Michel Chapoutier, viticulteur à Tain-l'Hermitage, et président de l'union des maisons et marques de vin

  • il y a 6 mois
Le Sénat a tort de vouloir faire tomber l'accord de libre-échange avec le Canada : coup de gueule de Michel Chapoutier. Le célèbre viticulteur drômois est en colère depuis que les sénateurs ont rejeté la ratification du traité la semaine dernière. Le Canada est le 4e marché à l'export pour les vins de la Vallée du Rhône. Et en ces temps de crise, c'est un débouché dont il ne faut pas se priver dit Michel Chapoutier.

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00:00 France Bleu Dromardèche, à la radio mais aussi sur les réseaux sociaux
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00:07 Il est 8h moins le quart, on parle vente de vin avec l'emblématique viticulteur de tel hermitage, Michel Chapoutier. Emmanuel Champal.
00:14 Bonjour Michel Chapoutier.
00:15 Bonjour.
00:16 Merci d'être avec nous ce matin. Vous êtes président de l'union des maisons et marque de vin.
00:21 Et vous êtes en colère, en colère contre les sénateurs qui ont voté contre l'accord de libre-échange avec le Canada, le CETA.
00:28 En quoi est-ce que c'est un problème pour les vins de la vallée du Rhône ?
00:31 C'est un problème pour les vins de la vallée du Rhône parce que le Canada est la quatrième destination d'exportation de nos vins.
00:37 En plus, on est sur un accord CETA qui est assez innovant puisqu'il tient compte de la logique écologique.
00:45 Pas de risque d'importation de viande avec des antibiotiques ou de viande aux hormones, tout a été mis en place.
00:53 Cet accord a une commission de contrôle qui suit les logiques déontologiques.
00:59 Cet accord est en place depuis 2017. Il avait été mis en place par monsieur Hollande, le président Hollande, et les résultats sont exceptionnels.
01:10 Le risque d'importation, c'est-à-dire que la balance des exportations est tout à l'avantage de la France.
01:15 Et quand on nous oppose l'objection des importations de viande ou du risque, alors outre...
01:23 On est vraiment dans une logique de démagogie parce que les risques qu'on nous oppose sont déjà cernés et prévus dans l'accord et verrouillés.
01:33 Mais il faut savoir que face... Je crois que nous on fait 80 000 hecto, la vallée du Rhône fait 80 000 hecto vers le Canada.
01:42 Si je parle de l'importation de viande du Canada vers la France, on parle de 51 tonnes l'année dernière. 51 tonnes !
01:51 Deux tiers de bison ! Alors ils ne vont pas nous concrasser avec le bison. C'est-à-dire que si je prends plus que le bœuf,
01:58 à ce moment-là, divisé par département, ça ne fait qu'un kilo par semaine pour toute la Drôme.
02:06 On est en train. Les politiques de Dromardèche, les sénateurs de Dromardèche... Alors sauf...
02:11 - Justement, on va faire le point sur ceux qui ont voté pour et ceux qui ont voté contre.
02:14 - Oui ! - Alors, ceux qui, 3 sur 5, ont voté contre, la socialiste dromoise Marie-Pierre Monnier, les deux LR Rd'Echoir,
02:21 Mathieu Darnot et Anne Ventalon, est-ce que... Enfin, vous dites quoi ? Que ces gens sont irresponsables ?
02:28 Que ces sénateurs sont irresponsables ? - On est dans une cour de récréation.
02:32 On est face ou avec des gens qui ont un problème de compréhension de la logique économique,
02:36 on est dans de la sanction du monde de l'entreprise... - C'est quoi la politique ?
02:42 - Ils font de la politique vis-à-vis des élections. On est face à des gens qui ont peur des élections européennes
02:47 et qui, pour faire bonne face, vont aller dans les dérives démagogiques.
02:52 Alors si vous voulez, je veux bien que le Parti communiste et le Front National soient deux partis
02:57 qui suivent pas les logiques d'entreprise et qui, depuis le début, étaient contre cet accord.
03:02 Mais quand vous prenez les Républicains, c'est quand même Sarkozy à l'époque qui avait proposé cet accord.
03:07 Et on a croisé, encore 15 jours, le président Hollande au Salon d'agriculture
03:12 qui a confirmé son enthousiasme sur cet accord. Donc, des socialistes et des Républicains qui votent contre, c'est aberrant.
03:18 - Ces sénateurs qui ont voté contre, vous les avez contactés ce week-end ? Vous avez essayé de leur parler ?
03:22 - Alors, j'ai essayé et je n'ai pas de retour. Je n'ai pas de retour, je suis même...
03:27 Je pense, pour certains, qu'il n'y a même pas forcément beaucoup de convictions. Il y a plus une logique de discipline politique.
03:35 C'est-à-dire qu'on est face à des organisations qui veulent sanctionner le monde de l'entreprise.
03:41 - Michel Chapoutier, il y a donc cet accord de libre-échange entre la France et le Canada.
