Le Sénat va-t-il donner son feu vert à l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution ce mercredi? Si le suspense reste entier après qu'un nouvel amendement LR a été ajouté lundi, certains chez Bruno Retailleau hésitent et pourraient changer d'avis.
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00:00 Mélanie Vaugelle, on peut dire que vous êtes pour l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution,
00:07 pour, sans aucune réserve ?
00:09 Sans aucune réserve, j'avais même été l'autrice de la première proposition de loi qui a été débattue et votée au Sénat,
00:15 donc je vous confirme, sans aucune réserve.
00:17 Xavier Breton, vous êtes contre ?
00:19 Tout à fait.
00:20 Sans aucune réserve, contre l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution ?
00:23 Oui, c'est après mûre réflexion.
00:25 Alors expliquez-nous, parce que ça peut paraître bizarre.
00:28 Si vous voulez, soit ça ne change rien, donc ça ne sert à rien, soit ça change quelque chose, mais il faut qu'on nous dise ce que ça change.
00:36 Et à ce moment-là, on se rend compte qu'en fait, dans l'avortement, vous avez deux principes, comme souvent dans les matières éthiques,
00:42 qui sont en confrontation.
00:43 Vous avez d'une part la liberté de la femme, qui existe et qui a toujours existé dans toutes les cultures,
00:47 la question de l'avortement, elle ne date pas d'aujourd'hui.
00:50 Elle n'a pas toujours existé précisément.
00:52 D'après le dit du droit, mais en tout cas en pratique.
00:54 Et puis vous avez la protection de la vie à naître.
00:58 Et la loi Veil, ça a été un équilibre douloureusement atteint, ça j'en suis tout à fait d'accord,
01:02 mais entre effectivement cette autonomie de la femme et puis cette protection de la fragilité, de la vulnérabilité.
01:08 C'est pour ça qu'on a mis des délais, c'est pas pour rien.
01:11 Et donc on a cet équilibre qui aujourd'hui existe.
01:13 Et en constitutionnalisant, on va déséquilibrer, on ne parle plus que de la liberté de la femme.
01:18 Et encore une fois, il faut bien sûr en parler, mais on ne parle plus du tout de la protection de la vie à naître.
01:22 C'est là où il y a le danger, parce qu'on se rend compte que derrière ce texte,
01:25 il y a par exemple le planning familial qui revendique une suppression de tout délai pour l'IVG.
01:29 C'est-à-dire une possibilité d'avortement.
01:31 Vous êtes contre l'existence même du planning familial ?
01:33 Non, je mets en cause leur plan stratégique qui prévoit une suppression des délais jusqu'à 9 mois.
01:39 Heureusement qu'ils sont là aujourd'hui en France en 2024.
01:40 Si c'est pour aller jusqu'à 9 mois d'avortement, je pense que la question se pose.
01:43 Je vous sens agacé peut-être, ou en tout cas vous souhaitez réagir à ce que dit votre contradictoire.
01:48 Premièrement, on ne sait pas ce que ça va faire.
01:51 Si ça fait quelque chose, ce serait un problème.
01:54 Et si ça ne sert à rien, je vais vous dire très clairement ce que va faire la loi constitutionnelle
01:58 que nous allons voter cet après-midi au Sénat, si elle est votée.
02:01 Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil d'État qui l'a écrit très clairement dans son avis.
02:05 Quel est l'objet du texte de cet après-midi ?
02:07 On va voter sur quoi ? Et pour produire quoi comme effet dans le vrai monde ?
02:11 Pour permettre que demain, le législateur ne puisse ni interdire l'IVG en France,
02:17 ce qu'aujourd'hui il peut faire,
02:19 ni restreindre le droit à l'IVG de telle sorte qu'en fait ça reviendrait à une interdiction de fait.
02:25 C'est ça qui se passe cet après-midi.
02:28 Aujourd'hui, et le Conseil d'État le confirme également,
02:31 le droit à l'IVG n'a pas de protection constitutionnelle.
02:34 Je voudrais revenir sur ce qu'a dit monsieur...
02:36 - C'est faux.
02:38 - Ah non c'est absolument vrai.
02:39 - Il y a l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme où il y a "liberté de la femme".
02:42 - Je ne vous ai pas interrompu alors que vous avez déblatéré un certain nombre de contre-arguments.
