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100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 [Générique]
00:00:08 Comment lutter contre les influences étrangères ?
00:00:11 Par exemple en matière de guerre d'informations.
00:00:13 C'est l'objet d'une commission d'enquête lancée au mois de février au Sénat
00:00:17 à l'initiative du groupe socialiste.
00:00:18 L'objectif ? Mesurer l'ampleur de ces influences
00:00:22 et faire des recommandations en la matière.
00:00:23 Hier, les sénateurs entendaient l'une des responsables de l'OCDE.
00:00:27 Elle est notamment chargée d'aider les gouvernements
00:00:30 à instaurer la confiance auprès des citoyens.
00:00:32 On file en audition, on en reparle juste après.
00:00:35 Un mot d'introduction pour dire que j'arrive juste de Séoul
00:00:38 où il y avait le troisième sommet pour la démocratie
00:00:42 qui était organisé par la Corée cette année
00:00:45 et que dans ce sujet sur la défense de la démocratie
00:00:49 et le renouveau de la démocratie,
00:00:50 le sujet de la désinformation et de l'influence étrangère
00:00:53 était absolument au cœur des débats.
00:00:56 Donc on est à un moment où ça devient un sujet international
00:01:00 non seulement d'importance, mais connu,
00:01:03 sur lequel les démocraties se mettent ensemble
00:01:07 afin de préserver leur modèle.
00:01:10 Peut-être aussi un mot au départ sur la définition,
00:01:15 puisque de la même façon que sur le sujet du lobbying,
00:01:19 on considère que le lobbying bien fait
00:01:22 et de façon transparente et positive
00:01:24 pour l'économie et la société en général,
00:01:28 si tant est qu'il est transparent,
00:01:29 il en est de même pour l'influence étrangère.
00:01:31 C'est-à-dire qu'on part vraiment du principe,
00:01:33 notamment quand on travaille dans une organisation internationale,
00:01:35 que fait de façon transparente,
00:01:38 l'influence étrangère peut avoir une contribution positive
00:01:42 dans l'élaboration des politiques,
00:01:44 notamment des politiques internationales.
00:01:47 Les entités étrangères peuvent éclairer les débats politiques,
00:01:49 faire progresser les processus décisionnels
00:01:51 par la prise en compte d'intérêts diversifiés
00:01:54 et promouvoir la coopération internationale.
00:01:56 C'est la raison pour laquelle on a des ambassadeurs
00:01:58 et des organisations internationales,
00:01:59 c'est pour qu'on puisse s'influencer mutuellement
00:02:02 pour avoir un résultat positif pour l'ensemble.
00:02:04 Donc on part quand même de ce principe-là,
00:02:07 mais en revanche, quand les activités d'influence étrangère
00:02:10 sont menées de manière dissimulée, secrète, non transparente,
00:02:14 quand elles sont trompeuses ou avec l'intention de nuire,
00:02:17 on peut alors parler d'ingérence étrangère.
00:02:20 C'est pour ça qu'on préfère distinguer
00:02:22 l'influence étrangère légitime de l'ingérence étrangère.
00:02:26 L'ingérence étrangère a des conséquences
00:02:31 à la fois sur l'intégrité de l'élaboration
00:02:33 des politiques publiques,
00:02:34 ainsi que sur le bien-être collectif
00:02:36 dans les pays ciblés.
00:02:37 Et c'est ce type d'activité donc secrète,
00:02:40 maligne au sens américain du terme, pardon,
00:02:42 trompeuse, qu'il faut circonscrire,
00:02:47 de façon à ce que l'influence puisse s'exercer
00:02:51 de façon transparente et en toute responsabilité,
00:02:53 comme un outil des États.
00:02:55 Peut-être aussi, juste avant de commencer,
00:02:58 pour rappeler qu'il ne s'agit pas pour nous
00:03:04 de polariser le monde,
00:03:05 mais au contraire d'avoir une vision constructive
00:03:07 et d'aider le monde à aller vers plus de paix,
00:03:09 et donc de rappeler que rares sont les États
00:03:13 qui n'ont pas fait d'ingérence étrangère
00:03:14 dans le passé d'une façon ou d'une autre.
00:03:16 Je pense qu'il est important de partir de ce constat
00:03:19 afin d'avoir une discussion constructive entre États.
00:03:24 C'est en partie ce qu'on essaie de faire à l'ECDE.
00:03:27 En revanche, ce dont on se rend compte actuellement,
00:03:32 c'est que les sociétés démocratiques ouvertes
00:03:36 sont plus fragiles vis-à-vis de l'ingérence étrangère
00:03:40 que ne sont les autocraties ou les dictatures
00:03:43 dans lesquelles la fermeture et le contrôle
00:03:47 de la société civile, des médias, des sources d'information, etc.,
00:03:50 les rend plus, au départ, plus solides
00:03:54 vis-à-vis de l'ingérence étrangère.
00:03:57 Donc on a un nombre croissant de nos pays membres
00:04:00 pour lesquels la lutte contre l'ingérence étrangère
00:04:02 est une priorité.
00:04:03 Je crois que tout le monde est à peu près d'accord
00:04:06 dans nos démocraties, en tout cas dans nos 38 pays membres,
00:04:10 que c'est devenu un facteur de déstabilisation
00:04:12 assez important, voire très important.
00:04:15 Plus on va vers l'est de l'Europe,
00:04:17 plus il est évident que c'est un facteur de déstabilisation,
00:04:20 parfois, massif.
00:04:22 Et ça s'exerce à travers les campagnes de désinformation,
00:04:26 l'ingérence électorale, le financement politique,
00:04:29 la répression transnationale de la diaspora,
00:04:31 la coercition économique et l'ingérence
00:04:34 dans l'élaboration des politiques publiques
00:04:36 par les pratiques de lobbying secrètes.
00:04:40 Une des raisons aussi pour lesquelles c'est devenu
00:04:43 plus important aujourd'hui et pour lesquelles
00:04:45 le sujet est passé de la sphère, je dirais,
00:04:47 la sphère du renseignement ou la sphère du militaire
00:04:50 à la sphère beaucoup plus civile,
00:04:52 c'est que la mondialisation, le numérique,
00:04:56 tout ce qui concerne aussi la consultation des parties prenantes
00:05:00 nous rend aussi plus fragiles vis-à-vis de l'ingérence étrangère.
00:05:05 Le fait que les diasporas soient plus importantes,
00:05:08 le numérique évidemment à travers la désinformation,
00:05:11 la mondialisation qui fait que tout est intégré
00:05:14 donne des moyens plus importants,
00:05:18 notamment pour les autocraties et du reste du monde
00:05:21 de s'intégrer dans les sociétés ouvertes
00:05:23 et de faire de l'ingérence étrangère.
00:05:25 Donc c'est aussi cette ouverture qu'il faut arriver à maintenir
00:05:30 en même temps que lutter contre l'ingérence étrangère
00:05:32 et c'est pour ça que c'est un challenge particulier
00:05:36 aux démocraties dans le monde.
00:05:38 On se rend compte aussi peu à peu que l'ingérence étrangère
00:05:44 a des conséquences parfois importantes
00:05:47 sur la confiance des citoyens dans les institutions publiques
00:05:51 et d'ailleurs malheureusement c'est parfois,
00:05:55 même parfois souvent, le but de ces ingérences étrangères,
00:05:58 c'est-à-dire qu'il peut y avoir un but stratégique dans certains cas
00:06:01 mais souvent aujourd'hui il s'agit juste d'un facteur de déstabilisation.
00:06:06 Donc à une époque où la confiance dans les institutions publiques
00:06:09 est fragile, ça devient effectivement un problème encore plus important.
00:06:13 Donc on a de nombreux gouvernements qui mettent en place des mesures
00:06:17 pour améliorer leur connaissance des principaux canaux
00:06:20 à travers l'influence étrangère à l'yeu,
00:06:25 pour mettre aussi en place des outils et des techniques
00:06:28 pour lutter contre l'influence étrangère.
00:06:33 Donc encore une fois, c'est important pour l'agenda de certains de nos pays membres.
00:06:37 En novembre 2022, donc vous m'avez parlé de mandat et de moyens,
00:06:41 les ministres de l'OCDE ont adopté la déclaration
00:06:43 pour instaurer la confiance et renforcer la démocratie,
00:06:46 appelée tout simplement la déclaration de Luxembourg,
00:06:50 pour répondre aux défis qui se posent à notre modèle démocratique de gouvernance.
00:06:54 Il y avait un ancien pilier de travail,
00:06:57 le premier c'était la désinformation sur laquelle on a beaucoup travaillé,
00:06:59 le troisième c'était ce qu'on a appelé les compétences mondiales des gouvernements
00:07:03 et à l'intérieur desquelles il y avait un sous-chapitre sur l'influence étrangère.
00:07:07 Donc notre mandat vient de là, de 2022.
00:07:10 Sur l'influence étrangère.
00:07:14 Voilà, ensuite nous avons sur l'influence étrangère,
00:07:19 toujours je reviendrai sur la désinfo juste après,
00:07:21 mais on a initié un dialogue de haut niveau avec les pays de l'OCDE
00:07:24 les plus engagés sur le sujet depuis une petite année.
00:07:28 Ce dialogue pour l'instant est mené de façon totalement confidentielle
00:07:34 avec des règles de Chatham House,
00:07:36 et l'idée est de faire une première cartographie des principaux canaux de l'influence étrangère
00:07:42 et de s'accorder sur la nécessité de mettre en place des réponses classiques,
00:07:51 justement pardon, d'aller plus loin que les réponses classiques de type sécuritaire ou de renseignement
00:07:55 par des outils de gouvernance publique basés sur la transparence.
00:07:58 C'est vraiment de l'optique de ce qu'on fait.
00:08:00 Donc voilà, il est essentiel pour nous, notamment au niveau international,
00:08:06 de bien arriver à définir les termes de ce qu'on appelle l'ingérence étrangère.
00:08:11 Donc pour l'instant on a une définition de travail
00:08:14 qui est un ensemble d'actions intentionnelles d'acteurs étatiques ou non étatiques
00:08:18 conduite dans l'intérêt d'un gouvernement étranger.
00:08:21 Ces actions sont secrètes, non transparentes et de nature manipulatrice
00:08:25 et visent à impacter les structures ou les processus du système politique,
00:08:28 l'économie, la société ou l'espace informationnel.
00:08:31 Donc c'est très proche de la définition qui avait été adoptée à l'Assemblée nationale, je crois, c'est ça ?
00:08:37 Ou qui avait été dans un rapport de l'Assemblée nationale.
00:08:39 Donc c'est une définition de travail avec laquelle pour l'instant les pays sont à peu près d'accord.
00:08:46 En termes de canaux de transmission de l'influence étrangère,
00:08:53 notre approche en tout cas à l'OCDE est large.
00:08:55 Donc elle s'intéresse à la fois à la capture des élites,
00:08:58 le financement de la vie politique, l'ingérence électorale,
00:09:01 le financement de la vie politique, les manipulations d'informations, la coercition économique,
00:09:08 l'utilisation abusive de la coopération universitaire économique culturelle de la société civile ou des think tanks,
00:09:14 ainsi que le contrôle et la répression des diasporas.
00:09:17 Parce qu'on se rend compte qu'actuellement ces canaux sont utilisés de façon...
00:09:22 On en utilise deux ou trois en même temps pour faire passer de la désinfo, ensuite on revient sur un...
00:09:28 L'influence étrangère passe par un ensemble de canaux aujourd'hui.
00:09:31 Et on discute actuellement de renforcer l'aspect cyber et d'inclure également le lawfare,
00:09:36 ou la guerre juridique en français, dans ses travaux en plus. C'est en discussion.
