Julien Carette, CEO - Havas Paris
Magali Payen, présidente Imagine 2050
Valérie Zoydo, réalisatrice, fondatrice de l’Assemblée citoyenne des imaginaires
Magali Payen, présidente Imagine 2050
Valérie Zoydo, réalisatrice, fondatrice de l’Assemblée citoyenne des imaginaires
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00:00 Pour explorer ce premier chapitre de la matinée, je l'ai dit tout à l'heure, avant de vouloir transformer ses clients,
00:07 il faut pouvoir déjà se transformer soi-même.
00:10 Et se transformer soi-même, c'est déjà d'adopter des nouveaux récits pour inventer des nouveaux imaginaires.
00:19 C'est la thématique de notre première table ronde, j'invite sur scène et je vous demande de les accueillir chaleureusement.
00:26 Magali Payen, présidente d'Imagine 2005, Valérie Zeudo, réalisatrice et fondatrice de l'Assemblée citoyenne des imaginaires,
00:37 et Julien Carette, qui dirige Avas Paris.
00:41 Je vous équipe tous, Julien.
00:53 Bonjour et merci à tous les trois d'être avec nous ce matin.
00:58 Valérie, en préparant cette table ronde, vous m'avez dit "nous sommes en pleine guerre des imaginaires". Est-ce que vous pouvez développer ?
01:07 Tout à fait, je vois que vous vous êtes trompé de photo. C'est pas grave, je ne sais pas si c'est vrai.
01:15 Je ne sais pas non plus.
01:18 Alors, la guerre des imaginaires, qu'est-ce que c'est ?
01:24 Justement, ce qui serait super, c'est de ne plus utiliser les termes guerriers.
01:37 Effectivement, on est vraiment au cœur d'un carrefour civilisationnel où il y a effectivement des imaginaires qui sont finalement issus d'une pensée linéaire,
01:52 extractrice, prédatrice. Donc, 200 ans de révolution industrielle qui remettent en question 4 milliards d'années de vie sur Terre.
02:01 Et d'autres imaginaires qui sont finalement compatibles avec le vivant, qui sont issus d'une pensée circulaire, donc, voilà, qui est régénérative.
02:13 Et ce sont aussi souvent des imaginaires qui, finalement, sont pacifiants. Voilà, des imaginaires au service de la vie.
02:23 Mais, bon, on peut en parler des heures.
02:29 Oui, voilà, pour commencer, en tout cas, effectivement, on est dans une forme de radicalité de la communication d'un côté, des récits qui se bouleversent.
02:38 Et, effectivement, on voit qu'on a quand même des discours qui sont radicalement différents aujourd'hui.
02:44 Magali, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment Imagine 2050 accompagne les leaders culturels à transformer leurs récits ?
02:54 Oui. Alors, chez Imagine 2050, ce qu'on fait, c'est qu'on cherche à accompagner les leaders culturels et économiques à prendre conscience des grands enjeux de société
03:04 et à transformer leurs récits. Les grands leaders culturels, ce sont les publicitaires, les communicants, les artistes, les éditeurs de jeux vidéo, de médias, les journalistes.
03:15 Ce sont tous ceux qui fabriquent le soft power, qui est considéré comme le quatrième pouvoir aux États-Unis. Pardon, aux États-Unis.
03:22 Et donc, ce qu'on fait chez Imagine 2050, c'est du conseil et de la formation. On a un institut de formation, Calliope, et on mène plusieurs activités.
03:30 Avec Laurent Esposito, qui est dans la salle, qui est directeur d'Imagine 2050, on forme des journalistes sur ces enjeux-là.
03:37 Par exemple, on a formé les journalistes des échos Le Parisien, de l'AFP, de TF1. Et on fait, enfin, beaucoup de choses.
03:47 Donc, je ne vais nommer que les principales. On a également fait de l'accompagnement de scénaristes, avec les scénaristes de Plus belle la vie, pendant plus de 18 mois.
03:55 Et ça, ça a été une expérience absolument incroyable. On a pu les accompagner aussi bien sur les arches narratives que sur le sensitivity reading,
04:04 qu'on appelle aussi lecture sensitive en français. Et donc, là, il s'agissait de les nourrir en anecdotes, d'une part, et d'autre part, de les accompagner sur la manière
04:15 dont ils incarnent les valeurs, les comportements, tous les imaginaires beaucoup plus sous-jacents, implicites.
