Et si le Brexit ravivait le conflit en Irlande du Nord ? Avec la sortie de l'Union européenne, le Royaume-Uni a réveillé des divisions dangereuses sur son territoire et ressuscité le dossier tabou de la frontière irlandaise. Décryptage d'une situation éruptive.
Category
✨
PersonnesTranscription
00:00 (Bruit de sirène)
00:02 (Bruit de sirène)
00:04 (Bruit de sirène)
00:06 (Bruit de sirène)
00:08 (Bruit de sirène)
00:10 (Bruit de sirène)
00:12 (Bruit de sirène)
00:14 (Bruit de sirène)
00:16 (Bruit de sirène)
00:18 (Bruit de sirène)
00:20 (Bruit de sirène)
00:22 (Bruit de sirène)
00:24 (Bruit de sirène)
00:26 (Bruit de sirène)
00:28 (Bruit de sirène)
00:30 (Bruit de sirène)
00:32 (Bruit de sirène)
00:34 (Bruit de sirène)
00:36 (Bruit de sirène)
00:38 (Bruit de sirène)
00:40 (Bruit de sirène)
00:42 (Bruit de sirène)
00:44 (Bruit de sirène)
00:46 (Bruit de sirène)
00:48 (Bruit de sirène)
00:50 (Bruit de sirène)
00:52 (Bruit de sirène)
00:54 (Bruit de sirène)
00:56 (Bruit de sirène)
00:58 (Bruit de sirène)
01:00 (Bruit de sirène)
01:02 (Bruit de sirène)
01:04 (Bruit de sirène)
01:06 (Bruit de sirène)
01:08 (Bruit de sirène)
01:10 (Bruit de sirène)
01:12 (Bruit de sirène)
01:14 (Bruit de sirène)
01:16 (Bruit de sirène)
01:18 (Bruit de sirène)
01:20 (Bruit de sirène)
01:22 (Bruit de sirène)
01:24 (Bruit de sirène)
01:26 (Bruit de sirène)
01:28 (Bruit de sirène)
01:30 (Bruit de sirène)
01:32 (Bruit de sirène)
01:34 (Bruit de sirène)
01:36 (Bruit de sirène)
01:38 (Bruit de sirène)
01:40 (Bruit de sirène)
01:42 (Bruit de sirène)
01:44 (Bruit de sirène)
01:46 (Bruit de sirène)
01:48 (Bruit de sirène)
01:50 (Bruit de sirène)
01:52 en Irlande du Nord.
01:54 -Nous devrions construire un avenir commun,
01:57 mais j'ai peur que ce soit impossible, car nous avons 2 communautés
02:00 qui visent des destins différents. Les uns veulent l'union
02:03 avec la Grande-Bretagne, et les autres l'unification de l'Irlande.
02:06 Musique sombre
02:08 -La plupart des spécialistes des conflits estiment qu'il faut 50 ans
02:13 pour ancrer un processus de paix de manière permanente.
02:17 On a fait seulement la moitié du chemin.
02:20 ...
02:34 ...
02:40 -Belfast, un centre-ville qui ressemble aujourd'hui
02:44 à tous les autres en Europe.
02:47 En Irlande du Nord, les jeunes sont appelés les "bébés de la paix".
02:50 Ils n'ont pas vécu le conflit meurtrier de 30 ans,
02:54 qui a pris fin en 1998.
02:57 ...
03:00 Cette année-là, 2 communautés,
03:03 les unionistes et loyalistes protestants d'un côté,
03:06 nationalistes et républicains catholiques de l'autre,
03:09 parvenaient à signer un accord de paix miraculeux.
03:12 S'ouvrait alors une nouvelle page
03:16 de l'histoire nord-irlandaise.
03:18 -Il nous a fallu réunir des gens qui s'entretuaient,
03:21 les loyalistes et les républicains.
03:23 C'était une danse délicate.
03:25 C'est toujours une danse délicate, 25 ans plus tard.
03:28 Mais je pense que c'est mieux de danser que de tuer.
03:31 -Il y a probablement une vingtaine de conflits
03:34 dans le monde à tout moment.
03:36 Après un accord de paix, si ça tient plus de 5 ans, c'est bien.
03:40 ...
03:45 -Un quart de siècle plus tard,
03:47 les artisans de cette paix célébraient toujours le miracle.
03:51 ...
03:53 Aux côtés des anciens premiers ministres irlandais et britanniques,
03:57 les Américains Bill Clinton et George Mitchell.
04:00 ...
04:03 Pour l'ancien sénateur, c'est l'occasion d'une prière.
04:06 Applaudissements
04:08 -You are good people.
04:10 You deserve a life of peace,
04:14 opportunity and prosperity.
04:17 Please, I ask you, I beseech you,
04:21 continue your efforts.
04:23 Thank you.
04:25 Applaudissements
04:27 -L'inquiétude est palpable,
04:29 car une menace est arrivée d'Angleterre.
04:32 ...
04:38 -The celebration started in the early hours of this morning.
04:41 The UK had voted to get out of the EU.
04:44 ...
04:46 -En 2016, les Britanniques choisissent par référendum
04:50 de quitter l'Europe.
04:51 ...
04:53 Deux des nations du Royaume-Uni, l'Irlande du Nord et l'Écosse,
04:56 ont voté contre.
04:58 Mais leurs voix sont noyées
05:00 dans la masse des 67 millions de Britanniques.
05:03 Elles sont entraînées contre leur gré dans le Brexit.
05:07 ...
05:09 -C'était dévastateur d'assister à ce processus.
05:13 Notre région était en train d'être arrachée de l'Union européenne
05:17 contre notre volonté.
05:19 ...
05:21 -Le seul sujet que l'on n'ait jamais discuté
05:24 durant toutes ces années de négociations pour la paix,
05:27 c'est bien la sortie de la Grande-Bretagne
05:30 de l'Union européenne.
05:31 Personne n'y a jamais pensé.
05:33 Si l'un des négociateurs l'avait mentionné à l'époque,
05:36 on aurait pensé qu'il était bon pour l'asile.
