• l’année dernière
L'Humanité a suivi Olivier Morin, éleveur de volailles bio dans l'Indre lors d'une déambulation au salon international de l'agriculture. Prix planchers, marges des grandes surfaces, coûts de production, normes en matière d'importations, autant de sujets abordés dans les allées du salon.

Mercredi matin, l'Humanité avait rendez-vous avec Olivier Morin, éleveur de volailles dans l'Indre et secrétaire national du syndicat agricole Modef, le mouvement de défense des exploitants familiaux. Notre idée, le suivre durant une déambulation dans les allées du salon afin de profiter de ses échanges avec les paysans qui sont au cœur de la crise qui secoue la profession.

Pour Kevin Sicard, qui valorise ses agneaux à 9,50 € le kilo, l'inquiétude grandit à l'idée d'augmenter son prix. «Il faudrait redistribuer la marge des grandes et moyennes surfaces (GMS) afin que nous soyons rémunéré comme il faut sans que le consommateur trinque», souligne le jeune éleveur.

« L'énergie et les engrais coûtent de plus en plus cher alors qu'il y a trente ans, on vendait nos bêtes aussi chers qu'aujourd'hui», tient a souligner Roland, éleveur à la retraite de Blondes d'Aquitaine.

Selon Laura, fille d'agricultrice, la concurrence «déloyale» de certaines importations de denrées alimentaires est très inquiétante : « En France, nous avons beaucoup de normes à respecter donc ce n'est pas très juste.»

C'est au tour de Lucie de nous expliquer sa situation en tant que productrice de pommes et poires bio dans les Hautes-Alpes. « L'année dernière, le prix du bio s'est éffondré et on ne sait plus comment faire pour joindre les deux bouts.»

Rencontre avec une délégation communiste

À travers les agriculteurs, qui ne représentent que près de 1,5% de la population active, c'est avec les zones rurales que la gauche espère renouer. À cet exercice, Fabien Roussel, fort d'une bonne cote de popularité, s'est toujours targué d'être un des meilleurs défenseurs du «terroir». «On parle la même langue» que les cultivateurs ou les éleveurs, assure-t-il, en ajoutant : « Dans le bon sens populaire, il y a le bon sens paysan ». « J'ai toujours défendu le terroir, la viande et le vin (...) face aux discours culpabilisants. Ça me vaut ici un accueil chaleureux », déroule le député du Nord avant d'aller caresser le postérieur des vaches, sous le regard de l'Auvergnat André Chassaigne, figure des questions agricoles.

Olivier Morin interpelle alors le secrétaire nationale du PCF : « En euro constant, la tonne de blé était à 350 € en 1983 alors qu'elle est aujourd'hui à peine à 200 euros...». « Il faut aujourd'hui rétablir plus de justice sociale et fiscale afin que sur la marge réalisée vous puissiez vous payer un salaire et investir. Il faut qu'on vous garantisse des revenus suffisants vous permettant de voir l'avenir et de vivre», conclue Fabien Roussel.