04:23 Et pour vous donner un exemple, avec Plus belle la vie, à un moment, ils voulaient parler d'une histoire de blackout.
04:29 Et il y avait uniquement des imaginaires de guerre civile qui arrivaient dans la tête de ces scénaristes.
04:37 Et donc, nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a documenté, en fait, des réels blackouts qui ont eu lieu dans le monde.
04:42 Et on a montré en quoi, au contraire, l'humain pouvait être capable du meilleur et de l'entraide.
04:48 Et donc, on les a nourris avec des anecdotes d'entraide qu'ils ont transposées dans le scénario.
04:54 Et pour nous, ça, c'est super important parce que le monde va devenir de plus en plus chaotique.
05:03 On va faire face à de plus en plus de catastrophes, comme il s'en passe tous les étés.
05:08 Et donc, on a besoin, comme nous sommes des êtres de mimétisme, de nous habituer à tendre la main à son voisin.
05:18 Donc ça, c'était le deuxième exemple.
05:21 Troisième exemple, une conférence Imagine 2050, en fait, qui répertorie tout le cadre scientifique à l'intérieur duquel prendre ses décisions
05:32 et à l'intérieur duquel projeter des imaginaires, mais ça, on y reviendra tout à l'heure.
05:37 Et le gros projet qui arrive, c'est un projet qui s'appelle le MOOC Imagine 2050,
05:42 qui est composé d'un tronc commun de 90 minutes, puis de spécialités métiers et thématiques.
05:48 Et ce MOOC, il est super important pour nous pour, justement, réussir à passer à l'échelle,
05:54 à former un maximum de salariés et de citoyens sur cette nécessité, en fait, de changer son processus de rapport au monde
06:03 et bien faire la différence entre les mythes que nous construisons en tant qu'humains et les lois de la nature.
06:10 Je fais une grosse distinction là-dessus parce qu'on a tendance à inverser les choses
06:15 et à penser que c'est plutôt les lois de la nature qu'il faudrait tordre au profit de nos grands mythes.
06:21 Quand je parle de grands mythes, c'est l'économie, le droit, la finance, etc.
06:25 Mais en réalité, tout ça, ce sont comme les règles d'un grand jeu de société, comme l'argent.
06:32 Et oui, l'argent est une grande fiction, c'est la plus réussie d'ailleurs.
06:37 Et on n'arrivera jamais, en fait, à tordre les lois de la nature comme la géobiologie, la physique, la chimie,
06:45 autrement dit, les limites planétaires.
06:48 Donc la sagesse aujourd'hui, qui est aussi une aventure super excitante, c'est de réussir à adapter,
06:54 à réécrire ensemble ces mythes-là dans le respect de ces lois du vivant et des limites planétaires.
07:00 Merci Magali, effectivement, on va pouvoir creuser ces sujets.
07:04 Julien, comment est-ce que ça se passe ? Comment vous observez-vous dans le secteur publicitaire
07:10 l'évolution, l'arrivée de récits de plus en plus engagés ?
07:15 Je vais être l'optimiste de cette matinée de la table ronde.
07:19 Moi, je vois beaucoup de choses formidables se passer.
07:22 C'est vrai que la pub est à la fois peut-être le métier pointé du doigt,
07:26 qui est responsable de cette surconsommation de produits fabriqués très loin et transportés par bateau
07:31 et qu'on achète et qu'on jette. Mais c'est aussi, je crois, et on voit beaucoup de bons exemples,
07:37 un levier positif de transition.
07:41 Et donc, nous, on a beaucoup de clients avec lesquels on bosse sur la façon d'utiliser la communication
07:46 pour faire changer ses comportements. D'ailleurs, on travaille ensemble sur les imaginaires.
07:51 On travaille, à mon avis, d'abord sur un premier sujet qui est de dire il y a un autre avenir qui est possible.
07:55 Et je pense qu'on ne changera pas le pays juste avec des normes et des taxes.
07:59 Je pense qu'il faut raconter aux gens qu'effectivement, rouler en électrique, c'est cool,
08:02 que l'ISR dans la finance, c'est sexiste. Il faut raconter que ces imaginaires,
08:06 ils sont intéressants, projectifs et pas simplement une contrainte.
08:11 On croit beaucoup aussi à l'idée que le changement, il se fait par petits pas.
