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Sébastien Lecornu et Jean-Noël Barrot sont au Liban du lundi 30 décembre au mercredi 1er janvier pour rencontrer notamment les militaires français.

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00:00Une interview exceptionnelle parce que la situation est exceptionnelle.
00:03Deux ministres, l'un des armées, l'autre de l'Europe et des affaires étrangères,
00:07dans une zone de cessez-le-feu, dans un cessez-le-feu qui est fragile mais qui tient.
00:13Le chronomètre tourne vite, il a déjà tourné depuis 34 jours,
00:17mais la situation reste encore extrêmement difficile,
00:19ce qui nécessite que nous trois nous apportions encore des équipements de sécurité.
00:25Bonjour Sébastien Lecornu.
00:26Bonjour.
00:27Bonjour Jean-Noël Barraud.
00:28Comme je disais, ce double chronomètre, parce qu'autant militaire que politique, il tourne vite.
00:33On a beaucoup parlé de la Syrie, il y a eu la situation intérieure
00:37et je crois que les Français ont un peu oublié que, depuis 34 jours déjà,
00:40ce chronomètre tournait et il est censé s'arrêter à 60.
00:43On verra ce qui peut attendre les Libanais, les Israéliens après.
00:47Si vous le permettez, est-ce qu'on peut faire, au bout de 34 jours,
00:50c'est-à-dire on a passé la moitié, un petit point de situation militaire puis politique.
00:55Nous sommes avec le contingent français de la Finul.
00:58Sébastien Lecornu, pouvez-vous nous expliquer tout simplement si le cessez-le-feu tient ?
01:02Il tient mais il est fragile.
01:04Il tient au regard des combats qu'on a pu connaître
01:06depuis le mois de septembre jusqu'à la fin du mois de novembre.
01:09Il est fragile parce qu'il nécessite beaucoup de déconfliction,
01:13beaucoup de neutralisation et de nettoyage.
01:15Vous pouvez me l'expliquer ?
01:16En fait, vous êtes dans une zone qui est une zone historiquement contestée.
01:19Ça fait plus de 40 ans que ce mandat des Nations Unies ici existe
01:22et que le contingent français y sert.
01:24On le sait bien, ici, il y avait beaucoup d'emprise du Hezbollah jusqu'à il y a quelques semaines.
01:29Vous avez encore, évidemment, une présence du Hezbollah qui est résiduelle.
01:33Vous l'avez vu au drapeau ?
01:33Avec une présence qui est politique, une présence qui est évidemment sociale.
01:36Et l'enjeu que l'on joue ici, en quelque sorte, c'est de permettre de nouveau
01:41à ce que les forces armées libanaises exercent pleinement la souveraineté du Liban
01:45à la place de ces unités du Hezbollah.
01:48Et en face, vous avez les forces israéliennes de Tsar
01:51qui occupent une zone importante entre la ligne bleue et une nouvelle ligne qu'on appelle la ligne Charlie.
01:57Et au fond, ce qu'on a essayé de faire avec les Américains
01:59et ce que nous sommes en train de tenter de réaliser depuis la fin du mois de novembre,
02:04depuis ce compte à rebours qui a commencé à tourner,
02:06c'est de faire en sorte qu'on arrive à substituer la présence israélienne
02:10par les forces armées libanaises.
02:11Et aujourd'hui, je vous le dis, ce cessez-le-feu, il est fragile
02:14parce qu'on a réussi à traiter plus de 300 situations de sécurité complexes.
02:19Donc ça, c'est ce qui fonctionne bien.
02:20En langage grand public, ça veut dire quoi ?
02:23Des incidents, des incidents de sécurité, des caches d'armes,
02:27des menaces que telle ou telle partie ont pu signaler aux Américains et aux Français.
02:32Et de faire cette levée de doute, voire même plus que de la levée de doute,
02:35est en capacité de neutraliser, de mettre hors d'état de nuire des menaces éventuelles.
02:40Après, il y a un compte à rebours qui lui est lancé,
02:42c'est cette capacité justement à mettre en place les forces armées libanaises.
02:46Et là, il y a évidemment un moment de fragilité.
02:49En tout cas, un moment de vérité qui va se jouer dans les 26 jours qui restent,
02:54c'est la capacité à le faire.
02:55Aujourd'hui, il y a seulement une commune, un village,
02:57dans lequel cette substitution des forces israéliennes
03:01par les forces armées libanaises a pu se faire.
03:03Et donc, si nous sommes venus avec Jean-Noël Barraud, effectivement,
03:05en ce 31 décembre, au-delà du fait de passer du temps
03:08avec le contingent français qui sert ici,
03:11c'est aussi pour faire passer des messages.
