100% Sénat - Commission d'enquête Narcotrafic : Bruno Le Maire auditionné

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100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 [Générique]
00:00:10 Bonjour à tous, très heureux de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100% Sénat,
00:00:14 l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17 La commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogue poursuit ses auditions.
00:00:21 Les sénateurs entendent aujourd'hui Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des Finances,
00:00:25 avec notamment des questions sur l'aspect financier de ce narcotrafic et sur la lutte contre le blanchiment d'argent.
00:00:31 Je vous laisse écouter cette audition.
00:00:33 On va parler aujourd'hui d'une économie qui fonctionne, hélas, assez bien, l'économie du narcotrafic.
00:00:39 Avant d'entamer nos échanges, je vais vous soumettre à la rituelle prestation de serment qui requise devant une commission d'enquête.
00:00:46 Je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission serait passif des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal.
00:00:55 Et je vais vous inviter à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
00:01:00 — Je le jure, M. le Président. — Merci. Et je passe la parole à notre rapporteur Etienne Blanc.
00:01:07 — Voilà, ça marche. Bonjour, M. le ministre. Le narcotrafic en France, aujourd'hui, représente un chiffre d'affaires
00:01:16 que l'on estime de l'ordre de 3 à 6 milliards d'euros. On sait que ce chiffre d'affaires, il est constitué essentiellement par les narcotrafiquants
00:01:32 qui organisent une véritable entreprise, qui s'appuient sur des consommateurs. Ce chiffre d'affaires, ce sont essentiellement des petites coupures.
00:01:42 C'est de l'argent liquide qui circule très rapidement. M. le ministre, est-ce que vous pouvez confirmer aujourd'hui l'évaluation de ce chiffre d'affaires
00:01:52 de l'ordre de 3 à 6 milliards et nous dire pourquoi est-ce que l'on n'arrive pas à mieux identifier, à mieux suivre et à mieux capter
00:02:02 ces flux de petites monnaies qui circulent avec rapidité mais qui, à la fin, constituent des avoirs absolument considérables entre les mains des têtes de réseau ?
00:02:18 — Si vous me permettez, M. le président, M. le rapporteur, je confirme ce chiffre de 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires,
00:02:27 même si je pense que ce chiffre est largement sous-estimé. Et par ailleurs, je voudrais peut-être inscrire ça dans une réflexion plus large
00:02:35 sur le narcotrafic en France, si vous m'y autorisez, pour avoir une présentation globale avant de répondre précisément aux questions du rapporteur.
00:02:45 Première remarque, la drogue est une gangrène pour la France et pour les Français, une gangrène qui gagne du terrain et une gangrène dont je pense
00:02:55 que nous n'avons pas pris toute la mesure. Le seul remède à mes yeux, c'est la tolérance zéro pour les consommateurs comme pour les trafiquants.
00:03:07 Le président de la République et le ministre de l'Intérieur en ont d'ailleurs fait une priorité nationale. Et ma détermination de ministre de l'Economie et des Finances
00:03:15 est totale. Quel est d'abord l'état des lieux ? Je pense qu'il faut que nous soyons lucides sur la présence massive de multiples drogues partout sur le territoire.
00:03:29 Tous les territoires sont concernés, les grandes villes comme les territoires ruraux, les grandes métropoles comme les petites communes.
00:03:38 Et je le dis autant comme ministre de l'Economie et des Finances que comme ancien député de la circonscription de l'Eure.
00:03:46 Ce narcotrafic représente 200 000 personnes en activité et un chiffre d'affaires, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, de au moins 3,5 milliards d'euros.
00:03:54 Chiffre, à mon sens, largement sous-estimé. Dans ce chiffre d'affaires, le cannabis reste de très loin la drogue la plus consommée, avec 1,3 million d'usagers réguliers
00:04:05 et 5 millions de Français qui en consomment au moins une fois chaque année. Ces chiffres, je le rappelle, nous placent à la triste première place des pays européens
00:04:15 en termes de consommation de cannabis. Ce cannabis provient pour près de 70 % du Maghreb, après avoir traversé la mer Méditerranée, l'Espagne et les Pyrénées.
00:04:26 A tous ceux qui veulent relativiser la gravité du cannabis, je rappelle que ce cannabis est de plus en plus fort, que son taux de THC a été multiplié par 7 en 20 ans,
00:04:37 qu'il est responsable des effets psychotropes, de l'addiction et des risques de schizophrénie chez les jeunes.
00:04:46 Vient ensuite la cocaïne, dont la consommation a été multipliée par 4 en Europe en 20 ans. Nous pouvons parler de tsunami blanc.
00:04:55 Et ce tsunami blanc n'épargne pas la France, loin de là. 2 millions de nos compatriotes ont déjà fait usage de cocaïne.
00:05:04 Nous devons cette explosion au double effet d'une augmentation de la production et d'une saturation du marché nord-américain qui est le foyer historique de consommation de cocaïne.
00:05:15 Pour trouver de nouveaux débouchés, les trafiquants ont décidé de cibler le continent européen et la France.
00:05:23 Cette cocaïne provient à 90% de Colombie et du Pérou. Elle traverse l'Atlantique par bateau ou par avion. Elle est produite à environ 1 000 euros le kilo.
00:05:33 Elle est revendue au détail à 32 000 euros le kilo au moins, soit 32 fois plus. Cela en fait un des commerces les plus rentables de la planète.
00:05:45 Enfin, la troisième forme de drogue qui nous inquiète, ce sont les drogues de synthèse, méthamphétamine, ecstasy, GHB et les opioïdes morphine, fentanyl ou tramadol.
00:05:57 Drogues qui font déjà des ravages aux États-Unis, puisqu'au cours de la seule année 2023, 120 000 Américains sont morts d'une overdose.
00:06:04 Mais ces drogues, soyons lucides, arrivent aussi en Europe et en France, avec des agents chimiques comme des solvants ou des acides qui peuvent être utilisés légalement
00:06:15 dans l'industrie chimique et qui sont importés en provenance de Chine et de Hong Kong, avant d'être détournés, transformés sous forme de drogues particulièrement addictives
00:06:24 qui sont vendues quelques euros sur le marché français. Pour résumer nos constats, nous sommes confrontés à des produits de plus en plus nocifs, de plus en plus accessibles,
00:06:35 qui enrichissent de plus en plus les narcotrafiquants. Cette présence est renforcée par deux évolutions dont nous devons impérativement avoir conscience
00:06:44 et que je veux souligner devant la Commission. D'abord, les trafiquants de drogues ont des moyens comparables à ceux des États. C'est une des grandes nouveautés.
00:06:54 Ils ont un arsenal technologique, des sous-marins grâce auxquels ils peuvent transporter de la drogue sans être repérés, des balises, des caméras qu'ils positionnent
00:07:00 dans les conteneurs de stupéfiants pour mieux les tracer. Ils ont accès à des téléphones cryptés qui leur permettent de communiquer sans aucune crainte d'être écoutés.
00:07:09 Ils utilisent des méthodes de corruption des agents portuaires, de menaces contre le personnel politique, comme nous l'avons vu récemment aux Pays-Bas.
00:07:17 Donc nous ne sommes plus du tout face à des réseaux quasi artisanaux. Et j'ai vu en sept ans de fonction comme ministre de l'Économie,
00:07:24 l'artisanat se transformer en professionnalisme, en grand banditisme, avec un système mafieux ultra-professionnel qui, je le redis, gangrène le territoire français.
00:07:37 Ces groupes mafieux ne craignent pas les États. Ils les concurrencent et ils sont prêts à les terroriser par tous les moyens.
00:07:47 La deuxième évolution majeure, c'est l'endogénéisation de la production de drogue. La drogue n'est plus simplement emportée,
00:07:54 elle progresse dans sa production sur le sol européen et sur le sol français. Il y a une régionalisation des chaînes de valeur.
00:08:01 Vous le savez tous. Eh bien, j'ai bien peur que cette régionalisation des chaînes de valeur concerne aussi la production de drogue.
00:08:09 Nous regardons notamment attentivement deux pays, les Pays-Bas et l'Espagne.
00:08:15 Les Pays-Bas sont en train de devenir, pour la production de drogue de synthèse, ce que la Colombie est à la production de cocaïne.
00:08:21 Les composants chimiques sont débarqués sur les ports d'Amsterdam et de Rotterdam. Ils sont à double usage.
00:08:27 Ils sont acheminés dans des laboratoires à proximité. Ils sont transformés en drogue et diffusés par les axes routiers dans le reste du continent.
00:08:34 La production de drogue est donc désormais sur le sol européen. Elle n'est pas uniquement importée.
00:08:39 Nous risquons donc, si les mesures nécessaires ne sont pas prises, de voir apparaître de nouveaux médélines au cœur du continent européen.
00:08:48 L'Espagne, ensuite, qui produit de plus en plus de cannabis, mais aussi des drogues de synthèse,
00:08:52 sous l'impulsion de chimistes mexicains, arrivés récemment et repérés sur les territoires espagnols.
00:08:59 S'il n'y a pour l'instant pas de production à un niveau industriel en France, nous restons extrêmement vigilants.
00:09:04 Nous commençons notamment à voir s'implanter des trafiquants étrangers venus de cartels sud-américains sur le sol national.
00:09:12 Il faut donc agir vite, car bientôt, il sera trop tard.
00:09:17 Je rappelle également, pour terminer, que ce narcotrafic représente un danger majeur pour notre sécurité nationale,
00:09:24 que je considère avec la même gravité que le danger terroriste.
00:09:29 315 homicides ou tentatives d'homicide en 2023, dont 47 rien qu'à Marseille.
00:09:36 Cela appelle une réponse intraitable, dont les dernières opérations lancées par le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice sont le reflet.
00:09:44 Quels sont les moyens dont dispose le ministre de l'Economie et des Finances pour faire face à ces trafics ?
00:09:48 Quels sont les moyens supplémentaires qui me paraissent indispensables à déployer face à la montée en puissance de la menace ?
00:09:56 D'abord, nous contrôlons les frontières.
00:09:58 Et je veux rendre hommage au travail exceptionnel accompli par les services des douanes, par leurs agents de renseignement,
00:10:04 par la Direction nationale du renseignement et les enquêtes douanières.
00:10:07 Ils ont procédé l'année dernière à 16 000 saisies, représentant un total de 92 tonnes de drogue pour une valeur marchande de près de 1 milliard d'euros.
00:10:18 Cela représente 70 % du total des saisies de stupéfiants dans notre pays.
00:10:23 Ma deuxième responsabilité, c'est la lutte contre le blanchiment d'argent.
00:10:26 Vous m'avez interrogé précisément là-dessus, monsieur le rapporteur.
00:10:30 Comment est-ce que fonctionne le blanchiment d'argent en France ?
00:10:33 Il consiste très simplement à réinjecter l'argent illégal de la drogue dans les circuits légals courants.
00:10:41 Concrètement, l'argent est collecté par les trafiquants sous forme de petites espèces, de cryptoactifs, de cartes prépayées, de virements dans des comptes éphémères proposés par des noeuds aux banques.