08:17 Il y a eu un grand soir, mais je pense qu'il suffit d'allumer sa télé pour à peu près avoir compris
08:21 que c'était assez chaotique et les chiffres présentés juste avant nous montrent que c'est très dur.
08:25 Et je ne suis pas sûr que la publicité ait intérêt à remettre des couches là-dessus.
08:29 On avait fait des films il y a une dizaine d'années pour EDF sur l'île de Pâques
08:32 qui racontait les changements de civilisation. Je pense qu'on est moins là que dans un moment
08:36 où on essaie de donner aux gens les moyens d'agir.
08:39 Vous citiez tout à l'heure la campagne de l'ADEME qu'on a faite.
08:43 En plein Black Friday, on a allumé une petite lumière qui dit au moment où vous achetez,
08:50 peut-être que vous pouvez vous interroger sur les bénéfices de l'allocation, du troc,
08:57 de l'échange avec ou de la réparation, plutôt que l'achat.
09:02 On n'est pas du tout contre l'achat, mais on se dit tiens, est-ce qu'on peut allumer un autre imaginaire
09:06 à ce moment-là en faisant le pari de l'intelligence ? Parce que je pense que les Français sont intelligents
09:13 et que si on leur allume d'autres lumières, si on leur dit tiens, il y a d'autres voies possibles,
09:18 peut-être qu'on peut y arriver. Il y a un annonceur français, c'est pas nous qui avons fait cette campagne,
09:23 mais je l'aime beaucoup, Santé Publique France, qui fait des communications sur comment on peut avoir
09:28 une alimentation équilibrée. Plutôt que de vous mettre une assiette avec que des légumes,
09:32 des trucs bio, etc., qui de temps en temps pour les familles, c'est compliqué à préparer, c'est cher,
09:36 et pour les gamins, ce n'est pas toujours très attractif. Il vous montre qu'on peut garder un bout de viande,
09:41 des frites, mais y ajouter des légumes. C'est-à-dire peut-être step by step, on va réussir à changer
09:45 plutôt que de dire c'est le grand soir tout de suite. Donc je crois que la communication a là ce levier
09:50 très puissant de changer les comportements si on donne les moyens d'agir.
09:56 Merci Valérie. Vous parlez de changer le logiciel et c'est ce que vous essayez de faire notamment
10:03 dans des accompagnements, des formations à destination des dirigeants, comme des scénaristes par exemple.
10:09 Expliquez-nous ce changement de logiciel. Comment est-ce que vous procédez ?
10:13 Wow, c'est la question à 1000 euros parce que ça demande beaucoup de patience et beaucoup de remise en question.
10:24 Vous parliez tout à l'heure, pour introduire cette table ronde, de la connaissance de soi.
10:30 C'est vrai que c'est Gandhi, soit le changement que tu veux voir dans le monde.
10:35 C'est-à-dire que finalement ce changement de logiciel, il est effectivement individuel,
10:40 sans tomber dans les travers du développement personnel qui a d'ailleurs été un peu récupéré par le marketing,
10:46 la pub, le capitalisme, le développement de la persona en latin, le masque, donc l'ego.
10:52 Non, il ne s'agit absolument pas de renforcer son ego, bien au contraire, il s'agit plutôt de le dissoudre et de le dépouiller.
10:59 En fait c'est du dépouillement personnel finalement ce à quoi on est invité.
11:03 C'est-à-dire finalement comment on enlève toutes les couches, celles qui nous séparent finalement de peut-être la partie la plus haute,
11:10 la plus sublime de notre être, pour être au service du collectif.
11:15 C'est quoi le meilleur de soi au service de tous ?
11:17 Et en fait c'est une vraie question, parce que finalement quand on parle du changement de logiciel,
11:22 on parle au niveau collectif, on est dépendant aux ressources.
11:28 Qu'est-ce qui nous a rendu dépendants aux ressources à l'échelle collective ?
11:32 Et finalement, qu'est-ce qui nous rend dépendants tout court à l'échelle individuelle ?
11:36 On est plein de dépendances finalement à titre individuel, des dépendances affectives, des dépendances à l'argent,
11:45 des dépendances à la consommation, des dépendances à des modes de vie.
11:48 Et donc c'est intéressant finalement d'aller voir quelles sont nos ondes d'ombre.
