Cyrielle Chatelain, députée Écologiste d'Isère est arrivée à l'Assemblée en quasi inconnue, d'où la surprise des journalistes quand Cyrielle Chatelain a été élue présidente du groupe écologiste à l'Assemblée. Un poste qu'elle a d'abord dû partager, avant de se retrouver seule aux commandes.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
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00:00 Elle est arrivée à l'Assemblée en quasi inconnue,
00:03 mais cela n'a pas empêché les écologistes de la choisir
00:05 comme présidente de leur groupe.
00:08 Et depuis, à gauche, impossible de trouver quelqu'un
00:11 qui dise du mal d'elle, à tel point que cela pourrait
00:13 presque paraître suspect.
00:15 Générique
00:17 ...
00:30 -Bonjour, Cyrielle Chatelain. -Bonjour.
00:32 -Le 23 juin 2022, le groupe écologiste s'est choisi
00:35 deux présidents, un homme, Julien Bayou,
00:37 et une femme, vous. On va réécouter
00:40 vos premiers mots. En tant que présidente du groupe,
00:42 c'était sur la place du Palais Bourbon.
00:45 -Sur cette coprésidence, je suis presque aussi connue
00:47 que Julien Bayou, mais pas encore.
00:49 Donc, Cyrielle Chatelain, je suis très heureuse, très fière
00:53 d'avoir cette coprésidence du groupe écologiste,
00:55 le plus gros groupe écologiste de l'histoire,
00:58 dans une période politique particulière,
01:00 où l'Assemblée nationale va pouvoir reprendre pleinement
01:03 sa place dans notre démocratie.
01:05 -Je suis presque aussi connue que Julien Bayou.
01:08 Vous vous moquez un peu de votre propre manque de notoriété,
01:11 comme si vous étiez presque surprise d'être là où vous êtes
01:15 aujourd'hui. -Oui, déjà, je pense qu'on entend
01:17 que j'ai un peu le trac, ça se sent.
01:19 C'est vrai que c'était nouveau pour moi.
01:22 C'est le premier mandat. -C'était pas prévu ?
01:25 -Non, c'était pas prévu. Donc, je suis à la fois
01:28 très fière d'être désignée présidente.
01:30 Voilà, c'est... Mais c'est vrai que c'est un saut...
01:33 Voilà, c'est... C'est quand même une étape importante.
01:37 -Quand vous faites cette remarque sur votre manque de notoriété,
01:41 c'était pas aussi une façon de souligner le risque
01:44 d'un binôme entre un homme plutôt connu qui allait prendre
01:47 toute la lumière et une femme pas forcément connue
01:50 qui risquait d'être cantonnée au tach ingrat.
01:52 -En vrai, je me souviens, je le fais, c'est un peu spontané.
01:55 Je sais pas trop comment m'introduire.
01:58 Je sais que tout le monde doit se dire un peu "en fait, c'est qui ?"
02:01 Non, mais je me présente à la presse,
02:03 même à mes collègues à l'Assemblée.
02:06 Je fais pas partie des figures nationales de l'Elevé.
02:09 J'ai jamais été membre du Parlement.
02:11 Donc forcément, c'est un peu l'éléphant au milieu de la pièce.
02:14 Il y a déjà ça, d'arriver par l'humour,
02:17 d'aller travailler cette chose-là.
02:19 Deuxièmement, oui, il y a toujours ce risque-là,
02:22 notamment dans les binômes paritaires.
02:24 On a tendance à dire que l'homme va faire ce qui se voit à l'extérieur
02:28 et la femme fait toutes les tâches un peu ingrates.
02:31 C'était pas le deal qu'il y avait,
02:33 en tout cas l'accord qu'on avait entre nous avec Julien.
02:36 C'est pas du tout comme ça, d'ailleurs,
02:38 que ça s'est déroulé sur...
02:40 -C'est pas vraiment... -On a pu travailler ensemble.
02:43 -On a pas vraiment pu voir ce binôme à l'épreuve,
02:46 puisque Julien Bayou a rapidement dû renoncer à ses fonctions
02:50 quand Sandrine Rousseau l'a accusée de violence psychologique
02:53 sur son ancienne compagne.
02:55 C'est une affaire qui a créé des tensions.
02:57 Ca a été un baptême du feu compliqué à gérer pour vous,
03:00 un apprentissage un peu accéléré de vos fonctions de présidente ?
