Pascal Lavergne, député Renaissance de Gironde.
Il a été ingénieur agronome, vigneron, éleveur, restaurateur, maire et désormais député... Pascal Lavergne porte aujourd'hui la voix des agriculteurs à l'Assemblée, au sein du groupe Renaissance.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Il a été ingénieur agronome, vigneron, éleveur, restaurateur, maire et désormais député... Pascal Lavergne porte aujourd'hui la voix des agriculteurs à l'Assemblée, au sein du groupe Renaissance.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
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00:00 -Il a été vigneron, éleveur, restaurateur,
00:04 maire et désormais député.
00:06 Mon invité est un hyperactif au caractère bien trempé
00:09 et il porte la voix des agriculteurs
00:11 au sein du groupe Renaissance à l'Assemblée.
00:14 Musique de tension
00:16 ...
00:28 -Bonjour, Pascal Lavernier. -Bonjour.
00:30 -Un matin de juillet 2019, vous avez découvert
00:33 un message plutôt désagréable inscrit sur des meules de foin
00:36 dans un de vos champs.
00:37 Je vois que vous vous en souvenez. On le voit à l'image.
00:40 Ce message, c'était "Tu oublies d'où tu viens",
00:43 signé du syndicat des jeunes agriculteurs.
00:45 C'est intervenu après votre vote du CETA,
00:48 l'accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada.
00:51 On va revoir votre réaction.
00:52 -Un député, c'est aussi un homme, une femme,
00:56 en chair, en os, qui a sa sensibilité,
00:59 qui a ses faiblesses, ses forces,
01:01 mais qui est là pour faire la part des choses
01:04 entre l'intérêt général, les intérêts particuliers,
01:08 et qui doit avoir une vision plus large, plus haute.
01:11 Cette façon d'agir est une façon de passer à côté
01:14 du cadre démocratique et doit être sans cesse dénoncée.
01:17 -Si je comprends bien sur ce vote,
01:19 dans ce que vous avez expliqué,
01:21 c'est plus le député en marche qui s'est exprimé
01:24 que l'éleveur. Quand vous dites
01:26 qu'il faut privilégier l'intérêt général
01:28 aux intérêts particuliers, c'est l'intérêt général
01:31 de l'économie française, aux intérêts particuliers
01:34 des éleveurs. -Il y a beaucoup, également,
01:36 de craintes par rapport à ces accords internationaux.
01:39 -Vous-même éleveur, vous auriez peut-être pas soutenu cet accord,
01:43 mais vous-même député, vous y étiez favorable ?
01:46 -Non, sincèrement, compte tenu des rapports
01:49 qu'il y a entre la France et le Canada
01:51 par rapport à l'élevage, il n'y avait aucune crainte
01:54 par rapport à ça. Les animaux tels qu'ils sont élevés
01:59 au Canada ne risquent pas de rentrer chez nous
02:02 parce qu'il y a, effectivement, des clauses sanitaires,
02:05 des clauses... -Ca donne l'impression
02:07 qu'il y avait un tiraillement. -Bien sûr.
02:09 -Pourquoi vous avez voté ce texte ?
02:11 On sent qu'il y avait... -Bien sûr.
02:13 J'étais tiraillé, je savais que ça allait réagir comme ça.
02:17 Pour autant, je suis aussi dans un département viticole,
02:20 la Gironde, et vous savez que nous exportons
02:23 beaucoup de vin et qu'aujourd'hui, la balance commerciale de la France
02:27 en matière agroalimentaire, c'est grâce à la viticulture
02:30 et également au spiritueux. On est partagé,
02:32 quand on est agriculteur, dans un département comme ça.
02:35 -Plus récemment, début 2024, vous avez soutenu
02:38 la mobilisation des agriculteurs, contre la surtransposition
02:41 des normes européennes, contre les pratiques
02:44 de la grande distribution, mais aussi contre l'Etat
02:47 et le gouvernement, le gouvernement qui n'a pas assez contrôlé
02:50 l'application de la loi EGalim. Est-ce qu'en faisant ça,
02:53 vous ne vous défaussez pas un peu de vos propres responsabilités ?
02:57 Parce que vous êtes élu député de la majorité depuis 2017,
03:00 vous êtes un peu comptable du bilan du gouvernement.
03:03 -C'est pas le gouvernement qui m'a élu,
03:05 ce sont mes électeurs. A un moment donné,
03:08 on ne peut pas être le petit doigt sur la coutille du pantalon.