11:52 Il ne s'agit pas forcément d'être justement dans de la décroissance tout court,
12:00 mais finalement d'aller visiter des nouvelles abondances.
12:06 C'est quoi finalement mon rapport à l'abondance ?
12:09 Quand on commence l'économie, moi mes premiers cours d'économie en seconde,
12:14 on me disait "l'économie de marché c'est la gestion de la rareté".
12:17 Donc mon logiciel c'était finalement de gérer la rareté, mais quel enfer pour démarrer la vie !
12:23 Pourquoi on ne m'a pas appris à gérer l'abondance ?
12:26 Oui mais laquelle ? Et donc c'est l'abondance finalement de l'amour du vivant, de l'amour du lien, l'art.
12:35 Le logiciel il est dans ce rapport à la vie en fait.
12:40 Et donc c'est un gros travail.
12:43 Et donc comment j'apprends aussi à cultiver ma plénitude,
12:47 plutôt que d'être toujours vide et d'aller toujours plus loin.
12:51 Comment je fais pour finalement passer d'une vie très très pleine, mais qui est en fait vide,
12:57 à un vide, donc à un silence, mais qui en fait va être totalement plein.
13:02 Et ça passe beaucoup par un autre rapport au vivant, un autre rapport au temps,
13:06 un autre rapport à l'autre et un autre rapport à moi-même.
13:09 Bref, pareil, ça fait 20 ans que je travaille là-dessus,
13:12 donc on peut se prendre une RTT, partir en nature et travailler ensemble.
13:17 C'est très philosophique.
13:19 Mais c'est hyper phil... et spirituel.
13:21 Laïque, mais spirituel, ce sont vraiment des questions autour du sens de la vie,
13:27 du sens de ma vie, du sens de notre vie et de notre existence.
13:32 Mais on est en plein dedans en fait.
13:35 Parce que, en gros, c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité
13:39 qu'on est au carrefour de cette question.
13:42 Il y a d'un côté l'humanité qui pense à sa propre fin, à sa propre mort,
13:47 si on continue comme... Enfin voilà, le rapport du Giec,
13:50 en 2100, si on n'a pas bougé, ça risque de sentir très très mauvais.
13:54 Et de l'autre, j'entendais l'introduction sur l'intelligence artificielle,
13:58 à la Silicon Valley, on se pose la question quand même de l'homme augmenté.
14:04 - Et de la fin de la mort.
14:06 - Et de la fin de la mort et de l'immortalité.
14:08 C'est quand même dingue cette schizophrénie, ce côté hyper bipolaire.
14:12 C'est-à-dire que d'un côté, on nous dit, dans le récit collectif,
14:15 on va peut-être mourir, et de l'autre, on nous dit,
14:18 non, vous inquiétez pas, on va être immortel.
14:20 Mais donc, waouh, dans tous les cas, c'est hyper intéressant,
14:26 parce qu'on se dit, OK, on va se poser des questions sur notre mort
14:30 et donc sur le sens de la vie.
14:33 Donc c'est intéressant.
14:36 Le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas.
14:42 - Voilà, vous avez 4 heures.
14:45 Magali, comment est-ce que vous prônez, vous aimez dire que vous mettez en avant
14:51 des récits qui prônent l'être plutôt que le paraître,
14:53 une société du lien plutôt que des biens ?
14:57 Expliquez-nous cette approche.
15:00 - Avant d'avoir envie d'embrasser cette approche,
15:04 souvent, il faut quand même passer par un diagnostic partagé de la situation.
15:10 Et en fait, c'est ce qu'essayent de faire les scientifiques depuis au moins 50 ans.
15:14 Mais en fait, ces scientifiques ont l'impression de crier dans le désert.
15:18 Et donc, il y en a certains qui se tournent vers la désobéissance civile
15:20 tellement ils sont désespérés.
15:22 Quand je parle de diagnostic partagé, il ne s'agit pas que chaque citoyen maîtrise
15:27 ce qui est en train de se passer en termes de dérèglement climatique,
15:30 d'effondrement de la biodiversité,
15:32 et ce qui se passe sur les 9 autres limites planétaires,
15:34 c'est pas ça du tout.
15:36 Aucun scientifique lui-même n'a cette omniscience, j'ai envie de dire.
15:42 Mais l'enjeu, c'est vraiment de comprendre la gravité et l'urgence de la situation.