03:04 -Déjà, c'était une période humainement très difficile.
03:07 C'était humainement très difficile pour Julien Bayou.
03:10 Très difficile pour Sandrine Rousseau,
03:12 qui a eu une pression très forte.
03:14 Et humainement, très difficile pour son ex-compagne.
03:17 On a eu une exposition... -Et pour vous,
03:20 maintenir la cohésion du groupe ? -La première chose, c'est ça.
03:23 Après, il y avait la question de la cohésion politique
03:26 et d'arriver... Il y avait deux choses.
03:29 Il y avait la crédibilité du groupe.
03:31 On est un nouveau groupe à l'Assemblée nationale.
03:34 Un, de garder sa crédibilité, et deux, de garder sa cohésion.
03:37 On est un groupe politique qui travaille sur des objectifs.
03:40 On est face au plus grand défi de l'humanité,
03:43 le réchauffement climatique, l'effondrement du vivant.
03:46 On est là pour travailler politiquement sur ce sujet-là.
03:49 Et pas forcément être amis,
03:51 mais avoir les mêmes objectifs politiques
03:53 et se respecter dans ce combat-là.
03:55 Il y a des périodes plus compliquées que d'autres,
03:58 mais c'était de garder ce cap,
04:00 "pourquoi on est là ensemble ?"
04:01 -Julien Bayou n'a pas été remplacé par un autre homme.
04:05 Vous êtes seule au commande. Pourquoi ?
04:07 -Bah, déjà, je pense...
04:09 Je pense que le groupe me fait confiance,
04:11 et j'en suis heureuse.
04:13 Et en tout cas, c'est une décision
04:16 qui a été prise,
04:17 on va dire, peut-être naturellement.
04:20 C'est-à-dire que moi, je suis présidente,
04:23 j'ai aussi des membres du bureau, je ne fais pas tout toute seule.
04:27 Il y a des vice-présidents dans le groupe,
04:29 des trésoriers...
04:30 -C'est un équilibre qui s'est trouvé naturel.
04:33 -Qui s'est trouvé naturellement.
04:36 -Pour comprendre les racines de votre engagement,
04:39 je vais parler un peu sur votre famille.
04:41 Votre père a une sacrée expérience électorale.
04:43 Il s'est présenté à combien d'élections ?
04:46 -Je ne sais pas compter, mais oui.
04:47 Moi, j'ai un père qui fait de la politique
04:50 depuis que j'ai 13-14 ans,
04:53 chez les écologistes,
04:55 qui a été en Haute-Saône,
04:56 donc qui est plutôt une terre
04:59 où l'écologie doit encore convaincre.
05:02 C'est là où j'ai fait mon premier tractage,
05:05 mais il a été candidat aux municipales,
05:07 et puis, il n'y a pas que votre père,
05:09 votre mère est engagée différemment,
05:11 sur le plan associatif, dans le domaine des AMAP,
05:14 ou de l'aide aux migrants.
05:15 -Elle a fait beaucoup d'engagement,
05:18 que ce soit sur les questions...
05:20 Il faut faire vivre une AMAP,
05:21 mais on parle beaucoup des questions de l'agriculture.
05:24 La question de comment on a une agriculture locale,
05:27 de proximité, consommée locale, bio,
05:31 la question des droits de l'homme
05:33 et notamment de l'accueil des migrants.
05:35 C'est un engagement...
05:37 -Une famille très mobilisée et très engagée.
05:39 On vous voit sur ces photos, manifestée en famille.
05:42 -C'est ça.
05:44 -Ca faisait partie de la vie de famille habituelle ?
05:46 -Oui. -Les manifs, les réunions politiques ?
05:49 -Les manifs, les réunions, il faut imaginer
05:51 que les réunions se font beaucoup à la maison,
05:54 associatives, en politique.
05:56 Les réunions sont là, on participe au débat,
05:58 les manifestations, le premier mai,
06:01 c'est les manifs, les copains impris viennent à la maison,
06:04 ça fait partie de la vie politique et sociale, en fait.
06:08 -Vous vous êtes engagée très jeune, à 18 ans,
06:11 chez les écologistes, vous êtes devenue
06:13 co-secrétaire fédéral des jeunes écologistes,
06:16 on vous voit sur ces images.
