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Source
Esther Duflos https://www.youtube.com/watch?v=jYjlzcTl8OY
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Réponses au quiz de fin :

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Quelle est la caractéristique de l'emploi des plus pauvres ?
Ils sont à leurs comptes ou en emplois journaliers sans garantie de salaires.

Par quel facteur ont été multipliées les catastrophes climatiques dans les pays les plus pauvres depuis les années 80?
8 fois plus.

Quel est l'impact d'un choc sur les plus pauvres ?
Tomber dans une trappe de pauvreté c.à.d dans l'extrême pauvreté.

#duflo #écologie #économie #changement #climatique #climat #pauvre #riche #collègedefrance #trappe #emploi #précarité #estherduflo #conférence #extrait #ilnousfautunplan #ethiqueettac
Transcription
00:00 [Musique]
00:08 Donc aujourd'hui, je vais commencer par parler de risques.
00:12 Des risques auxquels les personnes pauvres font face,
00:17 et des manières qu'elles ont de se protéger,
00:22 et les limites bien sûr, de ces différentes manières.
00:26 Pour nous accompagner, toujours nos petits caractères de la série de livres pour enfants,
00:33 dont j'ai publié cinq livres l'année dernière,
00:36 et cinq livres cette année scolaire en septembre.
00:39 Le premier de cette nouvelle série, non ce n'est pas le premier de cette nouvelle série,
00:43 mais parmi cette nouvelle série, le premier pour nous accompagner aujourd'hui,
00:47 est un livre qui s'appelle "Imae",
00:50 qui parle d'un accident qui arrive à la famille d'Imae.
00:55 Ils habitent sur une île, dans un lac,
00:59 et il y a une inondation qui emmène leur maison et leur bateau,
01:03 qui est leur principal outil.
01:06 Alors pourquoi j'ai voulu parler de risques,
01:09 et concentrer tout un livre sur cette question du risque ?
01:12 Dans le cours de cette leçon, on va discuter de ce qui arrive à Imae,
01:18 comment il est protégé ou pas.
01:20 J'ai voulu consacrer un album à ce risque,
01:23 parce que la pauvreté met en danger.
01:29 La vie des plus pauvres du monde, c'est vrai aussi à l'intérieur de chaque pays,
01:33 c'est vrai pour les pauvres français qui vivent dans des situations plus risquées
01:38 que les moins pauvres,
01:40 et c'est particulièrement vrai pour ceux qui vivent dans l'extrême pauvreté.
01:44 Donc la vie des plus pauvres est particulièrement risquée,
01:47 le changement climatique empire ces risques,
01:50 et on va essayer de voir un petit peu aujourd'hui,
01:53 quelles sont les différentes stratégies que les pauvres emploient
01:56 pour faire face à ce risque.
01:59 Alors commençons par une description de cette vie risquée des plus pauvres.
02:06 D'abord, plus les gens sont pauvres,
02:09 plus moins il y a de chances qu'ils aient un emploi salarié.
02:12 Les pauvres sont plus souvent à leur compte,
02:15 que ce soit dans des activités informelles,
02:17 un petit business informel, une échoppe, un atelier, etc.,
02:21 ou bien sûr une ferme.
02:23 Donc les plus pauvres sont souvent à leur compte,
02:26 s'ils ne sont pas à leur compte, ils sont souvent travailleurs journaliers,
02:30 donc ni jour par jour, ni la possibilité d'un emploi,
02:35 ni le salaire qui est affecté à cet emploi ne sont garantis,
02:39 et du coup leur revenu fluctue avec la météo,
02:42 que ce soit leur champ ou les champs de quelqu'un d'autre
02:45 qui pourra les employer,
02:47 les circonstances déterminent si les récoltes sont bonnes ou pas,
02:51 les prix des matières premières et aussi des entrants pour eux,
02:57 les conditions macroéconomiques,
02:59 qui fait par exemple qu'il y a de la demande
03:01 pour dans le secteur de la construction ou pas, etc., etc.