05:39 Cela aurait ouvert beaucoup de dossiers
05:41 que l'on avait réussi à fermer.
05:43 -Le Brexit nous a littéralement forcés,
05:46 après 14-15 ans de paix, à parler de souveraineté.
05:49 Brusquement, quelqu'un nous balançait la question.
05:52 "Voulez-vous faire partie de l'Europe ou du Royaume-Uni ?
05:55 "Voulez-vous être britannique ou irlandais ?"
05:57 On n'était pas prêts pour ça.
05:59 ...
06:03 -Le Royaume-Uni quitte l'Europe, mais aussi son union douanière.
06:07 Les flux commerciaux devront donc désormais
06:10 être contrôlés aux frontières du Royaume.
06:12 Un véritable casse-tête technique et administratif
06:17 qui va réveiller les fantômes
06:19 de l'histoire mouvementée du territoire.
06:22 Car en Irlande du Nord,
06:25 cette frontière avec l'Europe est aussi le symbole d'un long conflit.
06:29 ...
06:33 Au début du XXe siècle,
06:35 les 32 comtés irlandais étaient tous britanniques depuis 1801.
06:40 A l'issue d'une guerre d'indépendance,
06:43 le sud de l'Irlande s'émancipe en 1921,
06:46 alors que 6 comtés du Nord, à majorité protestante,
06:50 restent sous la tutelle de Londres.
06:52 C'est la création de l'Irlande du Nord,
06:56 capitale, Belfast.
06:58 Une frontière est tracée.
07:01 Pour certains, c'est le péché originel
07:04 de l'histoire du territoire.
07:06 ...
07:08 -Si vous regardez une carte de l'Irlande,
07:10 la frontière n'est pas droite.
07:12 Elle a été tracée de telle manière à donner aux unionistes
07:16 la plus large majorité le plus longtemps possible.
07:19 ...
07:23 -Cette frontière va incarner le conflit identitaire
07:26 entre deux communautés.
07:28 D'un côté, les nationalistes et républicains catholiques,
07:33 qui veulent réunifier l'Irlande.
07:35 De l'autre, les protestants unionistes et loyalistes,
07:39 viscéralement attachés à Londres.
07:41 ...
07:45 ...
07:52 En 1969, les tensions politiques dégénèrent en conflit.
07:56 Une partie des nationalistes choisit les armes et la terreur
08:02 pour casser la suprématie protestante
08:04 qui les prive de droit.
08:05 Ils reforment l'armée républicaine irlandaise, ou IRA.
08:10 ...
08:19 En face, les plus radicaux des unionistes,
08:22 appelés loyalistes,
08:23 forment des groupes paramilitaires ultra-violents.
08:26 ...
08:28 La guerre va durer trois décennies et faire plus de 3 500 morts.
08:33 ...
08:40 Avec la paix en 1998,
08:42 ces groupes acceptent petit à petit de déposer leurs armes.
08:46 ...
08:48 L'arsenal de l'IRA est neutralisé.
08:51 A la frontière entre la République d'Irlande
08:54 et l'Irlande du Nord,
08:55 les installations militaires sont démantelées.
08:58 Une révolution.
08:59 ...
09:01 -Tout à coup, la frontière a disparu.
09:03 Ils l'ont démoli.
09:05 Disparu, bang, plus rien.
09:07 Des routes ouvertes, partout.
09:09 Les gens ont adoré.
09:10 -L'accord de paix me permet d'être Irlandais.
09:14 Ou, si je veux, d'être Britannique.
09:18 Ou les deux.
09:20 Je peux avoir un passeport irlandais ou britannique, au choix.
09:25 C'était un petit stratagème de l'accord de paix
09:27 pour essayer de diluer les identités.
09:30 Et comme nous étions dans l'Europe et le marché commun,
09:33 la frontière était devenue juste une simple ligne sur les cartes.
09:39 ...
09:44 -Le symbole de division devenue invisible,
09:47 l'Irlande du Nord tente de surmonter les traumatismes de son passé.
09:52 ...
10:07 Mais à Belfast, les rues racontent toujours des histoires de guerre.
10:11 Celles de la lutte pour l'indépendance de l'Irlande
10:15 ou de batailles pour rester Britannique.
10:18 ...
10:22 Les hommes armés hantent toujours les murs.
10:24 ...
10:30 La longue avenue Falls, l'ancien épicentre du conflit,
10:34 est toujours le bastion des Républicains.
10:36 Désormais, les anciens de l'Ira
10:41 y mènent de drôles de rondes.
10:43 -L'une des premières initiatives de l'Irlande,
10:46 la première des premières initiatives de l'Ira,
10:49 a été de créer un mouvement de jeunesse.
10:52 C'est ce mouvement que j'ai rejoint à 14 ans.
10:56 A 18 ans, j'ai été arrêté et condamné à 20 ans de prison
11:03 pour avoir causé des explosions au centre de Belfast.
11:07 -Robert McLennagan est un ancien artificier de l'Ira.
11:14 Il a été libéré après 12 ans de prison en 1988.
11:19 Après la paix, il a rejoint une association d'anciens prisonniers
11:23 qui organise des visites politiques sur les traces de leur passé.
11:28 Pour Londres, c'était un terroriste.
11:30 Pour les Républicains, un combattant anticolonial.
11:34 Aujourd'hui, il a envie de raconter sa version de l'histoire.
11:39 -Si vous regardez le mur,
11:42 vous pouvez voir les trous faits par les balles de la police
11:45 qui tiraient sur l'école catholique.
11:48 La foule loyaliste avait des cocktails Molotov.
11:54 Ils avaient marqué beaucoup de maisons catholiques à la craie.
11:58 Catholique, catholique, catholique.
12:01 Ils savaient exactement quelles maisons viser.
12:06 -A Belfast, les anciens prisonniers, comme Robert,
12:11 sont devenus des acteurs de la paix.
12:15 Financés par l'Union européenne,
12:17 leur association s'est alliée avec des loyalistes,
12:21 leurs anciens ennemis jurés.
