• il y a 8 mois
L’évêque de Nanterre Monseigneur Matthieu Rougé s’oppose au projet de loi annoncé par le chef de l’État dans la presse lundi. Cette réforme est à la fois, selon lui, "l’euthanasie et le suicide assisté".

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Transcription
00:00 Sonia De Villers, votre invitée ce matin est évêque de Nanterre.
00:04 Bonjour Mathieu Rouget, bonjour Monseigneur.
00:06 Bonjour à vous et bonjour à tous les auditeurs.
00:08 Une loi pour ouvrir la possibilité de demander une aide à mourir, comment réagissez-vous ce matin à cette annonce du Président de la République ?
00:15 C'est une très mauvaise surprise parce que quand il a réuni encore récemment les responsables des cultes et puis aussi des médecins et des personnes engagées sur ce sujet,
00:23 le Président de la République a annoncé une grande loi en faveur des soins palliatifs à l'intérieur de laquelle il pensait introduire une disposition pour répondre à des situations inextricables.
00:34 Et en fait dans l'interview de ce matin, c'est le contraire.
00:38 Il y a une grande loi pour l'euthanasie et le suicide assisté avec quelques dispositions mineures de soutien aux soins palliatifs.
00:47 Et donc cette inversion de ce qu'il nous avait annoncé est à la fois triste et préoccupante.
00:52 Alors vous parlez d'euthanasie et de suicide assisté, au contraire, le Président précise que le texte ne fera référence ni à l'euthanasie,
01:02 qui signifie mettre fin au jour de quelqu'un avec ou sans son consentement,
01:06 ni au suicide assisté qui correspond à un choix libre et inconditionnel de disposer de sa vie.
01:11 Emmanuel Macron tient à l'expression "aide à mourir". Que pensez-vous de la terminologie utilisée par le Président ?
01:17 Lors de notre rencontre il y a trois semaines à l'Elysée, j'avais cité le mot de Camus "mal nommer les choses contribue au malheur du monde".
01:24 Et en réalité, en dissimulant cette disposition derrière un mot un peu valise et un peu doux,
01:30 le Président de la République n'arrive pas à cacher ce que d'ailleurs dès maintenant les associations de médecins et de soignants ont relevé.
01:36 Ce projet de loi c'est non pas l'euthanasie ou le suicide assisté, c'est l'euthanasie ET le suicide assisté.
01:43 Et en quelque sorte on a la liste... - Donc quand on dit "aide à mourir" c'est une litote, c'est un euphémisme, c'est un faunais ?
01:48 C'est une litote, c'est un euphémisme et en réalité ce qui est proposé c'est à la fois la solution belge et la solution suisse.
01:54 Le pape François a eu cette phrase lapidaire mon seigneur "Tuer ce n'est pas humain, point. Si tu tues avec des motivations, tu finiras par tuer de nouveau".
02:03 Aider à mourir, c'est tuer ?
02:06 La question de l'interdit de la mort est structurante pour notre société.
02:10 Si nous pouvons vivre en société c'est parce que nous faisons collectivement le choix de respecter la vie de chacun de nos semblables.
02:16 C'est une parole de foi de le dire parce que nous croyons que chaque personne est créée à l'image de Dieu,
02:21 mais c'est une parole d'humanité que tous les citoyens peuvent partager.
02:25 Dans son "L'État et la politique", Yael Gauze a parlé du progressisme.
02:29 Aujourd'hui le véritable progressisme qui permettrait sans doute au président d'entrer dans l'histoire,
02:34 c'est de promouvoir massivement les soins palliatifs alors qu'un quart des départements français en sont dépourvus.
02:39 On va y revenir Mgr, aux soins palliatifs.
02:41 Quand la mort est déjà là, c'est ce que précise le président de la République,
02:45 que c'est une loi de fraternité, puisqu'il utilise vos propres mots de fraternité,
02:49 permet de choisir le moindre mal quand la mort est déjà là.
02:53 Quand le pronostic vital est engagé à court et à moyen terme.