15:48 Ce que les scientifiques nous invitent à faire,
15:50 c'est vraiment de changer rapidement et en profondeur nos modes de vie,
15:54 notre manière de faire société.
15:56 Donc ça, je pense que c'est déjà la première chose à comprendre
16:00 et ça demande beaucoup de courage, ça demande de la lucidité.
16:05 Et c'est le point de départ pour le reste.
16:08 Donc ça peut effectivement générer de la peur et il y a un enjeu
16:12 à réguler cette peur pour qu'elle soit suffisante pour nous permettre
16:16 de réagir à la situation, mais qu'elle ne se transforme pas en panique.
16:22 Parce que dès le moment où elle se transforme en panique,
16:26 elle peut nous empêcher de réfléchir et nous rendre manipulables.
16:29 Donc c'est vraiment un juste équilibre à trouver.
16:32 L'enjeu, c'est juste derrière de passer à l'action.
16:35 Passer à l'action, mais pour quoi faire ?
16:38 On parle beaucoup de nouveaux récits ces dernières années,
16:42 mais il manque de chair.
16:44 On ne sait pas à quoi ça ressemble en fait,
16:46 cette nouvelle société dont on nous parle tant.
16:48 Donc chez Imagine 2050, on a essayé de faire ce travail,
16:51 justement d'incarner ces nouveaux récits.
16:54 Et grâce à l'ADEME, on a pu faire un travail phénoménal
16:57 de synthèse de 15 scénarios prospectifs issus de 10 rapports
17:00 pour regarder les points de convergence et les points de divergence
17:03 entre ce que disaient les scientifiques.
17:06 Et donc il y a trois grands scénarios qui se sont dégagés de cette étude.
17:10 Le scénario business as usual,
17:12 le scénario la technologie va nous sauver,
17:15 qui est quand même un scénario qui est en train de prendre le pas sur les autres,
17:19 et le scénario de la sobriété, autrement appelé les nouvelles abondances.
17:24 Sans surprise, le seul qui fasse consensus scientifique,
17:29 c'est le troisième, c'est celui de la sobriété.
17:32 Ça veut pas dire qu'il n'y a pas de technologie là-dedans,
17:35 attention, entendons-nous bien,
17:37 mais ça veut dire qu'elles sont utilisées à bon escient.
17:40 Et donc à partir du moment où on a posé ce constat,
17:44 qui est aussi quelque part le constat que pose la théorie du donut de Kay Travers,
17:48 qui connaît la théorie du donut dans la salle ?
17:51 Qui ne connaît pas la théorie du donut ?
17:54 Ok, vous imaginez un beau donut, un beignet.
18:00 À l'extérieur du donut, ça représente les neuf limites planétaires.
18:05 Il y en a six aujourd'hui qui ont été dépassées sur les neuf,
18:08 sachant que les trois autres, on n'arrive pas forcément bien à les mesurer,
18:11 donc elles ont peut-être aussi été dépassées pour certaines.
18:14 Il y a les neuf limites planétaires,
18:16 climat, effondrement de la biodiversité, acidification des océans,
18:21 pollution, les cycles de l'eau, etc.
18:24 Et à l'intérieur du donut, c'est le plancher social nécessaire pour vivre dignement.
18:29 Et donc l'enjeu, l'invitation, c'est de vivre à l'intérieur de ce donut.
18:33 Donc d'inventer une société qui respecte à la fois ces lois du vivant
18:38 et qui respecte la dignité de chacun.
18:42 Et ce qu'on va essayer de faire avec Imagine 2050,
18:45 c'est d'accompagner les décideurs, les leaders culturels,
18:48 à se projeter à l'intérieur de ce donut,
18:51 à montrer de différentes manières à quoi ce monde pourrait ressembler
18:55 dans le meilleur des cas.
18:57 Et pour ça, on a besoin d'une pluralité, d'une biodiversité de récits et d'incarnants.
19:04 C'est grâce à différentes singularités qu'on arrivera à toucher plusieurs publics.
19:08 Donc, à Vaspari, par exemple, pour faire un lien très évident.
19:14 Julien, vous avez dit que, effectivement,
19:19 construire ces nouveaux récits, c'était les rendre plus sexy, plus cool.
19:23 Et pour vous, c'est important aussi d'avoir des rôles modèles.
19:26 Expliquez-nous.