12:23 Ensemble, ils construisent désormais des ponts
12:26 entre les communautés,
12:29 car celles-ci sont toujours séparées par d'immenses murs.
12:33 -Si vous passez cette barrière,
12:36 vous laissez ma communauté derrière vous
12:39 et vous entrez maintenant dans celle de Noël.
12:43 J'espère que vous aurez appris quelque chose.
12:46 L'UVF a tué mon grand-père durant le conflit.
12:51 On ne fait pas la paix avec ses amis,
12:54 c'est avec ses ennemis qu'on essaie de faire la paix.
12:58 Les visites avec les touristes sont une manière quotidienne
13:02 de travailler à la réconciliation
13:04 entre les républicains irlandais de Falserode
13:07 et les loyalistes de Shankill Road.
13:10 C'est pourquoi j'y participe.
13:13 Nous devons entretenir cette réconciliation tous les jours
13:19 si nous voulons qu'elle tienne.
13:23 -De l'autre côté du mur, c'est le domaine de Noël Large,
13:28 ancien milicien de la force des volontaires d'Holster,
13:32 ou UVF, un groupe interdit dès 1966.
13:37 Il a été condamné à 357 ans de prison
13:40 pour 4 meurtres de catholiques
13:43 et a été libéré dans le cadre des accords de paix.
13:47 Avec lui, les touristes vont tarpenter
13:49 le bastion loyaliste de Shankill Road.
13:53 -Les habitants des quartiers loyalistes,
13:57 après une journée au travail, sortaient le soir
14:00 pour défendre leur quartier contre les attaques armées.
14:05 Ils érigeaient des barricades avec des voitures,
14:08 des bus ou des camions brûlés.
14:10 J'ai grandi en prison.
14:16 Je suis devenu un homme en prison.
14:18 C'est là que j'ai commencé à comprendre
14:21 que notre violence loyaliste ne me rendait pas plus britannique.
14:25 J'ai vraiment changé en commençant à travailler
14:31 pour un groupe intercommunautaire en 2001.
14:34 Le militant républicain et moi,
14:38 on avait des bureaux qui se touchaient presque.
14:42 J'ai alors appris que le dialogue était toujours la meilleure option.
14:47 -L'Union européenne a lancé ses programmes de réconciliation
14:53 après un premier cessez-le-feu en 1994,
14:56 4 ans avant la signature de l'accord de paix.
15:00 Depuis, en près de 3 décennies,
15:03 elle a investi près de 2 milliards d'euros
15:07 pour stabiliser la société nord-irlandaise.
15:10 -L'Union européenne nous a été très bénéfique
15:14 après l'accord de paix.
15:16 Des programmes spéciaux de l'Europe ont financé
15:20 les associations d'ex-prisonniers politiques
15:23 dans différentes parties de l'Irlande.
15:26 A un moment, nous avions un réseau de 11 bureaux.
15:29 Musique sombre
15:31 ...
15:38 -Malgré le Brexit, la paix en Irlande du Nord
15:41 fait toujours partie des priorités européennes.
15:44 L'aide à la réconciliation a été prolongée jusqu'en 2027,
15:50 car la mémoire sépare toujours les communautés,
15:54 les uns commémorant des héros qui ont été les bureaux des autres.
15:59 ...
16:02 -Gérer l'héritage du conflit reste la chose la plus difficile.
16:06 Nous sommes dans un jardin consacré à la mémoire
16:10 des républicains de Falserode, tombés pendant le conflit.
16:13 Pour moi, c'est un endroit spécial.
16:17 Mais pour les gens de l'autre côté du mur,
16:20 c'est un temple dédié au terrorisme
16:23 qui devrait être démoli.
16:26 ...
16:32 -Près de 4000 personnes sont mortes durant ce conflit,
16:36 dans ce tout petit territoire.
16:38 C'est pourquoi l'héritage de cette période est si difficile à gérer.
16:42 Il ne s'agissait pas de partir en guerre en Irak,
16:45 en Afghanistan ou au Vietnam.
16:47 C'était des voisins qui tuaient des voisins.
16:50 Donc, aujourd'hui, vous pouvez tomber sur la personne
16:53 soupçonnée d'avoir tué votre père, votre mère, votre mari
16:56 ou votre enfant quand vous allez faire vos courses au centre-ville.
17:00 C'est une histoire qui touche toujours de très près.
17:04 -En fait, nous n'avons jamais fait la paix en tant que société.
17:08 Les ex-combattants peuvent parler du passé,
17:11 devenir amis et faire des visites guidées ensemble.
17:14 Mais en même temps, des communautés entières
17:17 ne se mélangent pas.
17:18 A Belfast, 97 % du logement social
17:21 est encore ségrégé entre catholiques et protestants.
17:24 Moins de 9 % des enfants fréquentent des écoles mixtes.
17:28 Nous sommes une société profondément divisée.
17:30 Musique sombre
17:33 ...
17:37 -Avec ces fantômes omniprésents, la peur est toujours là.
17:41 ...
17:45 Dans certains quartiers, les deux communautés
17:47 ne se sentent en sécurité qu'en se barricadant le soir.
17:51 ...
18:02 A 110 km au nord-ouest,
18:04 l'histoire hante aussi l'une des villes
18:07 les plus traumatisées par le conflit.
18:09 Elle porte deux noms.
18:11 "Derry", pour les nationalistes,
18:13 "Londonderry", pour les unionistes.
18:16 ...
18:17 Ici, c'est le sentiment d'injustice
18:20 qui empêche les cicatrices de se refermer.
18:23 ...
18:29 Le 30 janvier 1972,
18:32 une manifestation pacifique est organisée
18:35 par le mouvement catholique des droits civiques de la ville.
18:39 ...
18:41 Elle dégénère.
18:43 Un groupe de parachutistes britanniques ouvre le feu.
18:46 ...
18:49 Leur balle tue 14 personnes.
18:51 ...
18:53 Le massacre est appelé "Bloody Sunday",
18:56 ou "le dimanche sanglant".
18:58 ...
19:00 Les soldats britanniques diront
19:02 qu'ils étaient en situation de légitime défense.
