Attal aurait pu le faire ?
05:46 Pourquoi il reste si flou avec ce mot de rante ?
05:48 Alors, il ne le sait pas déjà lui-même, très probablement, mais si il a des idées précises.
05:52 Mais il fixe le cap et après, il dit "on va discuter".
05:55 D'où la création de cette mission.
05:56 C'est-à-dire que ce n'est pas le Premier ministre qui tranche directement.
05:58 Il va y avoir non pas de débat parlementaire, mais une mission qui va travailler.
06:02 Et puis, c'est quand même un cadre qui a été fixé par le ministère de l'Économie.
06:06 Je cite ce cadre "le projet doit respecter la politique de l'offre
06:10 et rien ne doit nuire à la compétitivité".
06:13 Donc ça, c'est important.
06:14 Après, politiquement, c'est très sensible.
06:16 Parce qu'effectivement, Alexandra Roulet et Xavier Arrago en parlaient.
06:19 Derrière les projets, il y a les grands énergéticiens, les groupes industriels,
06:24 ceux qui ont profité de la crise, notamment les laboratoires pharmaceutiques.
06:27 Et puis, c'est l'abondante épargne des Français.
06:30 Est-ce que si vous avez un petit livret A, par exemple, est-ce que c'est de la rente ?
06:35 Est-ce que si vous êtes retraité, vous êtes rentier ?
06:38 Voilà, tout ça va faire partie du débat.
06:40 C'est peut-être un peu provocateur, mais les pistes sont là.
06:43 A priori, Gabriel Attal semble avoir exclu ces options-là.
06:46 Oui, oui, oui, je pense que, effectivement, pour des raisons liées à la conjoncture,
06:51 la taxation de l'épargne n'est peut-être pas d'actualité.
06:53 Mais quand même, qu'on comprend du recul, le rapport de la Cour des comptes de mars
06:56 nous dit qu'il y a à peu près 30 milliards d'argent donnés aux entreprises
07:01 pour le soutien énergétique qui sont partis un peu dans la nature
07:03 par les producteurs, les négociants et autres.
07:05 30 milliards, c'est beaucoup d'argent.
07:06 Donc c'est vrai que la taxe sur les énergéticiens, cette taxation,
07:11 a été beaucoup moins rentable pour le gouvernement que prévu.
07:15 Mais on peut faire beaucoup mieux.
07:17 J'ai l'impression, quand je vois certains secteurs, et il est vrai,
07:21 parce qu'on voit l'augmentation des défaillances d'entreprises,
07:23 donc il ne faut pas dire que toutes les entreprises ont beaucoup d'argent.
07:25 Non, certains secteurs ont un peu plus d'argent et beaucoup plus de dividendes qu'auparavant.
07:31 Du fait de cet argent public qu'on a mis pour sauver ces entreprises,
07:34 on peut trouver avec un peu d'intelligence fiscale les moyens de reprendre un petit peu d'argent
07:38 sans fragiliser ces entreprises.
07:40 Oui, allez-y.
07:41 C'est là où la mission a du sens.
07:42 C'est dans les détails que doit se loger le débat.
07:49 Quand on dit qu'on peut améliorer la mesure, certes,
07:52 mais sous quelles lignes, ce n'est pas aussi facile que ça.
07:55 De ce point de vue-là, ça demande de l'expertise, de la réflexion,
07:58 pour vraiment comprendre ce qui se passe.
08:01 Vous disiez que l'idée, c'est aussi de mettre en place un dispositif efficace,
08:05 qui est difficile à contourner.
08:07 Comment ça se fait ? Par quoi ça passe, justement, pour essayer d'éviter l'optimisation ?
08:13 De façon générale, pour essayer de contourner le fait que les assiettes fiscales sont très mobiles,
08:20 ça passe par un travail à l'échelle internationale ou à minima européenne,
08:24 souvent sur ce genre de sujet, parce que les profits des grands groupes sont,
08:28 on le sait, extrêmement mobiles.
08:31 C'est surtout à l'échelle internationale qu'on peut travailler,
08:35 et il me semble intéressant de travailler sur la question des recettes.
08:37 - Xavier Rago ?
08:38 - On a un petit peu de marge nationale, quand même.
08:40 On a taxé le secteur bancaire après la crise financière.
08:44 C'est vrai que tout ce qui est fait au niveau international est une bonne nouvelle.
08:48 Il faut le dire, il faut engager beaucoup d'énergie pour trouver une taxation internationale du capital.
08:53 Néanmoins, au niveau français, on peut trouver des assiettes,
08:56 et une fiscalité, on l'a déjà fait dans le passé.
08:58 Je pense qu'il faut un petit peu de volonté.
09:01 Je pense que ce n'est pas un problème économique, c'est un problème politique.
09:03 C'est un problème politique, au fond.
