4 Mars 2024, le Parlement adopte l'inscription de l'IVG dans la Constitution. Un "jour historique" , mais qu'en est-il concrètement de l'accès à l'IVG sur le territoire ? En France, une femme sur trois avorte au cours de sa vie. En 2022, 234 000 IVG ont été réalisées, un chiffre en hausse. Si les chiffres montrent que le droit à l'avortement est acquis, ils cachent une réalité plus sombre. Déserts médicaux, allongements des délais de consultation, manque de personnel formé et soignants qui invoquent leur clause de conscience, l'accès à l'IVG est un vrai parcours de la combattante. Malgré l'inscription dans la Constitution, l'accès à l'IVG reste inégal en France. Année de Production : 2023
Category
📺
TVTranscription
00:00 ...
00:12 -En France, une femme sur trois avorte au cours de sa vie,
00:17 mais 50 ans après la loi Veil,
00:19 l'interruption volontaire de grossesse
00:21 reste un sujet sensible.
00:23 -En tant que femme, nous avons le droit de disposer de notre corps.
00:26 -Mars 2024.
00:28 Le Parlement, réuni en congrès à Versailles,
00:31 adopte l'IVG dans la Constitution.
00:33 La France devient le premier pays au monde
00:35 à inscrire l'avortement dans sa loi fondamentale.
00:39 -Aujourd'hui, nous pouvons changer le cours de l'histoire.
00:43 Il est de notre devoir que les consciences
00:46 qui s'éveillent à présent et celles qui éclorent demain
00:49 ne soient plus hantées par ces souvenirs macabres,
00:52 mais qu'elles soient plutôt habitées par la fierté
00:54 que nous leur aurons ainsi léguée,
00:56 celle d'appartenir à un peuple éminemment libre.
00:59 -La semaine dernière encore,
01:01 beaucoup pensaient que ce congrès était inaccessible,
01:04 que le conservatisme serait plus fort.
01:07 Et pourtant, nous sommes là.
01:09 Applaudissements
01:10 -Le droit de disposer de son corps,
01:13 de choisir et non de subir sa maternité
01:17 est la condition de l'émancipation des femmes.
01:20 -Un moment historique,
01:22 mais qu'en est-il concrètement de l'accès à l'avortement en France ?
01:26 Derrière les célébrations, sous les ors du congrès à Versailles,
01:30 se cache une réalité plus sombre.
01:31 -Il y a des difficultés,
01:33 c'est le parcours de la combattante.
01:35 -La majorité du temps, c'est la dernière roue du carrosse.
01:38 -Il est hors de question qu'on ait des chambres réservées
01:41 aux évangélistes, du personnel réservé à ces pratiques
01:45 avec une étiquette "l'avorteur du quartier".
01:47 Musique sombre
01:49 ...
01:56 En France, depuis 2022,
01:58 l'avortement est autorisé jusqu'à 14 semaines de grossesse.
02:01 Un allongement du délai d'IVG
02:03 qui masque une réalité plus sombre sur le terrain.
02:06 130 centres auraient fermé leurs portes en 15 ans.
02:09 Alertée par ce chiffre, la présidente
02:11 de la délégation aux droits des femmes du Sénat
02:13 va constater la situation par elle-même.
02:16 Rendez-vous pris à l'hôpital de Sers, dans Lyon,
02:19 en plein coeur d'un désert médical.
02:21 -Une grande majorité du département
02:23 manque de médecins, de médecins généralistes,
02:26 manque cruellement de spécialistes également,
02:29 manque de gynécologues.
02:31 Quand on est surprise d'être enceinte
02:34 et qu'on ne souhaite pas avoir cet enfant,
02:36 je pense qu'on est un peu perdu, qu'on ne sait pas vers qui se tourner.
02:40 Musique sombre
02:43 -A l'hôpital de Sers, près de 400 femmes
02:46 ont eu recours à une IVG en 2023, un chiffre stable.
02:50 Le docteur Delinger,
02:52 chef du pôle gynécologie et obstétrique,
02:54 reçoit la sénatrice dans son service.
02:56 -On va ouvrir là.
02:58 Voilà, donc on se retrouve dans une salle d'accouchement,
03:03 où ils sont pris en charge, les femmes.