00:10:53 Cet argent est ensuite intégré à la comptabilité d'un bar à chicha ou d'un bar d'un garage automobile, dont le chiffre d'affaires va augmenter artificiellement.
00:11:03 Il peut aussi être dépensé, on le voit de plus en plus, dans l'achat d'un bien immobilier de luxe ou dans des jeux d'argent.
00:11:09 Pour être très concret, un trafiquant préfère perdre une partie de ses gains illégaux en les jouant pourvu qu'il puisse récupérer légalement une somme même inférieure, c'est le prix à payer du blanchiment.
00:11:21 Pour traquer ce blanchiment d'argent, c'est le rôle des services de traque fin et de ces 220 agents.
00:11:28 Quel est le bilan que nous pouvons faire depuis sept ans ?
00:11:31 D'abord, nous avons augmenté les moyens humains. Depuis 2017, les effectifs de surveillance des douanes ont été augmentés de 287 équivalents en plein et ceux de traque fin ont quasiment doublé.
00:11:42 Sur les moyens matériels, nous avons modernisé les équipements et les moyens de détection des douanes avec le plan STUP de 2019 et le plan POR de 2023.
00:11:51 Les douanes vont mobiliser désormais 120 lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation pour traquer les trafiquants sur les routes,
00:11:58 des camionnettes scanners qui seront très prochainement positionnées dans les terminaux sensibles pour détecter les cargaisons
00:12:05 et un algorithme de détection des stupéfiants envoyé par colis postaux qui est en train d'être expérimenté.
00:12:12 Enfin, s'agissant des moyens juridiques, l'arsenal des douanes a été renforcé avec la loi Douane de 2023 qui comprend l'assouplissement des procédures de saisie des agents chimiques nécessaires aux drogues de synthèse.
00:12:22 Ce qui fait que nous saisissons dès que nous avons un doute sur le caractère illégal de l'utilisation d'un solvant, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant,
00:12:30 ce qui permet de prévenir l'idée d'avoir des laboratoires de fabrication sur le sol français.
00:12:35 Nous avons élargi le recours aux techniques spéciales d'enquête comme la captation d'images ou la sonorisation.
00:12:41 Et nous pratiquons la retenue temporaire de sommes d'argent en liquide à l'intérieur du territoire.
00:12:45 Cela répond à votre interrogation sur les petites sommes en liquide en cas d'indice de lien avec une activité criminelle.
00:12:52 Au total, 664 tonnes de drogue ont été saisies depuis 2017 pour une valeur marchande de plus de 5 milliards d'euros.
00:13:00 Je termine en insistant sur la nécessité de disposer de moyens renforcés, notamment juridiques, pour faire face à une menace qui, je le redis, a explosé en intensité et en gravité.
00:13:14 D'abord, nous voulons permettre à nos services douaniers d'accéder au maximum de données et de les croiser.
00:13:20 Nos douaniers et nos forces de sécurité ont besoin de plus d'informations de la part des grandes compagnies de transport maritime et de la logistique
00:13:28 afin de pouvoir rapidement déceler les conteneurs suspects.
00:13:32 Je réunirai prochainement les représentants de ces grandes compagnies pour avancer avec eux sur le sujet.
00:13:37 Nous devons également renforcer la coopération internationale.
00:13:40 C'est l'objet de l'Alliance européenne des ports, qui est promue par la Commission européenne et dont nous soutenons l'idée.
00:13:46 Nous devons avoir la même intensité à Rotterdam, Anvers, Gênes ou Le Havre.
00:13:52 Au niveau des moyens technologiques, nous avons besoin là aussi de renforcer nos moyens.
00:13:58 Face à la diffusion des techniques de chiffrement des téléphones, notre avantage en matière d'écoute et d'interception téléphonique est désormais insuffisant.
00:14:08 Nous devons réinvestir pour réaliser un saut technologique et pouvoir repérer les conversations cryptos des trafiquants, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui.
00:14:18 Les États-Unis peuvent pénétrer les applications les plus sécurisées. Il est temps que la France puisse le faire également.
00:14:24 Enfin, au niveau administratif, nous devons simplifier, accélérer, renforcer les procédures pour taper plus efficacement les trafiquants au niveau du portefeuille.
00:14:35 Nous devons ajouter une lame préventive, celle de la procédure administrative, ce qui veut dire que dès que nous avons des indices graves,
00:14:43 notre proposition est de passer à l'action, c'est ce que nous avons proposé avec le président de la République et les ministres de l'Intérieur,
00:14:49 pour geler immédiatement les avoirs des têtes de réseau et de leurs lieutenants.
00:14:54 Ce qui veut dire qu'il ne faudra plus qu'il y ait une procédure judiciaire engagée, mais des indices graves et concordants seront suffisants
00:15:00 pour appliquer un gel des avoirs à tous les narcotrafiquants, aux gestionnaires financiers, aux gérants d'actifs, aux banques, assurances,
00:15:07 notaires et agents immobiliers qui disposent des biens des narcotrafiquants. C'est un point, à notre avis, absolument capital.
00:15:14 Ce gel administratif n'existe pas pour l'instant. Avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur, nous avons décidé de le mettre en place.
00:15:22 Voilà les quelques éléments de présentation générale que je voulais vous faire.
00:15:25 Pour insister sur notre mobilisation totale avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur sur ce sujet,
00:15:32 je voudrais profiter de cette audition pour que chacun prenne conscience de la gravité de la menace que fait peser le trafic de stupéfiants
00:15:39 sur la stabilité de la société française.
00:15:44 Merci, M. le ministre. Ces derniers mots tombent au creux de nos oreilles.
00:15:48 Nous, qui travaillons depuis plusieurs mois sur ce sujet et qui avons pu prendre la mesure de l'état de la menace.
00:15:52 Vous êtes un des piliers d'une équipe gouvernementale qui est aux affaires depuis 7 ans.
00:15:58 Et j'ai deux questions à vous poser. Une première de méthode et une deuxième plus précise.
00:16:04 On a le sentiment, M. le ministre, que la gravité de la situation que vous décrivez avec des mots assez durs et qui est presque alarmiste dans votre propos,
00:16:17 donne lieu à des propositions qui sont un peu tardives et qui sont parfois imprécises.
00:16:22 J'en veux pour preuve le plan STUP2 annoncé et pour l'instant, non pas annoncé, dont on annonçait la présentation,
00:16:34 mais dont la présentation n'est toujours pas programmée, dont nous nous sommes procurés un exemplaire qui est assez familique.
00:16:43 Est-ce que vous avez été associé à la production de ce plan STUP ?
00:16:48 Je suis assez surpris du fait qu'un certain nombre des mesures qui ont été annoncées ces derniers jours par vos collègues et vous-même ne figurent pas explicitement dans ce plan STUP.
00:17:01 Vous avez annoncé dès 8 décembre 2023 le gel administratif des avoirs.
00:17:05 On vient de parler de tests salivaires. On vient de parler de cours spécial.
00:17:07 Et finalement, on a un document qui sera proposé à la représentation nationale qui ne comprend rien et tout le reste passe ailleurs.
00:17:12 Donc sur la méthode, je trouve que c'est un peu tardif, un peu imprécis et en ordre dispersé.
00:17:16 Sur ce point précis du gel des avoirs, dont vous semblez dire que c'est un élément essentiel et on peut le partager, comment va-t-il se mettre en place ?
00:17:28 Quelle est l'articulation avec d'autres mesures ?
00:17:29 On avait demandé un écrit à votre cabinet qu'on n'a pas eu d'ailleurs, mais je pense que ce sera envoyé bientôt.
00:17:35 Et comment ça s'articule avec le droit européen ?
00:17:41 Alors, première remarque sur la gravité de la menace.
00:17:44 Moi, je voudrais effectivement profiter de cette audition pour montrer que la menace est devenue systémique et qu'elle est aussi grave par la société française que la menace terroriste.
00:17:58 De la même façon, à mon sens, que nous devons avoir conscience que l'islam radical livre une guerre aux pays européens en général et à la France en particulier.
00:18:09 Nous devons avoir conscience que les narcotrafiquants ont décidé de faire de l'Europe une de leurs bases avancées et de la France en particulier.
00:18:18 Pour des raisons économiques que je veux bien souligner, le marché nord-américain est saturé.
00:18:23 Ils ont besoin d'un autre marché et ce marché, c'est la France et l'Europe.
00:18:30 Et du coup, la France se trouve prise en étau entre d'un côté le marché de la cocaïne qui était principalement en Amérique du Nord,
00:18:38 venue de l'Amérique du Sud auparavant, mais qui désormais devient une cible particulière,
00:18:44 et le maintien d'un réseau de cannabis venu en particulier du Maroc et d'autres pays d'Afrique du Nord, qui menace également la France.
00:18:55 Donc pour ces raisons, je pense qu'il est urgent d'élever notre posture.
00:18:59 Nous l'avons fait, je vais y revenir depuis plusieurs années, mais ce changement est lié à des évolutions systémiques du commerce mondial qui sont récentes et qui datent de l'après-Covid.
00:19:11 Après le Covid, nous avons un repositionnement global des chaînes de valeurs.
00:19:15 Dans ces chaînes de valeurs, la drogue en fait partie.
00:19:17 C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
00:19:20 Deuxième remarque, nous avons en matière de réponse apporté toute une série de réponses avec le ministre de l'Intérieur.
00:19:30 J'ai parlé des moyens de la douane, des moyens de traque-fins.
00:19:33 Nous avons doublé les moyens de traque-fins.
00:19:37 Nous pilotons pour le ministère de l'Economie et des Finances trois des 55 mesures de ce plan qui a été annoncé par le ministre de l'Intérieur,
00:19:45 notamment sur le domaine routier, sur le ciblage et la détection des conteneurs maritimes et sur la lutte contre le trafic de stupéfiants sur le vecteur du fret express et postal.
00:19:54 Ce conteneur maritime, c'est absolument essentiel.
00:19:57 Nous avons besoin de la coopération des opérateurs maritimes et des ports pour repérer, par exemple, s'il y a un agent nouveau qui est circulé sur le port,
00:20:05 s'il y a une nouvelle cargaison qu'on n'a jamais vue auparavant qui, tout d'un coup, se retrouve sur un porte-container.
00:20:12 Tous ces éléments supposent la coopération en termes de données de la part des grands opérateurs maritimes.
00:20:19 Je verrai prochainement CMA et CGM pour en discuter avec eux.
00:20:23 Mais l'échange des données est vital, car il y a uniquement à travers le scannage des données que l'on arrivera à savoir s'il y a effectivement dans un conteneur un produit suspect ou non.
00:20:36 S'agissant du gel des avoirs des narcotrafiquants,
00:20:41 c'est pour moi un dispositif absolument essentiel qui s'inspire du dispositif existant en matière de terrorisme.
00:20:47 C'est pour ça que je ne cesse de faire la comparaison entre terrorisme et narcotrafiquants, parce que la menace, pour moi, est exactement de la même intensité.
00:20:55 Il existe le gel des avoirs à but de lutte contre le terrorisme.