19:05 Un lourd mensonge, selon tous les témoins.
19:09 ...
19:11 -Je ne voyais pas qui tirait,
19:14 mais je savais que c'étaient les soldats.
19:17 Je le savais.
19:19 -A cause du son reconnaissable de leur fusil.
19:21 Ca a duré une éternité.
19:25 Il n'y a pas eu d'autres tirs que ceux des militaires.
19:28 ...
19:29 -Parmi les victimes, Michael Kelly.
19:32 Il avait 17 ans.
19:34 ...
19:42 Michael était le petit frère de John.
19:45 Depuis 52 ans, chaque année,
19:48 John revit cette journée funeste
19:50 avec les autres familles de victimes.
19:52 ...
19:55 -C'est toujours ancré dans ma mémoire.
19:57 Commémorer, cela nous aide à traverser cette période.
20:01 ...
20:06 -Il sait que son frère, comme les autres victimes,
20:09 n'était pas armé.
20:11 Il sait aussi quels soldats l'ont tué.
20:14 ...
20:22 -Les soldats sont désignés par des lettres de l'alphabet.
20:26 A, B, C, D, E, F.
20:28 C'est F qui a tué mon frère.
20:32 Lors de l'autopsie, ils ont trouvé la balle qui a tué Michael
20:35 et sont remontés à son fusil.
20:38 F est responsable de cinq meurtres ce jour-là.
20:42 ...
20:46 -Ils n'ont rien à faire des gens qui vivent dans cette partie du pays.
20:50 Si la même chose s'était passée à Londres, Liverpool,
20:53 Manchester ou Birmingham,
20:55 cela aurait été géré différemment.
20:58 Mais parce que nous vivons dans le Nord et que nous sommes Irlandais,
21:02 ce n'était pas assez important pour faire ce qu'il fallait,
21:05 poursuivre les tueurs en justice.
21:08 ...
21:10 -Finalement, après une nouvelle enquête officielle de 11 années
21:14 et l'audition de 900 témoins,
21:17 le Premier ministre britannique David Cameron
21:20 présente des excuses historiques en 2010.
21:24 ...
21:40 ...
21:46 -Nous avons obtenu la déclaration complète d'innocence.
21:50 Maintenant, nous voulons la justice.
21:52 ...
21:55 -Aujourd'hui, l'un des parachutistes, le soldat F,
21:59 est poursuivi.
22:01 Mais c'est le seul, et pas pour le cas de Michael.
22:05 ...
22:11 D'autres dans la ville ne veulent pas se contenter
22:14 de poursuivre les exécutants.
22:16 ...
22:18 -Les soldats britanniques, et surtout les politiciens britanniques
22:22 qui les ont soutenus, devraient comprendre
22:25 qu'il ne peut pas y avoir d'impunité pour eux.
22:28 ...
22:30 -Un militant local a commandé une fresque
22:34 accusant l'officier responsable le jour du massacre de crimes de guerre.
22:38 ...
22:40 Mais l'homme a été chef d'état-major de l'armée britannique.
22:44 ...
22:50 Son visage n'est pas resté longtemps sur le mur du quartier catholique.
22:54 ...
22:56 -Beaucoup n'ont pas aimé.
22:58 Beaucoup disent qu'on vit en paix, maintenant.
23:01 Pourquoi faire remonter ces choses ?
23:04 Mais notre avis est l'avis du peintre,
23:06 et que cela fait partie de notre histoire.
23:08 On ne peut pas le passer sous silence.
23:10 Cela reviendrait à laisser des meurtriers s'en tirer à bon compte.
23:14 ...
23:17 -Pour éviter les affaires embarrassantes
23:20 impliquant l'Etat britannique,
23:21 une loi d'amnistie a été votée en septembre 2023,
23:25 malgré un tollé général en Irlande du Nord.
23:28 ...
23:30 1200 enquêtes étaient encore en cours.
23:33 ...
23:37 -Il s'agit de protéger ces soldats.
23:39 Les soldats britanniques sont responsables
23:42 de la mort de 360 personnes ici, dans le Nord,
23:45 un dixième de ceux qui ont perdu la vie.
23:48 Il n'y aura plus d'enquêtes, plus de poursuites.
23:53 Tout va disparaître, comme si ça ne s'était jamais passé.
23:57 ...
24:02 -Pour les Irlandais du Nord,
24:03 ce n'est pas une amnistie votée à Londres
24:06 qui pourra effacer les mémoires.
24:08 Le passé pèse encore de tout son poids
24:11 sur la vie du territoire.
24:12 À Derry, Londonderry,
24:15 mais aussi dans d'autres régions meurtries,
24:18 comme la frontière irlandaise.
24:20 ...
24:28 Ici, c'est le Brexit
24:30 qui a réveillé des souvenirs traumatiques.
24:32 Cette région a connu les combats les plus violents
24:35 il y a quelques décennies.
24:37 ...
24:44 Depuis 2016, cette zone est redevenue
24:47 une frontière internationale
24:49 entre le Royaume-Uni et l'Europe.
24:51 ...
24:54 Mais dans les communautés riveraines,
24:56 principalement nationalistes,
24:58 pas question d'y revoir des uniformes,
25:00 même des douaniers.
25:02 ...
25:08 -J'ai grandi ici au milieu d'un conflit majeur...
25:12 et d'une présence militaire massive.
25:16 Les collines autour de nous
25:20 étaient toutes jalonnées de base de l'armée britannique.
25:23 Les hélicoptères survolaient la région 24 heures sur 24
25:28 en formation de trois.
25:29 C'était trop dangereux pour l'armée
25:31 de se déplacer par la route.
25:33 Les gens qui vivaient ici étaient souvent diabolisés.
25:36 ...
25:41 -Comme la majorité des frontaliers,
25:44 Damien Mageniti est profondément attaché à l'Europe,
25:47 qui a permis la transformation de la région.
25:50 ...
25:52 Aujourd'hui, 40 millions de véhicules
25:55 traversent cette frontière invisible chaque année
25:58 pour des échanges commerciaux,
26:00 mais aussi une coopération
26:02 dans des domaines tels que la santé ou la police.