03:06 Musique sombre
03:08 -Nous avons voté la constitutionnalisation de l'IVG,
03:12 mais ça n'est pas tout.
03:13 L'important, c'est d'avoir accès à l'IVG,
03:16 donc il est important de savoir comment ça fonctionne,
03:19 en réalité, dans nos départements,
03:22 et évidemment, en particulier dans le département de Lyon.
03:25 Ca m'intéresse assez directement.
03:28 -Un gynécologue obstétricien préfère soigner des patientes
03:32 et faire des interventions sur des maladies
03:36 que de mettre du temps réservé pour l'IVG.
03:42 On est déjà contraints,
03:43 on a déjà des difficultés à pratiquer nos interventions de soins normales.
03:48 L'IVG, c'est une activité supplémentaire
03:51 et personne ne veut faire partie de cette population,
03:56 avec une étiquette "l'avorteur du quartier".
03:59 -C'est une activité que vous mettez un peu à part ?
04:02 -C'est une activité qui est tout à fait à part pour une raison simple,
04:05 c'est que, je reviens sur le départ,
04:07 un médecin, quand il soigne un malade, il est malade,
04:10 donc il pose une indication, c'est lui qui choisit ce qu'il fait,
04:13 comment il le fait, quelle technique il utilise,
04:16 et il prend ses risques.
04:17 Dans un IVG, vous ne faites rien de tout ça.
04:19 On vous impose une prise en charge
04:22 et on vous dit "sauf qu'il peut,
04:24 débrouillez-vous pour que ça se passe bien".
04:26 -Dans son service, même si ce n'est pas sa priorité,
04:29 le docteur de l'Ingé maintient l'accès à l'avortement coûte que coûte.
04:33 Car malgré la hausse de 25 % du forfait de l'IVG,
04:36 il suscite peu d'intérêt de la part des soignants.
04:39 Dans les déserts médicaux, l'accès y est inégal,
04:42 par manque de professionnels
04:44 ou d'établissements qui acceptent de les pratiquer.
04:47 ...
04:49 -Dans mon service, mais c'est spécifique,
04:52 cette question est posée
04:56 lorsqu'on...
04:57 Lorsque les gens candidatent à un poste,
04:59 et par définition,
05:02 elle fait partie de l'activité normale du service.
05:05 Et donc, une personne qui ne veut pas participer à ces activités
05:10 n'est pas engagée dans le service.
05:12 C'est un moyen de tri, entre guillemets,
05:16 qui fait qu'on peut perdre d'excellents praticiens.
05:19 C'est compliqué, parce que lorsque vous êtes en pénurie,
05:23 il faut choisir.
05:25 Bon, vous comprenez bien que l'IVG n'est pas
05:30 en tête de gondole.
05:32 Et donc, le problème devient très compliqué.
05:35 Musique douce
05:38 ...
05:41 -234 000 interruptions volontaires de grossesse
05:44 ont eu lieu en 2022,
05:46 soit le chiffre le plus haut de ces 30 dernières années.
05:49 Pourtant, le maintien du droit à l'IVG
05:52 repose parfois sur une poignée de praticiens militants
05:55 bientôt à la retraite.
05:56 ...
05:59 -Je m'appelle Michel Neni.
06:01 Je suis né en 1947, donc c'est un petit peu loin.
06:04 Et je suis médecin généraliste depuis 1976.
06:07 Dans le milieu où il n'y a plus de médecins
06:09 pour pratiquer les IVG là-bas
06:11 et qu'il y avait le projet de former les sages-femmes,
06:14 j'ai travaillé depuis deux ans maintenant,
06:16 un jour par semaine, à la fois pour former les IVG
06:19 mais surtout pour former les sages-femmes partantes.
06:22 Ca correspondait bien à mes idées politiques.
06:25 J'ai été 60 ans plus tard, j'avais connu la passion de la pilule,
06:28 l'alimentation sexuelle.
06:29 Je me rappelle l'histoire quand j'étais très, très gamin,
06:32 une dizaine d'années, une cousine qui était morte d'avortement.
06:36 On m'avait pas dit que c'était avortement,
06:38 mais on m'avait dit que c'était la panicite à l'époque.