03:12On le fera dans les jours qui vont venir avec la partie israélienne,
03:15en lien avec nos amis américains.
03:16On est venu le faire aussi ici au Liban en disant,
03:18attention, ce cessez-le-feu, il est clé.
03:21Derrière ce que nous jouons, évidemment,
03:24c'est la maîtrise d'une escalade régionale.
03:26On a bien vu ce qui s'est passé au mois de septembre,
03:28ce qui s'est passé au mois d'octobre.
03:30Et ce qui se joue ici sur une zone qui n'est pas très grande,
03:33au fond, 40 km sur 45 km,
03:35c'est notre capacité à faire en sorte que l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient
03:38ne s'embrasse pas de nouveau.
03:39C'est la même question que je vous pose, Jean-Noël Barraud,
03:42si vous voulez bien prendre le micro.
03:44C'est de savoir si tout le monde joue le jeu.
03:46Moi, j'avais des questionnements dans mes analyses
03:50sur la capacité d'Israël à jouer le jeu sur le terrain militaire,
03:54mais évidemment, revenir à un statu quo politique pour les Libanais.
03:59Je ne parle pas du gouvernement libanais,
04:00mais les Libanais, la population qui a vécu des guerres
04:03depuis quasiment 40 ans,
04:05qui vit sans président depuis plusieurs années désormais.
04:09Quelle est, là aussi, la situation ?
04:11Est-ce qu'on a l'impression d'être à mi-chemin ?
04:13On parlera sans doute avec le ministre des Armées
04:15du recrutement en cours chez les soldats.
04:17Est-ce que vous avez l'impression que ça avance du côté des politiques libanaises ?
04:21D'abord, ce cessez-le-feu que la France a porté,
04:23il a mis fin à une situation qui menaçait de précipiter le Liban dans le chaos.
04:29La première des priorités, c'était l'aide humanitaire,
04:32parce que cette guerre avait déplacé
04:34des centaines de milliers de personnes loin de chez elle.
04:36C'est pourquoi, sous l'impulsion du président de la République,
04:39c'est à Paris que nous avons accueilli
04:40la première grande conférence internationale de soutien au Liban,
04:43qui a permis de lever plus d'un milliard de dollars
04:47au profit de l'aide humanitaire au Liban.
04:49La deuxième priorité, c'est de pérenniser ce cessez-le-feu.
04:53On arrive à mi-chemin et c'est tout l'objet de notre visite
04:57avec Sébastien Lecornu, renforcement des forces armées libanaises,
05:00puis soutien à l'action des casques bleus de la Finul.
05:03Et puis, la troisième priorité, c'est le redressement économique,
05:07social et politique du Liban.
05:09Et la première étape de ce redressement,
05:12c'est l'élection d'un président qui, comme vous le dites,
05:15est attendu depuis deux ans et demi.
05:17Un président qui pourrait rassembler le Libanais,
05:19pour incarner l'unité du Liban dans sa diversité.
05:23Et de ce point de vue-là, le président de la Chambre des députés,
05:26Nabi Berri, a pris ses responsabilités
05:29et il a convoqué le 9 janvier prochain le Parlement.
05:33Il appartient donc aux forces politiques libanaises
05:36de prendre leurs responsabilités
05:38et de saisir cette occasion pour élire ce président
05:41et qu'on puisse engager le Liban sur une trajectoire
05:44qui lui permet de reprendre son destin en main.
05:46D'abord le président, puis un gouvernement,
05:48puis des institutions qui fonctionnent,
05:50et puis l'effort colossal de reconstruction
05:54qui est devant le Liban aujourd'hui,
05:56puisque cette guerre a provoqué plusieurs milliards d'euros
06:00de dégâts et de dommages.
06:01On parle de plusieurs millions de tonnes de gravins
06:07à nettoyer.
06:09Vous les avez vus, M. le ministre, en descendant le sud du Liban ?
06:12Absolument.
06:12Et donc tout ça, c'est un effort considérable
06:14qui suppose, c'est la première étape,
06:16une élection, celle du président.
06:18Je profite aussi de ce moment, je disais,
06:22une situation exceptionnelle
06:23et il faut vraiment faire comprendre au grand public français
06:26qui, évidemment, dans l'actualité interne comme internationale,
06:29était un peu passé à l'autre chose.
06:31Avant ce cessez-le-feu, il y a un acronyme, FINUL,
06:35qui paraissait extrêmement vaporeux pour les gens de Bonnefoy
06:39et qui paraissait presque inutile.
06:42Moi, j'ai entendu, je vous le dis, Sébastien Lecornu,
06:44des politiques, des journalistes aussi,
06:47dire la FINUL ne sert à rien.