00:09:40 En termes de réponse, une approche mieux coordonnée des pouvoirs publics,
00:09:44 la mise en place de mesures réglementaires pour renforcer la transparence de l'influence étrangère dans les nombreux secteurs où elle se manifeste,
00:09:50 meilleure prise de conscience de la société et des acteurs ciblés,
00:09:57 et un renforcement de la coopération internationale font partie des pistes d'action.
00:10:00 Maintenant, juste sur nos travaux sur la désinfo et les liens évidemment avec l'influence étrangère.
00:10:07 On est aussi parti du principe que la désinformation a toujours existé. C'est un fait.
00:10:13 Ce qui a changé depuis l'avènement du numérique, c'est la rapidité de diffusion et les conséquences de la digitalisation sur la presse professionnelle.
00:10:22 Les deux facteurs allant en même temps.
00:10:25 La prolifération de la désinformation, maintenant il y a un accord au niveau international, c'est clair,
00:10:30 entraîne des conséquences considérables dans de nombreux domaines de l'action publique,
00:10:33 de la santé publique à la sécurité nationale, jusqu'à la lutte contre le changement climatique.
00:10:37 Les Brésiliens, dans le cadre du G20, sont en train de monter un projet sur la désinformation dans le secteur climatique.
00:10:46 La désinformation jette le doute sur les faits avérés, compromet la mise en œuvre des politiques publiques,
00:10:52 et branle très sérieusement la confiance des citoyens dans l'intégrité des institutions démocratiques.
00:10:58 Depuis la conférence ministérielle de 2022, on a créé le centre de ressources sur la mésinformation et la désinformation,
00:11:06 le D. Smith Hub, qui est maintenant connu au niveau international.
00:11:10 La France et les États-Unis étant dans une position de vraie leadership fort sur ce sujet, avec d'autres pays,
00:11:17 mais disons qu'en tout cas, ils sont vice-présidents ensemble, ils ont une coprésidence ensemble,
00:11:23 et le but de ce Hub, c'était d'étudier comment les pays gèrent les défis d'un écosystème de l'information en rapide évolution,
00:11:31 en veillant à ce que les valeurs et les processus démocratiques restent solides face à ces changements,
00:11:36 ce qui est un énorme challenge, le challenge de la désinformation.
00:11:40 Donc on a travaillé à la collecte d'informations sur la manière dont les gouvernements promèvent cette culture de l'intégrité dans l'espace de l'information.
00:11:48 On a eu des échanges approfondis avec des experts des gouvernements, évidemment, des universitaires, des représentants de la société civile,
00:11:56 des représentants des médias, des entreprises, afin d'identifier les meilleures pratiques qu'on connaît actuellement
00:12:01 et de tirer des leçons sur la désinfo, sachant que tous les pays sont en train d'apprendre.
00:12:06 On apprend collectivement au niveau international, au sein des démocraties.
00:12:10 Personne ne sait faire de façon exceptionnelle. Nous sommes tous en train d'apprendre.
00:12:15 Et on part du principe que défendre l'intégrité de l'information en tant que bien public est essentiel pour renforcer la liberté d'opinion et d'expression,
00:12:23 et que ça ne va pas contre la liberté d'opinion et d'expression, que c'est même l'inverse.
00:12:27 La désinformation finit par amoindrir la liberté d'opinion et d'expression.
00:12:33 Donc c'est dans ce sens-là qu'on est allés et c'est tout ce qu'on a fait pour arriver à la publication le 4 mars du rapport dont vous avez fait état,
00:12:43 qui présente donc les pratiques qu'on voit dans les pays de l'OCDE essentiellement,
00:12:48 et présente un cadre d'action pour renforcer l'intégrité de l'espace informationnel,
00:12:53 en reconnaissant aussi que les contextes nationaux peuvent varier.
00:12:58 On est en train de travailler sur ce qu'on appelle un standard international,
00:13:02 c'est-à-dire que ce cadre qui pour le moment est un cadre analytique, on essaie de l'amener vers un standard qui serait donc un instrument juridique,
00:13:09 mais non contraignant, ce qui est le cas pour la majeure partie de nos standards à l'OCDE dans les mois qui viennent.
00:13:16 Et on espère pouvoir arriver à un standard international dans les mois qui viennent.
00:13:19 Donc le cadre a trois dimensions.
00:13:21 La première, c'est la mise en œuvre de politiques visant à renforcer la transparence, la responsabilité et la pluralité des sources d'informations.
00:13:28 Donc on commence évidemment par le secteur des médias.
00:13:32 Il semblerait quand même que c'est un sujet qu'on avait un petit peu oublié dans nos démocraties, comment on renforce les médias.
00:13:40 On l'avait laissé un petit peu de côté parce que ça fonctionnait, bon an, mal an.
00:13:44 Et aujourd'hui, avec à la fois la digitalisation d'un côté qui les affaiblit et de l'autre la sphère informationnelle qui n'est pas en bonne situation,
00:13:53 on se rend compte qu'il faut de nouveau soutenir des politiques qui favorisent un secteur de médias diversifié, pluriel, indépendant,
00:14:01 en mettant aussi beaucoup l'accent sur le journalisme local.
00:14:04 Et donc ça, c'est le premier aspect. Et le deuxième aspect, c'est la mise en œuvre d'efforts réglementaires pour accroître la responsabilité et la transparence des plateformes en ligne
00:14:16 afin que leur pouvoir de marché et leurs intérêts commerciaux ne contribuent pas à véhiculer la désinformation.
00:14:21 Ça, c'est un grand... Il faut savoir que le rapport que vous avez, c'est un texte négocié.
00:14:26 Donc il va très loin pour un texte négocié.
00:14:30 C'est la première fois qu'on a un texte négocié en dehors de l'Union européenne, qui va aussi loin sur les aspects de réglementation des réseaux sociaux,
00:14:39 même s'il y a pas mal de mots qui limitent la portée du rapport, mais on va dans un standard dans cette direction.
00:14:47 Donc l'idée, c'est d'aller au-delà de l'autorégulation traditionnelle.
00:14:51 Donc on a besoin de politiques et de pratiques comme le DSA, le Digital Service Act, qui augmenteront la transparence des plateformes numériques,
00:14:59 comment les données circulent entre elles, comment elles fonctionnent, la modération du contenu,
00:15:03 la prise de décision algorithmique, les procédures de réclamation, le cas échéant, afin d'encourager à leur responsabilité.
00:15:11 Mais on parle bien de politique réglementaire pour la première fois.
00:15:15 Deuxièmement, donc ça c'était pour ce qui concerne la transparence et la responsabilité des sources.
00:15:22 Deuxièmement, donc deuxième pilier, c'est la résilience des citoyens, afin de renforcer les défenses de la société contre la désinformation.
00:15:30 Alors là, en revenant de Séoul, où il y a eu un grand débat, notamment il y avait Maria Ressa qui était là,
00:15:35 où la conclusion de ce débat, c'était aussi de dire ne laissons pas les citoyens tout seuls et ne mettons pas toute la responsabilité sur leurs épaules.
00:15:43 C'est leur demander trop que de faire le tri en permanence, tout seul.
00:15:48 C'est pour ça qu'il faut que ce soit une politique, on appelle ça "whole of society", parce qu'on ne peut pas imaginer...
00:15:58 Les plateformes parlent beaucoup de l'éducation aux médias, c'est aussi parce que c'est un moyen de déresponsabiliser la publication de l'information.
00:16:07 Donc oui, il faut absolument favoriser la résilience des citoyens, mais on ne peut pas tout attendre des citoyens tout seuls dans ce domaine.
00:16:17 Il s'agit néanmoins de donner aux individus les moyens de développer leur esprit critique, de reconnaître et de combattre la désinformation,
00:16:24 ce que fait la France à travers le Centre de l'éducation aux médias et à l'information, la Finlande, les Pays-Bas aussi,
00:16:29 avec des programmes éducatifs avancés, des curriculums dédiés tout au long de la scolarité.
00:16:34 Il faut également mobiliser tous les secteurs de la société, notamment la recherche académique, les organisations de la société civile,
00:16:42 pour élaborer des politiques globales et fondées sur des données probantes en faveur de l'intégrité de l'information.
00:16:47 Troisième volet, améliorer les mesures de gouvernance et ce qu'on appelle nous l'architecture institutionnelle,
00:16:53 afin de préserver l'intégrité de l'espace d'information.
00:16:56 Ici, il s'agit d'améliorer la coordination stratégique au sein de l'administration face à ce risque, d'investir dans des capacités humaines et technologiques,
00:17:05 également de renforcer la coopération internationale entre les démocraties, puisque l'information circule à travers les frontières.
00:17:12 Donc, y aller seul, ce serait une mauvaise idée, probablement pas très efficace.
00:17:16 On rappelle toujours que l'action gouvernementale est nécessaire pour contrer la menace de la désinformation.
00:17:23 Cependant, aucune action ne doit conduire à un plus grand contrôle de l'information, ce qui est encore une fois l'enjeu,
00:17:30 ni à nuire aux droits fondamentaux et notamment à celui de la liberté d'expression.
00:17:34 C'est un exercice très délicat d'équilibrage et les pays qui ont mis en place des structures ont souvent raté leur communication sur le sujet.
00:17:43 C'est très important de savoir parler de ce sujet-là sans menacer la liberté des systèmes d'information.
00:17:51 Il y a trois points dans le rapport sur les nouveaux risques liés à la désinformation.
00:17:55 La désinformation d'origine étrangère, je y reviendrai, la désinformation en période d'élection et enfin l'intelligence artificielle.
00:18:02 J'ai envie de commencer par l'intelligence artificielle parce que Vera Jourova, qui était à Séoul, a dit une phrase qui m'apparaissait très juste.
00:18:09 Elle disait que l'avènement de l'intelligence artificielle, c'est la désinformation sous stéroïde.
00:18:13 Jusque-là, on ne savait pas très bien lutter contre la désinformation, on commençait juste à apprendre.
00:18:20 Et probablement, la désinformation va être démultipliée de façon très importante dans les mois et années qui viennent.
00:18:27 Donc on l'est évidemment beaucoup trop tôt pour qu'on sache comment évaluer ce qui va se passer.
00:18:35 Mais il y a deux aspects. Il y a d'abord la création de contenus de désinformation et ensuite l'utilisation de l'intelligence artificielle pour diffuser la désinformation.
00:18:44 Il y a deux effets de l'intelligence artificielle.
00:18:46 Concernant les contenus, c'est évidemment les deepfakes, les images réalistes, les textes, les vidéos, le fichier audio qui peuvent faussement imiter de vraies personnes.
00:18:54 On a entendu la voix d'un candidat aux élections slovakes publiée sur les réseaux sociaux la veille des élections parlementaires l'année dernière.
00:19:01 129 contenus médiatiques générés par l'intelligence artificielle ont été détectés depuis fin janvier dans le cadre des élections parlementaires en Corée, qui sont, je crois, le 10 avril, s'il me semble.
00:19:14 Donc ça devient en période électorale un vrai sujet.
00:19:18 Il y a une solution technique qui est en train d'émerger qu'on appelle le watermarking.
00:19:22 Et on a aussi évidemment entendu les entreprises technologiques lors de la conférence de sécurité de Munich s'engager dans le cadre des élections.
00:19:30 Mais encore une fois, c'est un endroit où il va falloir aller plus loin que l'autorégulation traditionnelle.
00:19:36 Pour nous, on pense que ce qui est plus préoccupant, c'est l'utilisation de l'intelligence artificielle pour créer davantage de faux profils et animer les réseaux de faux profils sur des plateformes en ligne d'une manière beaucoup plus réaliste qu'aujourd'hui.