00:20:59 Nous proposons que le gel des avoirs à but de lutte contre les narcotrafiquants soit adopté dès cette année par le Parlement.
00:21:09 Dans la doctrine d'emploi, comment est-ce que cela fonctionnerait ?
00:21:12 Il faut déjà que nous ayons un certain nombre de cibles qui soient identifiées.
00:21:16 Nous proposons que ces cibles soient proposées conjointement par mes services, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et ceux de l'intérieur, l'Office anti-stupéfiants.
00:21:27 La coordination en termes de renseignement entre ces deux services devrait permettre d'identifier ces cibles.
00:21:33 L'autorité judiciaire serait évidemment associée à cette désignation pour que les mesures administratives d'entrave financière interviennent en complémentarité de l'action judiciaire et ne perturbent pas les enquêtes en cours.
00:21:48 Ce nouvel instrument juridique doit en effet être envisagé comme un moyen d'entrave financière complémentaire de l'action judiciaire et non pas en confrontation avec l'action judiciaire, en particulier lorsque celle-ci n'est pas opérante.
00:22:02 Une fois que la désignation a été faite par les services du ministère de l'Intérieur et du ministère des Finances, en coopération avec l'autorité judiciaire,
00:22:10 l'ensemble des assujettis à la réglementation anti-blanchiment devront geler les avoirs des personnes concernées dont on aura fourni le nom.
00:22:18 Ça concerne les banques, les agences, les assurances, les notaires, les avocats, les agents immobiliers.
00:22:26 Force leur sera faite par la loi de geler les avoirs des personnes qui seront désignées administrativement.
00:22:33 Et c'est là qu'est la vraie révolution.
00:22:36 C'est qu'une désignation est administrative, sur la base des services de renseignement, en coopération avec l'action judiciaire.
00:22:42 Mais si ce narcotrafiquant se trouve à Medellin ou ailleurs en Europe, si l'action judiciaire ne peut pas le poursuivre pour toutes sortes de raisons juridiques parfaitement compréhensibles,
00:22:53 nous pouvons quand même geler ses avoirs.
00:22:55 Et ça, c'est une véritable révolution.
00:22:59 Passer par l'administratif et accepter une restriction de liberté publique pour la protection de nos compatriotes.
00:23:06 L'avantage par rapport à la confiscation judiciaire, c'est que ça permet d'aller plus vite,
00:23:13 ça permet de gagner du temps sur l'enquête ou l'information judiciaire et ça a un caractère automatique.
00:23:19 Donc ce sera une vraie plus-value par rapport à l'action judiciaire et policière des saisies et des conflictions pénales qui ne sont prises qu'en fonction de la connaissance du patrimoine.
00:23:28 Là, cette fois-ci, peu importe le patrimoine, tout est gelé dans tous les actifs, dans tous les lieux où sont déposés les actifs des narcotrafiquants.
00:23:37 Ce dispositif, pour répondre à votre question, est tout à fait conforme aux droits européens.
00:23:41 Il va dans le sens de l'initiative de la Commission qui a proposé de renforcer les procédures de saisie et de confliction judiciaire.
00:23:47 C'est un sujet qui mérite d'être porté au niveau européen.
00:23:50 Nous souhaitons que le choix français fasse jurisprudence au niveau européen et soit étendu ensuite à tout le territoire européen, dans tous les États européens.
00:24:00 Je refais la comparaison avec la lutte contre le terrorisme.
00:24:03 La lutte contre les narcotrafiquants est tout aussi essentielle.
00:24:06 Elle sera efficace aussi si les dispositifs que nous mettons en place au niveau national sont retenus par les autres États européens.
00:24:14 Très bien. Merci, M. le ministre. Une observation sur le dispositif que vous venez de présenter.
00:24:21 Ce qui nous a frappés dans les travaux de notre commission d'enquête, c'est la capacité des réseaux de narcotrafiquants à être conseillés, à être appuyés.
00:24:30 Lorsqu'il y a une saisie, lorsqu'il y a une procédure, ils ont aujourd'hui parmi les meilleurs conseillers fiscaux, les avocats, les juristes de premier ordre.
00:24:42 Et j'imagine que ce dispositif que le gouvernement entend mettre en place sera exposé à ces contestations permanentes de la part d'avocats, de conseils de plus en plus chevronnés.
00:24:53 Mais ma question porte maintenant sur les liens entre le narcotrafic et l'économie légale.
00:25:01 Nous avons constaté que le produit, ces petites coupures, ces espèces qui prennent du narcotrafic,
00:25:10 intègrent l'économie légale dans des secteurs qui sont parfaitement identifiés.
00:25:15 C'est le bâtiment, c'est la restauration, ce sont les services de sécurité privée.
00:25:22 Et puis, c'est une foule de petits commerces dans le domaine de la téléphonie, dans le domaine des ongleries.
00:25:30 Ce sont des barbiers qui s'installent et qui ont des chiffres d'affaires absolument fictifs.
00:25:35 Quels sont les dispositifs que vous pouvez mettre en place pour mieux surveiller cela ?
00:25:40 Je reprends ma question initiale. C'est de l'argent liquide qui va intégrer ces commerces.
00:25:47 Comment se fait-il qu'on ne puisse pas plus facilement repérer ces flux ?
00:25:53 Est-ce que c'est un manque de moyens ? Est-ce que c'est un manque de dispositifs de surveillance ?
00:25:58 Est-ce que c'est un manque de coordination entre les différents services ?
00:26:01 La police judiciaire et les services dont vous avez la responsabilité.
00:26:07 Pourquoi est-ce qu'on ne voit pas plus ces flux ? Pourquoi est-ce qu'on ne les identifie pas plus ?
00:26:12 Et pourquoi est-ce qu'on ne peut pas mieux les confisquer ?
00:26:16 Et puis, une question complémentaire. Si on s'attaque à ces flux, il y a évidemment une fragilisation de cette économie réelle,
00:26:26 que l'on va priver de flux financiers, quand bien même ce sont des flux financiers illégaux.
00:26:31 Est-ce que, sous votre autorité, on a identifié les conséquences que pourraient représenter des confiscations renforcées
00:26:42 sur ces secteurs de l'économie, notamment sur celui du bâtiment ?
00:26:47 Alors, sur toutes ces questions majeures, il est évident que ce qui est le plus difficile à traquer,
00:26:58 c'est les petits ruisseaux qui, ensuite, font les grandes rivières du trafic de narcos stupéfiants,
00:27:06 avec, effectivement, des innovations qui se mêlent aux méthodes plus basiques et plus anciennes.
00:27:11 Les méthodes basiques, vous avez souligné, c'est les ongleries, c'est les barbiers, ce sont les bars à chicha,
00:27:18 ce sont toutes ces activités-là qui ont des chiffres d'affaires totalement en décalage par rapport à la réalité de l'activité du commerce.
00:27:26 J'ajoute un certain nombre d'autres méthodes qui ont tendance à se développer.
00:27:31 Je pense au schtrumphage, qui consiste à déposer des petites sommes en espèces sur des comptes bancaires
00:27:36 qui sont détenus par des personnes différentes, avec à chaque fois un montant modeste, pour ne pas attirer l'attention.
00:27:43 Les complices qui sont titulaires de ces multiples comptes, qui peuvent parfois se chiffrer en centaines de comptes,
00:27:48 sont appelés schtrumphes, et ils vont toucher une commission sur l'argent qui a été déposé sur leurs comptes
00:27:53 et qui sert en réalité à blanchir l'argent du trafic de drogue.
00:27:58 Je pense également à la méthode du fractionnement, qui se retrouve également dans les transports physiques d'argent liquide,
00:28:03 pour contourner les obligations déclaratives prévues par la réglementation de contrôle de l'argent liquide,
00:28:08 et qui consiste à fragmenter une somme d'argent en multitude de petites sommes qui sont remises à plusieurs passeurs.
00:28:13 Je pense enfin – je l'ai mentionné précédemment – à l'utilisation des banques en ligne et à l'utilisation des cryptomonnaies.
00:28:22 Tout cela fait partie des nouveautés auxquelles nous devons faire face.
00:28:28 Pour lutter contre cela, d'abord, nous avons renforcé les moyens humains.
00:28:31 Ceux de Trakfim ont été significativement renforcés depuis 2017.
00:28:35 Nous avions 125 agents en 2017. Nous en avons 220 en 2023. 95 équivalent en temps plein en plus.
00:28:45 Nous avons créé une nouvelle sous-direction qui est dédiée aux sanctions et à la lutte contre la criminalité financière
00:28:51 à la Direction générale du Trésor. C'est la première fois que la Direction générale du Trésor a une sous-direction
00:28:56 spécifiquement dédiée à cette question de la lutte contre le narcotrafic et la criminalité financière.
00:29:02 Enfin, nous avons augmenté les effectifs de la branche surveillance des douanes de 8.196 à 8.483 équivalent temps plein.
00:29:13 Les derniers développements européens nous permettent également de lutter avec plus d'efficacité contre l'utilisation des espèces.
00:29:21 Nous nous sommes beaucoup battus, et je me suis beaucoup battu personnellement, pour que le seuil européen maximal de paiement en espèces soit de 10.000 euros.
00:29:29 C'est la première fois que cela existe en Europe. Et vous savez qu'il y avait une forte réticence de pays qui sont beaucoup plus utilisateurs des espèces, comme l'Allemagne.
00:29:37 Nous avons également introduit au niveau européen une obligation de vérification et d'identification du client pour les transactions supérieures à 3.000 euros.
00:29:49 Donc nous avons un cadre européen d'anti-blanchiment qui est renforcé avec cette nouvelle directive adoptée en janvier dernier.
00:29:58 Nous avons créé l'Autorité de lutte contre le blanchiment, l'AMLA, dont les activités débuteront mi-2025.
00:30:06 Nous avons également soumis les prestataires de services de cryptoactifs aux règles anti-blanchiment et aux obligations de transparence.
00:30:13 Tout cela sont des dispositifs nouveaux que nous avons portés au niveau européen.
00:30:17 Nous avons renforcé le registre des bénéficiaires effectifs. Et nous avons mis en place une supervision européenne des opérateurs les plus risqués.
00:30:25 Je termine juste – puisque vous m'avez interrogé sur les méthodes sophistiquées et les moyens – pour moi, je le redis, un des enjeux majeurs est que nos services de renseignement
00:30:35 puissent disposer des moyens de casser les télécommunications des narcotrafiquants cryptés. Aujourd'hui, ils n'en ont pas les moyens technologiques.
00:30:45 – Merci Monsieur le Ministre. Vous nous avez répondu tout à l'heure sur le plan Stup 2019.
00:30:51 Mais la question que je vous posais concerne le plan Stup à venir. Et c'est cette articulation qui m'intéressait, notamment avec la mesure de gel des avoirs,
00:31:01 dont je pense quand même qu'il faudra que vous nous précisiez comment vous pensez vous-même la mettre en œuvre.
00:31:06 Parce qu'on voit déjà qu'en judiciaire, les choses sont assez compliquées. Donc en administratif, quelle marge de malheur vous allez vous donner
00:31:12 pour que tout ça prenne effet très concrètement ? Voilà, je pense que quelques écrits à l'appui de cette proposition ne seraient pas inutiles.