06:49Expliquez-nous, dans ce mécanisme, à quoi sert la FINUL
06:52dont 700 hommes et femmes font partie venant de la France ?
06:56Déjà, pour être direct, si elle n'était pas là, ça serait pire.
06:59Et toutes celles et ceux qui la critiquent
07:00ne nous ont jamais donné une nouvelle idée à la place.
07:03Je le note. Et dans un moment, au Conseil de sécurité des Nations Unies,
07:07où la présence du droit de veto de la Russie, notamment,
07:11ou parfois de la Chine, fait que, par définition,
07:14inventer quelque chose de nouveau est très difficile.
07:17Donc déjà, l'existant a le mérite d'exister.
07:19Et si ça n'avait pas existé, la confrontation entre l'ESBOLA,
07:23peut-être même les populations civiles de part et d'autre,
07:26côté israélien, comme côté libanais,
07:28et TSAHAL, de l'autre côté, aurait peut-être été encore plus forte
07:31ou plus violente qu'elle ne l'a été,
07:33parce que, justement, il y avait cette présence
07:35de ces postes des Nations Unies qui observent.
07:38Et ça, deuxième aspect de réponse à votre question,
07:41ce n'est pas des casques bleus d'interposition.
07:44On a le souvenir de l'emploi de nos casques bleus
07:47dans les Balkans, dans les années 90, en Serbie.
07:50Ce n'est pas le mandat qui est donné ici.
07:52Ici, c'est un mandat d'observation, de déconfliction,
07:56le mot est peut-être mal choisi,
07:58mais qui, au fond, est là pour accompagner les forces armées libanaises
08:01pour qu'elles puissent remplir leurs missions.
08:03Et qu'est-ce qui se passe ?
08:04Depuis ces nombreuses années,
08:06l'ESBOLA était là et les forces armées libanaises n'étaient plus là.
08:09Mais la finule était là.
08:11Et ça, il faut quand même le dire,
08:13c'est que ce mandat est exercé avec courage par nos soldats.
08:17On ne peut pas ne pas penser ce soir,
08:19soir de réveillon, à la famille de la cheffe Claudin
08:22du régiment de Montlhéry, en Essonne,
08:25qui a perdu la vie, cet automne,
08:27dans le cadre de ce mandat-là,
08:29du contingent qui est présent avec nous ce soir,
08:31sur une patrouille.
08:32Parce que l'essentiel des missions de la finule,
08:34c'est de patrouiller, de voir ce qui se passe,
08:36de renseigner, de comprendre.
08:38Et malheureusement, au retour d'une patrouille,
08:41le VAB, qui est un engin blindé, s'est renversé.
08:45Et cet sous-officier a perdu la vie
08:48dans des circonstances absolument terribles.
08:50Donc, j'aime bien quand les commentateurs commentent.
08:54Mais enfin, la réalité, c'est qu'à défaut de la finule,
08:56ça serait pire.
08:57Que de réinventer quelque chose de nouveau en ce moment,
09:00ce n'est pas facile.
09:01Et que 3, je peux témoigner comme ministre des armées,
09:03et Jean-Noël Barraud comme ministre des affaires étrangères,
09:05qu'il y a beaucoup de courage dans la manière
09:06dont le contingent français, mais d'autres aussi,
09:08exerce la mission.
09:09Alors après, est-ce que c'est suffisant ?
09:10Ben non, c'est bien pour ça qu'on vient vous expliquer
09:12qu'on a créé un nouveau protocole, un mécanisme
09:14avec les Américains, qu'on met un peu d'énergie
09:17pour que les forces armées libanaises, justement,
09:19se prennent en main.
09:20Alors on y reviendra, mais une fois de plus,
09:22attention à ne pas tomber dans un bashing
09:24dans lequel on détruit tout.
09:26Moi, ce que je sais, ce que je vois,
09:28c'est qu'ici, la France occupe son rang,
09:31elle occupe son rôle,
09:32et si on n'était pas là, ça serait pire.
09:34Pour conclure, d'un mot, je vois les montagnes
09:37face à moi, derrière, c'est la Syrie.
09:40Je vous laisserai un dernier mot à Jean-Noël Barraud
09:43sur vraiment la situation à venir.
09:45Mais l'armée française est intervenue,
09:47Sébastien Lecornu, ce dimanche,
09:49en Syrie, contre Daesh.
09:51Oui, parce qu'il y a une opération
09:52qui n'est pas terminée, figurez-vous.