00:19:50 Et il existe un grand risque que les outils de détection qu'on a aujourd'hui développés par les plateformes et les gouvernements ne soient pas en mesure de détecter de telles campagnes de désinformation coordonnées par l'intelligence artificielle.
00:20:04 C'est un thème sur lequel on commence à travailler à l'OCDE pour faire face à cette menace.
00:20:10 Donc voilà, premier risque, l'intelligence artificielle, probablement un énorme risque qui arrive actuellement.
00:20:14 Deuxièmement, la manipulation et l'ingérence de l'information étrangère.
00:20:19 Il est vrai que dans le contexte géopolitique d'aujourd'hui, avec justement cette polarisation croissante entre les autocraties et les démocraties, les campagnes de désinformation provenant d'étrangers constituent une réelle préoccupation.
00:20:33 Et même si les gouvernements étrangers peuvent jouer un rôle constructif dans les débats politiques, les campagnes de désinformation parrainées par l'État et menées en secret dans l'intention de nuire ne devraient pas faire partie de la boîte aux outils de politique étrangère d'aucun pays aujourd'hui.
00:20:49 Donc pour ça, les gouvernements démocratiques sont en train d'investir dans des capacités de détection.
00:20:54 Vigénum en France est un bel exemple aujourd'hui de pratiques dans ce domaine.
00:21:01 On a aussi le Global Engagement Center du département d'État aux États-Unis.
00:21:05 On a le National Crisis Center en Lituanie.
00:21:08 On a quelques exemples comme ça.
00:21:10 L'idée est que les citoyens doivent savoir quand le contenu diffusé sur les plateformes de médias sociaux provient de l'étranger.
00:21:18 Et quand est-ce qu'ils utilisent des techniques manipulatrices.
00:21:21 Et les derniers rapports de Vigénum sur le Mortal Kombat et le réseau RRN sont exemplaires en la matière.
00:21:28 Le point clé ici qui est très important, comme pour la réglementation des plateformes, est la transparence.
00:21:34 Il n'appartient pas au gouvernement de juger de la véracité ou de supprimer des contenus.
00:21:39 Mais il devrait encore une fois sensibiliser la population par les biais d'efforts de communication publique dédiés.
00:21:45 Pour donner l'information sur le fait que ces campagnes viennent de l'étranger.
00:21:50 Troisième point critique, surtout cette année, les élections.
00:21:57 Les gouvernements et les organismes électoraux indépendants ont pris conscience du risque maintenant et prennent de plus en plus de mesures.
00:22:03 Les approches varient en fonction des contextes évidemment.
00:22:06 Mais ce qui est clair est l'accent principal sur la lutte contre la désinformation liée à l'intégrité du processus et des organes électoraux.
00:22:13 C'est-à-dire tous les récits sur la fraude électorale.
00:22:16 Donc il ne s'agit pas de parler des récits politiques qui peuvent être manipulés mais sur lesquels on n'a pas beaucoup de prise.
00:22:24 En revanche, beaucoup de campagnes de désinformation en dehors des processus électoraux sont sur le processus lui-même visant à nuire à sa crédibilité.
00:22:33 Encore une fois, affaiblir ce qui fait le cœur des démocraties.
00:22:37 Donc les pays ont mis en place, un certain nombre de pays ont mis en place des groupes de travail spécialisés.
00:22:42 Le groupe de travail sur l'assurance de l'intégrité électorale en Australie.
00:22:45 Le groupe de travail sur les menaces liées à la sécurité et au renseignement sur les élections au Canada.
00:22:50 Ce sont des exemples intéressants.
00:22:52 Il faut savoir que dans une enquête récente menée par Ipsos et l'UNESCO dans 16 pays, 87% des personnes interrogées ont exprimé leur inquiétude face à ce risque.
00:23:01 Donc en cette année de super élection, c'est vraiment important d'être particulièrement attentif.
00:23:07 Encore une fois, il ne s'agit pas forcément dans ces campagnes de désinformation.
00:23:14 L'objectif poursuivi par les pays étrangers n'est pas nécessairement de favoriser un candidat, ça peut être le cas.
00:23:20 Ou un autre, mais parfois et souvent juste de faire peser le doute sur l'intégrité du processus électoral.
00:23:26 Voilà, maintenant pour juste une minute, deux minutes sur l'influence étrangère elle-même.
00:23:36 De façon plus générale, je voulais revenir sur les outils de gouvernance publique, notamment les dispositifs de transparence qui peuvent être mis en place pour lutter contre l'influence étrangère.
00:23:46 Ou l'ingérence étrangère plutôt.
00:23:49 Beaucoup de choses peuvent être faites sur des réglementations sur le financement de partis politiques, les règles de mobilité privée-publique qui vont probablement être fondamentales dans l'avenir.
00:24:00 Le contrôle des investissements étrangers, des contrats, l'achat et la propriété des médias, la protection de la société civile, la protection des systèmes électoraux.
00:24:11 Certains pays ont fait des avancées vraiment importantes. L'Australie, en 2018, a mis en place une réglementation générale qui couvre les différents canaux.
00:24:18 Et l'Union européenne aussi a beaucoup avancé.
00:24:22 On a beaucoup travaillé récemment avec l'HATVP. Le dispositif français est déjà bien élaboré. On ne part pas du tout de zéro en France.
00:24:35 C'est bien appréhendé de façon générale en France avec un cadre juridique dédié, des institutions efficaces, de nombreuses outils de politique publique.
00:24:42 Sur le plan pénal, on a le dispositif de répression des atteintes aux intérêts fondamentaux.
00:24:47 On a les restrictions posées au financement provenant de l'étranger des partis politiques et des campagnes électorales.
00:24:53 Il faut savoir qu'il y a beaucoup de pays qui ne sont pas protégés sur le sujet.
00:24:56 Le dispositif de lutte contre les atteintes à la propriété, y compris la corruption, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts.
00:25:01 Le dispositif de contrôle des investissements étrangers, la récente loi sur le séparatisme.
00:25:06 Le dispositif de lutte contre les ingérences numériques étrangères.
00:25:09 Et le dispositif sur l'encadrement des activités de représentation d'intérêts.
00:25:13 Donc il y a déjà quand même beaucoup de choses en France.
00:25:17 Donc on travaille actuellement avec la HATVT pour concevoir un cadre de transparence dédié à l'influence étrangère, s'inspirant des pratiques existantes.
00:25:25 Il faut savoir que dans beaucoup de pays, dans le domaine du lobbying, il commence à y avoir un certain nombre de registres
00:25:32 demandant aux représentants d'intérêt de s'inscrire et de divulguer publiquement leurs activités.
00:25:36 On a 18 sur les 38 pays maintenant qui ont un tel registre.
00:25:39 Trois d'entre eux intègrent certaines activités d'influence étrangère dans leur cadre légal sur le lobbying.
00:25:44 Le Canada, l'Union européenne et depuis 2023 la France.
00:25:48 D'autres pays ont fait le choix d'un registre séparé et couvrant un spectre plus large d'acteurs et d'activités d'influence.
00:25:55 Sur le modèle du FARA aux Etats-Unis, l'Australie a mis en place un modèle similaire avec le Foreign Influence Transparency Scheme de 2018.
00:26:03 La Grande-Bretagne est en train de faire ça aussi et le Canada est en train de réfléchir au sujet aussi.
00:26:09 L'Union européenne a présenté en 2023, dans le cadre du paquet européen de défense de la démocratie,
00:26:15 une proposition de directive établissant des exigences harmonisées dans le marché intérieur
00:26:20 en matière de transparence et de la représentation d'intérêts exercés pour le compte d'un pays tiers.
00:26:24 Et en France, vous le savez mieux que moi, il y a une proposition de loi sur l'établissement d'un tel registre en débat actuellement.
00:26:32 Donc il va être en débat.
00:26:34 Donc voilà. On est en train de finaliser un rapport sur le sujet que nous avons discuté avec l'ensemble des acteurs français,
00:26:44 l'HATVP évidemment, mais également le SGDSN, Viginium, le ministère de l'Europe des Affaires étrangères, TRACFIN, la DGSI, le ministère de l'Intérieur et le Conseil d'État,
00:26:54 ainsi que les chercheurs de l'école militaire et de Sciences Po.
00:26:58 Le rapport s'inspire évidemment des pratiques existantes, fera des recommandations sur le champ d'application, les définitions,
00:27:04 les mécanismes de mise en œuvre et le cadre institutionnel pour un tel dispositif en France,
00:27:11 et sera, je l'espère, évidemment, source d'inspiration pour les débats parlementaires qui vont avoir lieu.
00:27:16 Juste peut-être un dernier mot pour moi sur la nécessité de la coopération internationale.
00:27:23 Il est bien évident que dans le monde mondialisé d'aujourd'hui, lutter contre l'influence étrangère n'est probablement pas très efficace.
00:27:33 Donc ce qu'on est en train d'établir entre les pays, afin qu'ils puissent collaborer mieux sur ces sujets,
00:27:39 les pays qui ont des valeurs communes, sera probablement fondamental à l'avenir. Voilà. Merci beaucoup.
00:27:46 J'espère que j'ai dit des choses qui vous intéressaient.
00:27:49 Monsieur Temal va répondre à cette question.
00:27:55 D'abord, merci, M. le Président. Vous avez dit des choses très intéressantes, bien sûr. Comme ça, je réponds à cette première question.
00:28:02 Et plus sérieusement, d'abord, je vous remercie effectivement pour le rapport qui a été produit par l'OCDE,
00:28:07 donc l'effet « Sans le faux », qui est très riche à la fois dans les réflexions, dans les propositions.
00:28:13 Et puis, vous dire également qu'avant de démarrer et de poser la première question, vous avez raison de rappeler qu'il faut toujours renforcer la démocratie,
00:28:22 et ce n'est pas la démocratie qu'on pourra lutter contre l'ingérence. Je pense que c'est important de le rappeler dans le débat, et vous feriez bien de le dire.
00:28:28 Une fois que je vous ai dit ça, j'ai plusieurs questions. Donc je vous propose qu'on fasse une question, vous répondez, on fasse ça directement.
00:28:34 Vous avez évoqué la question de la définition, d'une part, et puis vous avez évoqué aussi le fait, de temps en temps, d'ingérence et d'influence.
00:28:41 Pourrait-on dire, au-delà de ce que vous avez indiqué comme définition en cours de travail, que l'influence pourrait être le volet plutôt positif,
00:28:51 et que l'ingérence serait la phase plus sombre, plus négative ? Parce que c'est vrai que nous avons fait le choix d'influence à ce stade,
00:29:00 mais on veut bien, et c'est tout le sens aussi d'une commission d'enquête, de rapprocher ça.
00:29:03 Donc est-ce qu'on peut estimer, globalement, que cette façon de gérer un sujet plus global, mais avec deux volets,
00:29:12 c'est-à-dire influence, on va dire plutôt l'aspect positif, transparent, démocratique, et ingérence, la facette cachée, volonté négative,
00:29:19 pourrait être acceptée de votre point de vue ?
00:29:23 Oui, c'est comme ça qu'on a ouvert le sujet. Et d'ailleurs, je pense que c'est important, parce que si on nie non seulement l'effet bénéfique de l'influence,
00:29:34 mais si on nie le fait que les pays s'influencent, on sera en dehors de la réalité, surtout dans le monde mondialisé d'aujourd'hui.
00:29:42 Je pense que c'est important de le prendre en compte. Il s'agit, en fait, quand on parle de l'ingérence étrangère,
00:29:47 de rendre le système international plus transparent sur les mécanismes d'influence.
00:29:54 Pour nous, c'est vraiment le but de notre côté, c'est d'accepter, et même d'accepter de façon très positive et très constructive l'influence,
00:30:03 mais d'avoir un cadre qui ne permet pas l'ingérence.
