La justice est au bord de la rupture dans la Drôme. Lors de l'audience solennelle de rentrée, le président du tribunal a dit son inquiétude avec toujours plus de jugements rendus au civil et au pénal mais aucun poste supplémentaire.
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00:00Dès votre réveil, ici Drôme-Ardèche.
00:03Les chiffres de la justice dans la Drôme sont bons,
00:06mais à quel prix pour les fonctionnaires et les magistrats ? Emmanuel Champal, nous sommes avec le président du tribunal judiciaire de Valence.
00:13Bonjour Luc Barbier.
00:15Bonjour monsieur. Des personnels au bord de la rupture, des fonctionnaires et magistrats arrassés.
00:20C'est vous qui l'avez dit hier à l'audience de rentrée, hier au palais de justice.
00:24Qu'est-ce qui se passe ? La dernière fois qu'on s'était vu ici, vous aviez dit que la situation
00:28était plutôt en bonne voie.
00:31Alors, je l'avais effectivement dit, et je le maintiens toujours, elle est en bonne voie sur l'amélioration du fonctionnement de la juridiction,
00:38c'est-à-dire mettre la juridiction à hauteur d'une juridiction du 21e siècle en matière informatique,
00:45dématérialisation ou autre. Mais par définition, je ne maîtrise pas les infractions et les dossiers qui entrent dans la justice.
00:51Et cette année, l'année 2024, malgré
00:55les efforts réalisés par les forces intérieures de sécurité, police et gendarmerie,
01:00pour arrêter plus de personnes, il s'avère que la délinquance est en voie d'explosion dans notre département.
01:07Alors, les jugements, effectivement, il y en a plus aujourd'hui. La justice de la Drôme travaille bien, mais les personnels, eux, ne s'en sortent plus.
01:14C'est ce que vous dites. Mais bien sûr, on a une augmentation
01:18au pénal
01:19de l'ordre de 40% de décisions rendues. Ce qui veut dire qu'avec le même nombre de fonctionnaires et de magistrats,
01:27on a rendu 40% de décisions de plus, étant précisé que l'année précédente en avait augmenté.
01:32Et pour les procédures de comparution
01:36immédiate et les procédures
01:38rapides, on est à 12% d'augmentation, mais surtout, surtout,
01:43là où les fonctionnaires deviennent totalement épuisés, c'est en matière d'instruction,
01:49où là, ça devient extrêmement inquiétant.
01:52Vous nous disiez, la dernière fois qu'on s'était vu,
01:54les journées n'en finissent plus. Elles se terminent au milieu de la nuit, quasiment, pour certains.
01:58Oui, bien sûr, bien sûr. Alors, on a essayé de trouver en créant de nouvelles audiences, mais sans
02:04besoins supplémentaires, et
02:07même s'il y a eu une attention portée à la justice par le ministère, avec la force d'action républicaine,
02:15avec la commission d'enquête parlementaire du Sénat, qui cible quand même 33 fois la drôme
02:22dans les narcotrafiquants, il n'y a eu aucune création de postes.
02:26La force d'action républicaine, justement, vous avez dit hier, ne m'en parlez pas, ça pourrait m'énerver. Pourquoi ?
02:33Pourquoi ? Parce qu'il y a eu beaucoup d'annonces, où
02:38les gens qui sont venus,
02:40puisque je rappelle que la force d'action républicaine, il y a trois villes qui avaient été désignées, en France,
02:46et Valence en faisait partie, c'était des endroits particulièrement sensibles.
02:50Le constat a été réalisé par ces très hauts fonctionnaires que, dans la drôme, il y avait un véritable
02:58souci, et surtout, en matière, bien évidemment, de trafic de stupéfiants dans des points localisés.
03:04Il s'avère que c'était Valence, mais c'est également le cas pour Montélimar,
03:08et également Romand-sur-Isère. Et malgré ce constat de l'explosion de la délinquance organisée,
03:17les postes n'ont pas été
03:19créés, les postes n'ont pas été, même pour certains, pourvus, et donc on se retrouve avec
03:24un même nombre de fonctionnaires et de magistrats pour une hausse de plus de 12%
03:30des infractions sérieuses à traiter.