19:28 Oui, parce que quand on réfléchit à ce qui fait changer les gens,
19:31 nous, on est un peu au centre de ce que vous dites,
19:33 c'est-à-dire il y a des pressions sociales, il y a un monde qui change,
19:35 et puis il y a des intérêts économiques des entreprises.
19:37 Donc on essaie de trouver du consensus là-dedans pour faire bouger les gens.
19:41 Et une des façons de bouger, c'est d'avoir des rôles modèles,
19:44 c'est-à-dire des gens qui courent devant et qui embarquent toute une catégorie.
19:48 C'est beaucoup ce qu'on fait dans les métiers de l'influence,
19:50 des relations presse et publique, c'est comment une dirigeante comme Estelle Brachianoff,
19:55 quand elle raconte le Scope 3 et les enjeux que ça représente
19:59 pour une grande entreprise qui fait de l'eau, des déchets, etc.,
20:03 elle peut courir devant et puis derrière embarquer toute une catégorie.
20:06 On parlait de Maïf ou du crédit mutuel quand ils inventent le dividende sociétal,
20:10 cette idée qu'on va donner une partie des résultats pour faire des investissements durables
20:15 ou des oeuvres de grande cause.
20:17 Ils installent l'idée qu'un autre modèle est possible et ils font bouger les lignes.
20:21 Donc nous on pense que les rôles modèles,
20:24 que ce soit des entreprises, des dirigeants, parfois des hommes et des femmes politiques,
20:28 des associations, peuvent permettre de faire bouger les lignes
20:31 parce qu'on a besoin de se projeter sur ces rôles modèles.
20:34 Et puis l'autre chose qu'on fait beaucoup,
20:36 je suis toujours dans cette idée du pari de l'intelligence,
20:39 c'est que les gens, on peut leur donner des contenus
20:42 pour qu'ils puissent faire des choix éclairés.
20:45 Je pense que quand vous êtes Carrefour et que vous nourrissez 20 millions de personnes tous les jours,
20:49 vous avez une petite idée sur le bio, l'agriculture raisonnée, le pouvoir d'achat,
20:53 les choix que peuvent faire les gens.
20:55 Quand vous êtes EDF et que vous avez recruté 10 000 ingénieurs tous les ans depuis 60 ans,
21:00 vous avez une idée de la façon de résoudre des équations énergétiques pour le monde,
21:04 au moins autant que 2-3 assos qui bossent depuis 3 ans sur le sujet.
21:08 Donc les grandes marques, elles ont un job à faire
21:11 qui est de mettre en société des informations sur les enjeux, les enjeux industriels,
21:17 et puis de donner les moyens aux gens à partir de ces informations,
21:21 de faire des choix éclairés, parce que les gens quand ils font un choix,
21:25 évidemment ils sont mus par des éléments psychologiques, de projections, etc.
21:29 Et puis ils vont chercher de l'information pour pouvoir étayer leurs arbitrages.
21:34 Donc les marques, elles peuvent faire ce pari de mettre en société des éléments
21:38 qui permettent de faire des choix éclairés.
21:41 Donc on croit beaucoup au rôle modèle et au contenu pour aider les gens à faire les bons choix.
21:47 Valérie, il y a un point qui est important selon vous,
21:52 c'est d'aligner à la fois le cœur avec l'esprit et le corps,
21:57 d'avoir en fait un alignement, d'être centré pour pouvoir embrasser ces sujets.
22:02 Si on n'est pas convaincu par les émotions, selon vous c'est plus difficile d'y aller ?
22:09 Je vais passer pour la perché de la table ronde.
22:13 Pas du tout.
22:14 Mais c'est ok, je veux bien jouer ce rôle.
22:17 Effectivement, déjà le constat c'est qu'en vrai en France, on ne va pas se mentir,
22:23 on est quand même beaucoup dans le mental.
22:26 Et moi la première. Et d'ailleurs tout le storytelling de tous ces enjeux,
22:32 au début sont passés par beaucoup de données chiffrées, le GIEC,
22:36 enfin voilà, beaucoup d'explications rationnelles.
22:38 Ce qui est très bien parce qu'on avait besoin des lanceurs d'alerte, des scientifiques.
22:43 Mais comme tu le disais, finalement le problème c'est que toutes ces données
22:47 venaient parler un peu à notre cerveau, le cortex de la survie, la peur.