00:30:08 D'accord. Je vous remercie. Deuxième question. Dans votre rapport, et là ce que vous dites, vous évoquez plusieurs expériences.
00:30:16 Est-ce qu'il y a des points communs ? Ou en tout cas, pouvez-vous peut-être détailler ce qu'a pu mettre notamment l'Australie ?
00:30:25 Vous l'avez dit tout à l'heure qu'il y a une vision, une législation plus globale.
00:30:28 Est-ce qu'on peut, en Europe, s'inspirer de l'exemple australien ? Et si oui, en quoi ?
00:30:34 Ou y a-t-il un modèle qui serait plus approprié à notre approche ?
00:30:38 Est-ce que je peux demander à mon collaborateur de parler ? Ou alors, d'un point de vue réglementaire, je dois parler ?
00:30:45 L'exemple australien a été mis en place en 2018. L'exemple américain existe depuis 1938.
00:30:58 Il avait été mis en place à l'époque pour lutter contre l'ingérence du régime nazi aux Etats-Unis, avant l'entrée en guerre des Etats-Unis.
00:31:07 Le système qui est en train d'être mis en place en Grande-Bretagne s'inspire également de tout ça.
00:31:13 La France, les autres pays de l'UE, d'ailleurs, à travers le projet de directive de la Commission, peuvent tout à fait s'inspirer de ces travaux, de ces approches,
00:31:24 qui sont diverses, qui ont chacune des avantages et des inconvénients.
00:31:29 On regarde dans le rapport qu'on est en train de finaliser ces différents avantages, ces différents inconvénients, et s'ils peuvent s'adapter aux cas français.
00:31:36 Mais c'est une très bonne source d'inspiration, oui, dans tous les cas.
00:31:39 – Pouvez-vous détailler deux, trois éléments positifs, notamment, et négatifs de fait, de l'exemple à la fois australien, rapidement, et de l'exemple américain ?
00:31:48 – Tout à fait. Alors, sur l'exemple américain, ce qui est intéressant, c'est que dès 1938, il avait prévu d'intégrer non seulement l'influence sur les décideurs publics,
00:31:59 les décisions publiques, mais également sur le public.
00:32:02 À l'époque, je crois qu'il y avait tout un ensemble de clubs qui étaient créés par les autorités allemandes de l'époque pour essayer d'influencer le public américain.
00:32:11 Et en fait, ce fait qu'ils s'intéressent aussi à l'influence du public a survécu à l'épreuve du temps et aux évolutions technologiques,
00:32:20 vu que c'est en vertu de ce fara que des entités russes ont été condamnées pour ingérence dans les élections américaines de 2016,
00:32:30 à travers des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux.
00:32:34 Donc ça, c'est un point qui est assez important de notre point de vue sur le fara, c'est d'intégrer également l'influence du grand public,
00:32:42 et pas uniquement des décideurs et des décisions publiques.
00:32:45 Ça, c'est sur le fara.
00:32:47 Sur le système australien, alors ce qui est intéressant dans le système australien, c'est déjà qu'il détaille de façon très précise
00:32:55 les différentes entités qui pourraient être considérées comme menant des activités d'influence étrangère.
00:33:01 Ce n'est pas uniquement les gouvernements ou les agences gouvernementales, ça peut être aussi des entités privées.
00:33:09 Et il détaille en l'occurrence de façon assez précise les pourcentages de droits de vote ou du capital qui seraient détenus par des gouvernements étrangers,
00:33:21 ce qui permettrait de les qualifier comme des entités qui exerceraient de l'influence étrangère.
00:33:26 Et un deuxième point sur le système australien qui est intéressant, c'est qu'il a une spécificité par rapport aux périodes électorales,
00:33:34 avec dans ces périodes-là des demandes de mise à jour précises et des délais plus courts pour enregistrer les activités d'influence.
00:33:41 Ça, c'est des choses dont on pourrait s'inspirer dans un système français.
00:33:45 Je vous remercie.
00:33:47 Donc là, on est d'accord sur le système australien, ça peut être des médias comme des entreprises où il y a l'obligation de déterminer le pourcentage du capital détenu par des intérêts étrangers ?
00:33:59 Alors dans tout système, il y a des exemptions. C'est très important d'avoir des exemptions.
00:34:05 De mémoire, comme cela, je ne pourrais pas vous dire si les médias sont intégrés ou pas dans le système australien.
00:34:13 D'accord.
00:34:14 Mais en général, les exemptions concernent bien entendu toutes les activités diplomatiques et consulaires, tout un ensemble juridique également.
00:34:25 Et alors concernant les... Vous avez évoqué la question des lois sur la désinformation en indiquant le fait qu'il fallait faire attention à ce que ce ne soit pas contre-politique,
00:34:35 notamment sur la question de la communication.
00:34:37 Vous évoquez en disant effectivement ne pas alimenter un narratif de puissance autocrate, comme vous dites, qui pourrait dire, vous voyez, finalement, dans ce pays-là,
00:34:47 il n'y a pas de pluralité, de liberté, alors que bien sûr, dans leur propre pays, tout ça, tout le monde le sait, fonctionne bien.
00:34:54 Quelles seraient sûrement les règles en la matière que vous pourriez indiquer en l'espèce si demain, la France voulait aller plus loin dans ce type de disposition ?
00:35:05 Alors en regardant ce qui s'est passé à l'étranger, notamment les échecs de communication, il y a plus d'échecs que de réussites dans la mise en place des équivalents Viginium, etc.
00:35:17 C'est un peu ce qu'on a essayé de faire dans le rapport.
00:35:23 On a essayé de donner aussi au gouvernement un narratif, des mots pour pouvoir aborder le sujet, puisque ce qui se passe,
00:35:31 c'est que les gouvernements ont été tenus à distance des espaces informationnels pour les bonnes raisons.
00:35:37 Il faut toujours le rappeler quand on communique. Il est nécessaire que les gouvernements, et notamment les exécutifs, soient tenus à distance des systèmes informationnels.
00:35:48 C'est le propre d'une démocratie. Donc être capable d'avoir ce discours sur la séparation nécessaire, la raison pour laquelle on est séparé des espaces informationnels,
00:35:57 et surtout dire qu'on ne s'occupe pas du contenu, c'est-à-dire qu'on s'occupe de la transparence.
00:36:04 Une chose qu'on sait, c'est que les citoyens sont très sensibles au travail du gouvernement sur le contenu, et ça, c'est bien normal.
00:36:12 C'est ce qu'on attend d'eux, c'est ce qu'on attend dans une démocratie. On attend à ce que le gouvernement soit loin de l'implication sur le contenu.
00:36:22 En revanche, les citoyens n'aiment pas non plus être manipulés. La narrative est autour de ça, autour de la transparence pour éviter que qui que ce soit soit manipulé.
00:36:37 On travaille en tant que gouvernement sur la transparence du système, on ne travaille pas sur le contenu. C'est cette narrative-là qui est une narrative gagnante.
00:36:47 En revanche, si on commence à laisser le doute sur le fait qu'on va travailler sur le contenu, là effectivement, c'est immédiatement un échec, et pour les bonnes raisons, encore une fois.
00:36:57 – Pouvez-vous nous donner un ou plusieurs exemples d'échecs de gouvernements qui ont essayé, mais peut-être en ne suivant pas votre précepte,
00:37:05 en tout cas commettant des erreurs et étant finalement harponnés par les narratives de ceux qui sont dans l'ingérence ?
00:37:14 – Alors, moi je connais plutôt les échecs et puis je n'ai pas tellement trop envie, enfin voilà, je ne voudrais pas pointer un pays parce qu'on ne l'a pas fait.
00:37:21 Donc on ne l'a pas fait dans nos rapports, on n'a pas parlé des échecs. On en a parlé avec les gouvernements de façon individuelle.
00:37:28 C'est un peu dur pour nous, on peut peut-être, je peux peut-être dire, il y a des exemples, enfin il y a eu des crises politiques un peu compliquées aux États-Unis, c'est sûr,
00:37:37 en Allemagne, au Brésil, voilà, c'est les premiers exemples qui viennent à l'esprit.
00:37:47 – D'échecs ?
00:37:48 – Oui, de situations compliquées dans la mise en place de mécanismes ou dans le discours qui ont…
00:37:53 – Oui, mais, sans citer le pays, vous pourriez peut-être donner le cas précis, en tout cas éclairer la commission d'enquête ?
00:38:01 – En fait, c'est la communication autour du sujet qui est fragile, c'est-à-dire que les gouvernements ont eu peur de communiquer sur le sujet,
00:38:12 ils ne sont pas à l'aise sur le sujet, les exécutifs ne sont pas à l'aise sur le sujet, et pour les bonnes raisons.
00:38:18 De même qu'on a eu beaucoup de mal au départ quand on a commencé à travailler sur le renforcement de la démocratie,
00:38:24 est-ce que les exécutifs s'emparent du pouvoir pour la même raison ? C'est-à-dire que pour des bonnes raisons,
00:38:30 ils ne sont pas à l'aise avec le sujet, ils ne représentent pas la démocratie au total et ils ne représentent pas non plus le système informationnel.
00:38:36 Donc en fait, ils sont dans une difficulté, dans une difficulté de communication.
00:38:40 Et c'est quand les narratives n'étaient pas les bonnes, quand elles parlaient de réglementation, de danger absolu, etc.,
00:38:47 que ça a créé des situations de polarisation plutôt que des effets positifs.
00:38:55 – Alors si on passe sur le cas français, pour avancer un peu,
00:38:58 si vous étiez vous-même en état de nous faire des propositions, des préconisations,
00:39:03 sur cet aspect-là, pour l'État, pour la France, auriez-vous des préconisations, des pistes à ouvrir devant la commission d'enquête ?
00:39:13 – Une des choses qu'on a faites pour le rapport, pour notre rapport, ça a été aussi de travailler avec les journalistes.
00:39:19 Ce sont ceux qui sont le plus sensibles sur ce sujet-là, à raison, encore une fois.
00:39:24 Et en fait, eux savent où la narrative ne passe pas.
00:39:28 Donc je dirais, la première préconisation, c'est de travailler avec ceux qui sauvegardent leur indépendance à tout prix,
00:39:34 encore une fois, pour le meilleur.
00:39:37 Donc pour moi, ce serait plus notre expérience que les expériences des gouvernements
00:39:42 qui n'ont pas été jusque-là des grands succès en la matière.
00:39:45 – Et avec les propriétaires des médias, quelles seraient vos préconisations ?
00:39:49 Parce qu'on évoquait justement le fait qu'à un moment donné, il y avait aussi des entreprises capitalistiques
00:39:54 avec cet élément-là de propriété du média.
00:39:58 Et donc, si tout ça doit s'organiser, il y a les journalistes, c'est le bout de la chaîne, j'ai envie de dire,
00:40:03 et ils ont un rôle, effectivement, éminemment important.
00:40:05 Mais il y a aussi ceux qui sont propriétaires de ces dits médias.
00:40:10 – Alors c'est une question intéressante parce que lorsque nous avons travaillé avec les journalistes,
00:40:13 un des commentaires qu'ils nous ont donnés sur la version préliminaire du rapport,
00:40:19 c'est qu'on parlait des médias et on ne parlait que peu des journalistes.
00:40:23 Et en fait, on s'est aperçu que, certes, vous dites le bout de la chaîne,
00:40:27 enfin, je ne sais pas si le bout de la chaîne est le bon…
00:40:29 – Ce n'est pas péjoratif dans la bouche.
00:40:30 – Ce n'est pas la même chose.