26:05 Des acquis de la paix chères à Bruxelles.
26:09 Ancien responsable des financements européens
26:13 pour la paix, Michel Barnier
26:15 est chargé des négociations du Brexit.
26:17 -Mais dès le premier jour,
26:20 dès la première seconde,
26:21 pour moi, la question irlandaise,
26:24 la paix, la stabilité, les conditions de la paix,
26:27 c'était le point central ou premier
26:29 de la négociation avec les Britanniques.
26:31 La condition de cette paix,
26:33 c'est qu'il n'y ait pas de frontières sur l'île.
26:36 Les hommes et les femmes passent,
26:38 les animaux passent, les marchandises passent,
26:41 il n'y a pas de contrôle.
26:43 C'est la condition de la paix.
26:44 Et là, il y avait un risque.
26:46 ...
26:52 -Ce risque a été immédiatement identifié
26:54 par une grande partie de la classe politique nord-irlandaise.
26:58 -Cela aurait provoqué des perturbations majeures
27:04 dans le fonctionnement des institutions politiques
27:08 mises en place par l'accord de paix.
27:10 Non seulement c'était un problème économique,
27:14 mais cela présentait aussi un risque
27:17 de déstabiliser la cohésion des institutions transfrontalières
27:22 entre le nord et le sud de l'Irlande.
27:25 -À la frontière, ce que certains redoutaient alors le plus,
27:34 c'était un engrenage sécuritaire.
27:37 -Si vous avez des douanes,
27:40 vous avez besoin de personnel
27:42 pour contrôler les denrées qui entrent dans l'Union européenne.
27:46 Il ne fait aucun doute que ce personnel deviendrait une cible.
27:51 Et les choses pourraient dégénérer très vite.
27:55 Comment faites-vous pour protéger ce personnel ?
27:59 Vous mettez un policier.
28:02 Alors, c'est ce policier qui devient une cible.
28:05 Et pour le protéger à son tour,
28:08 vous postez un soldat,
28:10 et là, vous ouvrez à nouveau la boîte de Pandora.
28:15 Si vous ramenez des soldats britanniques,
28:18 cela va automatiquement raviver les tensions
28:21 de manière significative.
28:24 ...
28:34 -Alison Morris est journaliste au Belfast Telegraph,
28:38 le seul journal à être lu par les deux communautés.
28:42 Elle suit notamment les groupes paramilitaires.
28:46 Malgré la paix, ils n'ont pas disparu du paysage.
28:50 Côté républicain, des dissidents de l'Ira sont toujours actifs.
28:54 ...
28:57 -Certains membres de l'Ira ne voulaient pas du cesser le feu.
29:01 Ils avaient le sentiment qu'ils étaient mieux armés que jamais
29:05 et qu'ils étaient en mesure de continuer à faire pression
29:08 et pousser les Britanniques à faire des concessions.
29:11 Ils pensaient qu'ils pouvaient gagner la guerre
29:14 sur le plan militaire.
29:16 -Cette faction ultra-minoritaire de dissidents
29:19 a été rejointe par de nouveaux groupuscules violents en 2012.
29:24 Ils ont alors créé un groupe appelé la Nouvelle Ira.
29:29 Ils visent régulièrement des symboles
29:31 de l'autorité britannique,
29:33 comme ce tribunal à Belfast en 2019,
29:36 ou des policiers.
29:38 En 15 ans, ils ont tué six membres des forces de l'ordre.
29:43 ...
29:45 Pour eux, la frontière avec la République d'Irlande,
29:48 même invisible, est inacceptable.
29:50 ...
29:53 -Ces dissidents, même s'ils sont peu nombreux,
29:55 auraient pu utiliser cela comme outil de propagande,
29:58 pour dire que c'était un symbole de l'occupation de notre pays.
30:02 Ca aurait pu servir à recruter des jeunes dans leur rang.
30:05 ...
30:08 -Une crainte nourrie par un activisme
30:10 qui s'affiche au grand jour.
30:12 ...
30:19 Dans certains quartiers d'Irlande-du-Nord,
30:21 ces réfractaires à la paix ont pignon sur rue.
30:24 ...
30:31 A Derry, le quartier de Cregane, est l'un de leurs bastions.
30:36 ...
30:38 Tous les ans, ils défilent à Pâques
30:40 pour commémorer l'insurrection irlandaise de 1916
30:43 et les morts de l'Ira.
30:45 -Pas !
30:47 En face !
30:48 -La parade est illégale.
30:51 Ils ne veulent pas demander l'autorisation
30:54 à des autorités dont ils ne reconnaissent pas la légitimité.
30:57 ...
30:59 Certains jeunes du quartier sont acquis à leur discours
31:02 et prêts à passer à l'action.
31:04 ...
31:10 -Depuis les 10 dernières années, on constate la montée
31:13 d'un discours plus offensif dans certaines zones à Derry,
31:17 qui s'oppose au Sinn Féin, à la police et au processus de paix.
31:20 Ils prétendent qu'il s'agit toujours de souveraineté
31:23 d'une Irlande unie et que cela ne pourrait être obtenu
31:26 qu'à travers la violence et le désordre.
31:28 ...
31:33 ...
31:38 -Ce discours est soutenu par un groupuscule d'extrême-gauche.
31:42 Paddy Gallagher en est le porte-parole.
31:45 ...
31:48 -L'échec de l'accord de paix n'a en rien entamé
31:50 notre idéologie socialiste.
31:53 -Il assume publiquement sa divergence
31:56 avec la très grande majorité des Républicains
31:59 qui veut désormais réunifier l'île seulement
32:02 par des moyens politiques.
32:04 ...
32:08 -Ils ont vendu leur âme.
32:10 Ils sont devenus les relais
32:13 de la domination britannique sur le pays.
32:15 Ils s'agenouillent devant un monarque
32:18 alors qu'ils se disent Républicains.
32:21 Que nous a apporté l'accord de paix ?
32:26 En quoi a-t-il fait avancer la réunification ?