06:41 Ca, c'était les années 55, peut-être.
06:44 J'avais bien compris qu'il y avait une histoire louche.
06:46 Quand j'ai compris, j'ai bien vu que c'était ça.
06:49 Ca m'avait choqué, ça.
06:50 -Pour améliorer l'accès à l'IVG,
06:52 les sages-femmes sont autorisées à pratiquer des avortements,
06:56 par voie médicamenteuse et depuis peu, par voie chirurgicale.
06:59 -C'est un désert médical,
07:01 mais il suffit d'assez peu de gens pour que ça tourne.
07:04 Un hôpital qui accueille avec une ou deux sages-femmes qui pratiquent,
07:08 et ça suffit.
07:09 Des sages-femmes autour qui font les IVG médicamenteuses, ça suffit.
07:13 Après leurs études, elles sont formées en gynécologie.
07:16 Elles savent examiner une femme, elles font les suivis de grossesse,
07:19 les accouchements, plein de choses qui les engagent plus
07:22 au niveau de la responsabilité.
07:24 Elles sont très compétentes.
07:26 Quand je travaillais à la maternité d'Orléans,
07:28 les sages-femmes me montraient comment faire.
07:31 Ca fait un peu plus d'une heure et demie de trajet.
07:38 Ca fait 120 km, un peu plus d'une heure et demie de trajet,
07:42 le soir et le matin.
07:43 Je le ferai pas tous les jours, mais une fois par semaine,
07:46 ça me gêne pas.
07:47 Et puis, il y a besoin.
07:48 Moi, ça me plaît bien d'aller faire ce que je fais,
07:51 d'aller aider une équipe à se mettre en place.
07:54 Ca me plaît bien, même si je suis en retraite depuis pas mal de temps.
07:57 -Bonjour, M. Lely. -Bonjour, M. Lely.
08:05 Ca va ? -Ca va, et vous ?
08:06 Ce matin, on a une IVG sous locale.
08:09 -D'accord. -Et puis, voilà,
08:11 la dame est en chambre, elle est arrivée.
08:13 Je l'ai vue tout à l'heure quand elle est arrivée.
08:15 Elle allait bien.
08:16 -Voilà.
08:21 -Bonjour. -Bonjour.
08:22 Ca te plait pas la tête ? -Non, ça va.
08:24 -Bon, bah... -On va effectuer
08:26 une IVG instrumentale sous anesthésie locale
08:29 chez une patiente qui est à huit semaines et demie,
08:32 donc presque neuf semaines d'améliorée.
08:35 C'est la limite, en fait, de termes
08:38 entre l'IVG médicamenteuse et l'IVG instrumentale.
08:41 On a plus penché sur l'IVG instrumentale,
08:43 même si on était à huit et demi,
08:45 parce qu'elle voulait qu'on mette un stérilet, en fait,
08:48 après la chirurgie, et c'est vrai que c'est un des avantages
08:52 de l'IVG instrumentale.
08:53 Est-ce que je peux mettre le spéculum ?
08:55 C'est comme la consultation en bas.
08:58 Oui, j'y vais ?
08:59 Ne soyez pas surprise, je vous touche.
09:01 Ca va ? -Ca va, ça ?
09:03 Respirez bien.
09:04 Tranquillement, mais respirez bien.
09:07 -Les gars, ça va vous aider. -Voilà.
09:09 Respirez bien.
09:10 La première anesthésie est faite, je vais refaire une deuxième.
09:14 Vous avez déjà moins de ressentir,
09:16 puisque la première a fait déjà un petit peu effet.
09:19 Ca va ?
09:20 Super. C'était le petit test pour savoir si ça faisait mal ou pas.
09:24 L'anesthésie fonctionne bien.
09:25 -Ca, ça peut être.
09:27 -J'ai l'impression que je passe peu avec l'IVG.
09:29 -Oui, d'accord.
09:30 ...
09:37 J'enlève tout.
09:38 C'est fini.
09:40 Je vous embête plus.
09:41 Je trouve qu'en fait, il faut...
09:44 Comprendre un petit peu,
09:46 voir comment on dit le coup de main, en fait.