00:31:20 Je veux vous interroger sur les moyens. Vous êtes le ministre des Comptes publics dans une période où on va nous amener collectivement à faire des économies.
00:31:30 Vous avez évoqué avec ce gel des avoirs des solutions juridiques nouvelles pour lutter contre le narcotrafic.
00:31:36 On voit qu'il y a aussi un sujet capacitaire et nombreuses auditions, nombreuses rencontres avec des policiers, des magistrats.
00:31:44 Vous avez parlé dans votre champ de délégation de la douane de Tracfins. Mais nous montre qu'il faut des moyens supplémentaires.
00:31:54 Est-ce qu'il n'est pas de bonne politique de ne pas faire l'économie de moyens dans ce champ de la justice, de la police,
00:32:02 pour aller capter ne serait-ce qu'une petite partie des 3,5 milliards d'économies du narcotrafic ?
00:32:09 Ce serait sans doute un service rendu à nos concitoyens et aux comptes de la nation.
00:32:18 Je partage totalement votre évaluation, M. le Président. Je vais y revenir.
00:32:25 Peut-être juste un petit mot sur la mise en place de ce gel des avoirs des narcotrafiquants.
00:32:32 L'idée est de s'inspirer de la jurisprudence sur le terrorisme qui fonctionne très bien.
00:32:37 C'est une coopération entre les services, un ciblage des individus et un gel imposé à l'ensemble des entités qui peuvent gérer les biens de ce narcotrafiquant.
00:32:52 Ça fonctionne très bien pour le terrorisme. Le niveau de menace pour moi est similaire.
00:32:56 Il demande la même détermination et la même capacité à s'affranchir d'un certain nombre de règles que nous avons respectées jusqu'à présent et dont jouent les narcotrafiquants.
00:33:07 C'est ma position de ministre de l'Économie et des Finances.
00:33:11 Je connais les réticences de certains sur les libertés publiques. Je peux les entendre.
00:33:15 Mais pour moi, il faut appliquer au narcotrafic la même jurisprudence qu'au terrorisme,
00:33:22 savoir s'affranchir de certaines libertés publiques pour protéger la liberté collective de nos compatriotes face à cette menace.
00:33:30 S'agissant des sujets capacitaires, oui, il y aura besoin de moyens supplémentaires, notamment en termes de détection,
00:33:37 en termes de capacité à casser les communications cryptées, de capacité technologique et matérielle.
00:33:48 Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus important. Quand je pense, par exemple, au lecteur de plaques d'immigration, le LAPI, on va en avoir 200.
00:33:55 Il y en a 120 aujourd'hui. Avoir des scanners plus puissants, ça coûte très cher, mais c'est extrêmement efficace.
00:34:00 C'était il n'y a pas très longtemps en Guadeloupe et en Martinique. Les aéroports ont besoin de scanners pour aller arriver à repérer les passeurs
00:34:09 qui transportent des boules de chit à l'intérieur de leur corps, ce qui est à la fois dangereux pour leur santé,
00:34:17 ce qui peut être repéré très vite avec un scanner, mais le scanner coûte plusieurs centaines de milliers d'euros.
00:34:21 Donc oui, je suis favorable à l'investissement pour lutter contre le narco-traffic.
00:34:27 Je rappelle que c'est conforme à la position que je défends depuis maintenant plusieurs semaines, qui est que notre État-providence doit céder la place à un État protecteur.
00:34:37 Et être capable de renoncer à certaines politiques publiques ou de les faire évoluer, parce qu'elles ne donnent pas tous les résultats qu'on serait en droit d'attendre,
00:34:47 pour être certain que nous avons les moyens de protéger nos compatriotes face à des menaces qui sont grandissantes et qui peuvent déstructurer la société française toute entière.
00:34:56 La drogue en fait partie.
00:34:58 Alors je vais passer la parole à plusieurs de nos collègues. Je vous invite à poser successivement vos questions, comme ça le ministre pourra répondre d'une seule fois.
00:35:08 Peut-être que je vous invite à être bref, puisqu'on a jusque 10h30.
00:35:13 Première série, Mme Carlotti, M. Burgois, M. Kadic, et ensuite on aura M. Khalifé, Mme Daniel et M. Benarroche dans une deuxième série.
00:35:23 Merci M. le Président. M. le ministre, je vous remercie pour votre constat, votre lucidité, qui veut donc dire qu'il y aura une traduction en volonté politique de l'État
00:35:31 de faire encore plus que ce qu'il a fait jusqu'à maintenant. C'est, j'espère, une bonne chose. En tout cas, notre commission d'enquête s'y attellera avec beaucoup d'énergie.
00:35:39 Vous avez parlé de l'argent des narcotrafics et du gel des avoirs. L'argent, il circule de manière liquide. Vous en avez parlé tout à l'heure.
00:35:48 Il circule aussi dans le fait qu'ils achètent du patrimoine ou qu'ils achètent des produits de luxe avec des montres excessivement chères, etc.
00:35:55 Comment vos services travaillent sur ce qu'on pourrait appeler le signe extérieur de richesse ? On a parlé tout à l'heure des moyens que vos services ont pour constater tout ça,
00:36:03 parce qu'il faut bien faire des constats. Et la deuxième question que je pose, c'est d'autres moyens financiers. Ça va dans les banques. C'est placé.
00:36:12 C'est même... Donc comment vous travaillez avec les banques ? Elles doivent vous opposer, le secret bancaire, la plupart du temps.
00:36:18 Donc voilà, à la fois les signes extérieurs de richesse pour toucher au patrimoine, pour toucher aux produits de luxe, et à la fois le travail que vous pouvez avoir avec les banques.
00:36:28 Laurent Burgoa.
00:36:29 Oui, merci, M. le Président. M. le ministre, moi aussi, pour noter de manière concrète votre réelle volonté politique d'améliorer la situation.
00:36:38 J'aimerais vous poser une question plus concrète sur les GIR. Les GIR dans lesquels les DG FIP sont particulièrement associés.
00:36:47 Donc j'aimerais une double question rapide. Est-ce qu'il y a une circulaire à votre part pour sensibiliser vos directions départementales de bien participer aux GIR ?
00:36:55 Et d'autre part, un cas plus particulier étant le sénateur Dugar, est-ce que vous pouvez trouver un moyen pour mettre à disposition du GIR de Nîmes,
00:37:02 qui est créé depuis le 1er janvier dernier, quelqu'un, parce que le directeur du GIR l'attaque avec impatience ?
00:37:08 Merci, cher collègue. Olivier Keddie.
00:37:10 Merci, M. le Président. Oui, moi, je voudrais revenir sur la partie de la lutte contre le blanchiment.
00:37:17 Elle est internationale. Le blanchiment ne fonctionne pas que pour le trafic de drogue, on l'a vu, le terrorisme, le trafic d'êtres humains, la cybercriminalité, l'évasion fiscale, le contournement des sanctions internationales.
00:37:30 Et ça nous a été dit lors d'auditions, nous sommes face à un blanchiment à grande échelle avec des groupes criminels qui fonctionnent à grande échelle, des systèmes de compensation, des systèmes occultes basés sur la confiance, la cryptomonnaie, etc.
00:37:43 On a évoqué, bien sûr, comme place Dubaï, souvent par certains, en mettant en avant quand même qu'un travail était en cours, la nomination d'un magistrat liaison, qu'il y avait de la communication.
00:37:54 Par contre, lors de nos auditions concernant Hong Kong, il nous a été dit qu'il n'y avait jamais de réponse des autorités locales sur les demandes pour traquer les trafiquants, justement dans ce domaine.
00:38:06 J'étais à Washington il y a très peu de temps, j'ai été auditionné par le département de justice et ils sont eux-mêmes dans la même situation.
00:38:14 Donc, ce n'est pas nous qui sommes en situation de faiblesse. Apparemment, c'est international.
00:38:18 La Hong Kong est la porte d'entrée financière vers la Chine. C'est devenu le trou noir du blanchiment. Comment tracez-vous la qualité des fonds qui reviennent de Chine pour s'investir en France ?
00:38:27 Et avez-vous mis en place des mesures de lutte anti-blanchiment depuis cette origine ? Merci.
00:38:34 Monsieur le ministre.
00:38:39 Alors sur le premier sujet, première question, sur les patrimoines immobiliers, les montres de luxe, les signes extérieurs de richesse,
00:38:47 je rappelle qu'à ma demande et celle de Gérald Darmanin également quand il était ministre des Comptes publics, nous avons mobilisé les services fiscaux pour détecter de manière très efficace
00:39:00 tous les signes extérieurs de richesse. On a beaucoup glosé sur les piscines. Il y en a un nombre très important.
00:39:10 Vous savez qu'on peut repérer n'importe quelle piscine en France. Nous sommes un des seuls pays au monde à savoir le faire.
00:39:15 Mais croyez-moi, il y a d'autres moyens concentrés dans l'unité d'enseignement fiscal que nous avons créée à la Direction générale des finances publiques
00:39:22 pour repérer les signes extérieurs de richesse qui peuvent aller effectivement de la montre à plus de 200 000 euros jusqu'à du patrimoine immobilier ou jusqu'aux voitures.
00:39:32 Nous avons un service spécifiquement dédié à la DGFIP sur le repérage des signes extérieurs de richesse qui nous permet de tracer les mouvements illégaux de fond.
00:39:44 S'agissant des banques, il n'y a pas de secret bancaire. Elles ont des obligations légales. D'abord, de faire des déclarations de soupçons pour tous les flux illicites
00:39:54 liés au blanchiment du trafic de stupéfiants. Les banques représentent à peu près 90 % des déclarations spontanées que nous avons de risque de déclaration de soupçons.
00:40:05 Enfin, elles sont obligées de répondre aux demandes de communication de traque-fin. C'est-à-dire que si nous avons un doute sur tel ou tel individu,
00:40:15 traque-fin envoie à la banque des renseignements demandés. Nous n'avons aucune difficulté avec le secteur bancaire dont je salue la coopération en matière de lutte
00:40:25 contre le trafic de stupéfiants. Elles répondent bien et rapidement. S'agissant des GIR, la coopération est très bonne avec la DGFIP puisque nous traitons
00:40:37 2 000 demandes chaque année de renseignements qui nous sont adressés par les GIR. Donc la coopération se fait de manière très efficace.
00:40:46 Je prends note pour le GIR de Nîmes. Nous allons évidemment remédier à tout cela assez rapidement. S'agissant de Hong Kong et de la coopération internationale,
00:40:56 c'est évidemment un des enjeux à venir. Il faut plus de transparence entre les États. Il faut éviter l'opacification. Il y a un centre d'État avec lequel c'est plus compliqué.
00:41:08 L'enjeu de Hong Kong est réel. Je confirme totalement les propos du sénateur. La coopération internationale, en règle générale, a fonctionné de manière efficace.
00:41:20 Nous avons signé un accord de coopération avec les Émiratis pour identifier les avoirs. Donc avec les EAU, les choses fonctionnent bien.