32:29 La lutte finira quand la Grande-Bretagne
32:32 quittera l'île et que nous pourrons établir
32:34 une république socialiste de 32 comtés.
32:37 -Donc, vous êtes toujours en état de guerre ?
32:40 -Évidemment.
32:41 Dans un pays sous occupation,
32:43 vous aurez toujours des gens pour mener des actes de résistance.
32:47 ...
32:49 -Ce jour-là, au cimetière, le président de son parti
32:53 n'hésite pas à aller un cran plus loin
32:56 devant tous les journalistes.
32:58 -J'ai un message pour les occupants britanniques.
33:01 La police paramilitaire et toute l'élite.
33:05 Tant que vous continuerez à nous opprimer,
33:09 vous en subirez les conséquences implacables.
33:12 Il ne suffit pas de crier "Vive l'Ira".
33:15 Il faut rejoindre l'Ira.
33:18 ...
33:20 -Bring it back !
33:21 Join our line !
33:23 Applaudissements
33:25 ...
33:31 ...
33:34 -Face à cette menace sécuritaire
33:36 et pour éviter de détruire les acquis de l'accord de paix,
33:40 Bruxelles et Londres ont très vite écarté l'idée
33:43 de contrôle sur la frontière terrestre.
33:45 ...
33:48 Après trois ans de négociations tendues,
33:51 à l'automne 2019,
33:53 l'Europe et la Grande-Bretagne ont imaginé une alternative.
33:58 ...
34:00 -On a essayé de dédramatiser, de simplifier le maximum
34:02 de ces contrôles, de ne pas parler de frontières.
34:05 J'ai fait attention aux mots que j'utilisais.
34:08 La dernière solution, c'est que l'Irlande du Nord
34:11 reste dans le marché commun, dans le marché unique européen,
34:14 en même temps qu'elle fait partie du Royaume-Uni.
34:17 Elle a une double appartenance.
34:19 ...
34:21 -Pour éviter les contrôles entre la République d'Irlande
34:25 et l'Irlande du Nord, l'idée est d'effectuer
34:27 une formalité douanière dans les ports
34:29 qui font face à la Côte-Britannique.
34:32 C'est le protocole nord-irlandais.
34:35 Mais là, ce sont les unionistes et les loyalistes qui s'insurgent.
34:41 Pour eux, ce serait l'équivalent d'une frontière
34:44 les séparant de la Grande-Bretagne,
34:46 une trahison politique et une aberration économique
34:50 à leurs yeux.
34:51 ...
34:53 -80 % de notre commerce est à destination
34:57 de la Grande-Bretagne.
34:58 Il y a des frictions, des retards,
35:00 des formalités administratives et douanières,
35:03 des coûts supplémentaires et une pression bureaucratique
35:06 qui augmente.
35:07 Tout cela est lourd en termes de temps et d'argent.
35:11 -Le protocole était censé être appliqué en janvier 2021.
35:16 ...
35:18 Mais les jeunes loyalistes ont laissé exploser leur colère.
35:22 ...
35:31 ...
35:34 ...
35:39 Ils se sont d'abord attaqués aux policiers.
35:42 Leur rage s'est ensuite déversée sur les portes blindées
35:46 qui séparent les communautés à Belfast.
35:49 ...
35:55 -Le Brexit a révélé la tromperie la plus fondamentale de toutes,
35:59 celle qui promettait aux unionistes que l'Irlande du Nord
36:02 ne changerait pas de statut constitutionnel
36:04 sans leur accord.
36:06 Maintenant, on découvre que vous pouvez démanteler,
36:09 pièce par pièce, la place de l'Irlande du Nord
36:11 au sein du Royaume-Uni.
36:13 ...
36:16 -Ce n'est pas un accord commercial.
36:18 Il s'agit de mon identité britannique.
36:20 Je n'ai pas besoin de frontières dans les ports britanniques.
36:25 Ce changement dans notre relation à la Grande-Bretagne
36:28 affecte mon identité.
36:30 ...
36:39 -Ce statut à part,
36:41 les unionistes et les loyalistes n'en veulent à aucun prix.
36:44 ...
36:47 Ils sont d'autant plus déterminés
36:49 qu'ils traversent une crise existentielle sans précédent.
36:53 ...
37:00 Descendants des colons britanniques,
37:02 les unionistes protestants avaient dominé brutalement
37:06 le XXe siècle grâce à leur supériorité démographique.
37:10 ...
37:12 En 1998, ils ont accepté pour la première fois
37:17 un partage du pouvoir avec les nationalistes.
37:20 Mais il a fallu attendre plusieurs années
37:23 pour voir une première cohabitation stable.
37:25 ...
37:28 C'est un duo improbable qui y est finalement parvenu.
37:32 ...
37:36 D'un côté, Martin McGuinness,
37:39 dirigeant du Sinn Féin, ancien bras politique de l'Ira.
37:43 Certains le soupçonnent
37:45 d'avoir été le chef d'état-major de l'armée républicaine irlandaise.
37:49 De l'autre côté, Ian Paisley,
37:53 fondateur du parti unioniste démocrate, ou DUP,
37:57 un calviniste radical opposé à l'accord de paix.
38:01 -Never ! Never !
38:03 Never ! Never !
38:06 -Contre toute attente, ça marche.
38:08 ...
38:11 -Le fait que mon père était très satisfait et heureux
38:15 durant cette période envoyait un message clair.
38:18 Si un leader comme moi, qui a dit toutes ces choses dans le passé,
38:22 peut être satisfait et heureux de cette situation,
38:25 je vous montre la voie pour être, vous aussi,
38:28 heureux et satisfait.
38:30 ...
38:34 -Mais le DUP, majoritaire dans les urnes,
38:37 était encore en position de force face aux Républicains.
38:40 ...
38:43 Les premiers signes d'un vrai changement d'époque
38:46 se sont manifestés en 2011.
38:49 ...
38:52 Les unionistes perdent alors leur bastion historique de Belfast.
38:57 Le parti républicain Sinn Féin est passé en tête.