09:48 Une fois qu'on a ce coup de main,
09:51 on a un petit déclic,
09:53 mais sinon, c'est pas un geste très difficile à réaliser.
09:56 C'est vrai qu'on peut avoir des petites difficultés
09:59 à réaliser des gestes, mais c'est pas simple.
10:02 Il faut attendre, il faut être patient,
10:04 il faut y aller surtout en douceur
10:06 pour pas risquer de perforer l'utérus, justement.
10:09 Le Dr Nény est là pour regarder l'échographie.
10:12 C'est une chance qu'on soit tous les deux encore.
10:15 ...
10:23 -Pour Océane, seule sage-femme de l'hôpital
10:25 à pratiquer les IVG chirurgicales, les rendez-vous s'enchaînent.
10:29 Ici, à Vierzon, une femme sur cinq vient d'un département voisin,
10:33 faute de solutions à proximité de chez elle.
10:36 A 41 ans, cette patiente, déjà mère de trois enfants,
10:40 est tombée enceinte sous contraception.
10:43 -Comment vous êtes aperçue que vous êtes enceinte ?
10:45 -J'aurais dû avoir un mérèque la semaine dernière.
10:48 -Vous êtes en couple, c'est ça ? -Bah...
10:51 Oui et non. Il y a trois mois, en fait.
10:53 -Ah, d'accord, OK. Et qu'est-ce qu'il vous a dit ?
10:56 -Il est super. -Il est super ?
10:57 Par rapport à la méthode, on a deux méthodes par rapport à l'instrumental,
11:01 soit sous anesthésie locale ou générale.
11:03 -Générale. -Ou locale ?
11:05 -Locale. -Bon.
11:06 -On va l'enfermer, là, des fois. -Au moins comme ça.
11:09 -Non, je préfère être consciente.
11:11 La dernière fois, j'ai fait beaucoup plus avancé.
11:14 Je savais que j'allais avoir mal, mais on a fait une locale.
11:17 -Derrière, il y a un détecte un peu méditant,
11:20 et je me dis, pour les femmes,
11:22 je suis vraiment contente d'être là, en fait, pour les aider,
11:25 pour les accompagner dans cette étape de leur vie.
11:29 -Il faut vraiment qu'une autre fache-femme
11:32 puisse faire la même chose,
11:34 pour que ça soit un peu plus pérenne,
11:37 parce que là, ça tient un peu de choses.
11:39 Musique douce
11:41 -À l'hôpital de Vierzon, aucun des gynécologues
11:44 n'a souhaité expliquer devant notre caméra
11:47 pourquoi ils refusent de pratiquer les IVG.
11:49 Musique douce
11:52 En 1975, Simone Veil a inscrit dans la loi
11:55 une clause de conscience spécifique pour l'avortement.
11:58 L'IVG est encore considérée par certains médecins
12:01 comme un acte à part.
12:02 Musique douce
12:05 Au planning familial de Paris, les conseillères orientent
12:08 les femmes qui souhaitent mettre un terme à leur grossesse.
12:11 -Bonjour. Vous auriez besoin d'un renseignement
12:14 sur la prise de rendez-vous ?
12:15 D'accord. D'accord. OK.
12:19 Est-ce que vous êtes déjà venue au planning familial ?
12:22 -Le numéro vert offre un espace d'écoute anonyme
12:24 et gratuit. Ici, on milite pour supprimer
12:27 la clause de conscience des soignants.
12:29 -C'est un combat historique,
12:31 car tous les médecins ont une clause de conscience.
12:33 L'avortement, c'est le seul acte où il y en a une supplémentaire.
12:37 Ca stigmatise l'avortement, quelque part.
12:39 Quand vous allez en étude de médecine ou de sages-femmes,
12:42 on vous dit que sur cet acte, il y a une clause de conscience.
12:46 Symboliquement, c'est assez fort.
12:48 Encore une fois, ça fait partie de "l'avortement est un acte à part".
12:52 On accueille en interne des médecins, des sages-femmes
12:54 qui souhaitent se former.
12:56 Il y a des volontaires, des professionnels
12:58 qui sont très alliés par rapport à ça,
13:01 mais en effet, ils sont pas beaucoup.