03:05 On peut voir par exemple,
03:07 donc même pour les gens qui sont salariés, pas à leur compte,
03:11 que plus le PIB d'un pays est faible,
03:15 plus la volatilité des salaires, c'est-à-dire la variation des salaires, est forte.
03:21 On voit cette relation très très forte
03:25 entre la volatilité des salaires et le PIB.
03:30 Les pauvres aussi, une plus grosse partie de leur budget
03:37 est fait de dépenses alimentaires.
03:41 Évidemment, quelque chose auquel nous sommes tous familiers,
03:45 c'est ce qui s'est passé en particulier après la crise du Covid,
03:50 suivie par la guerre en Ukraine,
03:52 une très forte augmentation des prix alimentaires
03:55 qui a particulièrement touché les plus pauvres.
03:58 Vous voyez l'index des prix alimentaires exploser
04:02 entre 2020 à 2021 à 2022
04:07 et résultat quasiment direct, l'insécurité alimentaire,
04:13 c'est-à-dire le nombre de gens qui déclarent devoir rater un repas par jour,
04:18 par exemple, augmentant aussi de manière extrêmement rapide après la pandémie.
04:25 Donc, ils ont une sensibilité plus forte
04:29 parce que leur budget est fait en plus large part d'alimentation.
04:35 Ils ont une sensibilité plus forte à des prix qui sont volatiles
04:40 et au choc macroéconomique, comme la volatilité des prix alimentaires.
04:44 Donc ça, c'était le premier point.
04:47 En général, ce n'est pas quelque chose qui est nouveau,
04:50 plus on est riche, plus on est protégé par un salaire qui est mensuel,
04:54 par une protection sociale qui est plus forte, etc.
04:57 Et plus on est pauvre, moins on l'est.
04:59 Par ailleurs, le changement climatique,
05:03 qui est non seulement conduit à une augmentation générale des températures,
05:09 mais à une variabilité plus grande des conditions météorologiques
05:14 autour de cette moyenne,
05:16 et en plus à plus de catastrophes climatiques,
05:20 inondations, sécheresses, etc.
05:24 Aujourd'hui, dans les pays pauvres,
05:26 il y a huit fois plus de catastrophes naturelles qu'il y en avait dans les années 80.
05:31 Prenez un même pays, le nombre de catastrophes naturelles
05:34 s'est multiplié par huit dans une année donnée.
05:36 Et le secteur agricole est particulièrement touché, évidemment,
05:41 par le changement climatique, puisqu'il est directement les plantes qui poussent,
05:45 et les humains qui les produisent sont directement affectés
05:49 par l'augmentation des températures et la variabilité,
05:52 que ce soit la sécheresse ou les inondations.
05:56 Ce que vous voyez ici, c'est les coûts du climat estimés, évidemment,
06:03 les coûts du changement climatique estimés jusqu'à 2100,
06:06 ce sont des estimations qui sont faites par l'Université de Chicago,
06:12 qui simulent les modèles, comme le modèle de Gillers,
06:18 qui prédit le changement climatique,
06:20 simule l'augmentation des températures,
06:23 et combine ça avec des études microéconomiques
06:29 sur l'effet des variations passées de température
06:34 sur la productivité, que ce soit agricole, etc.
06:39 Et ce qu'on voit, c'est que sur l'agriculture,
06:43 les coûts sur les productions agricoles,
06:46 vous avez différents types de productions agricoles,
06:49 le maïs, le riz, le sorghum, le blé, etc.
06:53 On prévoit un changement de productivité de la terre,
06:59 très important en agriculture,
07:02 et en plus une très forte variabilité autour de ces estimations.