39:02 Avec un parti centriste, l'Alliance,
39:07 ils décident alors de s'attaquer à un symbole fort,
39:10 l'Union Jack, qui surplombe le bâtiment depuis un siècle.
39:15 ...
39:20 -Nous proposions d'enlever le drapeau britannique
39:24 qui flottait toute l'année
39:26 et de le sortir à certaines occasions seulement,
39:29 comme cela se fait en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles.
39:33 ...
39:43 -Pour les unionistes et les loyalistes,
39:46 attachés à ce symbole britannique, c'est une déclaration de guerre.
39:50 ...
39:52 Le siège du conseil municipal est pris d'assaut.
39:55 ...
39:59 ...
40:04 -A l'époque, un jeune inconnu devient le porte-parole
40:08 de cette rage loyaliste qui dure plusieurs mois.
40:13 -J'étais en colère, comme beaucoup de personnes
40:16 au sein de la communauté unioniste.
40:18 C'était une célébration triomphaliste
40:20 de la suprématie nationaliste.
40:22 ...
40:30 Cela portait atteinte à la place symbolique
40:33 de l'Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni
40:35 et signifiait clairement que c'était la fin de l'Union pour eux.
40:39 ...
40:43 -C'est une colère pour rien.
40:45 La mesure est adoptée.
40:47 ...
40:51 -L'Irlande du Nord a été délibérément conçue
40:53 sur une base ethnique
40:55 pour créer une majorité unioniste à perpétuité.
40:58 Et toutes les citadelles sont en train de tomber.
41:03 L'unionisme a été le groupe dominant
41:06 pendant très, très longtemps.
41:08 Il a fait sentir sur cette société.
41:11 Cette domination est en train de disparaître.
41:15 Et les unionistes, comme les loyalistes,
41:17 ont du mal à gérer cela.
41:19 ...
41:24 -En 2021, c'est le coup de grâce symbolique.
41:28 Les catholiques deviennent majoritaires démographiquement.
41:33 Une première historique.
41:35 ...
41:38 Quand le Sinn Féin remporte les législatives un an plus tard,
41:42 la coupe déborde pour les unionistes.
41:45 ...
41:50 Ils refusent de participer à un gouvernement
41:52 mené par leurs adversaires
41:54 et exigent de nouvelles négociations
41:57 sur le protocole du Brexit.
41:58 ...
42:00 Mais sa nouvelle version, allégée en 2023,
42:03 ne change rien.
42:04 Le Parlement et les institutions locales restent bloqués.
42:09 ...
42:14 -Ce n'est pas la situation que je souhaite.
42:16 Je préférerais voir les institutions fonctionner
42:19 et tout aller parfaitement, mais il faut régler les choses.
42:23 Si c'est le seul moyen de peser pour nous, nous l'utiliserons.
42:26 -Ce traité doit être respecté.
42:28 Il faut être raisonnable, responsable, lucide.
42:31 Il faudra appliquer cet accord.
42:34 ...
42:39 -Le DUP n'a jamais été convaincu par l'accord de paix.
42:44 Certains s'inquiètent que leur objectif réel
42:46 soit de le saboter.
42:48 Ils ne sont pas juste contre le protocole,
42:51 ils n'aiment pas l'accord de paix.
42:53 Et c'est leur cible.
42:55 ...
43:00 -La crise politique du Brexit
43:02 a aussi eu un effet collatéral sur les plus ultra.
43:05 ...
43:07 Elle a réveillé la menace paramilitaire loyaliste.
43:11 ...
43:13 Malgré 26 ans de paix,
43:15 leurs groupes armés détiennent toujours le pouvoir de l'ombre
43:19 dans certains quartiers.
43:20 ...
43:22 Depuis le Brexit, leurs messages se sont faits plus explicites.
43:27 ...
43:30 Fin 2022, la journaliste Alison Morris
43:33 reçoit la lettre ouverte d'une organisation
43:36 réunissant tous les groupes paramilitaires loyalistes.
43:40 Ils menacent de rompre leur cessez-le-feu
43:43 si la frontière maritime n'est pas abandonnée.
43:46 Au même moment,
43:48 une visite officielle du ministre des Affaires étrangères
43:51 de la République d'Irlande
43:53 est interrompue par une alerte à la bombe.
43:56 ...
43:59 ...
44:04 ...
44:11 ...
44:22 ...
44:24 -La menace de violence s'invite à nouveau
44:28 dans le débat politique.
44:29 ...
44:35 -Des unionistes et des loyalistes se sont dit
44:38 que les menaces de violence nationalistes
44:40 ont été efficaces pour empêcher une frontière terrestre.
44:43 Pourquoi des menaces de violence loyaliste
44:46 ne pourraient pas empêcher une frontière maritime ?
44:49 -C'était un signe qu'il y avait un réel courant
44:52 au sein du loyalisme qui devenait menaçant.
44:54 C'était une fausse alerte à la bombe.
44:57 Mais cela aurait pu être une vraie bombe.
44:59 Ne nous poussez pas, ne nous testez pas,
45:01 nous réagirons mal. C'est comme un animal.
45:04 C'est quand il est blessé qu'il est le plus dangereux.
45:07 ...
45:12 -En mars 2023, les autorités britanniques
45:15 relèvent à nouveau le niveau d'alerte sécurité
45:18 dans le territoire.
45:20 ...
45:21 -Des groupes comme l'UVF ont gardé les mêmes chefs
45:24 et les mêmes structures que dans les années 80 et 90.
45:27 Je ne pense pas que ce leadership âgé,
45:30 qui a connu les années terribles du conflit,
45:32 ait envie de retomber dans la violence.
45:35 Mais combien de temps vont-ils être capables de tenir les jeunes
45:38 qu'ils ont recrutés pendant des années ?
45:41 ...
45:50 -Fin janvier 2024, un coup de théâtre
45:53 met les loyalistes en ébullition.
45:55 Après deux années de blocage politique
45:59 et de graves crises économiques,
46:01 le DUP accepte finalement de prendre part
46:05 à un gouvernement dirigé par les Républicains,
46:08 le premier de l'histoire de l'Irlande du Nord.