13:03 -Aux difficultés liées à la pénurie de praticiens
13:06 s'ajoute la clause de conscience des soignants
13:08 inscrite dans la loi.
13:10 Cependant, pour la présidente
13:12 de la délégation aux droits des femmes du Sénat,
13:15 l'essentiel est de garantir l'accès à l'IVG.
13:17 -Laissons cette clause de conscience,
13:20 qui, de toute façon, est constitutionnalisée,
13:22 donc on ne pourrait pas la retirer non plus si facilement que ça,
13:26 mais par contre, effectivement, on peut peut-être dire
13:29 que lorsqu'on travaille dans un hôpital public
13:31 avec de l'argent public, on applique la loi,
13:34 rien que la loi, toute la loi, et la loi, toute la loi,
13:37 c'est les IVG aussi, tous les IVG.
13:40 Musique douce
13:42 ...
13:46 -Pour comprendre pourquoi certains médecins
13:49 refusent de pratiquer des IVG,
13:51 nous sommes allés voir le président
13:53 du syndicat des gynécologues obstétriciens.
13:55 A titre personnel, il invoque sa clause de conscience.
13:58 Ainsi, même au plus haut niveau,
14:00 il existe des résistances aux droits à l'IVG.
14:02 -Ce n'est pas un geste anodin, c'est supprimer une vie.
14:06 Petit à petit, c'est rentré
14:09 comme étant un moyen,
14:11 un moyen d'assurer sa contraception.
14:14 -Un argument contre l'avortement,
14:16 qui n'est démontré par aucune étude,
14:18 le manque d'attrait pour l'IVG s'expliquerait aussi,
14:21 selon le docteur de Rochambeau,
14:23 par la situation de l'hôpital public,
14:25 car c'est un acte peu rentable.
14:27 Quand la loi Veil a été adoptée,
14:29 l'avortement n'était pas remboursé par la Sécurité sociale.
14:32 L'IVG était donc peu cher pour être accessible à toutes.
14:35 Prise en charge à 100 % depuis 2016,
14:38 l'avortement reste trop peu rémunérateur
14:40 pour les médecins.
14:42 -C'est pas un secret, les hôpitaux vont très mal,
14:45 ils mangent trop d'argent par rapport à ce qu'ils rapportent.
14:49 Et c'est pas fini.
14:51 Et donc, quand, dans un établissement,
14:54 dans la gestion d'un établissement,
14:57 réaliser des interruptions de grossesse
14:59 creuse le déficit,
15:02 vous comprenez que les directeurs et tous les bons gestionnaires
15:06 disent "Est-ce qu'on peut pas faire autrement ?"
15:08 La majorité du temps, c'est la dernière roue du carrosse.
15:12 On fait ça quand on a fait tout le reste,
15:14 mais qui reste ? Avec des échographes d'un autre âge,
15:18 qu'on a pas encore mis au rebut, mais qui vont servir à faire les IVG.
15:22 -Il y a une vraie difficulté sur l'avortement
15:25 à faire en sorte qu'il y ait des professionnels
15:27 qui puissent pratiquer l'avortement.
15:29 Pour nous, c'était important,
15:31 parce que dans les entraves qu'il peut y avoir,
15:34 la loi dit bien qu'on a le choix de la méthode.
15:36 Il y a deux méthodes en France,
15:38 l'IVG médicamenteuse et l'IVG par aspiration.
15:41 On voit une augmentation très forte,
15:43 il y a 73 % de femmes qui font des IVG par voie médicamenteuse.
15:46 Alors, si c'est leur choix, très bien.
15:48 La seule chose, c'est que nous, on sait que sur des territoires,
15:52 il y a des femmes qui font des avortements
15:54 jusqu'à 12 semaines et qu'on leur propose pas d'alternative.
15:57 Musique douce
16:00 ...
16:02 -Si deux tiers des IVG se font par voie médicamenteuse,
16:05 la femme peut demander une IVG par aspiration,
16:08 sous anesthésie locale ou générale.
16:10 ...
16:13 Un choix pas toujours respecté,
16:14 c'est ce qui est arrivé à cette Rennaise, il y a un an.