07:06 Pour donner un exemple, par exemple,
07:11 pour donner un exemple beaucoup plus concret,
07:15 prenons l'exemple du Nicaragua,
07:18 avec une étude de Carey de Macourse et co-auteurs,
07:21 qui montre simplement, avant même de commencer son étude,
07:25 que au Nicaragua, si on compare par exemple
07:29 la période avant 1998 et la période après 1998,
07:35 donc après 1998, c'est là, et là,
07:39 et ce qu'on voit, c'est qu'avant 1998,
07:43 il y a moins de pics d'eau, de pluviométrie,
07:50 et donc moins d'inondations,
07:54 mais il y a aussi plus d'eau dans les saisons les plus sèches,
07:59 où on a besoin d'eau.
08:01 Donc la pluviométrie a changé dans les deux sens.
08:09 C'est-à-dire qu'il y a plus d'eau quand on a besoin de moins d'eau,
08:12 et il y a moins d'eau quand on a besoin de plus d'eau.
08:14 Donc ça, c'est un exemple du Nicaragua,
08:16 et on voit aussi les températures,
08:18 qui, évidemment, entre pré-1998 et post-1998,
08:23 à la fois une augmentation de la moyenne,
08:26 mais aussi une augmentation des températures maximales,
08:29 qui créent des dommages sur les cultures.
08:33 Et la pauvreté, donc les pauvres sont soumis à plus de chocs.
08:40 En plus de ça, la pauvreté exacerbe l'impact de ces chocs,
08:46 parce que ces chocs peuvent conduire à tomber dans une trappe de pauvreté.
08:54 Donc on voit ici, venant d'un autre livre,
08:58 le livre de Bibir, qui commence une toute petite entreprise de tailleur.
09:06 Elle a une machine à coudre.
09:08 Si elle a un problème,
09:10 elle arrive à vivre, à travailler,
09:17 même dans cette histoire en particulier,
09:19 elle arrive à étendre son business.
09:21 Mais s'il lui était arrivé quelque chose à ce moment-là,
09:24 quel que soit le choc,
09:25 elle retombait dans une situation où elle était avant,
09:27 où elle n'avait plus rien pour survivre.
09:29 Donc les pauvres sont souvent placés,
09:32 elles sont à risque de se trouver dans une zone
09:36 où s'ils deviennent un tout petit peu plus pauvres,
09:39 ils passent dans une zone de trappe de pauvreté
09:43 où ils n'arrivent plus à accumuler.
09:46 Donc quand on est pauvre,
09:47 on est à la fois soumis à plus de risques,
09:50 et en plus ces risques peuvent avoir des conséquences
09:52 qui sont amplifiées par les circonstances dans lesquelles on vit.
09:56 J'ai mis une image de machine à coudre,
10:00 parce que j'ai rencontré une dame qui s'appelait Ibutina en Indonésie,
10:06 qui avait justement une machine à coudre.
10:08 On raconte son histoire dans "Repenser la pauvreté".
10:13 Et elle avait un petit business de machine à coudre.
10:16 Et elle s'est fait voler.
10:19 Donc elle raconte qu'avant de s'être fait voler,
10:23 elle arrivait à accumuler.
10:25 Chaque jour, elle produisait un petit peu plus,
10:28 puis elle investissait ce qu'elle avait,
10:29 puis elle produisait un petit peu plus,
10:30 puis elle investissait ce qu'elle avait,
10:31 et elle était arrivée quelque part par là,
10:33 dans une vie relativement stable, pas aisée.
10:38 Et puis ensuite, on lui a volé sa machine à coudre,
10:40 et il est retombé là.
10:41 Et maintenant, elle a tellement peu,
10:43 parce qu'elle n'a plus de machine à coudre,
10:44 elle n'a plus de stock, etc.,
10:46 que chaque période,
10:48 elle est obligée de faire fondre ses économies de plus en plus.
10:53 Et donc elle devient encore plus pauvre,
10:55 et donc elle devient de plus en plus pauvre,
10:56 et elle retombe dans une trappe de pauvreté.
11:02 Donc comment se protéger contre ces chocs ?
11:07 On va faire ça en plusieurs temps.