03:46 Il y a un autre problème qui est aussi presque plus important.
03:49 C'est la crise que traversent les Côtes-du-Rhône. Alors, pas les Crozes, les Saint-Joseph, les Cornaces, là ça va bien.
03:55 En revanche, pour plus au sud, là c'est compliqué la situation.
04:00 Qu'est-ce qu'il faut faire selon vous pour améliorer la situation des viticulteurs dans ce coin-là ?
04:04 - Alors, tout d'abord, il faut savoir qu'aujourd'hui, ce n'est pas une crise de surproduction, c'est une crise de sous-commercialisation.
04:11 Ou alors une crise de sous-adaptation des produits.
04:14 Le point commun, si vous prenez la vallée du Rhône-Sud, c'est surtout des appellations régionales rouges qui souffrent.
04:22 Côtes-du-Rhône-Rouge, Bordeaux, Languedoc. Le point commun, c'est que ce sont des vins qui sont généralement vendus à température tempérée.
04:31 Vous savez, vous ne mettez pas votre rouge en glace.
04:33 Le consommateur du monde entier, aujourd'hui, il boit frais.
04:36 C'est pour ça qu'il n'y a pas de problème sur les blancs, pas de problème sur les rosés, pas de problème sur les effervescents.
04:40 Prenez l'exemple de l'Alsace. L'Alsace, ils font des rouges en pinot noir qu'ils mettent en glace, il n'y a pas de problème.
04:45 - Ce que vous nous dites, c'est qu'en fait, le consommateur étranger, le consommateur qui vraiment aime le vin,
04:51 il veut soit des grandes appellations, soit des très grandes appellations.
04:55 - Mais nous devons nous poser la question en France.
04:58 - Le milieu de gamme, ça ne marche plus.
04:59 - Ce n'est pas le milieu de gamme, même.
05:00 Ce que c'est une appellation régionale, on va dire que c'est quasiment l'entrée de gamme.
05:03 Quand vous voyez la segmentation administrative que nous avons espérée être une segmentation de marché,
05:09 c'est-à-dire vous avez les vins de France, les IGP, les appellations contrôlées,
05:13 mais quand vous voyez qu'un Côte-du-Rhône peut être en grande distribution au même prix qu'un IGP ou qu'un vin de France,
05:19 il y a un problème aujourd'hui d'adaptation de l'offre à la demande.
05:22 - Ça veut dire qu'il faut se recentrer comme vous, vous le faites Michel Chapoutier,
05:25 avec ce rouge clair à 12 degrés que vous lancez, qu'est-ce que c'est ce produit en fait ?
05:30 C'est pour l'apéritif ?
05:31 - L'idée, c'est un vin que l'on a fait pour être mis dans la glace.
05:35 Parce que les jeunes, regardez, regardez la jeune génération,
05:39 ils ne prennent que des liquides qui sortent du frigo pour boire.
05:42 Ils ne prennent pas des liquides qu'ils mettent dehors, le soda ils ne le mettent pas dehors avant de le boire,
05:45 pour le mettre à température.
05:47 Donc il faut apprendre aux personnes à mettre des vins,
05:51 et il faut faire ces vins, si vous voulez, d'une manière à ce qu'ils soient bons, frais.
05:56 Si vous prenez des Syrahs par exemple, c'est possible, un rouge frais c'est possible.
06:00 C'est ça qui est intéressant, c'est-à-dire que si vous prenez les Syrahs de chez nous dans le nord de la vallée du Rhône,
06:04 frais, ça va être mordant, c'est pas terrible, ou c'est difficile.
06:08 Ce que je trouve injuste pour nos vignerons du sud de Rome,
06:11 c'est qu'ils sont dans des cépages qui correspondent à ce besoin du marché.
06:16 C'est-à-dire que le grenache, si vous savez le travailler d'une certaine façon,
06:19 vous allez le mettre frais, il va être parfait.
06:21 Donc nous avons des sols dans le sud de Rome,
06:25 et nous avons en plus des cépages qui correspondent à ces vins de demain.
06:29 À nous de savoir les mettre en place.
06:31 - Beaucoup de viticulteurs doivent réfléchir en tout cas à cette opportunité, à ces nouveaux marchés.
06:35 - Oui mais, attention, quand on a annoncé cette évolution du marché,
06:40 le problème c'est que les côtes du Rhône ont augmenté d'un pour cent d'alcool le degré minimum,
06:44 et ont augmenté l'intensité colorante.
06:46 Il fallait faire le contraire.
06:48 - Il n'est pas trop tard.
06:50 - Pendant les trois ans qu'on a annoncé qu'il fallait adapter les vins,
06:54 les Italiens, eux, ont mis au point ces vins-là,
06:58 et sur les marchés à l'exportation, sur le grand export,
07:01 ils vendent plus de rouge clair que de rosé aujourd'hui.
07:03 - Il y a eu des retards, mais on mise sur nos viticulteurs qui vont rattraper le retard, on l'espère.
07:08 En tout cas, merci à vous Michel Chapoutier, viticulteur à Tain-l'Hermitage,
07:11 président de l'Union des Maisons et Marques de Vin.
07:13 Passez une bonne journée !
07:14 interview retrouvé dans quelques instants sur francebleu.fr 7h52

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