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00:00 Et bonjour, bonjour Marguerite Caton ! Bonjour Guillaume et bonjour à tous !
00:04 Un peu d'agronomie ce matin !
00:06 Je m'intéresse beaucoup au débat qui en court actuellement aussi bien à l'échelle mondiale qu'européenne
00:10 à propos de la qualification et de la régulation de ce qu'on nomme couramment les nouveaux OGM.
00:15 Les discussions sont à peu près aussi pacifiques qu'autant des faucheurs de maïs transgéniques,
00:19 des paysans amis chez des industriels scientistes se renvoient à la figure
00:23 qui le principe de précaution, qui la marche du progrès.
00:27 Mais avant de rentrer dans l'arène, il faut d'abord comprendre qu'appellent-on les nouveaux OGM ?
00:32 Pour le savoir, nous recevons Agnès Ricrock. Bonjour !
00:35 Bonjour à toutes et à tous !
00:36 Vous êtes enseignante chercheuse en génétique des plantes à Agro-Paris Tech et Paris-Saclay,
00:40 secrétaire de la section Sciences de la vie de l'Académie d'agriculture de France.
00:44 Avez-vous des liens d'intérêt avec l'industrie chimique ou l'industrie sementière
00:48 ou toute partie qui pourrait créer des interférences ou vous influencer sur notre sujet ?
00:52 Je n'ai aucun lien d'intérêt.
00:54 J'aimerais que l'on remonte le temps pour commencer et qu'on parle des vieux OGM.
00:59 Comment les plantes étaient-elles transformées ?
01:01 En 1983, on a découvert la transgénèse, ça donnait les plantes transgéniques,
01:06 par des scientifiques belges et allemands, c'était en Europe.
01:10 Les premières plantes transgéniques ont été plantées en 1996.
01:14 Le plus connu, c'est le maïs transgénique qui résiste à un insecte ou bien à un herbicide.
01:21 Et comment on a créé ce maïs de Monsanto ?
01:23 On a introduit un gène qui venait d'une bactérie.
01:27 C'est ça la transgénèse, on met un gène qui peut venir d'une autre espèce,
01:32 voire d'un autre règne, en l'occurrence une bactérie, dans un végétal.
01:36 Donc ça c'est la transgénèse, on ajoute un gène.
01:39 Et maintenant, nos nouveaux OGM, à l'inverse, c'est une modification du génome de l'espèce elle-même.
01:45 On n'en ajoute pas nécessairement un qui vient d'ailleurs.
01:48 Je crois qu'il repose sur une découverte scientifique majeure
01:50 qui avait lu en 2020 le prix Nobel de chimie à Jennifer Doudna et Emmanuel Charpentier.
01:55 CRISPR-Cas9. Comment fonctionnent ces ciseaux génétiques ?
01:59 C'est un acronyme anglais qui permet, comme vous l'avez dit,
02:02 de faire une modification in situ dans le génome, de façon chirurgicale très spécifique.
02:10 On va à un endroit précis du génome, grâce à CRISPR, et sa protéine qui s'appelle Cas9.
02:18 Elle a un numéro. Et ça va couper l'ADN, qui est un double brin, comme on sait,
02:23 et modifier en enlevant une lettre, en ajoutant une lettre.
02:27 On peut même enlever un gène et le remplacer par un autre.
02:31 Un gène de sensibilité, on le remplace par un gène de résistance à une maladie, par exemple.
02:36 Si j'ai bien compris, CRISPR sert spécialement, c'est de l'ARN ?
02:41 Oui c'est ça, c'est un petit ARN messager qui va guider la protéine pour aller à l'endroit précis du génome.
02:47 Et puis c'est comme un GPS ?
02:48 C'est ça.
02:49 Et après Cas9, c'est la protéine, elle arrive et elle casse.
02:52 Et une fois que le brin est cassé, il va forcément avoir tendance à se réparer.
02:55 Et c'est là qu'on peut programmer un nouveau codage.
02:59 Voilà, c'est ça, une réparation. On appelle l'édition du génome.
03:03 Édition en sens anglais en fait, vous dites révision, correction.
03:06 Oui, parce que tu édites, ça veut dire corriger en fait.
03:08 Donc c'est une correction. On dit aussi réécriture du génome.
03:13 Dans le langage courant, on dit édition du génome.
03:16 Et ça nécessite d'avoir une connaissance parfaite de ces génomes, de savoir quel gène gouverne quel caractère.
03:22 Si on veut transformer une plante dans l'objectif, je ne sais pas, qu'elle soit plus rentable, plus productive, qu'elle ait des meilleurs rendements ?
03:28 Exactement, il faut connaître la séquence du génome et après les gènes qui gouvernent les caractères.
03:34 Sur quel caractère porte la recherche actuellement ?
03:38 Alors en agronomie, on essaye d'avoir des plantes qui résistent au stress hydrique avec des sécheresses.