09:04 - On poursuit cette discussion, Alexandra Roulet et Xavier Rago,
09:07 dans un très court instant, avec vous aussi Emmanuel Kuni,
09:09 juste après le Filinfo 9h50. Diane Ferchit.
09:11 - Un suspect interpellé est placé en garde à vue à Grenoble,
09:15 dans l'affaire dite du "violeur à la trottinette".
09:17 Une série d'agressions sexuelles et de viols commis dans la ville
09:20 et sa périphérie par un homme circulant à trottinette.
09:24 Le député renaissance de l'Essonne, Robin Reda,
09:26 dénonce sur France Info une indifférence sauvage à la vie humaine.
09:29 Quatre mineurs et un majeur de 20 ans sont en garde à vue
09:32 après la mort d'un adolescent de 15 ans.
09:34 A Vierich-Atillon, en Essonne, le jeune homme,
09:36 violemment roué de coup à la sortie de son collège,
09:39 a succombé à ses blessures.
09:41 Des températures exceptionnelles ce samedi.
09:43 En France, 20 à 27 degrés dans le nord du pays,
09:45 jusqu'à 30 degrés dans le sud-ouest.
09:47 Des records mensuels vont être battus.
09:49 Une chaleur qui nous arrive d'Afrique du Nord,
09:51 accompagnée de sable du Sahara.
09:53 Et puis à New York, un léger tremblement de terre.
09:56 La nuit dernière, séisme de 4,8, de magnitude,
09:59 suivi d'une réplique.
10:01 Pas de dégâts ni de blessés à déplorer.
10:03 Le tremblement de terre a interrompu
10:05 un conseil de sécurité de l'ONU qui était dédié à Gaza.
10:08 Les autorités appellent toutefois les habitants de New York
10:11 à rester vigilants.
10:13 France Info
10:17 Les informés de l'écho
10:20 Emmanuel Puni, Jules de Guise
10:23 Les informés de l'écho,
10:25 comme tous les samedis à cette heure-ci,
10:27 avec Alexandra Roulet,
10:29 membre du Cercle des économistes,
10:31 Professeur Aline Seade,
10:33 l'Institut européen d'administration des affaires,
10:35 et puis Xavier Arrago, président de l'OFCE,
10:37 l'Observatoire français des conjonctures économiques.
10:39 Nous parlons ce matin, Emmanuel Puni,
10:41 du projet du Premier ministre,
10:43 Gabriel Attal, de taxer
10:45 les rentes en France,
10:47 rentes des Français, les rentes plus globalement.
10:49 Ça reste encore à définir, pour évidemment faire face
10:51 aux déficits publics. Mais qu'est-ce que cette rente précisément ?
10:53 Eh bien l'exécutif est en train justement
10:55 de travailler à cette définition.
10:57 Oui, il y a une commission de quatre députés de la majorité
10:59 qui est à l'oeuvre en ce moment. Ils se sont déjà
11:01 réunis pour plancher sur le sujet.
11:03 Parmi cette commission, il y a notamment
11:05 le vice-président de la commission
11:07 des affaires économiques de l'Assemblée nationale,
11:09 le député Jean-René Cazeneuve. Alors l'équipe
11:11 dont cette mission a été confiée justement par le gouvernement,
11:13 s'est réunie une première fois
11:15 cette semaine, en assurant,
11:17 je cite, que la réflexion ne se limitera pas
11:19 à la seule mise à contribution
11:21 des énergéticiens.
11:23 Alors on pense tout de suite à TotalEnergie.
11:25 Alors Alexandre Raoulet et Xavier Rago
11:27 l'ont évoqué tout à l'heure. Cette "famble tax"
11:29 s'appelle la "crime",
11:31 la contribution sur la rente inframarginale.
11:33 Là c'est de la cuisine
11:35 fiscale un peu compliquée. En assurant
11:37 donc tout simplement que le gouvernement
11:39 espérait en retirer
11:41 3 milliards d'euros. On en a retiré
11:43 l'année dernière que
11:45 300 millions. Donc on voit qu'il y a
11:47 un problème. D'où d'ailleurs cette phrase
11:49 de l'éditorialiste du Figaro
11:51 cette semaine, Guillaume Tabard, qui disait
11:53 "la crime était presque parfaite". Donc voilà.
11:55 On va voir concrètement comment ça se passe.
11:57 Les 4 députés émissionnés vont
11:59 rendre leurs premiers travaux au mois de mai
12:01 et il y aura vraiment une conclusion finale
12:03 normalement, si tout va bien, au mois de juin.
12:05 Xavier Rago, vous le commenciez à le dire tout à l'heure,
12:07 les rentes de situations
12:09 économiques comme cela, c'est un peu
12:11 une cible facile en quelque sorte, dans la mesure où ça fait
12:13 l'unanimité politique notamment ?