46:11 ...
46:13 Les plus radicaux les accusent de traîtrise.
46:16 Jusqu'où seront-ils prêts à aller ?
46:20 ...
46:23 La question est d'autant plus lancinante qu'un jour,
46:26 c'est l'existence même de la frontière
46:28 qui devra être décidée.
46:30 ...
46:32 -En 1998, l'accord de paix prévoyait la possibilité
46:36 d'un référendum d'autodétermination.
46:39 Pour le Sinn Féin, un parti issu de la lutte
46:42 pour l'indépendance de l'Irlande,
46:44 c'est la finalité du combat d'un siècle.
46:48 ...
46:51 -L'accord de paix était simple.
46:53 Les Républicains n'auraient pas arrêté la campagne de violence,
46:59 à moins qu'on leur propose un chemin
47:02 vers la possibilité de réunification de l'Irlande
47:05 par des voies pacifiques.
47:07 ...
47:10 L'idée d'une consultation tous les 7 ans
47:13 faisait partie de l'accord,
47:15 et ça en était une partie importante.
47:18 ...
47:21 -Ce référendum n'a pas encore eu lieu.
47:24 Les institutions nord-irlandaises n'ayant pas été assez stables.
47:28 ...
47:32 Mais le Brexit et l'arrivée du Sinn Féin au pouvoir
47:35 ont changé la donne.
47:37 ...
47:41 Pour de nombreux nationalistes,
47:43 il est temps de réunifier l'Irlande et de redevenir européen.
47:48 ...
47:50 -Nous, les catholiques,
47:52 on a toujours été les sous-fifres depuis les 100 dernières années.
47:56 La réunification est mon seul espoir.
47:58 La paix et la tranquillité, c'est tout ce que nous voulons.
48:02 C'est tout ce que les catholiques ont toujours voulu.
48:05 -Je n'ai pas vu un tel élan pour l'unité irlandaise
48:10 depuis des décennies.
48:12 C'est une discussion très puissante.
48:15 Nous pensons qu'il faut fixer une date
48:18 pour la tenue d'un référendum.
48:20 Cela devrait être organisé d'ici la fin de la décennie.
48:23 ...
48:27 -Au nord et au sud de l'île, plusieurs parties plangent désormais
48:31 sur des scénarios concrets de réunification
48:34 et tentent de rassurer.
48:35 ...
48:40 -On a pensé, pendant des décennies,
48:42 que la réunification de l'Irlande
48:45 signifiait une prise de contrôle du sud sur le nord de l'Irlande,
48:49 avec l'aide des nationalistes du nord.
48:53 Evidemment, cela n'aurait jamais marché,
48:56 et ce n'était pas la bonne manière de l'appréhender.
48:59 Je pense qu'une nouvelle Irlande doit être négociée,
49:02 une nouvelle Irlande qui accueillerait
49:05 toutes les traditions pacifiquement et sur la base du consentement.
49:09 ...
49:12 -La consultation doit être organisée
49:15 quand une majorité pourrait se prononcer pour la réunification.
49:19 Mais pour les unionistes et les loyalistes,
49:22 l'Irlande du Nord ne sera jamais prête.
49:25 ...
49:34 Chaque année, dans les quartiers loyalistes,
49:37 s'allument ces bûchers,
49:39 qui commémorent la victoire de Guillaume d'Orange
49:42 sur un roi catholique en 1690.
49:46 ...
49:50 La journaliste Alison Morris est venue prendre la température
49:54 dans le fief de Jamie Bryson.
49:56 ...
49:59 -Vous brûlez un drapeau de mon pays.
50:01 Je suis irlandaise. Je trouve ça offensant.
50:04 Si je t'invitais à une célébration culturelle dans ma communauté
50:08 et si je brûlais ton drapeau, toi aussi, tu te sentirais blessée.
50:12 -Mais invite-moi au festival de Belfast West, alors.
50:15 Et j'espère que personne ne chantera "Vive l'Ira".
50:18 Allez, bonne soirée, quand même.
50:20 ...
50:22 -Comme tous les loyalistes,
50:24 Jamie Bryson ne se voit aucun avenir
50:27 dans une Irlande réunifiée.
50:28 -Nous sommes ici depuis des générations.
50:32 C'est notre pays.
50:33 Et nous n'allons pas le céder aux nationalistes irlandais.
50:37 Les gens rigolent quand je dis ça,
50:39 mais je préférerais m'étouffer dans mon propre sang
50:42 ici, au Royaume-Uni, plutôt que de vivre
50:44 dans une Irlande réunifiée aux rues Pavé d'Or.
50:47 Je crains une guerre civile en Irlande du Nord
50:50 si on tentait de la séparer du Royaume-Uni.
50:52 ...
51:02 -Je pense que si on nous imposait un référendum dans les 5 ans,
51:06 la situation pourrait devenir dangereuse.
51:08 Cela doit être fait d'une manière qui préserve un avenir de paix.
51:12 J'ai connu les troubles.
51:14 Je vivais à Belfast West, qui a été très difficile
51:17 et très durement touchée par la violence dans mon enfance.
51:20 Je ne voudrais jamais que mes enfants vivent cela.
51:25 ...
51:32 -Les jeunes générations sont de plus en plus frustrées.
51:35 Beaucoup refusent désormais de choisir entre deux identités.
51:39 ...
51:45 -Il est important que le passé ne dicte pas notre présent,
51:48 qu'il ne dicte pas notre avenir.
51:50 Les jeunes ne sont pas obsédés par la question
51:53 de savoir si on va rester au Royaume-Uni.
51:55 Ils veulent fonder une famille, avoir un travail, une maison.
51:59 Ils se préoccupent de la vie de tous les jours.
52:02 ...
52:06 -Les Nord-Irlandais pourront-ils un jour désamorcer
52:10 le caractère explosif de la frontière et du Brexit ?
52:14 Ils auront à affronter un immense défi
52:18 pour faire accepter aux perdants le choix du gagnant.
52:21 Un enjeu de paix pour toute l'Europe.
52:25 ...
52:55 ...