03:11 Si on considère qu'on fait fausse route
03:13 et que le gouvernement doit aller plus loin
03:16 ou doit retirer certaines mesures,
03:18 je crois que mon rôle est de le dire.
03:20 -Mais vous l'avez dit plus tôt ?
03:22 -Au gouvernement ? -Oui.
03:24 -Bien sûr. -On dirait qu'on vous a pas entendu
03:27 dénoncer le manque de contrôle de l'application d'Egalim.
03:30 -Quand nous avons eu les premiers éléments
03:32 de la loi de finances 2024, où on nous a dit
03:36 qu'il y aurait la suppression de l'avantage fiscal
03:40 lié au GNR.
03:42 -Le gazole non routier. -Le gazole non routier.
03:46 Moi, j'ai fait savoir...
03:48 En réunion de groupe, en réunion de travail interne à la majorité,
03:52 que c'était une connerie.
03:54 On a été plusieurs députés à le dire,
03:56 on n'a pas été suivis, on voit ce qu'il en est.
03:58 -Depuis que vous êtes à l'Assemblée,
04:01 vous travaillez quasi exclusivement sur les questions d'agriculture,
04:04 de ruralité, plus généralement.
04:06 Il faut forcément avoir été agriculteur
04:09 pour bien défendre l'agriculture ?
04:11 -Non, pas forcément.
04:12 Il y a des gens qui défendent ça très bien.
04:15 Au moins, le fait d'avoir eu un pied sur une exploitation
04:18 et de travailler depuis très longtemps sur l'agriculture,
04:21 ça permet de connaître bien cette sociologie,
04:24 l'économie, la façon dont fonctionnent les exploitations agricoles
04:28 et de voir comment elles ont évolué.
04:30 En 37 ans, en fait, de métier autour de l'agriculture,
04:33 en tant que conseiller agricole, en tant que conseiller de gestion,
04:37 en tant qu'agriculteur élu local,
04:39 j'ai vu combien les exploitations se sont modernisées,
04:42 combien elles ont fait de progrès en matière agro-environnementale.
04:46 Leur reprocher plein de choses, je n'accepte pas.
04:48 Il faut leur donner du temps pour qu'elles puissent
04:51 aller dans le sens qui est demandé par la société.
04:54 -On va s'intéresser un peu à votre vie avant la politique,
04:57 car vous êtes un homme aux vies multiples.
05:00 Vous avez été ingénieur agronome, conseiller à la Chambre d'agriculture.
05:04 Vous avez ensuite été vigneron,
05:06 puis vous êtes devenu éleveur de bœuf gras et de limousine.
05:09 Pour vous en sortir économiquement,
05:11 vous avez ajouté à cela un restaurant
05:13 où vous cuisiniez votre propre viande de bœuf.
05:16 Pour couronner le tout, à partir de 2014,
05:18 vous avez été élu maire de votre commune à Montségur, en Gironde.
05:23 Je le disais au début de l'émission,
05:25 il y a un côté légèrement hyperactif chez vous.
05:27 -Oui, mais les choses se sont imbriquées les unes dans les autres,
05:31 car il fallait que je m'organise par rapport à mes mandats électifs.
05:35 J'ai saisi des opportunités pour pouvoir m'organiser
05:38 et concilier toutes mes activités,
05:40 professionnelles et électives, au mieux.
05:42 -Ca dit quoi de vous, cette boulimie d'activités,
05:45 de changements ?
05:46 -Boulimie d'activités, c'est aussi la nécessité économique.
05:49 À un moment donné, j'ai décidé
05:52 d'avoir une activité d'élevage en plus de l'activité viticole,
05:57 sauf que j'ai décidé que je ne commercialiserais pas
06:01 en livrant à la fosse commune,
06:02 c'est-à-dire en allant vers le marché de la grande distribution.
06:06 J'ai décidé... -De valoriser votre production.
06:09 -De valoriser des circuits courts,
06:11 mais c'est quand même assez chronophage.
06:13 Ca a été d'abord de la commercialisation en caissettes,
06:17 livrée à domicile, ensuite des marchés,
06:19 fait sur tout le département de la Gironde,
06:21 et ensuite, quand j'ai été maire,
06:23 sédentariser mon activité et mon équipe,
06:26 et c'est là où il y a eu le restaurant.