02:57 Quand la mort est déjà là, est-ce qu'aider à mourir c'est tuer ?
03:01 Quand le pronostic vital est engagé, la mort n'est pas déjà là.
03:04 Et beaucoup de nos auditeurs savent, quand on accompagne une personne en fin de vie,
03:07 il se passe des choses décisives dans le dialogue mutuel, dans les derniers moments, dans les dernières heures.
03:12 Et on ne peut pas parler de fraternité quand on répond à la souffrance par la mort.
03:17 Et donc il y a là un usage des termes qui n'est pas acceptable.
03:21 J'étais impressionné de voir qu'Anne Ponce, éditorialiste de La Croix, un journal plutôt d'ouverture,
03:27 a parlé d'un détournement de la valeur fraternité.
03:30 Un détournement de la valeur fraternité.
03:32 Je cite le président, on peut penser au cas de patients atteints de cancer en stade terminal,
03:37 qui pour certains sont obligés d'aller à l'étranger pour être accompagnés.
03:41 Comment l'Église répond-elle à cela ?
03:45 A ces patients qui vont à l'étranger, qui se réservent une place en Suisse,
03:49 à ces patients à qui on diagnostique une maladie de Charcot,
03:52 et qui savent qu'ils vont mourir dans d'atroces souffrances et qu'ils seront parfaitement lucides se voyant mourir.
03:57 Alors d'abord, dans les dispositions qui sont données actuellement, il n'y a pas les maladies neurodégénératives.
04:03 Et le fait que vous les évoquiez montre bien, comme l'avait dit d'ailleurs Robert Benatar,
04:06 que dès qu'on ouvre une possibilité, même si elle est très encadrée, en réalité on ouvre une boîte de Pandore.
04:12 Mais la vraie réponse à des personnes qui sont...
04:15 C'est-à-dire que vous avez peur qu'ensuite on étende ce droit à accéder à l'aide à mourir ?
04:19 Evidemment, votre question même manifeste que déjà on intègre des ouvertures supplémentaires,
04:25 et puis il y aura le débat au Parlement, qui permettra aussi que des propositions soient faites dans ce sens-là.
04:29 Mais vous voyez, par rapport à des cancers en phase terminale,
04:33 la première réponse, c'est pas que les gens partent à l'étranger,
04:36 mais c'est qu'en France, on leur ouvre la possibilité de dépositions palliatives.
04:40 Et c'est là où il est quand même étonnant que, alors qu'une stratégie décennale
04:45 a été annoncée à peu près tous les mois depuis deux ans,
04:48 elle ne soit pas encore concrétisée.
04:51 Je le répète, nous ne sommes pas contre le progrès, nous sommes pour le progrès en humanité.
04:56 Et le progrès en humanité en France aujourd'hui, ce serait un plan massif sur les soins palliatifs.
05:02 Alors dans l'interview, le Président annonce un plan massif sur les soins palliatifs,
05:08 et il le dit bien, il s'agit d'accompagner jusqu'au bout, aussi longtemps que possible,
05:13 une personne qui souhaite être accompagnée dans la fin de sa vie.
05:17 Comment prendre au sérieux l'intégration des soins palliatifs, dont on sait d'ailleurs qu'ils sont fragilisés dès que l'Etat d'Asie est légalisé ?
05:23 On le voit au Canada fortement aujourd'hui en particulier.
05:25 Alors même que, par exemple, même dans les chiffres qui sont donnés dans l'interview présidentielle,
05:29 c'est assez minimaliste sur les soins palliatifs.
05:31 Et puis vous voyez, il y a des choses qui sont assez étonnantes et presque surprenantes dans leur permissivité,
05:37 de voir qu'un geste létal serait permis non seulement aux médecins ou aux patients eux-mêmes,
05:42 mais à une personne volontaire, choisie.
05:45 Et puis également que le geste létal puisse avoir lieu non seulement dans un cadre hospitalier,
05:51 mais aussi chez soi et en EHPAD.