00:40:33 – Je suis d'accord, mais donc ma question c'est…
00:40:35 – Les journalistes, ce n'est pas la même chose.
00:40:37 Il me semble que ceux qui sont très férus de leur indépendance sont essentiellement les journalistes.
00:40:42 Il me semble.
00:40:44 – Sur le modèle français pour en venir, alors vous évoquez effectivement,
00:40:47 si je prends parmi les problèmes que vous évoquez,
00:40:49 le deuxième point qui était sur la manipulation de l'information.
00:40:52 Et vous citiez l'exemple, le bon exemple de Véginie Hume.
00:40:55 Donc là-dessus, nous n'avons pas de soucis, nous avons auditionné ce service-là.
00:40:59 Mais avant d'entrer et de poser une question sur ce service en particulier,
00:41:04 avez-vous travaillé, vous l'évoquez, sur la question de la cartographie ?
00:41:07 Sur notre commission d'enquête, travail sur les ingérences étrangères,
00:41:10 les influences étrangères, au regard de notre capacité aujourd'hui
00:41:14 à ce que notre démocratie se protège et donc les services publics, les petits publics.
00:41:18 Donc ma question c'est, avez-vous pu faire une cartographie, si oui, avec qui et comment,
00:41:23 de justement l'ensemble des acteurs qui en France travaillent pour lutter contre les ingérences étrangères ?
00:41:28 Ça c'est ma première question.
00:41:30 Deuxième question, pourriez-vous, dans votre état d'esprit, est-ce que vous conseille qu'il y ait trop d'acteurs ?
00:41:35 Est-ce qu'un seul acteur serait positif ?
00:41:38 Et aussi, troisième question, sur la question de leur coordination.
00:41:42 Alors, je vais laisser la parole à Charles sur tous les acteurs.
00:41:45 Donc on a cartographié, en tout cas ce qu'on pense, l'ensemble des acteurs en France.
00:41:52 Dans tous les pays, il y a un ensemble d'acteurs.
00:41:55 Et d'ailleurs, c'est peut-être ça la bonne pratique internationale,
00:42:00 c'est-à-dire qu'un seul acteur, ça paraît impossible, surtout au vu de l'étendue des différents canaux de l'ingérence étrangère.
00:42:10 On ne peut pas être spécialisé sur tout.
00:42:12 Et c'est différentes agences, un petit peu partout, qui sont en charge de différents aspects.
00:42:17 Ça pose la question de leur coordination.
00:42:19 Et c'est ce qu'a très bien fait l'Australie, notamment, puisqu'ils ont une politique qui regarde tous les canaux,
00:42:24 mais ils ont une grosse coordination de l'ensemble des acteurs.
00:42:26 Mais peut-être, Charles, tu peux en dire plus là-dessus.
00:42:28 Et peut-être, avant de vous laisser la parole, peut-être dans ce cas détaillé,
00:42:32 parce que c'est un des sujets qu'on a dans ce que nous enquêtons,
00:42:34 c'est que la question c'est, ça veut dire quoi concrètement au quotidien dans la réalité ?
00:42:38 La coordination.
00:42:40 Parce que qui dit coordination, dit aussi réactivité quant à la détection d'une ingérence,
00:42:46 et le choix qui est donné, et si oui sous quelle forme, de la réponse, en tout cas de l'action à mener.
00:42:52 Le sentiment que nous avons parfois, c'est qu'il y a beaucoup d'acteurs, vous vous évoquiez tout à l'heure Véginule,
00:42:56 qui détectent, mais qui n'ont pas pour mission de répondre en tout cas, et puis il n'y a pas de délai.
00:43:02 Donc c'est bien à post-théorie.
00:43:04 C'est pour ça que si vous pouvez détailler un peu sur la coordination d'Australie,
00:43:08 que vous aiez dirigée en modèle, et concrètement comment ça fonctionne, jusqu'où ils peuvent aller,
00:43:13 est-ce qu'on considère que c'est la détection, la coordination, la détection, la réponse,
00:43:18 et si oui, dans quel espace temps, défensive seulement ou aussi offensive ?
00:43:25 Juste peut-être un mot avant.
00:43:27 Je pense qu'il faut distinguer une menace qui arrive dans un pays X, notamment au niveau de la désinformation, c'est très clair,
00:43:35 d'une politique de long terme de déstabilisation qui s'appuie sur tous les canaux.
00:43:41 Ce n'est pas la même chose, c'est-à-dire qu'il faut quand même mettre en place une politique préventive de transparence
00:43:47 qui permet de voir peu à peu sur les différents canaux où se passe l'influence étrangère.
00:43:53 La réponse à une menace directe aujourd'hui, là, disons qu'il y a une grande campagne de désinformation, c'est un autre sujet.
00:43:59 Les deux sont évidemment liés, mais nous on part du principe que c'est par la mise en place de cette transparence
00:44:06 et la signalisation d'un ensemble de canaux utilisés qu'on arrivera à bout, plus ou moins, de l'influence étrangère.
00:44:14 Une fois qu'on répond à une menace qui est en place, c'est quasiment déjà un peu tard, je dirais.
00:44:20 Il faut le faire, mais c'est déjà un peu tard.
00:44:22 Ce qu'il faut arriver à mettre en œuvre, c'est ce système en place qui permet d'en prévenir la grande majorité, ce système de transparence.
00:44:29 Et ça, c'est un ensemble d'acteurs, ça ne peut pas être un seul acteur.
00:44:32 Vas-y Charles.
00:44:34 Nos travaux sont un peu préliminaires, parce que comme Mme Pilichowski vous l'a dit, c'est un sujet dont on s'est saisi assez récemment.
00:44:41 Et quand on regarde le cas de la France, on l'a regardé un peu plus dans le détail par rapport à un outil particulier,
00:44:47 qui est celui d'établir un registre de transparence de l'influence étrangère.
00:44:51 Mais après, c'est préliminaire. Ce qu'on peut vous dire, c'est qu'effectivement, ce qu'on va chercher à recommander,
00:44:58 vers l'ensemble des canaux qui ont été évoqués, que ce soit la coercition économique, la désinformation ou autre,
00:45:05 il y a besoin d'une multiplicité d'outils, chacun étant géré par tout un ensemble de différentes institutions.
00:45:12 Et il y a besoin d'une vraie coordination pour qu'il y ait une cohérence d'ensemble de l'approche utilisée.
00:45:18 Dans le passé, l'ingérence étrangère a été traitée essentiellement par des services de renseignement, des approches sécuritaires,
00:45:25 qui, par définition, fonctionnent un peu en silo. Mais aujourd'hui, face à l'ampleur du risque et de la menace,
00:45:32 et le besoin de nouveaux outils plus civils, il y a un vrai besoin de faire une transformation de cette approche silo
00:45:39 vers une approche coordonnée sur le plan stratégique, avec une stratégie nationale bien établie avec tous les acteurs et un chef de file.
00:45:47 On peut penser à l'évidence en France, il y a des acteurs qui sont bien placés pour le faire au niveau de ce qu'on appelle le centre de gouvernement.
00:45:54 Voilà, ça c'est pour l'approche stratégique.
00:45:58 Maintenant, pour quelque chose de plus opérationnel par rapport à une campagne de désinformation détectée et des délais que vous évoquiez,
00:46:10 je n'ai pas de réponse précise, si ce n'est de dire que l'approche, la réponse que vous demandez, enfin concevoir une réponse,
00:46:22 déjà détecter une campagne et communiquer dessus de façon transparente, c'est ça la réponse sur la désinformation.
00:46:33 La réponse opérationnelle, c'est celle-là. Et elle est menée de notre point de vue par Virginie Lume.
00:46:39 Quand elle met en lumière des campagnes de désinformation d'origine russe, qu'elle les souligne auprès des citoyens sur comment elles ont fonctionné,
00:46:48 en fait, telle est la réponse opérationnelle.
00:46:52 Oui, mais je pourrais vous dire que par exemple dans le cas des opérations au Sahel, malheureusement, ça n'a pas suffi.
00:47:01 Puisqu'il y a quelques exemples de contre-exemples de ce que je veux dire, mais il y avait un narratif via notamment Wagner qui était posé sur le terrain
00:47:09 et notre incapacité à y répondre, à jouer, ça c'est le premier point.
00:47:12 Et quand vous dites sur Virginie Lume, oui, si tous les Français ou un maximum de Français avaient entendu parler de Virginie Lume et de ce qu'ils ont dit.
00:47:19 Et ça rend joie à ce que vous évoquiez tout à l'heure sur d'autres modèles, notamment finlandais, sur l'éducation aux médias.
00:47:24 Donc, moi, ma question, c'était vraiment, vous considérez que par exemple, on pourrait dire que le premier étage de la fusée pourrait être la création,
00:47:31 la rédaction d'une stratégie nationale en France, avec donc à long terme, bien sûr, avec tous les éléments que vous évoquez, militaires et civils,
00:47:38 à long terme, avec une coordination forte d'un chef de file et des capacités parfois de réponse si c'est nécessaire.
00:47:45 Donc, on peut considérer que ça serait une chose positive.
00:47:48 Deux dernières questions pour ensuite laisser mes collègues prendre la parole.
00:47:51 D'abord, un sur l'intelligence artificielle dont vous avez listé notamment les risques sur la création de contenu, de diffusion, la question aussi de la gestion des profils.
00:48:03 Vous savez que j'ai bien aimé votre image. Ça m'a fait penser à Ben Johnson des Jeux olympiques, où on changeait de monde quasiment avec ce côté sténoïde.
00:48:13 Mais la question qui est posée, c'est comment pourrions-nous justement imaginer, parce que là, on a un échange sur, on va dire, un périmètre constant,
00:48:21 comment on peut imaginer d'ores et déjà la réponse des États et si oui, ont-ils prévu dans l'OCDE ou ailleurs de travailler ensemble
00:48:27 justement pour apporter une réponse, d'être déjà en avance sur la prochaine étape des outils en termes d'ingérence ?
00:48:35 C'est une des choses que j'ai dites à Séoul là, c'est qu'on était déjà très en retard sur la base.
00:48:44 Donc, en fait, tout le retard qu'on a accumulé sur la mise en place de cette structure pour lutter contre la désinformation, il faut commencer par ça.
00:48:55 C'est pas la seule chose qui va être nécessaire, mais pour l'instant, on l'a pas, c'est-à-dire la formation de la société, les institutions nationales,
00:49:04 la réglementation des plateformes, etc. Pour l'instant, c'est pas assez... On l'a en Europe avec les réglementations récentes, mais c'est très récent.
00:49:12 La mise en place va être longue. Mais donc, il faut pas oublier cet aspect-là, parce que ce qu'on va avoir tendance à faire très bientôt,
00:49:20 c'est avoir des techniques comme le watermarking, etc. On va penser qu'on va avoir des techniques qui vont permettre d'eux.
00:49:27 Et en fait, ces techniques-là, tant que le reste n'est pas en place, ne seront pas très efficaces, elles vont être débordées par les acteurs très rapidement et contre-manipulées.
00:49:35 Donc, en fait, là où il faut agir aujourd'hui de façon franche, déterminante au niveau international, c'est sur les trois piliers de la réponse qu'on a dans notre rapport.
00:49:45 Maintenant, oui, nous, on a commencé à travailler sur le sujet au niveau international. C'est pas comme si c'était évident ou qu'on avait déjà les réponses.
00:49:55 On y travaille, c'est long, mais encore une fois, il faut avancer aussi de façon prioritaire sur les autres piliers, parce que sans ça,
00:50:03 quoi qu'on invente ne marchera pas non plus. Donc, c'est un peu ça. C'était aussi le... Là, il y avait beaucoup, à Séoul,
00:50:10 beaucoup de personnes qui avaient les mêmes préoccupations que vous sur l'intelligence artificielle, mais il n'y aura pas de réponse déterminante différente de ce qu'on dit là, dans le rapport.