06:28 -Sur le plan politique, vous avez été membre du PS
06:31 pendant longtemps, et en 2017, vous êtes tourné vers Emmanuel Macron,
06:35 et c'est comme ça que vous êtes devenu suppléant
06:38 dans le gouvernement. Ca aurait dû en rester là,
06:41 sauf qu'en 2018, Christelle Dubos a été nommée au gouvernement,
06:44 elle est devenue ministre, et donc, vous l'avez remplacée
06:48 en tant que députée à l'Assemblée, ce qui a alourdi
06:51 un peu plus votre charge de travail.
06:53 Comment avez-vous fait, à l'époque, entre l'évache,
06:56 le restaurant, les séances dans l'hémicycle à Paris,
06:59 la présence du député sur le terrain dans sa circonscription ?
07:02 -Je me pose encore la question,
07:04 parce que je serais absolument incapable de le faire aujourd'hui,
07:08 j'ai 50 ans de plus, et ça a été une période extrêmement dure.
07:11 Pour autant... -Les vaches, par exemple.
07:14 Qui s'occupait des vaches ? -J'avais un employé,
07:16 à ce moment-là, sur la ferme,
07:18 et qui était là le matin pour soigner les vaches.
07:21 En revanche, quand j'étais en circonscription,
07:24 avant de prendre mes habits de député,
07:26 j'allais soigner mes vaches, et vite, je passais à la douche,
07:30 et je me changeais pour soit monter dans le train,
07:32 soit aller en réunion en circonscription.
07:35 -Vous dites que cette période vous a épuisé moralement,
07:38 physiquement et économiquement.
07:41 Épuisement moral et physique,
07:43 ça correspond à la définition du burn-out ?
07:46 -Un peu, sans doute, oui. -Vous avez fait un burn-out ?
07:49 -Je sais pas. -Vous l'avez vécu comme ça ?
07:51 -Si vous voulez, il y a eu également le Covid,
07:54 qui est arrivé entre les deux, la fermeture des restaurants,
07:58 donc des difficultés économiques qui s'en sont suivies,
08:01 et le sentiment de voir tout ce que vous avez créé
08:04 s'écrouler sous vos pieds.
08:05 C'est pas toujours simple. -À cause de ce mandat
08:08 qui vous prenait une grande partie de votre temps,
08:11 et que vous n'aviez pas prévu. -C'est l'ensemble des choses.
08:14 Ah oui, effectivement, j'avais pas prévu du tout
08:17 de devenir député, dans le sens où j'étais suppléant.
08:20 Il y a eu aussi la cassure et le fait d'être obligé
08:23 d'abandonner son mandat de maire sans possibilité de retour,
08:27 alors que le député qui est titulaire
08:29 revient sur son siège de député.
08:32 Donc, il y a plusieurs cassures
08:33 qui ont été assez difficiles à gérer psychologiquement.
08:37 -Vous pensez que ce risque psychologique du burn-out
08:40 est pris en compte pour les députés ?
08:42 Vous n'êtes pas le premier à avoir vécu ça.
08:45 -Je sais pas s'il est pris en compte,
08:47 mais en tout cas, compte tenu de la façon dont je m'organisais,
08:50 que ce soit arrivé n'a rien de surprenant,
08:53 mais je pense l'avoir géré de façon assez solitaire,
08:56 c'est peut-être l'erreur que j'ai faite,
08:58 où j'aurais pu me faire accompagner
09:01 de façon différente, mais je pense pas
09:03 que le grand monde ait pu en souffrir, à part moi.
09:05 -En 2020, Christelle Dubos est redevenue députée
09:08 après avoir quitté le gouvernement,
09:10 donc vous avez quitté l'Assemblée,
09:12 mais en 2022, elle s'est pas représentée,
09:15 vous y êtes allée, vous avez été élue sur votre nom, députée.
09:18 Vous avez pris des dispositions pour pas vous mettre en surrégime ?
09:22 -Dans la mesure, effectivement, où j'ai la perspective...
09:25 J'avais en 2022 la perspective d'un mandat de cinq ans.
09:29 J'ai 55 ans, 55 + 5, ça fait 60.
09:31 Sincèrement, j'ai dit, là, il faut passer la main,
09:34 parce que, de toute manière, même si je devais retourner
09:37 parce que dissolution ou parce que fin de mandat,
09:40 à ce stage-là, repartir sur une activité professionnelle
09:43 dans une ferme de 60 hectares avec 55 ou 60 vaches à l'étante,
09:46 sincèrement, c'est pas tellement tenable,
09:49 donc j'avais un peu prévu mon coup,
09:51 et j'ai installé, enfin, proposé à un jeune agriculteur voisin
09:55 avec qui je travaillais depuis des années
09:57 de reprendre la ferme, ce qu'il a fait.