22:54 Et donc le truc, qui est aussi de l'émotionnel, mais comment on peut finalement
23:01 faire que ces sujets-là nous parlent au cœur, et aussi peut-être soit de temps en temps
23:08 un peu associés à la joie.
23:10 Et du coup, pour moi c'est vrai que c'est important que ça soit finalement
23:14 l'entièreté de notre être qui ressente un appel, et qu'on ne tombe pas dans le travers
23:19 en termes de communication de "bon ok je le fais, il faut que Yaka,
23:23 c'est une recette de cuisine", mais en fait que ça soit pas un vrai appel global.
23:29 Et du coup c'est pour ça qu'à l'Assemblée citoyenne des imagineurs,
23:32 on a vraiment travaillé là-dessus, c'est-à-dire finalement on est allé demander aux citoyens.
23:38 On a fait appel à toutes les intelligences, c'est-à-dire qu'en gros,
23:44 quelle est premièrement votre compréhension des enjeux actuels,
23:48 mais ensuite, qu'est-ce qui vous met en joie, quelles sont les émotions
23:51 qui vous mettent en mouvement, dans quel héros vous aimeriez vous projeter,
23:58 quelle valeur, quel être au monde ?
24:01 Et tout ça, effectivement, ça appelle à des vertus de l'intelligence du cœur,
24:08 le courage, l'intuition, l'empathie, dont nous sommes tous dotés,
24:14 mais qui ne sont pas forcément enseignées à l'école.
24:17 Le cœur c'est un muscle en fait, donc comment on muscle finalement cet organe
24:23 qui est d'une puissance hallucinante ?
24:26 Je vous invite à vous intéresser aux travaux de Laurence Delabaume
24:30 qui a écrit un bouquin qui s'appelle "La contagion du cœur"
24:35 et c'est fou, le pouvoir du cœur qui peut même aller nous faire avoir des super pouvoirs
24:46 de télépathie, donc voilà, effectivement, travaillons cette entièreté.
24:54 Magali, un petit mot de la fin, comme je vois que nous arrivons au terme de cette table ronde.
25:01 Il me reste 8 secondes, je vais déborder de quelques secondes.
25:06 Non, moi, mon invitation c'est vraiment celle de l'action collective,
25:11 c'est-à-dire que j'ai lancé de nombreuses mobilisations citoyennes
25:16 et en fait j'en ai tiré cet apprentissage central
25:19 qu'il n'y a rien de mieux que l'action collective pour trouver les meilleures solutions,
25:24 mettre en place des processus démocratiques, délibératifs, testés,
25:28 et le faire de manière joyeuse et ludique, c'est-à-dire qu'en le faisant à plusieurs,
25:32 c'est beaucoup plus enthousiasmant, ça donne énormément de courage,
25:35 ça crée des nouvelles normes, c'est-à-dire que là peut-être que vous vous sentez tout seul
25:38 dans vos réflexions, mais en passant à l'action, vous vous rendrez compte
25:42 qu'en fait vous avez une majorité d'alliés dans la salle,
25:44 et surtout à la fin de l'histoire, c'est le fait d'être passé à l'action
25:48 à ce moment précis de l'histoire, de tous les enjeux cruciaux auxquels on fait face,
25:53 qui fera que vous pourrez vous sentir fier et vous pourrez vous sentir digne.
25:57 - Julien, le mot de la fin, c'est pour vous.
26:00 - Mais j'ai plus de temps, j'ai dépassé le temps.
26:02 - C'est pour ça, le dernier mot.
26:04 - Non mais j'ai envie de dire soyons optimistes, d'abord parce qu'il y a quelques chiffres
26:08 qui peuvent nous rendre optimistes, on voit qu'on est capable de conjuguer
26:11 de la croissance et de la baisse de gaz à effet de serre,
26:14 donc peut-être qu'il y a une voie possible, et quand j'allume la télé
26:17 et que je vois qu'on se bâche tous les jours, alors que la France est plutôt
26:20 un des pays qui fait beaucoup d'efforts, qui est plutôt relativement en avance,
26:24 croyons en notre chance, c'est possible de bouger les choses,
26:27 et c'est possible d'avoir un imaginaire stimulant, positif pour changer les choses,
26:30 donc je fais ce pari-là.
26:32 - Merci beaucoup à tous les trois.
26:34 [Applaudissements]