00:50:22 Il y aura quelques techniques en plus sur lesquelles on peut travailler. Mais tant qu'on ne sera pas sur la réglementation déjà des plateformes, ça va être difficile.
00:50:30 — Bien, merci. Je vous remercie. Mais on voit bien quand même que ça suppose là aussi que les États, au-delà des piliers que vous évoquez, qui sont nécessaires,
00:50:39 quand même qui ont une spécificité sur la question de l'intelligence artificielle. Je pense que c'est pas qu'une question technique. Je pense qu'on change aussi totalement de...
00:50:46 Voilà. C'est pas que plus puissant. C'est... On change aussi peut-être d'approche et de perspective et de possibilité d'intervention.
00:50:52 Et dernière question sur... Vous avez évoqué les travaux que vous meniez avec la Haute Autorité, la HATVP. Et vous avez cité un certain nombre d'autres acteurs.
00:51:01 Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Parce que nous, nous sommes sur... Pour l'instant, je l'ai dit, donc sur la commission d'enquête.
00:51:06 Notamment, la question, c'est comment notre démocratie peut combattre les ingérences, aujourd'hui, puis surtout en perspective. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus,
00:51:15 si vous avez le droit, sur un peu les têtes de chapitre de ces travaux-là, concrètement ?
00:51:22 C'est Charles qui est en charge, donc, du rapport. Donc je vais lui donner la parole.
00:51:26 Et nous dire quand il sera remis. C'est le plus.
00:51:29 Oui. Alors on discute actuellement. Effectivement, le calendrier s'est un peu accéléré avec la proposition de loi qui a été déposée et discutée en commission des lois à l'Assemblée.
00:51:37 Donc vers fin avril, on prévoit de faire un événement avec la haute autorité pour publication du rapport.
00:51:46 Et on regarde dans ce rapport deux aspects. Donc comment un système de registre de transparence des activités d'influence étrangère pourrait être mis en place en France.
00:51:58 Donc on s'intéresse à la fois à son champ d'application, les différentes définitions, les sanctions éventuelles, l'organisation institutionnelle.
00:52:08 Et puis on s'intéresse également aux questions d'intégrité des responsables publics, notamment en ce qui concerne mobilité publique-privée.
00:52:17 Voilà. Donc là, c'est plutôt des... On fait des pistes de... On fournit des pistes de réflexion à la haute autorité et aux acteurs français sur ce sujet.
00:52:27 Merci. Pour conclure, nous sommes très demandeurs bien sûr de participer à cet événement.
00:52:32 Parce que, au-delà d'une PPL, et là son importance, c'est le droit de nos collègues, bien évidemment, nous souhaitons nous avoir un rapport qui balaie beaucoup plus largement.
00:52:41 Et qui permet de structurer notamment tout ce qu'on évoque là, la stratégie, les grands éléments.
00:52:46 Et d'avoir aussi donc peut-être une sorte de base ou d'outil pour construire cela.
00:52:52 Donc nous sommes très demandeurs à la fois de ce rapport-là et d'y participer.
00:52:55 Et puis bien évidemment ensuite de continuer à travailler ensemble.
00:52:57 Parce que, voilà, on considère qu'il y a un travail en long.
00:53:00 Et vous l'avez dit, militaire civil, de la sphule du volet économique au volet média, en passant par l'institution,
00:53:07 on voit qu'il y a besoin de balayer beaucoup de choses, même si beaucoup de rapports ont déjà été commis.
00:53:11 Mais souvent dans des approches de silos.
00:53:14 Donc voilà. Donc on vous remercie bien évidemment pour le travail qu'on pourra faire ensemble à l'issue de vos travaux.
00:53:19 Merci à vous.
00:53:21 Merci. Il nous reste une petite demi-heure.
00:53:24 Et pour l'instant j'ai deux inscrits. Catherine Morin de Sailly.
00:53:28 Ensuite Éric Bocquet. Mais je vois que ça suscite d'autres vocations.
00:53:35 Catherine.
00:53:38 Merci Président. Dans le prolongement des excellentes questions du rapporteur,
00:53:43 je voudrais prolonger ces questions sur l'intelligence artificielle et la réglementation des plateformes, que vous appelez de tous vos voeux.
00:53:55 Vous avez évoqué le DSA dans votre propos, dans votre exposé.
00:53:59 Considérez-vous donc que cette législation qui est en train de s'appliquer, on n'est qu'au début,
00:54:04 donc il va falloir évaluer d'ici quelques mois comment tout ça fonctionne.
00:54:08 Considérez-vous que le DSA ne répond pas suffisamment à cette exigence de régulation ?
00:54:13 En tout cas, c'était le point de vue du Sénat dans ses rapports.
00:54:16 Je voudrais avoir votre analyse.
00:54:20 Considérez-vous que l'IA Act, aussi, qui est...
00:54:24 Le trilogue est terminé, le texte a été voté, approuvé au Parlement européen.
00:54:30 Considérez-vous que l'IA Act apporte des avancées substantielles par cette approche par le risque ?
00:54:39 Vous avez évoqué le risque de manipulation des populations.
00:54:41 Il y a très clairement dans l'IA Act des utilisations non éthiques, donc qui sont interdites.
00:54:48 Considérez-vous que l'on va assez loin ?
00:54:50 Donc l'Europe est la première à réguler sur l'intelligence artificielle.
00:54:55 Est-ce que ce texte, un peu à l'instar de ce qu'a été le RGPD, est regardé, est scruté de près
00:55:01 par l'ensemble des États composants de l'OCDE, les 39 États ?
00:55:07 Je sais que l'Union participe, mais n'a pas le droit de vote à l'OCDE.
00:55:11 Est-ce qu'il y a une influence de ce texte qui fait réfléchir aussi les autres pays ?
00:55:17 Et puis, alors, vous parlez de la réglementation des plateformes,
00:55:20 il faut aller au-delà de l'autorégulation, mais vous ne l'évoquez pas plus largement.
00:55:24 Il faut avoir votre point de vue.
00:55:25 Au-delà des plateformes, ce sont les groupes, ce sont les big tech, on retrouve les mêmes,
00:55:30 AWS, Google, Microsoft, qui gèrent eux de la donnée, parce que l'IA se nourrit de données.
00:55:37 Donc quel regard portez-vous aussi sur le traitement de la donnée, la régulation de la donnée ?
00:55:42 Il y a un texte qui arrive bien sûr aussi au niveau européen, c'est fortement corrélé au développement de l'IA.
00:55:49 Il y a des algorithmes extrêmement sophistiqués, mais c'est toujours de la donnée.
00:55:54 Et puis, j'aimerais savoir, j'ai une dernière question,
00:55:57 à quel moment l'OCDE, dans la longue histoire des déviances de l'Internet
00:56:03 qui se construit à partir du moment où Edward Snowden en 2014 révèle, en fait,
00:56:07 que c'est un monde finalement pas si idéal que ça,
00:56:11 à quel moment l'OCDE observe-t-elle des dysfonctionnements majeurs liés principalement aux GAFAM,
00:56:20 qui quand même ont une grosse responsabilité là-dedans,
00:56:23 même si les ingérences étrangères, on les doit aux États avant tout,
00:56:26 mais ces GAFAM offrent des failles, des outils facilement exploitables pour ces ingérences étrangères.
00:56:32 Et quel regard critique porte l'OCDE sur ces fameux GAFAM qui exercent un lobbying effréné,
00:56:38 et régnant toute tentative de législation de par le monde ?
00:56:42 Il faut bien le dire, c'est sur l'ensemble du globe que ça se passe.
00:56:45 Voilà, merci de vos réponses.
00:56:47 Je vous propose de prendre la question d'Éric Bocquet, puis vous répondrez aux deux.
00:56:53 Merci, Monsieur le Président, Madame la Ministre, merci pour votre propos introductif.
00:56:57 Quelques questions précises et une interrogation beaucoup plus large
00:57:02 sur la puissance du numérique aujourd'hui, qui en une génération a chamboulé notre monde.
00:57:08 Première question, vous avez parlé d'une différente typologie d'ingérences,
00:57:12 il peut y avoir une ingérence économique, politique.
00:57:15 Comment ça se répartit ? C'est plus souvent l'une ou l'autre, ou c'est à part égale ?
00:57:19 Je m'interroge là-dessus si vous pouviez avoir des éléments de réponse.
00:57:23 Deuxième point, vous évoquez des diasporas qui pourraient être à l'origine de pratiques d'ingérences.
00:57:28 Est-ce que vous pourriez illustrer d'exemple, en indiquant quels buts sont poursuivis,
00:57:33 quelles méthodes sont utilisées par rapport à ces diasporas ?
00:57:36 Ensuite, troisième point qui va rejoindre un peu celui que Catherine Morin de Sailly vient d'évoquer,
00:57:41 sur les GAFAM.
00:57:43 J'ai regardé un peu les chiffres des dépenses effectuées par les GAFAM ces dernières années.
00:57:49 Entre 2017 et 2021, un groupe comme Apple a augmenté ses dépenses de lobbying,
00:57:55 donc par des sens l'influence, de 500 %, Google de 357 %, Facebook de 1 200 %.
00:58:02 Alors on connaît le rôle qu'a pu avoir Facebook au moment du Brexit, l'action de Trump par exemple.
00:58:09 Donc est-ce que vous avez pu constater à votre niveau des effets concrets
00:58:13 de ce renforcement des politiques d'influence de ces grands groupes du numérique ?
00:58:19 Et après, j'ai une question beaucoup plus large.
00:58:22 Vous dites on ne peut pas croire à l'autorégulation, je partage complètement.
00:58:27 On ne peut pas non plus laisser tout sur les épaules des citoyens, je suis d'accord.
00:58:31 Donc nécessité d'une régulation par des États.
00:58:34 Et j'ai deux cas en tête des années récentes.
00:58:37 Monsieur Nick Clegg, qui était vice-premier ministre du Royaume-Uni,
00:58:41 à l'époque du gouvernement de coalition avec monsieur David Cameron, entre 2010 et 2015,
00:58:46 lorsqu'il a quitté ses fonctions de Premier ministre,
00:58:49 est devenu responsable à Bruxelles pour Facebook, en charge des affaires internationales.
00:58:53 Alors je ne fais de procès à personne, mais est-ce que c'est bien compatible ?
00:58:57 Est-ce qu'on peut passer de l'un à l'autre, défendre l'intérêt général
00:59:00 et défendre les intérêts de Facebook qui sont respectables ?
00:59:03 Mais en tout cas, au niveau de la régulation, ça me semble devoir poser un problème.
00:59:07 L'autre exemple, c'est l'exemple de Sheryl Sandberg,
00:59:10 qui était numéro 2 de Facebook, derrière Zuckerberg,
00:59:13 donc qui est devenu méta ensuite.
00:59:15 Mais quand on voit un peu son parcours, elle a fait partie de l'administration Clinton à un moment donné,
00:59:19 elle a fait un passage à la Banque mondiale, Google.
00:59:22 Bon voilà, alors encore une fois, pas de procès,
00:59:25 mais on constate une porosité évidente entre le politique avec un grand P et les groupes du numérique.
00:59:30 Est-ce que c'est un sujet pour vous ?
00:59:33 Est-ce que c'est une préoccupation ou pas ?
00:59:35 Ou est-ce que c'est normal ?
00:59:37 Et je terminerai par, j'ai eu l'occasion de lire un ouvrage de madame Shoshana Zuboff,
00:59:42 universitaire de Harvard, un ouvrage passionnant,
00:59:46 "L'âge du capitalisme de la surveillance", ça date de 2020, c'est tout récent.