16:17 -Dès que j'ai su que j'étais enceinte,
16:20 je le sais pas, c'est 2-3 jours,
16:21 mais j'ai téléphoné au centre IVG de Rennes.
16:24 On m'a donné un premier rendez-vous.
16:26 Euh...
16:27 J'y suis allée avec une amie.
16:29 -Craignant la douleur, elle demande une anesthésie générale.
16:33 -Et là, on me dit que je suis enceinte
16:35 depuis pas assez longtemps pour avoir un créneau,
16:38 parce que, comme c'est la méthode la plus appropriée
16:41 pour des grossesses avancées,
16:42 pour justifier de prendre un créneau comme ça,
16:45 il faut des femmes avec un délai de grossesse avancé.
16:48 Et moi, je l'ai su trop tôt.
16:50 Quand elle me donne la date, je fends en larmes,
16:52 parce que c'est 4 semaines plus loin,
16:54 et que ça veut dire 4 semaines à être épuisée,
16:57 je travaille à plein temps, j'ai 2 enfants en garde alternée,
17:00 qui sont petits encore, donc voilà, beaucoup d'énergie.
17:03 J'arrive le matin à 8h,
17:05 et on me fait m'installer dans une salle, me changer,
17:09 et on me dit... Une médecin vient me voir,
17:11 et elle me dit "Vous ne passerez pas avant midi,
17:14 "parce que vous n'êtes pas prioritaire.
17:16 "Le plateau, c'est-à-dire la salle d'opération,
17:20 "sur laquelle on fait les IVG,
17:24 "les partagez avec les urgences et les filles."
17:27 -Finalement, Amandine se voit proposer
17:29 une IVG sous anesthésie locale,
17:31 car cela ne mobilise pas le plateau technique.
17:34 Elle l'accepte à contre-coeur.
17:36 -On m'aspire à l'intérieur,
17:37 et peut-être que le geste aurait pu être plus délicat,
17:40 mais j'ai eu très mal.
17:42 Je suis sortie de là, j'étais dévastée, vraiment,
17:45 c'était le mot.
17:46 Musique douce
17:48 -Comme Amandine, de nombreuses femmes
17:50 rapportent des difficultés dans la prise en charge
17:53 de leur avortement.
17:54 Désormais, plus d'une IVG sur trois a lieu hors de l'hôpital.
17:58 A Rouen, la docteure Marianne Lainey
18:01 a fondé l'institut Simone Veil,
18:03 spécialisé dans les IVG médicamenteuses.
18:05 Depuis la création du lieu, il y a trois ans,
18:08 12 praticiens se relaient par vacations de demi-journée.
18:12 ...
18:13 -Je me suis dit qu'il fallait peut-être réfléchir autrement
18:17 et apporter une organisation de soignants,
18:21 qui n'existe nulle part en France, comme cela.
18:24 Et donc, j'ai lu toutes les thèses,
18:27 des freins côté médecin, côté patiente,
18:32 pour savoir quelle était l'identification vraie
18:35 au travers des études, des freins d'accès à l'IVG.
18:38 J'ai vu des conseurs médecins qui étaient perdus dans le système,
18:41 alors qu'on peut dire qu'ils connaissent le système.
18:44 Donc, vous imaginez, pour toute la population des femmes,
18:48 et ne sachant même plus qu'elles peuvent téléphoner
18:52 au planning familial, qu'elles peuvent téléphoner
18:54 dans les centres de planification des hôpitaux,
18:57 qu'il y a des listes éditées avec des praticiens qui le font.
19:00 Donc, déjà, là, elles sont choquées.
19:02 Et ensuite, lorsqu'elles téléphonent,
19:04 eh bien, il y a des délais, il y a des prises en charge.
19:08 Et puis, il faut faire l'écho, il faut faire une prise de sang,
19:11 il faut un rendez-vous.
19:12 -Aux femmes désireuses de mettre fin à leur grossesse,
19:15 on offre ici une prise en charge globale.
19:18 -On est arrivés à 486 IVG sur un an.
19:22 Ca veut dire plus de 2 500 consultations.
19:25 Parce que pour faire une IVG, il y a la consultation médicale,
19:29 la consultation post-IVG.