03:34Sur le terrain, le boulot est fait, si on comprend bien, mais derrière, c'est difficile de suivre
03:38les dossiers, en tout cas, de les juger, en tout cas, et de les faire avancer.
03:42C'est dur, on le fait.
03:45On le fait, les magistrats et les fonctionnaires le font, à des horaires qui sont difficilement supportables, et c'est la raison pour laquelle,
03:54contrairement à l'idée que l'on peut avoir que la justice
03:57est lente et autre, elle peut l'être sur certains aspects, bien sûr,
04:01mais dans le domaine de la délinquance, elle ne l'est pas, parce qu'il y a une
04:05réactivité très importante des forces de sécurité, du procureur de la république et du pénal, et c'est pour ça que les fonctionnaires sont exsangues.
04:12Luc Barbier, vous êtes président du tribunal judiciaire de Valence.
04:17Un dossier qui est important, vous l'avez évoqué au tout début de cet entretien,
04:21c'est les moyens. L'agrandissement du tribunal, ça fait quinze ans qu'on en parle, le ministère l'a validé en juillet dernier.
04:28On va racheter des anciens locaux de la Croix-Rouge, pas très loin, pour agrandir.
04:33C'en est où ? Ça a avancé ou pas ?
04:35Alors,
04:36ça a avancé, mais pour l'instant on est bloqué. Quand je dis ça, c'est d'abord, il faut bien avoir conscience que ce dossier est ancien.
04:45Il a pu se faire parce qu'il y a eu une sorte d'alignement des planètes, avec la mairie de Valence, avec monsieur Dragon, qui
04:53nous a proposé des locaux très satisfaisants.
04:57Également les chefs de cour et l'administration centrale également, qui s'est engagée. Le problème qui se pose, et ça n'a échappé à personne,
05:03il y a eu la dissolution, le budget n'a pas été voté en l'état, donc les investissements qui avaient été décidés ne peuvent pas être validés
05:11à l'heure actuelle par le contrôleur général.
05:13Ce qui veut dire ?
05:15Vous ne savez pas, vous attendez.
05:17En attendant, est-ce que ce blocage des budgets,
05:19justement, ça peut entraîner la fermeture de la maison de la justice et du droit romand, par exemple, qu'il y a de bons résultats en médiation notamment ?
05:26Ça va être un véritable dilemme.
05:28Vous vous posez la question aujourd'hui ?
05:30Oui, oui, oui.
05:32Alors ça a des résultats et que ça fonctionne ?
05:34Bien sûr, mais c'est les particularismes et les paradoxes parfois de notre administration.
05:40C'est un endroit, la maison de justice et du droit, quelque chose de très important pour les plus faibles, pour les plus démunis,
05:48pour trouver des solutions avec la constitution à laquelle je suis très attaché.
05:53Mais le problème qui se pose, c'est que j'avais indiqué en mars 2023 que le fonctionnaire partait à la retraite en avril 2024,
06:02ce qui a été le cas, bien sûr.
06:04Eh bien, en 2025, je n'en aurai toujours pas.
06:08Alors la question se pose, jusqu'alors, c'est le centre départemental d'accès aux droits que je préside également,
06:15qui a financé autant de 30 000 euros.
06:17Le problème qui se pose, c'est que je ne peux plus financer.
06:20Donc la question va se poser, au 1er mars, est-ce que je ferme ?
06:24Ou alors, autre possibilité, parce que je suis assez peu enclin fermé,
06:28ça veut dire que je prends un fonctionnaire d'un autre service qui, par définition,
06:32ne sera pas dans un service aux affaires familiales, aux affaires pénales,
06:36il y aura moins de décisions rendues et les justiciables seront pénalisés.
06:39Voilà la situation dans laquelle je trouve.
06:41C'est vraiment un dième que j'ai et qui m'inquiète.
06:47Les difficultés de la justice ce matin, on les entend bien avec vous, Luc Barbier,
06:50président du tribunal judiciaire de Valence.
06:52Merci à vous, passez une bonne journée.
06:53C'est moi qui vous remercie.