00:59:49 Et elle démontre, je vais faire court, parce que c'est un gros pavé, mais il est passionnant,
00:59:52 le numérique ne se limite pas à prévoir, comme prévoit la météo,
00:59:56 l'objectif assumé, modifier à grande échelle les conduites humaines.
01:00:01 Grosse question. Alors, je crois qu'on est au cœur du sujet quand même,
01:00:04 donc voilà les points que je voulais vous soumettre, madame.
01:00:07 [SILENCE]
01:00:18 Je vais essayer de faire court.
01:00:20 Donc sur le DSA et l'acte sur l'intelligence artificielle,
01:00:26 alors dans notre rapport, très clairement, on dit que c'est la bonne voie.
01:00:33 J'ai envie de citer un peu ce qu'a dit Maria Ressa à Séoul,
01:00:38 qui était sur... Maria Ressa, c'est l'ancienne au prix Nouvelle de la Paix,
01:00:42 qui est très très connue sur le sujet de la désinformation,
01:00:44 qui est une des grandes voix mondiales sur le sujet de la désinformation,
01:00:47 et qui disait que l'Union européenne a gagné la course des tortues.
01:00:53 [RIRES]
01:00:57 J'ai trouvé ça intéressant comme formule, c'est-à-dire que
01:01:01 l'Union européenne a fait un pas en avant gigantesque
01:01:06 avec le DSA lié à l'acte, qui sont source d'inspiration de beaucoup dans le monde,
01:01:13 mais effectivement ça arrive tard dans le monde.
01:01:16 Voilà, donc ça c'est le grand sujet qui est aujourd'hui,
01:01:21 est-ce qu'il faut le mettre en œuvre rapidement ?
01:01:23 Maintenant, autre chose de très important dans votre question,
01:01:27 est-ce suffisant pour l'Union européenne ?
01:01:31 On va voir d'abord comment il est mis en place,
01:01:33 parce qu'il va falloir toutes les capacités de réglementation,
01:01:35 de mise en œuvre qui sont vraiment importantes,
01:01:37 on va voir l'effet que ça a, il va falloir l'évaluer.
01:01:40 Ce qui est important, c'est qu'on puisse aller plus loin que l'Union européenne.
01:01:43 C'est-à-dire que, encore une fois, l'espace informationnel de l'Union européenne,
01:01:47 il n'est pas fermé, il est ouvert à tout ce qui se passe dans le monde en permanence.
01:01:51 Donc si on pouvait avoir quelque chose qui représente au moins
01:01:55 un accord des démocraties pour aller plus loin sur le sujet,
01:01:59 ce serait déjà aussi un énorme pas en avance.
01:02:01 Si on pouvait avoir l'équivalent philosophiquement d'un DSA plus mondial,
01:02:07 ce serait vraiment formidable.
01:02:09 Vous noterez dans le rapport, on parle de réglementation,
01:02:12 c'est un texte négocié, donc il est marqué "as appropriate".
01:02:16 Je ne sais même plus comment le traduire en français,
01:02:18 mais en gros, si on pense que c'est bien.
01:02:20 C'est-à-dire qu'on n'y est pas encore, même dans l'idée de la réglementation,
01:02:23 au niveau mondial, on n'y est pas encore.
01:02:25 On a fait un grand pas avec notre rapport, ça a l'air de rien,
01:02:27 parce qu'il faut lire entre les lignes, mais c'est un énorme pas.
01:02:31 Il reste encore beaucoup à faire pour construire cette globalité
01:02:35 et cette défense de l'ensemble des démocraties.
01:02:38 Et d'ailleurs, je reviens sur votre question à propos du Mali,
01:02:41 où évidemment je ne prendrai pas position là-dessus du tout,
01:02:44 mais on ne peut pas imaginer lutter dans un pays en tant que puissance étrangère
01:02:51 sur l'espace informationnel, ça paraît impossible.
01:02:55 Quand on est un autre pays à l'intérieur d'un pays, ça ne paraît pas faisable.
01:03:01 Oui, mais ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut avoir de discours démocratique
01:03:08 sur son système informationnel qu'à l'intérieur d'un pays.
01:03:11 C'est pour ça qu'il faut arriver à ramener dans ce sujet de la désinformation
01:03:17 beaucoup plus de pays que l'Union européenne, parce que sinon on n'y arrivera pas.
01:03:23 Sur les données d'ailleurs, j'ai envie de dire quelque chose,
01:03:28 il est en train de se passer quelque chose, c'est-à-dire qu'avec l'intelligence interférieure générative,
01:03:33 les pays du sud vont être en grande difficulté par rapport aux pays du nord,
01:03:38 parce qu'on n'a pas le même nombre de données libres déjà, ouvertes sur Internet.
01:03:45 Donc on risque aussi d'avoir une énorme différence de données et de contenus
01:03:51 produits entre les pays "du sud" et les pays du nord,
01:03:55 ce qui va poser des grandes questions de concurrence, de narrative entre ces pays.
01:04:01 Il va y avoir des pays qui vont donner de la donnée pour pouvoir influencer dans le sud.
01:04:06 Donc c'est aussi ça sur quoi il faut travailler, et ça c'est très compliqué.
01:04:11 Sur le sujet des GAFAM, on travaille beaucoup avec les GAFAM dans l'OCDE,
01:04:18 et je ne vais pas prendre position sur les histoires de lobbying, parce que c'est un sujet compliqué.
01:04:24 Ce qui est sûr en revanche, c'est que nous on a beaucoup de sujets de travail,
01:04:28 mais un des sujets sur lesquels on travaille beaucoup actuellement, c'est le lobbying.
01:04:32 La recommandation de l'OCDE était la première en 2010, je crois,
01:04:36 et on est en train de travailler sur une recommandation sur le lobbying beaucoup plus large,
01:04:40 qui comprend aussi l'influence, y compris l'influence étrangère.
01:04:44 Mais ce qui est sûr, c'est que sur le sujet du numérique en général,
01:04:52 on parle beaucoup de l'implication des parties prenantes.
01:04:55 Quand on parle des parties prenantes, de facto, on parle beaucoup de l'implication des entreprises technologiques.
01:05:04 Il me semble que là, il y a un débat qui peut être intéressant à l'avenir,
01:05:09 c'est-à-dire de passer de l'implication des parties prenantes à la décision avec les citoyens,
01:05:14 qui sont deux choses très différentes.
01:05:17 On a mixé les parties prenantes comme si c'était une consultation de la société,
01:05:21 en consultant les entreprises technologiques, qui ont besoin d'être consultées pour des raisons techniques,
01:05:26 de la décision démocratique, qui en fait se fait soit de façon complètement représentée, soit avec les citoyens.
01:05:34 Et là, il y a eu probablement un glissement depuis 20 ans, qui n'a probablement pas été très productif en termes d'évolution de la société numérique.
01:05:46 C'est comme ça que je répondrai aussi à votre question sur le lobbying.
01:05:50 Je pense que quand on parle de pas de parties prenantes, il faut savoir de quoi on parle.
01:05:55 C'est un sujet très important pour les démocraties, parce que je pense que ça a glissé sur un certain nombre de sujets, notamment sur celui-là.
01:06:05 Sur la différenciation et combien sont l'ingérence économique et politique,
01:06:11 l'ingérence économique a toujours existé, et en plus elle est encore plus difficile à définir et à voir que l'ingérence politique.
01:06:19 Ce qui fait différence aujourd'hui, c'est l'ingérence politique.
01:06:23 Je ne pourrais pas vous dire que c'est 75%, 25%, 50%, 50%, ça c'est impossible à chiffrer.
01:06:28 En revanche, ce qui pose question aujourd'hui de façon plus aiguë dans les démocraties, c'est l'ingérence politique,
01:06:35 notamment à travers la désinformation, le lobbying et puis tous les passerelles publics-privés.
01:06:41 Donc c'est ce sur quoi les pays actuellement sont en train de travailler de façon plus importante.
01:06:48 Enfin sur la diaspora, est-ce que tu connais bien l'exemple canadien ?
01:06:53 Un peu.
01:06:55 Vas-y, parce que l'exemple canadien était le plus marquant.
01:06:57 En fait, sur la diaspora, il y a deux aspects. Il y a l'aspect contrôle des diasporas par des puissances étrangères
01:07:04 dont elles viendraient, mais contrôlent dans nos propres pays, ce qui pose une vraie question pour les démocraties.
01:07:10 Et puis il y a l'aspect manipulation, y compris manipulation de l'information.
01:07:15 Et c'est vrai que nos collègues canadiens, quand on a évoqué ce sujet avec eux,
01:07:20 pour eux, il y a tout un ensemble de médias communautaires auxquels ils ont des difficultés d'avoir accès,
01:07:28 également tout ce qui est boucle de réseaux sociaux, parce que là, on parle beaucoup des réseaux sociaux,
01:07:35 mais de plus en plus aujourd'hui, l'information circule à travers des boucles fermées, dans des systèmes type WhatsApp,
01:07:42 sur lesquels il y a énormément de désinformation qui peut circuler dans des communautés.
01:07:48 Et comprendre ce qui s'y passe, c'était un vrai sujet de préoccupation pour les Canadiens.
01:07:55 Et là, parce que la vraie question, c'est celle d'une dissociation encore plus importante de communautés qui ne sont pas intégrées,
01:08:03 qui sont dans des narratifs manipulés, qui les dissocient encore plus de la société dans laquelle ils vivent.
01:08:12 Donc ça, c'est un vrai sujet.
01:08:15 Et ensuite, sur les questions de répression, qui sont elles encore plus problématiques,
01:08:21 c'est vrai qu'il y a eu un certain nombre d'exemples qui sont sortis dans la presse,
01:08:26 notamment au Canada, sur des répressions des communautés par des régimes autoritaires.
01:08:32 Mais voilà, ce n'est pas encore complètement documenté de façon officielle, donc il nous est difficile d'en dire beaucoup plus.
01:08:39 Mais c'est un vrai sujet. La répression des diasporas est un vrai sujet dans les démocraties.
01:08:45 Il nous reste un tout petit quart d'heure. Donc Gisèle Jourdat, Lévine Perrault et Aklim Elouly. Une minute et demie chacun.
01:08:59 Merci Monsieur le Président. Je serai brève.
01:09:02 Une proposition de loi qui reprend les recommandations des services de renseignement et de la DPR,
01:09:08 propose d'autoriser le recours à la technique de l'algorithme qui permettrait d'améliorer les résultats en matière de lutte contre les ingérences étrangères,
01:09:17 en suivant les modes opératoires de certains services étrangers agissant sur le territoire national,
01:09:23 tels que les déplacements, réservations, habitudes de communication, et ce, pour une expérimentation de trois ans.
01:09:30 Quelle est l'avis de l'OCDE sur le recours court à cette pratique qui peut poser un risque réel pour le droit à la vie privée ?
01:09:37 Merci Président. Madame, une question toute simple.
01:09:46 Comment sensibiliser les scolaires sur la désinformation ? Et certains pays le font-ils déjà ? Est-ce que vous pouvez nous en parler ? Merci.
01:09:56 Alors moi j'ai un micro qui est cassé, mais c'est peut-être l'influence étrangère qui m'a cassé le micro.
01:10:05 Moi juste une petite précision, parce que j'ai toujours un peu de mal avec cette question quand on met les diasporas.
01:10:10 C'est-à-dire que le risque de stigmatisation des diasporas, ou de penser que ce seraient seulement eux les agents d'influence,
01:10:15 il n'y a pas besoin d'être des diasporas pour être un agent d'influence.
01:10:18 Parce qu'il y a aussi l'apport positif et on l'oublie, notamment dans nos relations internationales, l'influence que peut avoir dans le sens positif.
