L'interview d'Amélie Nothomb spécial santé mentale
Son roman paru l’été dernier, «Psychopompe», est sans doute l’un des plus personnels qu’elle ait écrits. Celui où elle revient sur le viol dont elle a été victime, enfant, et l’anorexie qui a suivi. C’est l’écriture, dit-elle, qui lui a littéralement sauvé la vie. Franche et fantasque, fidèle à son image, elle nous confie comment.
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00:00 Bonjour, c'est Amélie Notombe, et je suis en couverture de Marie Claire ce 8 mars pour un numéro spécial consacré à la santé mentale.
00:06 Parler de santé mentale est encore si tabou selon moi parce que la santé est encore vue comme une norme.
00:13 Or la santé n'est pas une norme. La santé, ce sont des conditions de survie et forcément elles sont terriblement
00:20 différentes d'un individu à l'autre. Le sujet même de la santé et à plus forte raison de la santé mentale est vu comme
00:26 culpabilisant parce que les gens croient que la santé consiste à se comparer aux autres. Il ne s'agit en aucun cas de se comparer aux
00:31 autres et surtout pas mentalement. Il s'agit de trouver son équilibre à soi. Au quotidien ce qui peut mettre à mal
00:38 ma santé mentale c'est la fatigue et aussi le mépris. C'est aussi le stress, ça peut être aussi bien évidemment tous les drames de la vie.
00:46 Je reconnais en moi les signes du mal-être
00:48 quand ils pointent en ceci que je me bloque, c'est à dire que je ne suis plus dans la mouvance. J'en ai un signe très
00:54 clair quand j'ai l'impression que je ne peux plus pleurer. C'est comme si les canaux des larmes étaient tout à coup
01:00 bouchés. Or je suis quelqu'un qui pleure assez facilement et si bête que ça puisse paraître, les pleurs ça peut faire un bien fou.
01:05 Donc quand je ne parviens plus à pleurer, ça c'est le signe que je vais très mal. Ce qui me permet d'aller mieux alors c'est
01:11 de me remettre en mouvement aussi bien
01:13 intérieur qu'extérieur. Puisque je suis bloquée il faut me débloquer et il n'y a pas de secret, ce qui débloque c'est le mouvement.
01:19 Le genre de mouvement qui soigne dans ces cas là c'est évidemment les émotions. Une émotion c'est un mouvement. Dans le mot même
01:25 d'émotion il y a l'idée de mouvement. Donc rechercher des émotions telles que l'émotion musicale,
01:29 l'émotion littéraire, il ne suffit pas d'écrire. J'écris tous les jours, j'écris énormément et si étrange que ça puisse paraître je ne suis pas
01:36 toujours émue en écrivant. Quand je vais très mal je m'efforce de devenir le premier mouvement du
01:41 voyage d'hiver de Schubert. Et c'est cette musique qui est un apaisement à ceux et celles qui sont en ce moment même en état de
01:48 souffrance. J'ai envie de dire d'abord que ça arrive à absolument tout le monde. C'est comme la maladie physique qu'il ne faut pas s'inquiéter.
01:54 Ce qu'il faut c'est rester dans la mouvance, dans le devenir, ne pas se bloquer, laisser les choses se transformer.
02:00 Laissez-vous traverser par les émotions, laissez votre souffrance se transformer. Elle se transformera forcément en quelque chose d'autre et déjà quelque chose
02:08 d'autre c'est bien.
02:10 [Musique]