19:31 Les femmes reviennent beaucoup ici, dans ce lieu,
19:33 pour ce moment important,
19:36 pour vérifier le vécu, la contraception.
19:39 Il y a les consultations avec la psychologue.
19:42 Et puis, c'est un taux, effectivement, très important,
19:46 puisqu'elles viennent de tout le département,
19:49 du département aussi voisin.
19:51 Musique douce
19:53 ...
19:55 -C'était une éco-de-datation,
19:57 donc, il m'a proposé d'écouter le coeur.
20:00 Je savais bien ce que je voulais,
20:01 mais pour des personnes qui ne savent pas trop,
20:04 ça peut être compliqué.
20:05 Même si on a une décision assez claire au départ,
20:08 il faut trouver le médecin.
20:10 Ensuite, il faut se débrouiller pour prendre un rendez-vous
20:14 d'éco-de-datation.
20:15 C'est des moments assez longs.
20:16 Le fait d'avoir cette structure-là, maintenant,
20:20 c'est vraiment...
20:21 Vraiment, ça soulage.
20:23 Musique douce
20:25 ...
20:29 -Écoute, accompagnement.
20:31 Le docteur Puech s'assure que sa patiente n'a pas d'autres questions
20:35 avant de lui donner le médicament pour arrêter la grossesse.
20:38 -L'échographie nous montre que vous étiez enceinte
20:41 de 7 semaines plus 4 jours, vendredi.
20:43 Là, on va rajouter samedi, dimanche, lundi.
20:46 On est au troisième jour, on va être à 8 semaines.
20:49 D'accord ? Donc, on est encore dans les délais.
20:51 Vous souhaitez toujours faire une interruption de grossesse,
20:54 on est d'accord, par voie médicamenteuse,
20:57 chez vous, à domicile.
20:58 OK. Aujourd'hui, vous allez prendre le premier comprimé.
21:01 Ce premier comprimé, il va arrêter la grossesse
21:04 et il va ne faire qu'arrêter la grossesse.
21:06 D'accord ?
21:08 Petite notion, juste avant,
21:09 je vous rappelle que 30 % des grossesses
21:12 terminent en fausse couche au premier trimestre.
21:15 D'accord ? Et c'est un chiffre qui est national
21:18 et qui est totalement normal.
21:19 C'est des choses sur lesquelles nous n'intervenons pas.
21:22 Aujourd'hui, vous souhaitez faire une interruption de grossesse.
21:26 De toute façon, si vous voulez la poursuivre,
21:28 elle aurait mené à terme à une grossesse viable.
21:31 L'interruption de grossesse, ce n'est pas banal.
21:34 On ne peut pas, en tout cas, la qualifier ainsi.
21:37 Pour toute femme, il y aura un impact plus ou moins grand.
21:40 Je pense qu'il faut accompagner toutes les femmes
21:43 dans toutes leurs difficultés.
21:45 Ca demande à être rapide, à être efficace.
21:47 Et aujourd'hui, c'est sûr que notre système de soins actuel
21:51 a du mal à y répondre.
21:52 Il y a des difficultés d'accès à un suivi gynécologique.
21:55 On ne se substitue pas à ce suivi-là,
21:57 mais le but est de remettre les patients dans le parcours de soins
22:01 et de pouvoir leur resignifier la nécessité
22:05 de pouvoir se faire suivre de façon gynécologique,
22:08 soit par un gynécologue, soit par une sage-femme.
22:10 Je vous rappelle qu'à votre stade de grossesse,
22:13 97 % de réussite de la méthode.
22:15 D'accord ?
22:16 97 % du temps où vous n'aurez pas besoin de toutes mes explications.
22:20 Mais moi, je suis comme le moniteur d'escalade.
22:24 Si vous ne tombez pas, je ne sers à rien.
22:26 Par contre, mes explications de comment tomber et se raccrocher,
22:30 quand ça arrive, on est content.
22:32 Je suis pareil.
22:33 Je vais vous expliquer ce qui se passe dans les 3 %.
22:36 J'ai mal, c'est insupportable, mais j'arrive à me déplacer.
22:40 À ce moment-là, vous pouvez vous déplacer directement aux urgences.