12:15 Exactement. C'est un mot un peu
12:17 valise qui
12:19 justifie une taxation. Et il y a des mots
12:21 comme ça qui sont dans les bas publics. On a eu les niches
12:23 fiscales, on a les rentes,
12:25 et donc forcément ça fait un consensus
12:27 à la fois parmi les hommes politiques et les
12:29 femmes politiques et les économistes pour la
12:31 taxation. Là, ce qu'on sait
12:33 c'est que les montants dont on parle,
12:35 là par exemple les 3 milliards qu'on
12:37 a tendus, j'ai cité les 30 milliards
12:39 qui est le montant total mais on ne pourra pas avoir ces 30 milliards,
12:41 c'est des petits montants
12:43 par rapport à l'argent dont on a besoin.
12:45 Donc pourquoi on passe beaucoup d'énergie
12:47 entre nous pour essayer de trouver une taxation
12:49 qui n'augmente pas le chômage, pour le dire
12:51 assez vite, c'est qu'on a besoin
12:53 quasiment de 50 à 70 milliards
12:55 par an. Par an, c'est ça le montant
12:57 dont on a besoin à sortir de ces crises.
12:59 Et là on parle de 3 milliards, de 1 milliard, de 2 milliards,
13:01 donc on va tout faire pour essayer
13:03 de trouver des niches fiscales à juste titre,
13:05 juste, comme les rentes,
13:07 et qui n'augmentent pas le taux de chômage.
13:09 Et c'est vrai que les rentes
13:11 satisfont ces deux contraintes, si on les trouve.
13:13 Mais on aura beaucoup de mal à en trouver au montant
13:15 dont on parle.
13:17 Oui, allez-y. C'est vrai que sur la question des recettes
13:19 fiscales, il y a un élément très important,
13:21 c'est qu'il n'y a pas seulement les dispositifs fiscaux,
13:23 les taux auxquels on décide
13:25 d'imposer les entreprises
13:27 ou les ménages, il y a aussi la conjoncture
13:29 qui joue beaucoup pour déterminer
13:31 le montant des recettes
13:33 fiscales que l'Etat perçoit
13:35 in fine. Donc par exemple, cette question du déficit,
13:37 où dans le fond, il n'y avait pas tellement de faits nouveaux
13:39 sur le fait qu'on avait un sujet de finances publiques,
13:41 le seul fait nouveau, c'est qu'on avait eu
13:43 moins de recettes en 2023 que prévu de l'ordre
13:45 de 20 milliards. C'est ça qui a généré un peu toute la
13:47 séquence finances publiques. Ces recettes moins élevées
13:49 que prévues, c'est en large partie
13:51 du fait que l'activité économique a
13:53 été morose. C'est pour ça que, il y a quand même
13:55 maintenant, le débat s'est un peu concentré sur la
13:57 question de la taxation, mais le fond
13:59 du sujet aussi, et il faut
14:01 toujours garder les deux éléments ensemble,
14:03 c'est de faire en sorte d'avoir la
14:05 meilleure macroéconomie possible, parce que pour
14:07 aller chercher les ordres de grandeur dont Xavier
14:09 Ago parle, le plus important c'est d'avoir
14:11 un fort taux de croissance, c'est d'avoir un taux d'emploi qui augmente.
14:13 Là, avec des petites variations,
14:15 on arrive tout de suite à avoir
14:17 des... Par exemple, en 2021,
14:19 on a eu un très fort rebond économique
14:21 post-Covid, on a eu
14:23 des recettes fiscales qui nous ont surpris
14:25 très agréablement à la hausse, avec des ordres de
14:27 grandeur qui étaient bien supérieurs à ceux dont on parle maintenant.
14:29 Est-ce que ce que vous dites, ça ne passe pas justement
14:31 par bien anticiper les taux de croissance,
14:33 ne pas conditionner de futurs budgets à
14:35 tel ou tel taux, qui seront revus à la baisse plus tard ? Parce qu'on a
14:37 un peu l'impression que c'est l'impasse dans laquelle nous sommes maintenant.
14:39 C'est très difficile de...
14:41 C'est Xavier Hérault qui est prévisionniste, donc il saura
14:43 dire ça mieux que moi.
14:45 Là, quand on parle des révisions de croissance qu'il y a eu,
14:47 on parle de révision de
14:49 0,2, 0,4, c'est en soi,
14:51 c'est difficile de... - Ça ne change pas tant la donne.
14:53 - Mais si, le truc c'est que ça change la donne sur les recettes.
14:55 C'est des petites révisions qui ont des gros impacts
14:57 sur les finances publiques, mais c'est très
14:59 difficile de les anticiper parfaitement.
15:01 - Un point de nuance, c'est que je suis
15:03 tout à fait d'accord, croissance,
15:05 dynamique des assiettes...