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Transcription
00:00 L'an passé, mes prix sont passés de 50 centimes à 35.
00:03 On a des trésoreries qui sont, on peut dire, inexistantes.
00:07 On ne sait plus comment faire pour joindre les deux bouts.
00:09 Je suis parti ce matin de ma ferme familiale
00:12 où j'élève des volailles en agriculture biologique,
00:15 depuis maintenant 4 ans, assez tôt,
00:16 pour venir ici au Salon de l'agriculture,
00:18 rencontrer toutes ces paysannes et ces paysans
00:20 qui sont au cœur de la crise depuis maintenant quelques temps.
00:23 Suivez-moi !
00:23 Moi dans mon cas par exemple,
00:25 je valorise les agneaux en ce moment à 9,50€ du kilo.
00:28 Il faudrait que ce prix-là soit quasiment le même toute l'année.
00:30 Il ne faudrait pas que ça descende en dessous.
00:32 Mais le souci, c'est qu'on ne peut pas continuer
00:34 à augmenter ce prix de vente-là. Pourquoi ?
00:35 Si on augmente ce prix,
00:37 on va augmenter encore le prix après en supermarché.
00:39 Effectivement, derrière, la viande est encore plus chère
00:43 et derrière, le consommateur n'achète plus.
00:44 S'il n'en achète plus, tout reste en ferme.
00:45 À l'inverse par contre, c'est peut-être redistribuer
00:48 la marge des GMS,
00:50 peut-être en donner un peu plus à l'éleveur
00:52 et qu'il se prélève peut-être un peu moins dessus
00:54 pour que nous justement, on soit rémunérés comme il faut
00:56 sans que le consommateur trinque derrière.
00:59 À ce sujet, il y a des syndicats agricoles comme le MoDef
01:02 qui proposent le coefficient multiplicateur
01:04 qui permet justement, dans la construction du prix final,
01:07 que chaque intermédiaire prenne sa marge,
01:10 mais juste ce qu'il faut pour que le paysan soit bien rémunéré
01:13 et qu'au final, le consommateur paye quelque chose
01:16 à un prix qui soit correct.
01:18 Il y a 30 ans, on vendait nos bêtes
01:23 parce qu'elles étaient aussi chères qu'aujourd'hui.
01:25 Mais pas avec le même coût de revient.
01:27 Les coûts de production augmentent
01:28 et puis le prix sur pied ou de carcasse, ça n'augmente pas ?
01:31 Ça n'augmente pas, ça reste bloqué à 50 centimes.
01:37 Il y a 20 ans, on vendait une bête 14,80€
01:40 avec un fioul qui nous coûtait 50 centimes.
01:44 Aujourd'hui, notre bête, elle est payée 6,50€
01:47 et le fioul, il vaut un 30.
01:49 Les engrais ont triplé.
01:50 Si les prix planchers sont décidés par les paysans,
01:53 par filière, par région et par période de l'année,
01:57 ça pourrait commencer à réfléchir un peu autrement.
02:01 Sur un prix assuré qui reste tout au long de l'année,
02:06 c'est sûr que ça nous permettrait de voir autre chose
02:08 et puis de vivre.
02:10 Ce que nous, on vend, que ce soit au même prix
02:16 que ce que ce soit à l'étranger.
02:18 Surtout qu'il y a les normes aussi.
02:21 Si nous, on a des normes à respecter en France
02:23 pour vendre nos produits et qu'à l'étranger,
02:25 ils ont d'autres normes, il y a un problème d'égalité.
02:27 Il faut rebeller le gérasson.
02:29 Surtout que la France, on a quand même beaucoup
02:32 de normes à respecter, donc ce n'est pas très juste.
02:35 - Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que l'installation
02:36 soit plus facile et qu'on ait plus de jeunes
02:39 pour reprendre nos fermes ?
02:39 - Des aides, plus d'aides peut-être.
02:42 - Un meilleur prix aussi ?
02:44 - Oui, aussi des aides un peu plus...
02:46 Parce que derrière, le prix d'exploitation, c'est cher.
02:49 Quand on est jeune et qu'on débarque,
02:50 on n'a pas forcément un sou en caisse
02:52 pour commencer.
02:53 S'installer, c'est très compliqué.
02:55 Déjà, on n'a pas forcément envie
02:56 quand on voit tout ce qui se passe.
02:57 Et puis, il faut une entrée d'argent
02:59 quand on s'installe.
03:00 - Je travaille avec des négociants
03:06 qui vendent principalement à des industriels
03:09 pour la pomme à compote,
03:10 donc pour les compotes de pommes.
03:11 Et là, les prix ne sont pas encadrés
03:14 et avec des marges, pas du tout encadrés non plus.
03:16 On a des fluctuations de prix très importantes,