02:45 - Je ne vous ai pas déblaté un certain nombre d'arguments, j'argumentais.
02:47 - J'argumente sur le fond.
02:49 Nous avons en France une constitution qui n'a pas changé depuis 1958 sur ce sujet.
02:55 Entre 1958 et 1974, l'IVG était en France un crime.
03:00 L'avortement était criminalisé.
03:02 La constitution ne l'empêchait pas.
03:04 Le Conseil d'État nous dit dans son avis, lisez,
03:06 "le droit à l'avortement ne fait l'objet d'aucune protection constitutionnelle".
03:10 Enfin je ne vous demande pas de faire confiance à Mélanie Vaugelle.
03:12 On pourrait dire "je suis biaisé".
03:14 C'est le Conseil d'État qui le dit.
03:16 Quant à ce que vous avez dit sur les deux principes,
03:18 en réalité il n'y a pas deux principes, il y en a trois quand on regarde le droit à l'IVG.
03:21 Il y a la dignité de la vie humaine à prendre en compte.
03:25 Je finis parce que c'est important.
03:27 La liberté de conscience, de laquelle découle la clause de conscience des médecins,
03:30 et la liberté des personnes à recourir à l'IVG.
03:33 Les deux premiers sont déjà protégés dans la constitution.
03:35 La dignité humaine et la liberté de conscience sont protégées.
03:38 Par contre, la liberté de recourir à l'IVG ne l'est pas.
03:41 Donc au contraire, il s'agit là de retrouver l'équilibre qu'on avait trouvé dans la loi Veil,
03:46 qui aujourd'hui n'est pas dans la constitution,
03:48 puisqu'on protège la liberté de conscience et la dignité humaine,
03:51 et pas la liberté d'avoir accès à l'avortement.
03:53 Xavier Breton, pourquoi être contre le renforcement d'un droit ?
03:56 C'est-à-dire que ça n'enlève de droit à personne, au contraire.
03:58 Ça renforce le droit à l'avortement.
04:02 Encore une fois, la liberté de la femme s'appuie sur un fondement constitutionnel.
04:05 Le Conseil d'État le dit.
04:06 L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens.
04:08 Donc il y a bien...
04:09 Relisez la vie du Conseil d'État.
04:11 C'est vous qui pouvez le relire.
04:13 Il y a effectivement cette fondation constitutionnelle.
04:15 Simplement, on va maintenant déséquilibrer les choses.
04:18 Et donc, ce qu'il faut, c'est qu'il y ait toujours cette protection de la vie à l'être.
04:21 Encore une fois, par exemple...
04:22 Et vous la mettez au-dessus du droit des femmes à disposer de leur corps ?
04:26 Non, je le mets dans l'équilibre.
04:27 Vous la mettez exactement au même niveau ?
04:29 Simplement, moi je le reconnais.
04:31 Simplement, je voudrais vous poser une question.
04:32 Est-ce que vous êtes pour ou contre l'IVG jusqu'à 9 mois ?
04:36 Le planning familial est pour ? Répondez-moi.
04:38 Il faut être très clair.
04:39 Parce qu'en fait, le calcul qui est derrière, c'est d'aller à un avortement inconditionnel.
04:43 On le sait bien.
04:44 C'était la présidente du planning familial qui trônait dans la tribune d'honneur
04:47 pendant qu'on débattait de ce sujet.
04:50 Elle écoutait les débats parlementaires.
04:52 Donc, ce n'est...
04:53 On peut avoir un débat général sur quels sont les délais
04:58 de 14 semaines, 16 semaines, 22 semaines.
05:00 Pas de délai comme au Canada.
05:01 C'est un débat très intéressant.
05:02 Votre position.
05:03 Oui, attendez.
05:04 Écoutez, parce qu'en fait, le sujet aujourd'hui,
05:05 ce n'est pas votre préoccupation sur ma position sur les délais.
05:09 Le sujet aujourd'hui...
05:10 Si je te permets d'y voir...
05:11 Non, non, non, non.
05:12 Le sujet aujourd'hui, c'est le texte qu'on vote cet après-midi.
05:14 Le texte qu'on vote cet après-midi n'a aucun rapport, aucun rapport avec les délais.
05:18 Et le Conseil d'État le dit dans son avis très clairement.
05:21 Il n'impose aucune obligation pour changer le droit existant.