00:41:28 Hong Kong, c'est effectivement une autre paire de manches pour parler simplement.
00:41:34 – Califé, Califé. Karine Daniel et puis Guy Bellaroche.
00:41:38 – Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, je voulais avant tout m'associer à mes collègues pour que vous remerciez de cette audition et de la qualité des réponses.
00:41:49 Moi, j'ai trois questions. Une rapide. Est-ce que vous avez évalué le coût sanitaire et social des méfaits des drogues que vous avez très bien énuméré tout à l'heure ?
00:42:01 La seconde, je voulais revenir sur ce que vous avez dit sur les petits ruisseaux et ces plateformes,
00:42:07 puisqu'on sait que les dealers sont toujours très en avance sur nous et l'ubérisation des ventes sur des plateformes via des banques.
00:42:18 Vous avez répondu partiellement à cette question en disant que les banques étaient à l'origine de beaucoup de déclarations dans ce sens.
00:42:27 Mais est-ce qu'elles sont proactives ? Est-ce qu'elles s'intéressent aussi aux ventes locales, si je peux dire, dans les quartiers, sur les plateformes ?
00:42:37 Et la troisième, vous avez mis en parallèle le narcotrafic et le terrorisme en matière de gravité.
00:42:45 C'est assez certain. Mais vous avez peut-être évité – je ne sais pas si c'était exprès – de mettre le lien entre le narcotrafic et le terrorisme.
00:42:56 Et dans ce cas-là, quelle est votre position sur ce point qui est aussi grave que le reste ? Merci.
00:43:11 – Merci. Monsieur le ministre, moi j'avais deux questions.
00:43:14 Une qui peut paraître anecdotique, mais on l'a entendu à plusieurs reprises dans nos auditions,
00:43:19 c'est le principe de blanchiment qui passe par les jeux et les jeux d'argent.
00:43:27 Et c'est quand même un peu gênant et un peu provoquant aussi d'avoir un établissement qui a le mot France ou Française dans son intitulé,
00:43:38 qui apparaît au grand jour comme étant un vecteur de blanchiment.
00:43:44 Donc est-ce qu'on a des moyens très concrets de poser des règles qui puissent prévenir et limiter ce système de blanchiment
00:43:54 qui est courant, commun et qui nous est présenté comme finalement assez facile et jouant sur les statistiques ?
00:44:04 Et la deuxième question que j'avais, vous avez parlé des coopérations internationales.
00:44:08 Moi, j'ai une question sur les coopérations européennes. Est-ce qu'elles se renforcent ?
00:44:14 Vous avez parlé de coopérations entre les ports, mais est-ce qu'il y a des coopérations européennes
00:44:19 qui se renforcent avec les équivalents de traque-fins chez nos homologues ?
00:44:24 Vous avez aussi dit dans votre introduction qu'une grande partie du trafic passait par la route,
00:44:29 donc en proximité immédiate avec nos partenaires européens.
00:44:34 Quels sont les avancées et les enjeux de ce point de vue, sachant que ça nous apparaît aussi extrêmement important
00:44:42 de montrer que l'Europe et les États européens sont à l'unisson sur ce combat de lutte contre le narcotrafic ?
00:44:51 — M. le ministre, on finira par nos questions des sénateurs et sénatrices marseillais après.
00:44:56 [...]
00:45:01 Sur le coût sanitaire et social, je n'ai pas d'évaluation, parce que je pense qu'il faudrait s'adresser
00:45:06 à la ministre de la Santé sur ce sujet. Moi, je voudrais juste vous faire part – c'est aussi l'objet de ces commissions –
00:45:17 de ma conviction personnelle à autant de citoyens que de ministres de l'Économie et des Finances.
00:45:24 Le cannabis, c'est cool. Et la cocaïne, c'est chic. Voilà la représentation sociale des drogues.
00:45:33 La réalité, c'est que les deux sont des poisons, que les deux sont destructeurs et que les deux participent
00:45:41 à la fragilisation de toute la société française. C'est pas que les quartiers. C'est pas que les quartiers difficiles.
00:45:49 C'est les centres-villes, c'est les grandes agglomérations et c'est les communes rurales.
00:45:54 J'ai vu en 15 ans, dans ma circonscription, la première circonscription de l'heure, comment des communes rurales
00:46:00 ont été gangrenées par le trafic de drogue, comment le bar-tabac qui servait de lieu de rencontre est devenu progressivement
00:46:08 un lieu de trafic en raison de la proximité, notamment avec les réseaux de Montelagiolli.
00:46:13 Donc je voudrais que cette commission nous permette à toutes et à tous d'ouvrir les yeux, de dénoncer ce discours de complaisance
00:46:22 vis-à-vis de la consommation des stupéfiants. Et je suis là-dessus totalement sur la même ligne que le ministre de l'Intérieur.
00:46:29 La cocaïne, ça n'est pas chic. Et le cannabis, ça n'est pas cool. Ça conduit à des problèmes de santé mentale et de santé tout court dans notre pays.
00:46:40 Et il est très étonnant de voir à quel point on n'arrive pas à relier deux réalités.
00:46:47 La première, qui est le nombre de problèmes de santé mentale qui existent dans notre pays, qui sont un vrai problème de santé publique,
00:46:58 et l'explosion de la consommation de stupéfiants. Et sans vouloir aller sur les domaines qui ne sont pas les miens,
00:47:05 je vois les difficultés des associations qui sont confrontées au traitement de personnes qui sont en situation de dépendance,
00:47:11 l'extrême complexité de la gestion des personnes en situation de dépendance, le manque parfois de moyens justement de certaines associations pour faire face.
00:47:20 Voilà. C'est ça, la réalité de la société française. Il faut ouvrir les yeux, dénoncer cette consommation soi-disant sympathique et en réalité délétère
00:47:28 et dans le même temps frapper les trafiquants au portefeuille. D'autant plus que – je n'ai cessé de le faire pendant mon audition –
00:47:37 non seulement les deux phénomènes de narcotrafic et de terrorisme sont comparables dans leur intensité et la menace qu'ils font peser sur la France,
00:47:46 mais ils sont liés. Je confirme les liens financiers qui existent entre le terrorisme et les narcotrafiquants.
00:47:55 Et nous disposons de tous les éléments pour confirmer ces liens qui peuvent exister entre le financement du terrorisme et les narcotrafiquants.
00:48:05 Il existe ce qu'on peut appeler un phénomène d'hybridation des menaces qui rend d'autant plus difficile à la fois leur détection et la capacité à lutter contre.
00:48:19 Sans compter que, pour être tout à fait précis, les exemples concrets avérés, documentés sont limités et donc ne nous permettent pas aujourd'hui
00:48:29 de définir une doctrine de riposte concernant à la fois le terrorisme et le narcotrafique en France de manière totalement exhaustive.
00:48:41 S'agissant des jeux d'argent, le rôle de la Française des jeux, qui est un acteur, nous a amené à mobiliser TRACFIN pour qu'il sensibilise les acteurs du jeu
00:48:54 par le biais d'ateliers dédiés. Et nous avons par ailleurs une forte augmentation des déclarations de soupçon de la part du secteur du jeu à la suite de cette mobilisation,
00:49:03 puisque les déclarations ont augmenté de 24% en 2023. S'agissant de la coopération européenne à travers TRACFIN, elle existe déjà et elle fonctionne bien.
00:49:15 S'agissant de la coopération sur les ports européens, vous savez que la Commission européenne a proposé une alliance des ports européens, que nous soutenons totalement,
00:49:24 avec trois actions très concrètes. Mobiliser en commun les douanes de tous les États pour faire face au trafic de stupéfiants et échanger les données.
00:49:31 Renforcer les opérations des administrations répressives dans les ports, les containers, les scellés, le partage et l'exploitation d'images.
00:49:39 Et enfin, très important à mes yeux, la mise en place de partenariats publics-privés contre les trafics de stupéfiants et les infiltrations criminelles dans les ports.
00:49:49 Nous ne pouvons pas arriver à lutter avec efficacité contre l'infiltration criminelle dans les ports sans une coopération avec les acteurs du transport maritime.
00:49:58 Cette alliance sera effective, je le rappelle, au 1er janvier 2025.
00:50:02 Avant de donner la parole à Guy Benarroche, je voulais rebondir sur vos propos, M. le ministre.
00:50:09 Jusque-là, vos propos ne nous avaient pas appris grand-chose de plus que ce que nous savions déjà.
00:50:14 En revanche, vous venez de faire un lien entre terrorisme et narcotrafic que personne n'a fait jusque-là, y compris les autorités les mieux informées que nous avons pu entendre.
00:50:27 Et comme vous dites, disposer de tous les éléments qu'il en atteste, je suis assez preneur que notre commission d'enquête puisse se voir transmettre ces éléments qui me paraissent très importants.
00:50:38 Guy Benarroche.
00:50:39 Merci, M. le président.
00:50:43 Trois questions, si vous me permettez, M. le ministre.
00:50:46 Le narcotrafic étant une sorte de nec plus ultra du modèle d'une économie commerciale mondialisée où l'offre crée la demande.
00:50:55 Vous avez à juste titre mentionné qu'il était peut-être trop tard pour s'attaquer aux productions locales et que les productions locales arrivaient en Europe.
00:51:06 Ça me paraît effectivement très important. Donc ma question initiale et que je repose a fortiori avec plus de vigueur maintenant que vous avez fait ce constat,
00:51:14 c'est quels sont les moyens de démanteler les centres de production qui vont être localisés en Europe aujourd'hui ?
00:51:21 Deuxième question, à juste titre, Étienne Blanc, le rapporteur, vous a posé des questions sur le chiffrage, l'évaluation réelle du lien entre le blanchiment d'argent et l'économie locale réelle.
00:51:36 Qu'est ce que ça représente ? Combien d'emplois ? Combien de millions ? Combien de ? Voilà, on n'a pas cette évaluation.
00:51:41 Apparemment, elle est sûrement très compliquée à faire et vous ne devez pas l'avoir dans vos services a priori, puisque vous n'y avez pas répondu.
00:51:48 Il y a un deuxième impact de ce narcotrafic. C'est celui, vous l'avez dit, si j'ai bien compris, le narcotrafic utiliserait à peu près 200 000 personnes qu'on va appeler des salariés entre guillemets.
00:52:00 Voilà, qu'elle nourrit donc. Donc quel serait l'impact effectivement de la lutte contre le blanchiment de l'argent vis-à-vis du narcotrafic sur ces 200 000 personnes
00:52:11 dont on peut considérer qu'une partie, effectivement, sont attirées par les gains et qu'une autre, simplement, par la seule possibilité de vivre correctement dans des situations précaires où ils se trouvent ?
00:52:22 Donc c'est la question que je vous pose. La deuxième et la troisième me vient suite à ce que vous avez dit sur le discours de complaisance.
00:52:28 Je ne pense pas qu'il y ait vraiment un discours de complaisance, mais c'est vrai qu'il y a un hiatus entre la façon dont la société a priori de la consommation de drogue et le fait que cette consommation est forcément liée à du trafic.