09:59 -Au mois de mars 2023, un matin,
10:02 vous avez découvert une inscription sur la porte de votre permanence,
10:07 deux lettres, "PD",
10:08 et dans la foulée, vous avez reçu des menaces de mort.
10:11 Vous avez choisi de le dénoncer publiquement ?
10:14 -Ca, c'était au moment du débat sur les retraites.
10:17 C'est pas moi qui ai découvert directement,
10:19 c'est mon attaché parlementaire, et il a été extrêmement choqué,
10:23 lui, déjà, parce que c'est lui qui a ouvert,
10:26 et donc il a dû me transmettre également cette information.
10:29 Bon, moi, finalement, c'est quelque chose que j'assume parfaitement.
10:33 Ces insultes me font pas pleurer, me font pas trembler,
10:37 mais j'ai voulu le dénoncer, tout simplement,
10:39 parce qu'il y a beaucoup de jeunes encore qui souffrent
10:43 de ces dénonciations, le fait d'assumer son homosexualité,
10:46 parfois dans des milieux familiaux ou hostiles,
10:49 et donc j'ai voulu le dire et le dénoncer
10:52 pour donner confiance à tous ces jeunes
10:54 qui peuvent être confrontés à ça
10:56 au moment de l'adolescence et de la découverte de l'homosexualité.
11:00 -Est-ce que ce sujet de l'homosexualité,
11:02 ça reste un sujet plus compliqué en milieu rural
11:05 ou alors dans le milieu des agriculteurs
11:07 que dans l'Ouest de la France ? -Je sais pas.
11:10 Je sais pas. En l'occurrence, regardez,
11:12 je ne suis pas natif du département de la Gironde,
11:15 je n'étais pas natif de la commune où je suis devenu maire,
11:18 tout le monde savait que j'étais gay,
11:21 au moment où je me suis présenté,
11:23 je n'ai jamais fait un objet politique.
11:25 -Vous expliquez qu'au municipal de 2001,
11:27 vous aviez peur de voir ça inscrit sur vos affiches
11:30 par des gens qui... -Oui, alors par contre,
11:33 ça, effectivement, j'avais quand même cette peur-là.
11:36 -Vous êtes passé de la peur au courage de le dénoncer ?
11:39 -Un moment donné, effectivement,
11:41 mais le temps passe et on assume plus facilement les choses
11:44 pour soi parce qu'on les a déjà acceptées pour soi.
11:47 En 2001, je passais devant les affiches
11:49 pour voir s'il y avait pas ça d'inscrit,
11:52 j'avais un petit peu, oui, cette peur.
11:54 -On va terminer l'émission par notre quiz à présent.
11:57 Le principe, c'est simple,
11:58 vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
12:02 On y va ? -On y va.
12:04 -"Un bon député, c'est comme un bon vin."
12:06 -Il faut qu'il vienne assez vieux pour être efficace,
12:09 pour être bon.
12:10 -On voit qu'il y a beaucoup de jeunes dans l'émission.
12:13 -Oui, tout à fait.
12:14 -Quand je repense à Cactus et Helium...
12:17 -Ah oui, ce sont mes bœufs bazadés
12:18 avec qui j'ai gagné des concours à Bazaço.
12:21 -C'était une autre période de votre vie.
12:23 C'était beaucoup de travail, ces concours.
12:26 Vous avez été lauréat. -Cinq ans de suite, à Bazaço.
12:29 Ca a été, en fait, le déclencheur
12:31 d'une forme de notoriété dans le milieu de l'élevage
12:34 et qui m'a permis de développer aussi une activité commerciale
12:37 et la reconnaissance du monde de l'élevage.
12:39 -Le jour où je prendrai ma retraite,
12:42 qu'est-ce qui se passera ?
12:43 -Il va falloir que j'y réfléchisse avant pour m'organiser.
12:46 Mais je sais pas si je vais pas reprendre quelques vaches.
12:50 -Vous pouvez pas ne rien faire. -Juste pour m'amuser.
12:53 Non, rien faire, mais personne ne fait rien.
12:56 J'ai un peu de mal à rester assis sans rien faire.
12:59 Il y a toujours cette volonté d'entreprendre.
13:02 -Merci beaucoup, Pascal Lavergne, d'être venu dans "La Politique et moi".
13:06 -Merci.
13:07 ...
13:25 [Musique]