05:25 Ça ne change rien sur les délais.
05:26 Et d'ailleurs, la phrase qu'on va voter, c'est
05:28 "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la loi."
05:32 La loi détermine les conditions.
05:33 Les conditions, ça peut être des délais.
05:35 On a eu des délais à 10 semaines, 12 semaines, 14 semaines, ça peut être 16 semaines.
05:39 Donc, il n'est pas question aujourd'hui de changer quoi que ce soit sur les délais.
05:43 Vous avez dit "potons".
05:44 L'argument de certains, c'est aussi de dire
05:47 "Mais pourquoi faire cela, puisqu'en France, on ne reviendra jamais sur l'avortement ?"
05:52 Est-ce que vous faites partie de ceux qui disent...
05:54 Non, moi ça je comprends qu'on puisse mettre un droit dans la Constitution
05:58 en prévoyant l'avenir.
05:59 Et ça, là-dessus, je ne suis pas dans une logique comme ça.
06:01 Il faut simplement dire que l'accès à l'IVG en France aujourd'hui n'est effectivement pas menacé.
06:05 On a une hausse, on a un taux de recours à l'IVG, etc.
06:08 Après, on ne sait jamais ce qui peut se passer, donc moi je suis ouvert là-dessus.
06:11 Je dis simplement que ceux qui défendent cette inscription de la Constitution,
06:14 qui promuevent cette inscription, veulent aller vers un avortement inconditionnel.
06:19 Donc, il faut simplement les démasquer.
06:21 Mais c'est faux !
06:22 Oui, c'est démasqué.
06:23 Mais c'est faux !
06:24 Une fois que c'est dit, c'est dit.
06:25 Je dis simplement, moi je suis toujours dans l'équilibre
06:28 parce qu'il y a une protection de la vie à naître qui est en confrontation avec la liberté de la femme.
06:33 En matière d'éthique et de biotique, vous avez toujours deux principes qui sont en confrontation.
06:38 Le principe de l'autonomie, qui consiste à dire que chacun sait ce qui est bon pour lui,
06:42 et la femme sait ce qui est bon pour elle, on est d'accord.
06:44 Et le principe de la vulnérabilité, de la fragilité.
06:47 C'est Jean-Leonty qui nous expliquait ça en disant qu'on doit avoir une attention plus fragile.
06:50 Le plus fragile, c'est effectivement l'enfant à naître, et donc la vie à naître, qu'on doit protéger.
06:54 Et donc, la législation le fait, ce n'est pas facile à faire, encore une fois.
06:57 C'est question de délai.
06:59 Il y avait des notions, effectivement, de détresse qu'on a supprimées avec le temps.
07:03 Donc on voit bien que ça nous travaille.
07:05 Mais on est dans une logique non pas de droit, et de tout blanc, tout noir.
07:08 On est simplement dans une logique d'équilibre entre deux principes.
07:10 Ce que je crois entendre dans ce que vous dites, et je m'adresse à vous Mélanie Vaugelle,
07:13 c'est l'attention qu'il faut porter à ne pas banaliser l'IVG.
07:18 Non, non. Je suis désolée, mais ces considérations n'ont aucun rapport avec l'objet du débat aujourd'hui.
07:25 Dire que les promoteurs et les promotrices de ce texte, c'est celles et ceux qui sont favorables,
07:29 les presque 500 députés qui ont voté pour à l'Assemblée Nationale,
07:33 veulent supprimer tout délai d'accès à l'IVG en France,
07:36 franchement, c'est de la fake news.
07:38 Je suis désolée, c'est n'importe quoi.
07:39 Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit ceux qui militent pour.
07:42 Voilà. Veulent supprimer tout. C'est faux. C'est faux.
07:45 Ce n'est pas... Prouvez-moi. Il y a presque 500 députés qui ont voté en faveur.
07:49 Non mais attendez.
07:50 Allez me dire qu'il y a 500 députés qui veulent supprimer tout délai.
07:52 Mais ce n'est pas la question. Ils sont, je l'ai dit pendant les débats,
07:55 le gouvernement et ceux qui votent sont les larbins du planning familial.
07:59 C'est un conflit. Le planning familial.
08:00 Je reprends ce terme-là qui est fort parce qu'il y a simplement des militants
08:03 qui sont pour l'avortement inconditionnel,
08:05 qui sont pour la suppression de la clause de conscience,
08:07 qui sont pour la suppression des délais.