05:54 L'EHPAD c'est pour les personnes âgées.
05:56 Qu'est-ce que ça veut dire ?
05:57 Ça veut dire qu'on va ouvrir massivement la possibilité de recourir au geste létaux dans les EHPAD.
06:02 Vous voyez, le scandale des EHPAD il y a quelques mois, serait vraiment peu de choses à côté de cette ouverture.
06:08 Monsieur, vous dites massivement que c'est réservé aux personnes majeures,
06:13 aux personnes dont le pronostic vital est engagé,
06:17 aux patients atteints de maladies incurables,
06:22 aux patients souffrant de douleurs réfractaires qu'on ne peut plus soulager.
06:28 Alors il y a plusieurs choses.
06:29 D'abord, pourquoi parler des EHPAD à ce moment-là ?
06:32 Vous voyez, c'est là où il y a dans cette espèce d'en même temps permanent,
06:35 de contradictions supplémentaires dans les termes.
06:37 On parle de maladies incurables dans lesquelles le pronostic vital est engagé.
06:41 Les EHPAD c'est pour les personnes âgées et qui par définition ne sont pas à l'hôpital.
06:46 Donc vous voyez, il y a déjà un flou par lequel vraiment une logique de non-respect de la dignité humaine peut entrer dans la loi.
06:55 Et par ailleurs, encore une fois je le répète, on ne peut pas réfléchir...
07:01 Même le conseil national d'éthique qui avait ouvert une porte vers la mort provoquée
07:06 commence par dire qu'il faut aller dans la mise en œuvre la plus large possible des soins palliatifs.
07:12 Vous voyez, moi ce qui me frappe là-dedans, c'est que, et en dépit de ce qu'affirme le président,
07:16 mais qui n'est pas crédible je trouve dans le contexte qu'il a choisi,
07:20 eh bien on a l'impression que dans la Start-Up Nation, les personnes non-productives n'ont plus le droit de citer.
07:27 Pour vous, il y a quoi dans cette décision ? Une volonté d'efficacité ?
07:33 Je rebondis sur ce que vous venez de dire.
07:35 Oui.
07:36 Qui est extrêmement violent.
07:38 Il y a quelque chose d'incompréhensible.
07:40 Et la dissimulation derrière un terme de fraternité, d'absence de fraternité.
07:47 Monseigneur, vous accusez le président de la République de vouloir se débarrasser des vieux, des malades,
07:53 et des personnes qui ne servent à rien dans notre société.
07:56 Je me demande comment, pourquoi il introduit la mention des EHPAD dans son projet.
08:00 Et pour moi la vraie question c'est comment est-ce que, collectivement, nous sommes une société fraternelle ?
08:08 Comment est-ce que nous respectons la dignité humaine de chacun ?
08:12 Et moi ce que j'ai envie de dire à tous, c'est devenons toujours davantage dignes de notre condition humaine et de notre vocation fraternelle.
08:20 Vous qui avez accompagné tant de familles, monseigneur,
08:22 dans ces moments de fin de vie atrocement douloureux et lourds à vivre et à porter,
08:31 vous avez vu des personnes qu'on a plongées en sédations longues et profondes.
08:36 Vous avez vu des familles regarder quelqu'un mourir sans savoir s'il est soulagé de sa souffrance ou non.
08:43 Le regarder se déshydrater pendant des jours et des jours.
08:47 Est-ce qu'un évêque est sensible à la souffrance ?
08:50 Un évêque est très sensible à la souffrance.
08:52 J'ai accompagné mon père il y a quelques mois et il a été hydraté jusqu'au bout.
08:56 Il n'y a pas eu d'acharnement thérapeutique comme il y a parfois, aussi aujourd'hui, à l'égard des personnes âgées.
09:02 Mais les derniers mois, les dernières semaines, les derniers jours, les dernières heures ont été un grand moment d'humanité.
09:09 Et intégrer l'humanité de la mort c'est décisif pour que notre société vive vraiment.
09:15 Merci Mathieu Rouget.

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