09:54Elle avait été lancée du temps du président Hollande,
09:56s'appelle Chamal, elle est insérée
09:58dans une grande coalition internationale
10:00qui s'appelle Inherent Resolve,
10:02et qui a pour but de lutter contre Daesh,
10:04en Irak, mais qui est un pays souverain,
10:06avec de la formation, de l'accompagnement
10:08des forces armées irakiennes,
10:10d'ailleurs, les Français y sont présents,
10:12et nous faisons beaucoup de choses pour l'Irak,
10:14pour qu'elle puisse justement assumer sa souveraineté
10:16et sa sécurité, et puis en Syrie.
10:18En fait, nos rafales,
10:20dotées d'un certain nombre de moyens,
10:22ont frappé une déposition
10:24de Daesh. Mais vous savez,
10:26il y a un an et demi, j'ai dû, pardon d'y revenir,
10:28mais j'ai présidé en
10:30seulement dix jours
10:32trois éloges funèmes militaires
10:34pour trois soldats français
10:36qui sont tombés justement, non pas en Syrie,
10:38mais en Irak, évidemment. Et c'est passé
10:40globalement inaperçu. Et ça nous rappelle
10:42aussi qu'il y a la guerre en Ukraine,
10:44il y a la prolifération nucléaire,
10:46le retour des compétitions entre les grandes puissances,
10:48tout ça va nous attendre en 2025,
10:50pas se raconter d'histoire,
10:52l'enjeu de l'architecture de la sécurité de l'Europe
10:54va être un sujet qui va beaucoup nous monopoliser,
10:56il y a ce qui se passe au Proche et au Moyen-Orient,
10:58il y a toujours cette trame de fond,
11:00et ce qui s'est passé sur ce marché de Noël en Allemagne
11:02nous le rappelle, qui est la lutte contre le terrorisme
11:04islamiste, avec en plus un phénomène
11:06d'internationalisation du djihadisme
11:08qui est à surveiller de très près.
11:10Ça correspond donc à l'action
11:12des forces de sécurité intérieure,
11:14mais ça correspond aussi à l'action des forces armées
11:16et la frappe effectivement qui a eu lieu
11:18sous l'instruction du Président de la République,
11:20elle permettait aussi de répondre à cet enjeu-là
11:22pour nous, pour notre propre sécurité.
11:24Un dernier mot Jean-Noël Barraud, justement,
11:26là aussi, nous passons
11:28à une nouvelle année, cette nouvelle année
11:30pour la Syrie et évidemment pour
11:32ce Proche-Orient, il suffit de le voir,
11:34la Syrie est juste là, alors que
11:36la mer est juste ici, on est dans une zone très petite
11:38mais qui a des répercussions
11:40énormes, comment vous évaluez
11:42la suite, les gages qui ont été
11:44donnés notamment aux représentants de la diplomatie française
11:46qui se sont rendus à Damas, comment vous voyez
11:48la suite, tout simplement ?
11:50D'abord, une nouvelle fois, ce qui se passe en Syrie
11:52nous concerne très directement, nous
11:54françaises, français et nos enfants.
11:56En 2015,
11:58fuyant l'oppression du régime
12:00de Bachar al-Assad, ce sont
12:02des centaines de milliers, plus d'un million
12:04de Syriens qui ont fui
12:06vers l'Europe, provoquant l'une des
12:08vagues migratoires
12:10la plus importante que nous ayons connue.
12:12Et puis ensuite, comme ça vient d'être rappelé,
12:14c'est le terrorisme
12:16islamiste, en partie instrumentalisé
12:18par le régime criminel de Bachar al-Assad
12:20qui a touché de nombreux pays
12:22européens. Et c'est pourquoi
12:24nous ne pouvons que nous réjouir
12:26de la chute de ce régime criminel
12:28et c'est pourquoi nous pouvons
12:30cultiver l'espoir
12:32que dans cette nouvelle page qui s'ouvre dans l'histoire
12:34de la Syrie, bien d'abord
12:36les communautés de la
12:38Syrie dans leur diversité puissent être représentées
12:40dans le futur
12:42gouvernement, que ce
12:44futur gouvernement lutte activement
12:46contre le terrorisme islamiste qui a
12:48prospéré pendant de trop nombreuses
12:50années, que soit mis fin
12:52au trafic ou encore à la prolifération
12:54des armes chimiques qui
12:56avaient été conçues par le régime et que le régime
12:58a tourné contre son propre peuple.
13:00Bref, que plutôt que d'être
13:02un foyer d'instabilité
13:04dont les conséquences se sont fait sentir jusqu'en
13:06Europe, la Syrie redevienne
13:08un pôle de stabilité pour la région.
13:10Merci beaucoup, merci
13:12à tous les deux messieurs les ministres.

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