00:52:39 Et donc ma question là est assez claire. Moi, je n'ai pas vu de grand plan d'État depuis sept ans concernant le trafic de drogue.
00:52:46 Je n'ai même pas vu de campagne pour en faire une cause nationale parce qu'on a l'impression que l'État pensait que parler ou faire des actions préventives sur le trafic de drogue consisterait en fait à faciliter l'accès à la drogue.
00:52:58 Donc en fait, maintenant, je vous demande, il semble qu'on fait tous le même constat pour faire une grande cause nationale.
00:53:03 Donc quelles sont les mesures financières ou d'aide à la prévention, à la formation, à l'aide aux associations, comme vous l'avez dit, qui luttent pour aider les gens qui sont addictifs à sortir de l'addiction ?
00:53:16 Et quelle est l'aide qui peut être consacrée aux familles des victimes du trafic de drogue à tout niveau de victime, aussi bien des consommateurs que des dealers qui sont victimes d'homicides ?
00:53:25 Valérie Boyer, puis Catherine Concon.
00:53:29 Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, je vous remercie du constat que vous nous avez dressé, qui est le constat que les Français ont pu entendre lors des auditions publiques de la commission sénatoriale,
00:53:45 puisque beaucoup d'entre elles ont retracé ce que vous avez décrit en propos préliminaires.
00:53:51 Concernant le plan drogue, j'aurais aimé que vous nous donniez plus de détails sur les conséquences économiques de ce plan drogue et des mesures concrètes.
00:54:02 Tout à l'heure, vous avez fait le lien entre terrorisme et drogue. J'aimerais bien que vous nous disiez quel type de terrorisme et comment ce lien vous avez pu l'établir.
00:54:12 Et quelles sont les conséquences financières de ce lien, surtout au moment où on dit que la menace terroriste augmente en France ?
00:54:20 Je voudrais aussi que vous nous donniez des détails sur la prévention et les mesures de prévention financières que vous avez envisagées.
00:54:37 Et enfin, concernant Marseille en grand, quelles sont les mesures économiques concernant le plan drogue de Marseille en grand ?
00:54:47 Et enfin, excusez-moi la question que je voulais vous poser, sur les mesures concrètes sur la drogue et l'économie locale ?
00:54:55 Parce que plusieurs ont été proposées. Mais vous, quelles sont les mesures concrètes économiques sur la drogue et l'économie locale ?
00:55:02 Et puis, comme tout à l'heure, M. le rapporteur a évoqué un certain nombre de commerces qui ouvrent, et on sait parfaitement ce qu'il en est.
00:55:11 Qu'est-ce que vous comptez faire pour soutenir notamment les mairies avec ces mesures ?
00:55:16 Et surtout, quelles sont les mesures de prévention économique que vous comptez mettre en place ? Je vous remercie.
00:55:21 On termine par Catherine Concon.
00:55:23 Oui, M. le ministre, M. le président, chers collègues, je ne vais pas revenir sur les moyens qui doivent être très légitimement dédiés à la lutte contre le narcotrafic,
00:55:35 à la Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et dans tous ces pays qui sont devenus aujourd'hui de véritables plaques tournantes situées sur la route entre l'Amérique latine, grosse productrice, et l'Europe.
00:55:50 Un certain nombre d'éléments nous ont été apportés hier par vos services au plus haut niveau de la douane, et je me tiens régulièrement informé sur ce sujet.
00:56:00 Les chiffres sont énormes et mirabolants. On fait beaucoup de focus sur Marseille, mais si on devait toutes données relatives rapporter ce qui se passe en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane,
00:56:13 Marseille ne serait plus sur le podium du 8 Parade.
00:56:16 Je voulais par contre vous parler de la notion d'éducation. Je partage votre intransigeance face à la candeur et à cette espèce de propos gentillets sur le petit pétard qui ne cause aucun problème et qui nous détend pendant le week-end.
00:56:37 Je suis aussi intransigeante que vous sur ces questions et je serai de tous les combats pour éviter toute espèce de tentative de pouvoir minorer l'effet sur les jeunes cerveaux, sur les adolescents, les futurs citoyens adultes des drogues fut-elle annoncées à temps doux.
00:56:58 Je voudrais, monsieur le ministre, que vous puissiez agir auprès de votre collègue, madame Belloubet, en charge de l'éducation nationale, pour qu'au plus près des élèves, au plus près des citoyens, l'on puisse porter un certain nombre d'informations qui puissent, en tout cas, irriguer le système scolaire.
00:57:20 Alors il y a quelques petites mesures, quelques petites choses qui se passent au gré de la volonté des enseignants et des équipes dirigeantes, mais il faudrait vraiment un plan massif d'informations par des professionnels, par exemple, pourquoi pas des retraités, pour aller dire à ces élèves, à ces adolescents, collégiens, lycéens et à leurs enseignants aussi, tout le mal que l'on pense de la consommation de drogue.
00:57:48 Aujourd'hui, on entend encore trop de la bouche d'élèves sortant du système scolaire, des propos qui n'ont jamais pu être rectifiés par l'éducation nationale.
00:57:59 Je crois en cette éducation, je crois à l'école qui peut être très bon palliatif face à des familles défaillantes, à des familles toxiques et je tiens vraiment à ce que l'État, en même temps que la répression, en même temps que certains nombres de mesures face à ce phénomène dit de drogue, puisse également porter toute sa pierre à l'édifice dans la construction de mesures éducatives qui puissent parer les jeunes, les jeunes écoliers, les jeunes étudiants.
00:58:28 Les jeunes écoliers, les jeunes lycéens, les jeunes collégiens quant à cette espèce de candeur naturelle que l'on entend autour de la drogue.
00:58:36 Monsieur le ministre.
00:58:39 Merci Monsieur le Président. Peut-être pour commencer sur les liens entre le trafic de stupéfiants et le terrorisme, je confirme le risque d'un phénomène d'hybridation qui est extrêmement surveillé par les services de Bercy, en particulier par la DNR-ED.
00:58:56 Les cas concrets sont limités mais il y a des cas concrets.
00:59:00 C'est ce qui nous amène face à l'augmentation du risque aussi bien terroriste que de la réalité du trafic de stupéfiants en France à accentuer notre vigilance sur ce risque d'hybridation qui pourrait concerner, je n'en parle pas le conditionnel mais je maintiens quand même le propos, des filières d'approvisionnement d'armes qui pourraient être similaires entre les terroristes et les narco-trafiquants.
00:59:24 Je pense que c'est un sujet qui mérite la plus extrême vigilance, je le dis avec prudence mais dès lors que nous avons des indications de cette hybridation, il me semble nécessaire et légitime de renforcer notre surveillance.
00:59:38 S'agissant des risques de production locale, le démantèlement passe d'abord par le repérage en amont des précurseurs, j'en ai parlé précédemment, des agents chimiques et la possibilité pour les douanes désormais de saisir tout agent précurseur ou tout agent dont on estime, solvant ou autre, qu'il pourrait servir au trafic de stupéfiants.
01:00:02 Sur les chiffrages, je n'ai pas de chiffrage plus précis que ceux que j'ai pu donner sur l'économie de la drogue mais je pense que vous êtes toutes et tous parfaitement avertis de la rémunération que peut toucher un guetteur, un trafiquant en fonction de ses activités et la comparaison qu'il aura vite faite entre ce que lui rapporte son activité dans les réseaux de narco-trafiquants et toute autre activité légale.
01:00:26 Valérie Boyer, sur la question de l'association des mairies, sur la lutte contre le développement et le trafic de stupéfiants et l'économie locale, j'y suis évidemment très favorable et nous pouvons travailler ensemble là-dessus.
01:00:40 Un mot important sur les Outre-mer parce que j'ai eu l'occasion de me rendre en Martinique et en Guadeloupe il n'y a pas très longtemps. J'ai eu l'occasion de discuter avec les douaniers dans les deux aéroports.
01:00:53 Les Outre-mer sont très fortement exposées au trafic de stupéfiants.
01:00:58 15% des saisies de cocaïne en France sont réalisées en lien avec l'aéroport de la Guyane et sont liées au phénomène des mules que l'on connaît bien qui justifie justement l'achat de scanners qui évitent à nos douaniers d'avoir à transporter les mules ensuite dans les hôpitaux concernés.
01:01:17 Les Antilles et les Caraïbes sont une zone de stockage et une zone de rebond. 43% des saisies de cocaïne proviennent des Antilles et ils font par conséquent l'objet d'une surveillance toute particulière des services avec le ciblage des ports antillais,
01:01:34 le renforcement des contrôles douaniers sur les filières de porteurs de cocaïne à Orly et à Roissy et aux aéroports de départ. Je reprends ce que je disais sur les mules.
01:01:42 Et la prise en compte de la spécificité des Outre-mer en matière de lutte anti-blachement avec le contrôle effectif du respect des seuils de paiement en espèces qui est une priorité absolue, la formation des enquêteurs et des sessions de sensibilisation des acteurs locaux.
01:02:02 Très bien. Merci, M. le ministre, pour ces réponses. Moi, j'ai deux questions pour en terminer. La première, quand on se compare aux États-Unis, ce pays a mis en place une DEA qui supervise l'ensemble des dispositifs de lutte contre le narcotrafic.
01:02:18 Que pensez-vous de la mise en place en France d'un système de cette nature ? Une autorité supérieure, on pourrait penser à un parquet narcotique comme il y a un parquet financier,
01:02:34 qui superviserait l'ensemble d'un dispositif permettant notamment de se concentrer sur les affaires les plus importantes. Et puis ma deuxième question, c'est la question, c'est celle de la corruption.
01:02:50 À l'occasion de nos travaux, nous avons découvert que cette corruption, elle est en train de gagner un certain nombre de services d'État et des services importants. Un risque sur la douane, un risque sur l'appui judiciaire, un risque dans certains services administratifs de collectivité territoriale, et j'en passe.
01:03:10 Est-ce que vous ne considérez pas que c'est là le signe, on ne peut pas parler d'un narco-État, mais le signe d'un affaiblissement de la puissance publique, d'une fragilité de la puissance publique face à la puissance financière des trafiquants
01:03:28 qui peuvent corrompre des services essentiels à la protection de la France contre le narcotrafic ? Et quels sont les dispositifs, très rapidement, que vous mettez en place pour lutter contre ce phénomène ?
01:03:41 Monsieur le ministre, on pourra finir à 10h30 comme c'était prévu.
01:03:47 Merci, Monsieur le Président. Alors, sur la deuxième question sur la corruption, nous avons effectivement pris un certain nombre de mesures, notamment sur la sécurisation des plateformes logistiques,
01:03:58 avec un plan d'équipement des ports qui vise le déploiement à compter de 2024 de scanners mobiles.
01:04:05 Et je n'ai pas ailleurs demandé, le 14 février dernier, avec le garde des Sceaux, à la directrice de l'Agence française anticorruption, de lancer un contrôle sur l'ensemble des grands ports maritimes,
01:04:17 pour lutter effectivement contre ce risque de corruption. J'empelle que c'est une demande inédite, puisque c'est la première fois que cette autorité de l'Agence française anticorruption
01:04:28 est saisie pour faire un état des lieux précis des processus de prévention et de détection des risques de corruption dans les ports, pour veiller au renforcement des autorités publiques.