06:17 Ensuite, en 2012, vous avez travaillé
06:20 comme collaboratrice parlementaire du député Eric Alloset,
06:23 qui était chez les écologistes à l'époque,
06:25 il a changé depuis, il a rejoint Emmanuel Macron.
06:28 Ca donne l'impression que pour vous,
06:30 s'engager, ça ne pouvait pas être une simple militante.
06:33 Vous aviez déjà l'idée de prendre des responsabilités ?
06:36 -Euh... Je sais pas.
06:38 En tout cas, ce qui... Moi, je me souviens,
06:41 c'est quand on s'engage et qu'on se donne à fond,
06:44 c'est ça, et qu'on veut faire bouger les choses,
06:47 forcément, on prend des responsabilités,
06:49 c'est là où on peut faire bouger les choses,
06:51 et 2012, c'est le premier groupe écologiste
06:54 à l'Assemblée nationale, c'est la première fois
06:57 qu'on a deux groupes, un au Sénat et un à l'Assemblée.
07:00 Je milite depuis que j'ai 18 ans, là, je sais plus,
07:03 j'ai 25 ans, j'ai envie d'en être. -Et d'apprendre.
07:05 -Et d'apprendre, de participer à l'aventure,
07:08 oui, de travailler auprès des gens qui sont, à ce moment-là,
07:12 tous les collaborateurs de groupe, qui étaient pour moi
07:15 les meilleurs, d'apprendre à faire et de voir comment ça se passe.
07:18 -Après avoir vu comment on fait la loi
07:21 en étant collaboratrice à l'Assemblée,
07:23 vous avez changé de prisme, vous êtes allée travailler
07:26 à la métropole de Grenoble et puis de Lyon,
07:29 avec les présidents de ces métropoles,
07:31 pour voir comment ça se passe sur le terrain, c'est ça l'idée ?
07:35 -C'est pas l'idée de dire comment on va appliquer la loi,
07:38 c'était de dire... J'avais beaucoup appris à l'Assemblée,
07:41 on a eu des divergences politiques avec mon employeur de l'époque,
07:45 quelqu'un d'humainement très bien, mais politiquement,
07:48 et une question encore d'où ça se passe,
07:50 où les choses changent pour la question écologique, etc.
07:53 Et à ce moment-là, dans les collectivités,
07:56 ça bouge beaucoup, Éric Piolle est élu maire de Grenoble,
07:59 donc il y a envie de continuer à participer,
08:02 à faire progresser l'écologie, on s'est battus à l'Assemblée,
08:05 c'était comment on le fait dans les mairies ?
08:08 Et là, on découvre plein de choses.
08:10 Ça vient en deuxième, on découvre les contraintes,
08:13 il faut convaincre les gens, les habitants,
08:15 il faut travailler avec les maires, il y a des contraintes financières,
08:19 mais il y a les deux, donc oui, on voit que c'est pas aussi simple,
08:23 mais ça sert à quelque chose. -Vous avez attendu 2022
08:26 pour vous présenter à une élection, comme si vous vouliez
08:29 être formé à toutes les dimensions de la politique,
08:32 mais une fois que vous vous êtes lancé,
08:34 plus rien ne vous a arrêté,
08:36 première candidature, vous êtes élu aux législatives,
08:39 on a vu que vous êtes devenu seul
08:41 aux commandes présidentes du groupe écologiste,
08:43 et depuis, ce qui est étonnant, c'est à quel point vous faites
08:47 l'unanimité, non seulement chez vos députés écologistes,
08:50 mais au sein de toute la gauche à l'Assemblée.
08:53 J'ai relevé dans la presse les qualificatifs
08:55 qui vous concernent. Elle est super pro,
08:58 d'une finesse, droiture, précise, carrée,
09:00 du côté des partenaires, Boris Vallaud,
09:02 président du groupe socialiste, elle est intelligente,
09:05 Mathilde Panot, elle est fille, sympathique,
09:08 intelligente et structurée. C'est quoi, votre secret ?
09:11 C'est très rare en politique, ce genre de situation.
09:14 On se fait pas de cadeaux en politique.
09:16 -Je sais pas, je...
09:18 Enfin, merci.
09:19 -C'est pas à moi qu'il faut remercier.
09:21 -Je suis contente. Moi, ce que je sais,
09:24 c'est que j'essaye de travailler
09:26 toujours dans le respect de mes partenaires.
09:28 Je suis convaincue qu'on est arrivés avec l'Assemblée...