22:44 D'accord ?
22:46 J'ai mal, c'est insupportable,
22:48 je ne peux même pas me lever parce que je suis plié en deux.
22:52 Là, on ira plutôt voir le 15.
22:55 Ca nous ferait mal au coeur de devoir arrêter,
22:57 mais il faut savoir que ça nous prend énormément de temps.
23:01 C'est du temps que l'on prend en plus de notre travail en tant que médecin.
23:05 Comme je vous l'ai dit, on est débordé en tant que médecin
23:08 sur les autres soins.
23:09 Ce temps-là, on le prend avec grand plaisir,
23:12 mais c'est un temps que je ne mettrai pas au détriment
23:15 de mes autres patients.
23:16 On cherche du soutien, du soutien financier, bien évidemment.
23:20 On parle de ça aujourd'hui, mais ce soutien financier
23:23 est indispensable pour faire en sorte que ça perdure de la bonne façon
23:27 et peut-être en effet de le développer partout en France
23:30 pour que toutes les femmes aient la même chance
23:33 qu'aujourd'hui que les femmes rouennaises d'avoir ce centre.
23:36 -Si l'utilité de l'Institut Simone Veil n'est plus à prouver,
23:40 cette structure peine à obtenir un soutien plus pérenne.
23:43 L'une des pistes pour que toutes les femmes
23:46 aient un égal accès à l'IVG
23:48 est de mieux former les soignants.
23:50 C'est le pari qu'a fait Sophie Gaudu,
23:52 cette gynécologue obstétricienne,
23:55 à créer un diplôme universitaire.
23:57 Son but ? Enseigner l'IVG aux étudiants en médecine
24:00 et aux praticiens déjà en poste.
24:02 -Il y a dans l'assistance 50 % de médecins, 50 % de sages-femmes
24:06 qui viennent de toute la France, pas que de région parisienne.
24:09 -Ca nous est arrivé à toutes de se dire
24:11 "J'espère qu'elle ne va pas venir, parce que dans ce qu'elle me renvoie,
24:15 "je sens qu'elle n'a pas envie de faire cet IVG."
24:18 Et elle vient.
24:19 Elle vient parce qu'effectivement,
24:21 elle a beau ne pas avoir envie, elle n'a pas le choix de.
24:24 -Il y a de l'accès aux soins,
24:26 et il y a des trous dans la raquette.
24:28 Avec les déserts médicaux,
24:30 il peut y avoir des zones où, en période d'été,
24:33 ou en période de congé,
24:34 c'est vraiment extrêmement... Ca peut être extrêmement difficile.
24:38 Et pour une femme donnée, ne pas avoir accès à l'IVG à temps T,
24:42 ça peut être une catastrophe.
24:44 -Des questions sur cette session ?
24:46 -Dans notre système de santé, actuellement,
24:48 on confie parfois l'interruption volontaire de grossesse
24:51 à des professionnels dont c'est pas le sujet.
24:54 Avoir l'idée que l'IVG n'a pas besoin,
24:56 que ce soin n'a pas besoin d'un parcours identifié
24:59 et d'un parcours spécialisé,
25:01 finalement, c'est une invisibilisation de l'IVG.
25:04 Pour l'IVG, alors que pour n'importe quel autre soin,
25:07 on sait que sur un territoire, il y aura tant d'AVC,
25:10 tant d'infarctus du myocarde,
25:12 tant de... Et on va dimensionner l'offre de soins en rapport.
25:16 Pour l'IVG, cette question de "Il y a tant de femmes
25:19 "dans mon bassin de population, le taux de recours à l'IVG
25:22 "est de tant pour mille, j'ai besoin d'ouvrir
25:25 "tant de places de consultation",
25:27 c'est un calcul qui est quasiment jamais fait.
25:29 Musique douce
25:31 ...
25:34 -Malgré l'inscription dans la Constitution,
25:37 l'accès à l'IVG reste inégal sur le territoire.
25:40 Entre les médecins qui s'abritent derrière la clause de conscience
25:43 et un hôpital public débordé,
25:45 l'avortement est un droit encore fragile,
25:48 50 ans après la loi Veil.
25:50 ...