15:07 - Dynamique des assiettes, ça fait un peu économique.
15:09 - Voilà, dynamique des assiettes, ça fait un peu cuisine,
15:11 mais c'est notre cuisine.
15:13 On parle de montants qui sont d'une autre ordre de grandeur.
15:15 Ce n'est pas la croissance qui va
15:17 remplir les caisses de l'État. Là, 1% de
15:19 croissance pour le gouvernement de 2024, c'est-à-dire trop élevé,
15:21 on aura moins. Là, on touche dans le dur.
15:23 On touche dans le dur, et je pense
15:25 que c'est ça le message. Il faut trouver des assiettes
15:27 fiscales. Après, le débat politique est
15:29 ouvert. On peut déminer les dépenses,
15:31 augmenter les recettes, mais le débat doit
15:33 se concentrer sur les bonnes ordres de grandeur pour ne pas avoir
15:35 un débat anecdotique. - Et ça pose justement toute la question
15:37 de la politique fiscale plus large au-delà de la question de
15:39 ces rentes du gouvernement. - Ça revient à s'interroger sur
15:41 la bonne fiscalité, en fait, et sur les bons
15:43 éléments d'une vraie et bonne politique
15:45 fiscale, parce que les Français sont
15:47 prêts à accepter un discours dur.
15:49 Peut-être que le gouvernement, politiquement, ne veut pas y aller
15:51 sur ce terrain, mais on se souvient... Alors, pardon,
15:53 je vais revenir vraiment en arrière, mais la Révolution française,
15:55 il y a eu le consentement à l'impôt. On a fait
15:57 en sorte que les citoyennes et les
15:59 citoyens comprennent pourquoi il est
16:01 utile de payer des impôts en France.
16:03 On a beaucoup... Enfin, l'idée,
16:05 c'est beaucoup éludée, mais
16:07 le gouvernement aurait tout intérêt à convaincre
16:09 et à dire aux Français "ben voilà, on vous a donné beaucoup d'argent,
16:11 on a donné beaucoup d'argent, maintenant, on peut
16:13 en retirer". C'est le consentement
16:15 aux efforts, et ça, ça manque peut-être dans le débat
16:17 politique pour les bons éléments, déterminer
16:19 les bons éléments d'une politique fiscale. - Consentement
16:21 souvent terni par un sentiment d'inégalité,
16:23 notamment sur les taux d'imposition des
16:25 personnes aux revenus les plus conséquents, qui
16:27 restent souvent plus faibles.
16:29 - Oui, je pense que la question du consentement à l'impôt,
16:31 elle est absolument cruciale, et c'est pour ça
16:33 que, par exemple, sur la...
16:35 sur l'imposition des ménages,
16:37 on sait que le taux d'imposition
16:39 effectif, tout en haut de la distribution des revenus,
16:41 mais vraiment tout en haut, c'est-à-dire pas dans le 1%,
16:43 dans le 0,01%,
16:45 est très faible du fait de mécanismes
16:47 d'optimisation, c'est-à-dire qu'on a un système d'impôt progressif,
16:49 mais tout en haut, quand il y a évidemment de l'optimisation
16:51 fiscale, on n'arrive pas toujours à imposer
16:53 suffisamment, et ça,
16:55 c'est pas un sujet, là, pour revenir sur
16:57 les ordres de grandeur dont parle Xavier Arrago, ce sujet-là,
16:59 c'est pas un sujet qui résoudra nos finances publiques,
17:01 on n'est pas sur des ordres de grandeur, mais
17:03 c'est important, pour le
17:05 point que mentionnait Emmanuel, c'est-à-dire
17:07 pour le consentement à l'impôt, pour
17:09 notre... ça fait aussi écho
17:11 à ce que disait Xavier précédemment, c'est important
17:13 de créer l'unanimité, c'est d'ailleurs le thème des
17:15 rencontres économiques d'Aix-en-Provence en juillet,
17:17 pour relier les mondes, c'est quelque chose
17:19 dont nous avons absolument besoin
17:21 en ce moment, et donc c'est des
17:23 sujets qui sont du côté des recettes,
17:25 qu'il faut absolument poursuivre, mais
17:27 qui vont au-delà,
17:29 qui sont pas dans le... qui vont au-delà
17:31 du cadre de la taxation. - On doit en terminer,
17:33 Xavier Arrago. - Un mot ? Il faut un moment
17:35 turchilien, il faut une répartition juste des efforts.
17:37 - C'est la morale de l'histoire qu'on retient,
17:39 en tout cas c'est la vôtre, merci beaucoup
17:41 Xavier Arrago, Alexandra Roulet d'avoir
17:43 participé à ces informés de l'écho,
17:45 merci à vous aussi, Emmanuel Cuny.
17:47 [Musique]