08:09 La clause de conscience des médecins qui figure dans un amendement
08:12 qui sera examiné aujourd'hui au Sénat à l'initiative du patron,
08:18 des sénateurs de votre groupe politique.
08:20 Ils souhaitent l'intégrer, le protéger également, au moins créer le débat là-dessus.
08:23 Non, Bruno Retailleau qui souhaite empêcher le Sénat de voter sur le même texte
08:27 qu'à l'Assemblée Nationale, parce que je vous signale que Bruno Retailleau,
08:30 c'est la troisième fois qu'on vote au Sénat sur un texte visant à introduire
08:33 le droit à l'IVG dans la Constitution.
08:35 Les deux dernières fois, Bruno Retailleau, la clause de conscience,
08:37 ça ne l'a pas trop préoccupé. C'est une simple manœuvre pour essayer
08:40 que nous votions un texte non conforme.
08:42 Je voudrais juste dire, parce que c'est important, l'effet de ce texte,
08:46 le choix que nous devons faire cet après-midi,
08:48 c'est est-ce que nous inscrivons dans la Constitution
08:51 l'impossibilité pour le législateur, demain, de faire simplement deux choses,
08:56 pas les délais, pas la clause, deux choses, interdire le droit à l'IVG
09:00 ou le restreindre tellement que ce droit n'aurait plus d'effet.
09:03 Si vous votez pour, c'est que vous considérez que c'est juste
09:06 de dire qu'aujourd'hui en France, le droit à l'IVG est tellement important
09:09 qu'il ne faut jamais le remettre en cause.
09:11 Si vous votez contre, ça veut dire quoi ?
09:13 Ça veut dire que vous voulez que le législateur conserve le droit, demain,
09:16 de pouvoir potentiellement faire ces deux choses, et uniquement deux choses,
09:19 interdire l'IVG ou le réduire tellement qu'il n'ait plus aucune portée.
09:22 Xavier Breton, vous avez des femmes ou des filles autour de vous ?
09:25 Oui.
09:26 Elles vous engueulent ou pas ?
09:27 Non.
09:28 Sur ce sujet-là, sur votre position ?
09:30 On a des débats, et je vais vous dire, quand je vois que les positions
09:32 de certains sénateurs sont dues à ce qu'ils se fassent engueuler ou non,
09:36 c'est un manque de colonne vertébrale.
09:38 Vous trouvez ça ridicule, de changer d'avis ?
09:40 Non, pas du tout, pas du tout, mais simplement, on nourrit sa réflexion,
09:44 parce qu'on est confronté soi-même à des situations, en famille, avec des amis, etc.
09:48 Mais ensuite, on prend une position générale.
09:50 Mais vous êtes un homme, parfois vous ne vous dites pas,
09:53 ça me touche peut-être moins que...
09:55 Il y a 30% de sénatrices au Sénat, seulement.
09:57 C'est vrai que ces questions d'éthique,
10:00 j'ai aussi travaillé sur les questions de filiation, etc.,
10:03 on voit les choses différemment en tant qu'hommes et femmes.
10:05 D'ailleurs, c'est une question de sexe masculin ou féminin,
10:08 dont acte, il faut l'assumer.
10:10 Après ça, je ne m'interdis pas de parler.
10:12 Je dis ce que c'est.
10:14 Je n'ai jamais eu, personnellement, recours à l'IVG,
10:17 je ne pourrai jamais le faire, mais simplement, j'entends.
10:19 Et quand on est législateur, on ne peut pas être dans toutes les positions, etc.
10:22 Quand on les délibère actuellement sur l'agriculture, je ne suis pas agriculteur.
10:26 Je ne m'interdis pas de réfléchir à l'agriculture.
10:28 Donc, il faut, encore une fois, simplement s'alimenter de tout ce qui se passe autour de nous.
10:34 Et aujourd'hui, il y a un vrai risque,
10:36 parce qu'aujourd'hui, vous iriez vers un IVG inconditionnel, sans délai de recours.
10:41 Le Conseil constitutionnel dirait "Ah non, non, non, ce n'est pas possible dans l'équilibre actuel".
10:45 En déséquilibrant tel que c'est, ça ouvrira la porte à cette possibilité.