01:04:39 Je partage évidemment votre inquiétude et donc la nécessité de cette saisine qui doit nous permettre d'avoir une vue plus précise sur cette corruption
01:04:49 et sur les mesures complémentaires à prendre, en plus de celles que nous avons déjà prises sur les portiques ou les échanges de données.
01:04:55 S'agissant de la DEA, nous avons un système qui est différent, avec un chef de file qui est l'OFAST, une très bonne coopération entre l'OFAST et la DRNED,
01:05:05 qui garantit le contrôle des frontières. Personnellement, je n'ai pas de réponse définitive, et je me garderais bien d'en avoir une.
01:05:15 Je pense que nous avons un système qui fonctionne bien, que les moyens de renforcement dont j'ai parlé, aussi bien technologiques qu'humains, sont la bonne voie à suivre.
01:05:23 Je ne peux pas dire que je citerais... Ce qui est intéressant aux États-Unis, c'est de voir à quel point, tout le monde connaît ça,
01:05:30 la question du fentanyl et la question de l'utilisation de médicaments psychotropes a finalement gangrené la société américaine,
01:05:41 sans que le DEA puisse y faire quoi que ce soit, puisqu'il contrôle les flux.
01:05:45 Et je veux insister, en terminant cette intervention devant votre commission, que je juge particulièrement utile et nécessaire,
01:05:53 sur le fait qu'il ne faut pas rester dans des schémas du passé, et que c'est sans doute à nous d'expliquer ça aux Français et à nos compatriotes.
01:06:03 Le risque n'est pas simplement l'importation de cannabis ou de cocaïne.
01:06:08 Le risque désormais est de voir le trafic se produire, se développer, se construire avec des laboratoires sur la base d'agents chimiques, sur le territoire français.
01:06:17 Donc ça demande un renforcement considérable, et de la prise de conscience, et des moyens de prévention de lutte.
01:06:25 C'était, je crois, le sens de toute mon intervention.
01:06:28 Merci, M. le ministre. Merci de votre disponibilité des réponses aux questions des membres de cette commission.
01:06:36 Nous pensons effectivement que la lutte contre le narcotrafic peut être financée par le narcotrafic.
01:06:42 Donc c'est un objectif qu'on peut s'assigner collectivement.
01:06:45 Et puis je compte sur vos services pour nous transmettre des éléments qui peuvent être utiles aux travaux de cette commission,
01:06:52 notamment sur le gel administratif des avoirs.
01:06:54 Vous nous avez, dans une réponse écrite, indiqué la chose suivante.
01:06:59 La distinction entre criminalité organisée et terrorisme est aujourd'hui ténue.
01:07:05 Est-ce que vous pouvez nous préciser cette pensée ? C'est la première branche de la question.
01:07:13 La deuxième branche, si on prend pour argent comptant cette observation,
01:07:23 est-ce qu'on peut en déduire que désormais, le narcotrafic, c'est une menace contre les intérêts fondamentaux de la nation ?
01:07:34 Et troisième question, qui est la conséquence des deux premières,
01:07:39 est-ce que dans ces conditions, on ne peut pas imaginer que pour lutter contre le trafic,
01:07:45 on rapproche le régime du narcotrafic de celui du terrorisme ?
01:08:00 Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
01:08:05 merci de m'offrir l'occasion de m'exprimer à nouveau devant cette commission,
01:08:10 puisque je m'y suis exprimée le 27 novembre dernier.
01:08:14 Vous vous êtes rendu à l'OFAST, où nous vous avons accueillis avec mes équipes,
01:08:20 effectivement particulièrement engagées dans cette lutte, dans cette lutte ardue.
01:08:25 Je vous remercie également pour les félicitations que vous leur adressez par mon intermédiaire,
01:08:32 et je me chargerai de leur retransmettre.
01:08:36 Alors pourquoi cette comparaison entre la criminalité organisée et le terrorisme ?
01:08:42 On lutte traditionnellement contre la criminalité organisée, à travers des dossiers judiciaires, à travers des enquêtes,
01:08:51 et c'est bien l'approche qui prévalait jusqu'à présent.
01:08:57 On voit les phénomènes de criminalité organisée évoluer ces dernières années,
01:09:03 avec un nombre de morts importants, avec des menaces parfois graves,
01:09:10 et nous les avons constatées à l'étranger, que ce soit en Belgique ou aux Pays-Bas.
01:09:15 Nous avons également des exemples étrangers, en Équateur notamment.
01:09:19 La situation actuelle en Équateur est particulièrement significative,
01:09:24 où les forces de l'ordre ou des autorités judiciaires sont menacées, voire sont tuées, par ces organisations criminelles.
01:09:35 On en parlait il y a quelques années en Colombie, on en parle aujourd'hui en Équateur.
01:09:40 On parle de narcoterrorisme.
01:09:42 La situation est aujourd'hui un peu différente en France et un peu différente en Europe, bien sûr.
01:09:49 Pour autant, je pense qu'on s'enrichit toujours en regardant ce qui se passe à l'étranger,
01:09:55 en regardant comment les choses évoluent à l'étranger.
01:09:58 Nos voisins belges et néerlandais ont connu des phénomènes particulièrement graves de menaces sur des autorités de leur pays,
01:10:07 de menaces à l'intention de la famille royale ou à l'intention du Premier ministre en Belgique.
01:10:14 Donc forcément, quand on est aux portes de la France, on se doit de s'interroger sur l'approche que l'on a face à cette criminalité organisée.
01:10:23 Ce qui est intéressant de regarder, c'est également le nombre de morts que cette criminalité organisée génère.
01:10:30 Ils sont très importants. Alors nous avons bien évidemment des trafiquants qui règlent leur compte entre eux, qui se tuent entre eux.
01:10:39 Mais on voit apparaître également ce qu'on appelle des victimes dites collatérales à ces trafics,
01:10:44 qui sont atteintes par les balles des trafiquants alors qu'elles n'ont rien à voir avec ces trafics.
01:10:50 Donc pour cette deuxième raison, la première étant celle du risque d'atteinte à nos institutions,
01:10:55 de risque de déstabilisation de l'État qui peut être occasionné,
01:11:03 il me semble qu'on ne doit pas s'interdire en tous les cas de réfléchir autour de ce sujet.
01:11:11 On peut bien sûr conduire des enquêtes judiciaires, mais comme je vous l'avais indiqué lors de ma première audition,
01:11:19 les services de la Direction nationale de la police judiciaire sont également des services de renseignement du second cercle.
01:11:27 Et à ce titre-là, peuvent mettre en œuvre ce qu'on appelle des techniques de renseignement
01:11:31 et agir dans un cadre qui est celui du renseignement, de la loi de 2015 sur le renseignement.
01:11:37 C'est la raison pour laquelle au sein de l'OFAST, on a créé un pôle renseignement en 2020,
01:11:43 au moment de la création du service, pour prendre en compte toute cette dimension,
01:11:47 tout en la prenant en compte de manière très claire et cloisonnée de l'activité judiciaire.
01:11:53 On ne peut pas mélanger une activité judiciaire et une activité de renseignement.
01:11:58 Il faut que les agents qui agissent dans ces cadres-là sachent précisément dans quel cadre juridique ils sont appelés à intervenir.
01:12:08 On a donc un vrai intérêt à développer cette approche renseignement en matière de criminalité organisée.
01:12:16 Le Code de la sécurité intérieure le permet à travers la finalité 6.
01:12:22 Et donc c'est dans ce cadre-là que nous intervenons.
01:12:25 La deuxième chose qui est importante, c'est les liens que l'OFAST entretient avec les autres services de renseignement,
01:12:34 qui sont aujourd'hui très importants.
01:12:36 Et c'était tout l'intérêt de créer un pôle renseignement au sein de l'OFAST pour pouvoir échanger,
01:12:43 pour pouvoir parler d'égal à égal avec d'autres services de renseignement.
01:12:47 Il nous fallait professionnaliser ce renseignement à tous les niveaux.
01:12:51 Ça va du niveau territorial avec le réseau des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants,
01:12:58 les CROSS que vous avez pu voir à l'occasion de vos déplacements dans les territoires, jusqu'à l'international,
01:13:04 puisque cette activité de renseignement ne s'arrête pas simplement aux frontières de la France.
01:13:12 Merci, vous venez de le dire.
01:13:15 L'OFAST est à la fois compétente dans le domaine du renseignement et dans le domaine des enquêtes judiciaires.
01:13:20 Tout ça est entremêlé. Pratiquement, la distinction est extrêmement difficile à opérer.
01:13:29 Quelles sont selon vous les difficultés quand il s'agit d'effectuer ces distinctions ?
01:13:37 Comment est-ce qu'elles se traduisent pratiquement ?
01:13:41 Parce que la finalité du renseignement, c'est aussi de nourrir une enquête judiciaire, évidemment.
01:13:48 En matière de trafic de stupéfiants, comme d'une manière générale en matière de criminalité organisée,
01:13:56 la finalité – et c'est certainement ce qui nous distingue du terrorisme – sera systématiquement la judiciarisation.
01:14:05 Pour autant, la distinction entre ces deux phases est très claire.
01:14:09 On a des agents qui agissent soit dans le cadre du Code de la sécurité intérieure,
01:14:14 soit dans le cadre du Code de procédure pénale à travers des enquêtes.
01:14:20 On a souhaité nous cloisonner ces deux catégories d'activité,
01:14:24 puisqu'il est très compliqué le matin de faire des techniques de renseignement
01:14:31 et de basculer sur des écoutes judiciaires l'après-midi sans confondre ces cadres-là.
01:14:35 Et donc nous avons des agents qui sont séparés et spécialisés sur chacune de ces thématiques
01:14:42 de manière à ne pas confondre les prérogatives des uns et des autres.
01:14:47 Alors « cloisonner », ça ne veut pas dire qu'ils ne se parlent pas.
01:14:50 La finalité sera bien la judiciarisation du renseignement pour arriver à un cadre
01:14:57 à alimenter une enquête judiciaire, pour travailler sous l'autorité du parquet,
01:15:01 pour travailler sous l'autorité d'un juge d'instruction.
01:15:05 Et ça, c'est tout l'enjeu aussi d'une construction solide du renseignement
01:15:12 à partir de bases légales qui sont parfaitement identifiées et qui sont prévues par la loi,
01:15:18 avec une parfaite connaissance des domaines dans lesquels les enquêteurs interviennent.
01:15:25 – Très bien. L'Office a un rôle de chef de file en matière de lutte contre le narcotrafic.
01:15:34 Mais on s'est aperçu, dans un certain nombre de territoires,
01:15:37 c'est notamment le cas de Marseille que l'on a créé,
01:15:40 notamment au parquet de Marseille, un bureau de lutte qui joue un peu ce rôle de coordination.
01:15:44 Vous n'avez pas le sentiment que là, il y a un petit peu une confusion des genres ?
