Vincent Vantighem, journaliste police-justice à BFMTV, a publié le livre "Les défendre tous", dans lequel il donne la parole aux avocats qui défendent ceux que l'opinion publique honnit
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00:00 Vous avez déjà, vous, défendu un terroriste ?
00:02 Oui, plusieurs, oui.
00:03 Plusieurs personnes en tout cas qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme.
00:07 Bon, ils méritent d'être défendus comme tous les autres.
00:09 Le principe est simple, c'est que tout être humain, tout homme,
00:13 doit être défendu au mieux.
00:15 Pour qu'il y ait réellement une justice, il faut au contraire que
00:19 plus l'acte est terrible, plus la défense doit être importante.
00:22 Fabien Klein notamment, vous l'avez défendu.
00:25 Exactement, oui.
00:27 J'avais même une certaine sympathie pour lui.
00:28 On peut défendre des personnes accusées de choses absolument horribles
00:32 et avoir une empathie, voire même de la sympathie pour certaines personnes,
00:35 pour des clients, même quand ils ont commis le pire.
00:38 Voilà, parce qu'il y a de l'humain, parce qu'on se connaît,
00:41 parce qu'on se parle, parce qu'on se parle de choses intimes.
00:44 Parce que pour plaider, il faut aussi qu'on connaisse son client,
00:46 donc on rentre dans l'intimité et du coup ça crée nécessairement des liens.
00:50 Fabien Klein, on le rappelle, djihadiste français.
00:52 Tout à fait, c'est l'une des voix qui a revendiqué les attentats du Bataclan
00:57 et des terrasses le 13 novembre.
00:59 Donc voilà, c'était l'un des djihadistes français les plus célèbres, on pourrait dire.
01:04 Ça ne vous a pas posé de gêne, j'allais dire ?
01:08 Vous n'avez pas de limite dans les clients que vous acceptez de défendre ?
01:12 Non, non, je n'ai aucune limite, pour être très sincère,
01:15 qu'on soit pédophile, meurtrier, violeur ou autre, peu importe.
01:20 Toute personne a le droit d'être défendue et j'essaye de le faire au mieux, nécessairement.
01:25 Il y a des moments où c'est dur de trouver le moyen de défendre ce genre de personne ?
01:30 Si c'est dur et qu'on a du mal à défendre, il faut ne pas défendre,
01:33 il faut ne pas prendre le dossier.
01:35 C'est-à-dire, s'il y a un problème de conscience, on ne prend pas le dossier, tout simplement.
01:38 Si on estime qu'on n'est pas le meilleur à ce moment-là, on ne prend pas le dossier.
01:41 Si on prend le dossier, c'est pour faire une défense qui soit intégrale.
01:45 Mais j'imagine que vous vous retrouvez quand même face à des familles de victimes, de vos clients ?
01:52 Oui, on n'est pas insensible, bien évidemment, à la douleur des parties civiles.
01:56 On n'est pas insensible quand une femme aux assises raconte le viol qu'elle a subi
02:03 ou quand une famille, pour un être qui a été assassiné, s'exprime.
02:08 Bien évidemment, on n'est pas insensible.
02:09 Pour autant, la défense doit rester focalisée sur son client et que son client.
02:14 Et le travail d'un avocat, c'est donc de toujours trouver, j'allais dire,
02:18 des circonstances atténuantes, des explications aux gestes ?
02:23 C'est d'abord d'essayer de voir si tous les éléments de preuve sont là pour faire condamner une personne.
02:28 C'est-à-dire que même si nous, on peut être convaincu que son client a commis un acte,
02:31 peu importe, nous, on n'est pas là pour savoir s'il est coupable ou pas.
02:35 La question est de savoir si, dans le dossier, il y a tous les éléments pour condamner cet homme.
02:39 Si la justice ensuite acquitte ou relaxe la personne,
02:42 c'est donc qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments pour condamner cet homme.
02:45 Et voilà, il n'y a pas de mauvaise conscience à avoir un acquittement ou une relaxe,
02:48 même si dans son fond intérieur, on peut imaginer que son client peut être coupable.
02:52 Mais le travail, ce n'est pas de nous décider s'il l'est,
02:55 c'est de le défendre et à la justice de se prononcer.
02:57 La culpabilité de votre client, en gros, ne vous importe pas ?
03:02 Moi, je vais vous répondre de manière un petit peu bizarre, mais la vérité ne m'intéresse pas.
03:06 Ce qui m'intéresse, c'est la preuve.
03:08 S'il y a des preuves, il y a des preuves. S'il n'y en a pas, il n'y en a pas.
03:11 Mais ça peut choquer pour quelqu'un qui n'est pas du milieu, que la vérité ne vous importe pas.
03:14 La vérité ne m'intéresse pas.
03:15 Pourtant, c'est la vérité qui importe.
03:17 La vérité judiciaire qui est rendue après par le juge, mais ce n'est pas à moi de la donner.
03:20 Mais moi, quelle que soit la vérité, ce n'est pas à mon intérêt.
03:25 Vincent, justement, ce cas est très intéressant.
03:28 Pour le coup, le chapitre qui vous concerne, qui est le premier chapitre de ce livre,
03:33 parle plutôt d'une erreur judiciaire, d'Abdoul Kader,
03:37 qui a été accusé d'être l'un des pirates du Ponant, qui était ce voilier de croisière attaqué en 2008,
03:42 et qui a été acquitté après quatre ans de détention provisoire.
03:46 Et on va y revenir.
03:47 Mais j'allais dire, c'est le seul innocent de votre livre, Vincent.
03:51 Alors, à bien y réfléchir, oui, sans doute.
03:53 Je pense que les autres ont été condamnés.
03:55 Mais je trouve ça très intéressant, ce que Grégory Saint-Michel vient de dire à l'instant.
03:58 Parce que ce que vous dites, c'est qu'ils soient pédophiles, violeurs, il faut les défendre.
04:04 Et finalement, c'est un peu ce que j'ai essayé, moi aussi, de faire passer comme message dans ce livre.
04:08 C'est qu'il n'y a pas de monstre.
04:09 Il y a des actes monstrueux, peut-être, mais il n'y a pas de monstre.
04:12 Et effectivement, si on se met à ne pas défendre ces personnes-là,
04:17 on bascule dans complètement autre chose, dans une forme d'anarchie,
04:20 dans une forme de revanche, d'œil pour œil, dent pour dent, ce genre de choses.
04:24 Et moi, le but de ce livre, c'est de dire pourquoi il faut défendre ces gens-là,
04:29 mais surtout, comment on les défend ?
04:30 Et quand vous dites, on peut avoir de l'empathie,
04:33 oui, nécessairement, parce qu'on passe des heures et des heures
04:35 quand on est avocat avec ces clients-là,
04:37 et que le but, c'est de faire élever la société en tentant de donner des pistes d'explication.
04:42 Je ne parle pas de justification, mais aussi de faire comprendre.
04:45 Et pour faire comprendre quelque chose, il faut discuter avec l'accusé.
04:49 Et c'est aussi bénéfique, au final, pour les parties civiles qui ont été victimes des actes,
04:53 de comprendre pourquoi il s'est passé un tel drame.