11:09 D'abord, la première chose que les gens peuvent faire,
11:12 c'est essayer de se protéger tout seuls.
11:14 Ensuite, ils peuvent faire appel à leur communauté,
11:17 leur village, leur famille étendue,
11:19 leurs amis, les membres de leur réseau social.
11:24 Ensuite, ils peuvent faire appel à des assurances formelles,
11:28 par le marché.
11:30 Enfin, il y a le gouvernement,
11:32 et finalement, les gouvernements eux-mêmes sont intégrés
11:34 dans une communauté internationale.
11:36 Donc ce qu'on va faire dans le reste de cours,
11:38 c'est d'augmenter comme ça la taille de notre rayon
11:42 de personnes qui peuvent protéger les pauvres
11:44 contre la pauvreté.
11:45 Alors commençons par ce que les gens peuvent faire eux-mêmes.
11:49 D'abord, pourquoi on voudrait se protéger contre le risque ?
11:53 Je me consacre un petit moment à l'introspection.
11:57 Qu'est-ce que vous préféreriez ?
12:00 Un pouvoir d'achat fixe qui serait garanti tous les mois,
12:04 ou bien des hauts et des bas avec des semaines fastes
12:08 et des vaches maires ?
12:11 Je vous laisse un moment pour y penser.
12:16 Alors cela dit, il y a des gens qui jouent au loto.
12:18 Donc il y a des gens qui répondent différemment,
12:24 mais la plupart d'entre vous, j'imagine,
12:28 préférerait avoir un pouvoir d'achat garanti tous les mois
12:32 plutôt que la même chose, mais fluctuant.
12:36 Alors si vous me permettez une petite digression
12:40 d'économiste-économiste, c'est ce que les économistes
12:42 décrivent comme l'idée que notre fonction d'utilité
12:46 est concave, c'est-à-dire que les pertes sont plus coûteuses
12:50 quand on a déjà très peu que quand on a un peu plus.
12:53 Vous pouvez y penser comme ça.
12:56 Vous venez juste de finir le repas de Noël,
12:59 l'idée d'une part de gâteau en plus vous satisfait moins
13:05 que si vous venez d'avoir passé une journée à marcher
13:10 dans la montagne et qu'on vous offre cette part de gâteau
13:13 en arrivant à la ferme auberge.
13:16 Donc quand on a très peu, l'utilité d'une consommation
13:22 est plus élevée.
13:24 Donc au départ, on a vraiment envie d'avoir un tout petit peu plus.
13:27 Les gens sont très très pauvres, ils ont plus besoin
13:30 de quelque chose de plus.
13:32 C'est ce qu'on appelle l'aversion au risque.
13:35 Et une personne qui est averse au risque,
13:38 une personne qui a une fonction d'utilité comme ça,
13:40 c'est-à-dire qui n'aime vraiment pas se trouver dans une situation
13:43 où elle a très très peu à un moment donné,
13:47 va essayer de lisser sa consommation.
13:50 Donc même si ses revenus changent, fluctuent de jour en jour,
13:55 elle ne va pas tout consommer le jour où elle reçoit quelque chose.
14:00 Elle va essayer d'épargner et si elle le peut, d'emprunter.
14:04 Si on suppose que l'aversion au risque est plus importante
14:09 pour les plus pauvres, c'est-à-dire que non seulement
14:11 la fonction d'utilité est concave, mais qu'en plus,
14:14 elle est plus concave pour les plus pauvres,
14:16 les plus pauvres vont encore plus avoir besoin,
14:18 avoir envie de lisser leur consommation.
14:22 Donc s'ils ont accès à quelqu'un qui peut leur prêter
14:25 au moment où ils ont très peu,
14:27 ils vont emprunter au moment où ils ont très peu,
14:29 puis rembourser au moment où ils ont plus.
14:31 Et s'ils ont suffisamment plus à un moment,
14:34 ils vont pouvoir aussi épargner.
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