01:15:50 – Le rôle de chef de... – Vous connaissez ce cas de Marseille particulièrement ?
01:15:54 – Le bureau de liaison au niveau du parquet ? – Oui.
01:15:56 – Oui, oui, c'est quelque chose qui est connu.
01:15:58 Et il existe notamment cette instance pour les ports.
01:16:01 Je pense que c'est à cette instance-là que vous faites référence.
01:16:06 Je pense que c'est très très important que la coordination, elle, se fasse à plusieurs niveaux.
01:16:10 Alors bien sûr, l'OFAS est chef de file de la lutte contre les trafics de stupéfiants.
01:16:15 On agit, comme je vous l'indiquais, sous l'autorité du parquet, dans le cadre des enquêtes,
01:16:21 quand nous sommes dans le cadre des enquêtes judiciaires.
01:16:24 Mais ça ne fait absolument pas doublon avec une coordination mise en place également par l'autorité judiciaire.
01:16:32 Et d'ailleurs, cette coordination, elle existe même au-delà du parquet de Marseille,
01:16:37 avec le rôle joué par la Junalco, que vous avez également entendu,
01:16:42 qui a un rôle supragirse, notamment sur les dossiers d'une particulière complexité.
01:16:49 Pour moi, cette instance ne fait pas de concurrence, pour reprendre vos termes, à l'OFAS.
01:16:59 Et ça ne crée pas de cacophonie.
01:17:01 Ce qui est très important, c'est que l'ensemble des acteurs,
01:17:04 que ce soit au sein des forces de sécurité, entendues au sens large, dans lequel j'intègre bien sûr la douane,
01:17:11 et les autorités judiciaires, se parlent. C'est ça qui est très très important.
01:17:16 Aujourd'hui, on a face à nous, quand on parle de criminalité organisée,
01:17:19 on a face à nous une masse d'informations, une masse de données,
01:17:23 que ce soit dans les enquêtes, que ce soit en préjudiciaires,
01:17:27 une masse de données extrêmement importante.
01:17:31 Et chacun va apporter à un moment donné sa pierre à un édifice extrêmement étendu.
01:17:41 Alors, qu'on cloisonne ce qui est judiciaire de ce qui est renseignement est très important.
01:17:48 Pour autant, dès la phase renseignement, il est important d'informer parfois l'autorité judiciaire
01:17:55 de points qui donneront lieu à terme à l'ouverture d'une enquête.
01:18:02 Et ça, c'est très important. C'est-à-dire qu'on ne peut pas garder de manière confidentielle
01:18:08 des éléments qui, à terme, vont venir nourrir une enquête judiciaire,
01:18:11 vont conduire à l'ouverture d'un cadre judiciaire.
01:18:14 Il est très important que l'on puisse échanger très très en amont avec l'autorité judiciaire,
01:18:19 la plupart du temps pour ce qui concerne les services de l'OFAST,
01:18:24 les GIRS dans les territoires et la Junalco pour la criminalité d'une particulière complexité.
01:18:31 Très bien, merci. Les opérations PlaceNet aujourd'hui se développent.
01:18:35 Elles ont une certaine efficacité quand on regarde la sécurité publique.
01:18:38 Les Français constatent que c'est assez efficace quand on habite à côté d'un point de deal.
01:18:44 Mais qu'est-ce que ces opérations PlaceNet apportent aux enquêtes pénales ?
01:18:49 Est-ce que finalement, ce ne sont pas des opérations qui servent physiquement à éliminer un point de deal,
01:18:58 mais qui, sur le plan de l'enquête et sur le plan du suivi, qui permet de remonter au plus haut du spectre,
01:19:04 ne sont pas forcément très utiles ? Quelle est votre opinion sur cette question ?
01:19:09 Alors, les opérations PlaceNet ne se limitent pas seulement au trafic de stupéfiants.
01:19:15 Elles ont un périmètre beaucoup plus large.
01:19:18 Le sujet des stupéfiants, bien sûr, est un sujet qui est largement pris en compte par ce type d'opérations.
01:19:26 Elles sont généralement des opérations qui vont permettre de faire bouger une situation sur le terrain,
01:19:35 d'agir concrètement dans les quartiers.
01:19:38 Et ça, je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important et d'attendu par la population,
01:19:44 puisque vous avez des quartiers où la vie des habitants est rendue extrêmement difficile
01:19:50 par l'occupation de certains halls d'immeubles ou par des fixations sur les points de deal.
01:19:56 On a engagé depuis janvier 2021 des opérations, ce qu'on appelle les opérations visant au démantèlement des points de deal.
01:20:03 Après les avoir cartographiées, des opérations sont conduites depuis 2021 partout sur le territoire,
01:20:10 de manière à faire diminuer ces points de deal.
01:20:16 On avait quasiment 4 000 points de deal recensés en janvier 2021.
01:20:21 On est aujourd'hui à un peu moins de 3 000 recensés partout sur le territoire.
01:20:26 Donc elles produisent des effets.
01:20:29 Elles ne sont pas tout le résultat d'enquêtes de très longue haleine,
01:20:33 donc avec un démantèlement en profondeur des organisations criminelles.
01:20:39 Mais elles ont le mérite de faire émerger des faits, de sortir d'un territoire certains individus
01:20:47 qui au quotidien sont très très implantés sur ces points de vente.
01:20:53 Et l'objectif, c'est justement de poursuivre cette action de manière à aller toujours plus loin.
01:21:00 A côté de ça, bien évidemment, vous avez des actions complémentaires
01:21:04 qui sont portées dans le cadre des enquêtes judiciaires de plus longue haleine,
01:21:09 portant sur des trafiquants dit du haut du spectre ou des trafiquants d'une autre dimension ou des têtes de réseau.
01:21:18 Et je dirais que toutes ces opérations sont complémentaires les unes avec les autres.
01:21:24 Elles sont pour certaines opérations place nette.
01:21:28 Elles viendront alimenter des cadres juridiques qui existent ou elles feront naître des cadres d'enquête
01:21:36 qui jusqu'à présent n'existaient pas encore.
01:21:39 Donc ce sont des moyens d'action à la fois complémentaires
01:21:42 et qui produisent également en termes d'efficacité opérationnelle.
01:21:48 Mais pour l'instant, on ne peut pas dire que ces opérations place nette
01:21:52 ont apporté des renseignements de première main pour les enquêtes pénales.
01:21:56 Ce n'est pas leur objectif premier.
01:21:58 Leur objectif premier, c'est la tranquillité publique, en fait.
01:22:01 C'est l'ordre public.
01:22:03 C'était ça, ma question précise.
01:22:06 Je ne peux peut-être pas encore l'évaluer.
01:22:09 C'est le caractère très récent des opérations place nette.
01:22:12 L'évaluation ne relèvera pas de l'offaste, puisque je vous l'ai dit,
01:22:16 les opérations place nette sont beaucoup plus larges que le seul périmètre de la lutte contre les trafics de stupéfiants.
01:22:23 En tout état de cause, elles sont aussi le moyen de faire des découvertes d'armes,
01:22:28 de faire des découvertes de produits stupéfiants.
01:22:30 Et on le sait aujourd'hui, quand dans des parties communes,
01:22:33 vous avez des armes parfois de guerre qui sont stockées.
01:22:36 Il est extrêmement important de pouvoir les sortir de la circulation.
01:22:41 Très bien. Pour le déploiement des malwares,
01:22:46 vous avez recours au service des GSI.
01:22:52 Ces malwares sont le seul moyen de connaître le contenu des conversations cryptées.
01:23:00 Mais comment peut-on expliquer aujourd'hui le faible nombre de fois où vous avez eu recours à ces techniques ?
01:23:10 En tout cas, il y en aurait sept depuis que l'offaste a été créé.
01:23:14 Alors, je ne rentrerai pas dans les détails qui concernent l'injection de pièges,
01:23:21 puisque ce sont des dispositifs qui sont couverts par le secret de la défense nationale.
01:23:25 C'est un dispositif extrêmement intéressant qui monte en puissance progressivement.
01:23:32 Nous y avons recours, je dirais, dès que la situation le permet,
01:23:37 puisqu'il faut remplir un certain nombre de conditions opérationnelles.
01:23:41 Je ne parle pas des conditions techniques. Je parle aussi des conditions opérationnelles.
01:23:46 C'est un dispositif qui a vocation à évoluer dès lors que la technique, notamment d'injection, évoluera elle-même,
01:23:56 puisque nous avons besoin d'avoir accès à l'appareil que l'on souhaite piéger.
01:24:05 Donc vous imaginez une augmentation dans les années à venir du recours à ces technologies,
01:24:10 ce qui amène une question qui a été posée notamment aux avocats, la question du dossier coffre.
01:24:17 L'évolution de ces technologies appelle une certaine confidentialité.
01:24:21 Selon vous, le dossier coffre, c'est une réponse à la protection de cette confidentialité ?
01:24:26 Alors, le dossier coffre, je l'ai évoqué lors de ma première audition. Moi, je suis convaincue...
01:24:34 — Mais depuis, il y a eu une audition publique des avocats. C'est une mise à vocab. Oui. Dont on a un peu parlé.
01:24:45 — Mais pour autant, je n'ai pas changé ma position sur le sujet. Il existe aujourd'hui un cas dans la loi qui permet
01:24:54 cette option de dossier coffre dans la loi géolocalisation qui date de 2014. Et il me semble qu'à l'heure actuelle,
01:25:06 on se bat avec des armes inégales, c'est-à-dire qu'on révèle en procédure toutes les techniques d'enquête,
01:25:16 toutes nos manières de procéder, alors que... Et ce qui permet aux organisations criminelles de mettre en place des contremesures,
01:25:30 ce qu'on appelle des contremesures, de baliser leurs produits, de baliser la cocaïne qu'ils envoient, de baliser des voitures,
01:25:38 de sonoriser, de placer de la vidéo, comme des policiers peuvent le faire dans leurs enquêtes.
01:25:47 La deuxième explication, c'est celle de la protection de la vie humaine, également. Vous pouvez disposer d'informations
01:25:59 à travers un informateur qui, révélées en procédure, va conduire à la mise en danger de la vie de cet informateur.
01:26:10 Donc il y a vraiment un double objectif à ce dossier coffre. La loi le permet sous certaines conditions un peu restrictives.
01:26:19 L'idée n'est pas du tout d'écarter de manière définitive et du contradictoire certaines données, mais bien de les protéger
01:26:28 en partie du contradictoire, notamment comment ces pièges sont posés, comment ces dispositifs sont implantés,
01:26:37 de manière à préserver ce que j'appellerais les secrets de fabrication des services de police et de manière à préserver les enquêtes pour l'avenir.
01:26:49 Voilà pour cette audition de Bruno Le Maire devant la commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogue,
01:26:54 une audition qui a notamment porté sur l'aspect financier de ce narcotrafic et sur la lutte contre le blanchiment d'argent.
01:27:00 C'est la fin de cette émission, merci de l'avoir suivie. Continuez à suivre les travaux parlementaires et l'actualité politique
01:27:06 sur notre site internet publicsenat.fr. Je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat.
01:27:10 [Musique]

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