03:18 notamment en 2023, quand le prix du bio s'est effondré.
03:21 Par exemple, quand avant, je vendais les pommes
03:23 aux alentours de 50 centimes le kilo hors taxe.
03:25 Donc, c'est des prix qui étaient rémunérateurs
03:29 difficilement suivant les années,
03:30 parce qu'en cas de gel, par exemple,
03:32 50 centimes, on s'en sort difficilement.
03:34 Et donc, du coup, l'an passé,
03:35 mes prix sont passés de 50 centimes à 35.
03:38 On a des trésoreries qui sont...
03:40 qui sont, on peut dire, inexistantes.
03:42 On ne sait plus comment faire pour joindre les deux bouts.
03:45 - Ça va ?
03:46 - Ça pourrait aller mieux, on va dire.
03:47 - Vous arrivez à vous sortir un salaire ou pas ?
03:49 - Pour que vous puissiez en vivre,
03:50 il faudrait que vous le vendiez à combien ?
03:52 - Ce qui est difficile dans nos métiers...
03:54 - Les aléas climatiques.
03:55 - C'est les aléas climatiques.
03:56 Et mon prix de revient,
03:57 il peut aller du simple au double,
03:59 en cas de gelée, par exemple.
04:00 - Justement, l'agriculture,
04:02 ce n'est pas une marchandise comme les autres.
04:05 Elle dépend... Il y a un facteur vivant,
04:07 il y a un facteur climatique.
04:08 Et c'est pour ça qu'il faut un système
04:09 qui vous garantisse,
04:11 en cas d'aléas climatiques mauvais,
04:12 que vous ayez une compensation.
04:14 Et il vous faut ensuite qu'il y ait des prix garantis,
04:17 rémunérateurs, qui vous permettent de sortir un salaire minimum.
04:20 Et c'est ce à quoi on travaille, qu'importe le nom.
04:22 Parce que la question des prix planchers,
04:24 que enfin le président de la République a verbalisé,
04:27 avec André Chassey, nous défendons le modèle depuis 30 ans.
04:32 Ça y est, c'est mis sur la table.
04:34 Si la filière ne se met pas d'accord,
04:36 mais que l'État intervienne pour qu'il y ait
04:38 une juste répartition de la marge,
04:40 de la valeur ajoutée.
04:41 Ce n'est pas normal qu'il n'y ait que le transformateur
04:43 ou la grande surface qui gagne des sous,
04:45 et parfois beaucoup de sous.
04:46 Il faut que vous, vous puissiez en gagner aussi,
04:48 et que vous puissiez vous payer avec ça.
04:50 En fait, là je suis avec l'UMA qui me suit dans une déambulation
04:52 où j'ai rencontré pas mal de paysans,
04:54 notamment dans le salon d'élevage,
04:56 parce que je suis un éleveur aussi.
04:57 Ce sont les prix planchers.
04:59 Moi, sur la ferme familiale, j'ai regardé les chiffres
05:01 de mon grand-père quand il emmenait du blé à la coopérative.
05:04 C'était 100 francs le quintal en 83.
05:06 J'ai fait le calcul avec l'INSEE,
05:09 pour voir comment ça faisait en euros constants aujourd'hui.
05:12 Et on est à 350 euros constants la tonne de blé en 83.
05:18 Aujourd'hui, elle est à 200 et même un peu moins.
05:20 À l'époque, il y avait un office public du blé.
05:22 C'est révélateur, ces chiffres que vous me donnez,
05:25 et j'en entends plein comme ça,
05:27 montrent que sur les marges qui sont réalisées dans l'agriculture,
05:31 c'est vous qui souffrez le plus.
05:33 C'est-à-dire que c'est sur votre dos
05:36 que l'industrie et les grandes surfaces se font du blé.
05:39 Ils gagnent beaucoup d'argent,
05:40 ils se font du blé, ils se font du beurre, ils se font de l'oseille.
05:42 Ça reste dans le monde agricole,
05:43 mais c'est sur votre dos que ça se fait.
05:45 Et donc, il faut aujourd'hui rétablir plus de justice fiscale, sociale,
05:51 c'est-à-dire faire en sorte que sur la marge réalisée,
05:54 vous, agriculteurs, producteurs,
05:57 vous puissiez non seulement vous payer un salaire,
05:59 payer des cotisations pour votre retraite, pour votre santé,
06:02 mais aussi tirer du bénéfice pour pouvoir investir,
06:06 tenir compte des aléas climatiques, d'une maladie qui intervienne.
06:10 Et donc, c'est pour ça qu'il faut avoir des prix garantis minimum,
06:13 rémunérateurs, planchers, qu'importe le mot.
06:16 Mais en tout cas, que l'on vous garantisse des revenus suffisants
06:20 vous permettant de voir l'avenir et de vivre.
06:22 [Bruit de cloche]

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