01:10:25 Je crois que quand on est bienveillant, on est bienveillant, quand on est malveillant, on est malveillant, quelle que soit l'origine.
01:10:29 Donc ça demande une précision parce que quand on cite les diasporas comme ça, comme on le fait, le risque est de les stigmatiser encore plus qu'ils ne l'étaient déjà.
01:10:39 [SILENCE]
01:10:52 Madame, à vous.
01:10:55 Oui monsieur, d'abord pour répondre à votre commentaire, vous avez entièrement raison, c'est un discours avec lequel il faut s'en méfier de ce discours-là.
01:11:04 C'est un discours qui effectivement, en parler peut stigmatiser en effet, et c'est un vrai problème.
01:11:10 Néanmoins, on se rend compte dans certains pays que les diasporas peuvent être plus manipulés de par leur constitution et leur lien avec le pays étranger.
01:11:23 C'est juste ça.
01:11:25 Il y a eu un moment, une crise très importante au Canada, il y a 6-8 mois, et ça a été aussi l'objet de leur réflexion sur ce sujet-là,
01:11:36 parce qu'ils ont eu vraiment un moment extrêmement difficile.
01:11:39 Mais c'est un sujet qui demande, mais en tout cas vous avez entièrement raison, il faut faire attention dans la narrative et comment on en parle, vous avez entièrement raison.
01:11:46 Mais plutôt, c'est plutôt l'objectif de les protéger en fait, de les protéger de la manipulation et de la désinformation.
01:11:54 (inaudible)
01:11:58 ... des influences de pays parce que ça n'a pas du gain.
01:12:01 Ça risquerait d'occulter justement ça aussi. Le risque c'est d'occulter ceux qui le sont.
01:12:07 Quand vous êtes focus sur une population, vous ne regardez pas un truc. Et quand on est dans l'influence, il vaut mieux ne pas avoir d'oeillères.
01:12:18 Absolument. Vous avez entièrement raison.
01:12:20 Maintenant sur les scolaires, on commence à avoir un certain nombre d'exemples.
01:12:26 Les scolaires sont importants, et la France fait partie des bons exemples qu'on a.
01:12:33 C'est plutôt un exemple à suivre. On le cite en général en même temps que la Finlande et les Pays-Bas, comme les exemples de bonne pratique au niveau des scolaires.
01:12:44 En revanche, il y a juste une chose, c'est qu'il faut se méfier un petit peu de uniquement regarder les scolaires.
01:12:50 Parce qu'à la limite, c'est ceux qui sont le mieux formés aujourd'hui.
01:12:53 Il y a un sujet sur les seniors qui sont moins à l'aise avec le digital.
01:12:59 Les scolaires oui, mais c'est aussi l'ensemble de la société qu'il faut regarder, notamment en partie les seniors.
01:13:08 Quant au sujet de l'utilisation des techniques, des algorithmes, on voit de quoi il s'agit, mais on n'a pas encore d'avis dessus.
01:13:17 Désolée. Plus tard, pour le moment, non.
01:13:21 Pour cette audition de l'une des responsables de l'OCDE, dans la foulée, les sénateurs ont souhaité entendre le président de l'ARCOM, l'Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle.
01:13:31 Toujours le même objectif chez les sénateurs, mieux comprendre l'ampleur des influences étrangères et trouver des solutions pour y répondre.
01:13:39 Dès le déclenchement de la guerre en Ukraine, l'ARCOM, comme les autres régulateurs européens, a contrôlé et pris des mesures concernant certaines chaînes russes reçues sur son territoire ou placées sur sa compétence.
01:13:53 L'autorité a ainsi adopté deux décisions de cessation de diffusion concernant des chaînes russes.
01:14:00 D'abord le 27 juillet 2022, l'ARCOM a mis en demeure E-TELSAT-SA de cesser la diffusion du service de télévision NTV-MIR à la suite de manquements observés relatifs à l'interdiction de l'incitation à la haine ou à la violence et à l'obligation d'honnêteté de l'information.
01:14:23 Puis le 14 décembre 2022, l'ARCOM a mis en demeure à nouveau E-TELSAT-SA de cesser la diffusion des services de télévision Rossiya 1, Pervis Canal et NTV à la suite, là aussi, de manquements relatifs à l'obligation de ne pas inciter à la haine et à la violence et à l'obligation d'honnêteté de l'information.
01:14:47 Cette décision faisait suite à une ordonnance du Conseil d'État du 9 décembre 2022 qui avait considéré que l'ARCOM était compétente sur ces trois chaînes russes dès lors qu'elles étaient reçues sur les territoires ukrainiens occupés par la Russie.
01:15:07 Nous avions un débat sur notre compétence puisque ce sont des chaînes cryptées, destinées principalement aux territoires russes.
01:15:16 Mais le Conseil d'État a tranché le sujet en considérant qu'à partir du moment où ces chaînes étaient susceptibles d'être accessibles sur le territoire de l'Ukraine et que l'Ukraine était elle-même partie prenante à la CETT,
01:15:31 nous retrouvions notre compétence et nous pouvions ordonner le blocage.
01:15:37 Les chaînes concernées ont ensuite été visées par le 9e paquet de sanctions de l'Union européenne du 16 décembre 2022, paquet de sanctions qui est entré en vigueur le 1er février 2023.
01:15:55 L'ARCOM a par ailleurs agi pour assurer la bonne mise en œuvre des sanctions européennes portant sur l'interdiction de diffusion de médias russes.
01:16:04 On était concerné et sont concernés plusieurs services de télévision, notamment Russia Today dans ses différentes déclinaisons nationales,
01:16:14 donc RT France, RT English, RT UK, RT Germany, RT Spanish, RT Arabic.
01:16:22 On était concerné également, au-delà de Russia Today, Rossiya RTR, Rossiya 24, TV Centre International et Rennes TV.
01:16:32 On était également concerné, dans le même mouvement, le média Spoutnik qui n'est pas lui-même un service de télévision.
01:16:41 Parmi ces chaînes figurent plusieurs chaînes qui sont sous compétence française, dont RT France qui, je le rappelle, avait été autorisée sur le territoire français,
01:16:53 puisqu'elle était établie en France et qu'elle avait été conventionnée par l'ARCOM en 2015 ou 2016.
01:17:00 A cette occasion, nous avons suspendu la convention de cette chaîne.
01:17:06 Les règlements européens relatifs aux sanctions étant d'application directe, l'ARCOM a indiqué dans un communiqué de presse du 2 mars 2022 que la convention avec RT était suspendue.
01:17:19 L'ARCOM a par ailleurs relayé les informations sur les services sous sanction européenne aux opérateurs identifiés comme concernés,
01:17:31 comme Eutelsat, bien entendu, mais aussi les fournisseurs d'accès à Internet, Dailymotion, qui diffusait RT France en tant que service de médias audiovisuels à la demande,
01:17:42 ainsi que Google et Apple au titre de leurs magasins d'applications.
01:17:48 Les services de l'autorité sont de nouveau intervenus récemment à l'égard d'un opérateur français qui distribuait une chaîne sous sanction européenne.
01:17:59 C'est pour les chaînes russes. Pour les chaînes moyennes orientales, l'ancien CSA est déjà intervenu par le passé pour suspendre la diffusion satellitaire de certaines d'entre elles.
01:18:15 Cette question a retrouvé une certaine actualité, bien sûr pour nous, à l'issue de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023,
01:18:28 qui a conduit l'ARCOM, qui avait été saisi par un certain nombre d'interlocuteurs, dont le comité d'Hydro, à porter une attention renouvelée à certains de ses services.
01:18:39 L'autorité a ainsi enjoint à Eutelsat de suspendre la diffusion de la chaîne Al-Aqsa, ainsi que de deux services miroirs de ces chaînes,
01:18:49 même format, mais diffusés sous un autre nom. Plusieurs autres services nous ont été signalés, mais après instruction,
01:19:01 il s'est avéré qu'ils relevaient de la compétence de l'Italie au regard précisément de ce critère de la liaison montante.
01:19:08 J'ai saisi mon homologue italien pour qu'il procède à l'examen du contenu de ces chaînes et en tire le cas échéant, les conséquences nécessaires.
01:19:18 D'autres services sont actuellement à l'examen des équipes de l'autorité.
01:19:25 J'aimerais profiter, si vous le permettez, de ce propos pour vous faire part des difficultés rencontrées par l'ARCOM dans l'application des sanctions,
01:19:35 en raison du caractère complexe et en partie obsolète du cadre juridique applicable.
01:19:46 La première difficulté a trait aux règles permettant de déterminer l'État membre de l'Union compétent sur une chaîne extra-européenne.
01:19:57 Le critère de la liaison montante se révèle d'application délicate en raison de la volatilité de ces liaisons.
01:20:08 C'est très facile de se déplacer sur le continent et de partir d'un autre territoire.
01:20:16 Notre sentiment est qu'il conviendrait de réinterroger ces règles en vue d'une probable révision de la directive Service Média et Vidéovisuel dans le futur.
01:20:28 On en a déjà parlé ces derniers mois.
01:20:30 Après le prochain scrutin européen, la nouvelle Commission va fixer un programme de travail.
01:20:38 La question de la révision de la directive SMA viendra sûrement à l'ordre du jour.
01:20:43 Une révision de ces règles relatives aux liaisons montantes ne serait probablement pas inutile.
01:20:50 La seconde difficulté que j'ai évoquée tient à ce que la compétence d'un État membre sur une chaîne étrangère est fondée sur la seule diffusion satellitaire.
01:21:04 Une chaîne de télévision qui est diffusée uniquement sur Internet, ce qui est maintenant très fréquent, bien évidemment,
01:21:14 ce qu'on appelle dans le jargon de notre secteur l'OTT,
01:21:19 le fait de diffuser uniquement sur Internet échappe à l'intervention du régulateur.
01:21:27 Dans l'attente d'une révision de la directive SMA, dans les conditions que je viens de rappeler,
01:21:33 vous savez qu'il y a un projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, bien connu devant notre maison, notamment de Mme Morin de Sailly.
01:21:44 C'est un texte qui sera prochainement examiné par une commission mixte paritaire, dont la date est fixée la semaine prochaine.
01:21:52 Ce texte prévoit, dans certaines conditions, que l'ARCOM puisse intervenir à l'égard de ces chaînes diffusées exclusivement sur Internet
01:22:04 et de ces services de médias audiovisuels à la demande, qui enfreignent les grands principes de la loi de 1986.
01:22:10 Si cette loi est adoptée, l'ARCOM pourrait intervenir auprès des fournisseurs d'accès pour bloquer les signals correspondants.
01:22:20 La troisième difficulté tient à la diffusion de tout ou partie des contenus de chaînes sous sanction européennes sur des médias numériques.
01:22:31 À titre d'exemple, des sites Internet, de surcroît établis à l'étranger mais accessibles en France, ont pu servir pendant un temps de plateforme de diffusion ART.
01:22:44 Or, l'ARCOM ne tient aujourd'hui aucune compétence de la loi pour intervenir à l'égard de ce type d'acteurs.
01:22:52 Voilà donc pour cette audition de la commission d'enquête du Sénat. Les sénateurs vont maintenant poursuivre leurs travaux et leurs auditions.
01:22:58 Ils dévoileront ensuite un rapport et proposeront des recommandations afin de mieux lutter contre les influences étrangères.
01:23:05 C'est un sujet sur lequel on reviendra bien évidemment sur Public Sénat.
01:23:09 Voilà, c'est la fin de cette émission. Merci de l'avoir suivie.
01:23:11 Restez avec nous, l'information politique continue sur notre antenne.
01:23:16 [Musique]

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