03:44 Des plantes qui résistent à des insectes ou à d'autres maladies.
03:47 Parce qu'avec le dérèglement climatique, on a des mouvements de ravageurs.
03:52 Donc ça c'est vraiment les grandes pistes de recherche.
03:57 Mais aussi pour les valeurs nutritionnelles, on peut donner un exemple.
04:01 La tomate qui a été produite par des japonais, qui est enrichie en GABA, qui est un acide aminé, un neurotransmetteur.
04:10 Et ça permet aux personnes qui souffrent d'hypertension, de stress ou des troubles du sommeil d'être en meilleure forme.
04:18 Mais ce type de transformation, ça nécessite...
04:22 Pour transformer le caractère, il suffit de transformer un gène ou en fait il faut une multitude d'opérations ?
04:28 On peut modifier un gène quand le caractère est gouverné par un seul gène.
04:32 Ça arrive fréquemment ?
04:34 Pour donner résistance à certaines maladies, oui.
04:36 Pour stimuler la production comme un neurotransmetteur, on vient d'en parler.
04:40 C'est tout à fait possible.
04:42 Après il y a des caractères qui sont beaucoup plus complexes.
04:44 Et là il y a évidemment un grand nombre d'équipes internationales qui travaillent dessus.
04:50 Cette technologie, je crois qu'elle est aussi utilisée, expérimentée peut-être au moins sur les animaux ?
04:55 Oui, alors sur les animaux aux Etats-Unis ou en Chine.
04:59 En Chine ils travaillent beaucoup sur la fièvre porcine qui est une maladie respiratoire.
05:04 Ils le font aussi en collaboration avec des Britanniques.
05:09 Aux Etats-Unis, à Davis, il y a des travaux qui portent sur la croissance musculaire des vaches.
05:17 Pour qu'elles soient enrichies.
05:20 Plus beau steak.
05:21 Voilà, tout à fait.
05:22 Et ça sert aussi, je crois, en Chine à transformer des animaux de telle sorte qu'on puisse en plus s'en servir pour des greffes sur les humains.
05:32 Ça peut avoir une visée médicale, pas uniquement agronomique.
05:34 Oui, alors ça s'appelle la xénogreffe.
05:37 On essaye de modifier les gènes du porc pour qu'il soit humanisé.
05:42 Pour pas qu'il soit rejeté par le corps humain.
05:45 Donc on peut prélever des organes du porc et les transplanter chez l'humain à condition qu'il soit humanisé.
05:53 Ça on peut le faire avec cet outil CRISPR-Cas.
05:55 Vous avez parlé de la Chine, des Etats-Unis.
05:58 Plus globalement, à l'heure actuelle, quels sont les pays qui pratiquent couramment ces modifications génomiques ?
06:04 Est-ce qu'on se situe dans le champ de l'expérimentation ?
06:07 Est-ce que c'est déjà, on a parlé de l'atomate japonaise, c'est déjà commercialisé ?
06:10 Tous les pays pratiquent ça au laboratoire.
06:15 D'autres, plus loin, font des essais au champ ou dans les élevages.
06:20 Y compris en Afrique d'ailleurs, dans les pays en voie de développement.
06:24 Nous, en Europe, on a accusé un certain retard, c'est certain.
06:28 On avait une directive de 2018 qui statuait sur les plantes transgéniques.
06:34 Elle a été revue l'été dernier, le 5 juillet.
06:39 La Commission européenne est en train de modifier cette directive
06:44 pour permettre l'usage de ces nouvelles technologies génomiques,
06:49 qu'on appelle les NGT dans le jargon.
06:52 Récemment, il y a tout à fait un mois, le 7 février,
06:58 les eurodéputés ont adopté cette proposition de nouvelle directive.
07:04 Mais pour l'instant, les Etats membres ne sont pas encore d'accord.
07:07 Est-ce que ces NGT sont des OGM ou sont une manière d'accélérer
07:13 des transformations qu'on pourrait trouver traditionnellement ?
07:17 Ce ne sont pas des plantes transgéniques au sens où on ajoute un gène.
07:22 On fait une modification in situ et on imite la nature.
07:26 On va un peu plus vite que la nature.
07:28 Dans un contexte de dérèglement climatique et de souveraineté alimentaire,
07:33 c'est quand même urgent de se doter d'un maximum d'outils.
07:37 C'est un outil dans la boîte à outils.
07:39 Nous laisserons les auditeurs trancher.
07:41 Merci beaucoup Agnès Ricrock.
07:42 Je rappelle que vous êtes enseignante chercheuse en génétique des plantes
07:44 à Agro-Paris Tech et Paris-Saclay.
07:46 Merci.
07:47 Je vous remercie. Bonne journée.
07:49 6h39, les Matins de France Culture.
07:52 Guillaume Erner.