09:32 Enfin, que les électeurs nous ont élus ensemble,
09:34 avec un partenariat qui s'appelle la NUPES,
09:37 et qu'on a des choses à faire ensemble.
09:39 Je travaille dans cette idée-là,
09:41 c'est-à-dire défendre nos positions,
09:43 les positions de mon groupe,
09:45 mais toujours dans le respect,
09:47 dans un partenariat le plus fort possible.
09:49 -Avec le sens du collectif, ça revient souvent.
09:52 Est-ce que c'est quelque chose, peut-être...
09:55 J'aime pas trop dire ça, mais est-ce que les femmes
09:57 s'y prennent différemment des hommes
09:59 quand il s'agit de diriger une équipe ?
10:02 -Oui. Je pense qu'elles s'y prennent différemment.
10:04 Pas parce que les femmes sont différentes,
10:07 mais parce qu'en fait, on nous apprend, toutes petites,
10:10 qu'on doit faire les choses un peu différentes.
10:13 La manière dont on va sociabiliser les hommes et les femmes,
10:16 c'est pas la même. Un homme va lui dire
10:18 "tu dois être dur, tu dois être chef, tu dois être leader,
10:21 "tu dois t'imposer par la force",
10:23 on va lui dire "il faut que tu sois à l'écoute",
10:26 ça nous amène à développer d'autres choses.
10:28 Oui, sans doute qu'il y a quand même une marque féminine,
10:31 ça veut pas dire que toutes les femmes l'ont,
10:34 c'est pour ça que je veux pas de généralité.
10:36 Je dis pas que c'est intrinsèquement féminin,
10:39 mais je pense qu'on n'est pas élevés de la même manière
10:42 et que ça se rejaillit.
10:43 Deuxième chose, c'est que, pour moi,
10:46 je sais que vous l'avez dit, on ne se fait pas de cadeaux
10:49 en politique, on est isolés.
10:50 Je crois profondément que la politique se fait en collectif.
10:53 Je ne sais pas faire de la politique autrement.
10:56 -Un dernier point, j'imagine que si vos collègues députés
10:59 vous apprécient autant, c'est parce que vous faites le job,
11:02 mais est-ce que ce n'est pas aussi parce que, pour l'instant,
11:06 vous n'affichez pas d'ambition personnelle ?
11:08 -Sans doute aussi, forcément, quand il y a pas...
11:11 Mais, en vrai, je pense qu'en ce moment,
11:13 je suis pas sûre que ce dont on a besoin en gauche
11:16 est d'une nouvelle compétition.
11:18 Je crois que la compétition individuelle,
11:20 c'est une des choses qui fait que la gauche a pu être
11:23 en difficulté à certains moments.
11:25 Je pense que là, on a besoin de travailler ensemble
11:28 et de faire des choses ensemble,
11:31 un peu au-delà de nos intérêts individuels et personnels.
11:35 -On va passer à notre quiz pour conclure l'émission.
11:38 Le principe, je vous explique, c'est que vous allez devoir
11:41 compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:44 Quand je dis que je suis écoféministe,
11:46 on me répond souvent...
11:48 -Ah ! -Alors, j'explique.
11:49 -Et c'est compliqué ?
11:51 -Non, si on explique, c'est la convergence des luttes.
11:54 C'est l'idée de dire que tout le combat pour la planète,
11:57 pour le combat social, le combat pour le féminisme,
12:00 c'est finalement un seul et même combat,
12:03 parce que c'est un seul et même système
12:05 qui hiérarchise les gens qui les exploitent.
12:08 -Dans le secret de la conférence des présidents,
12:11 c'est une réunion qui a lieu toutes les semaines,
12:13 j'explique, et qui réunit les présidents de groupe
12:16 et les présidents de l'Assemblée nationale.
12:19 Ici, il dit quoi ?
12:20 -Il dit beaucoup de choses, ça dépend des semaines.
12:23 Des fois, c'est très rapide, on fait l'ordre du jour,
12:26 et des fois, on a des échanges musclés.
12:28 J'ai un principe, et j'ai dit à beaucoup de journalistes,
12:31 et je considère que quand je suis dans des espaces
12:34 sans journalistes, sans presse,
12:36 j'attends que mes propos ne soient pas reportés,
12:39 donc j'étends la même courtoisie aux autres.
12:41 Je ne suis pas là pour raconter des propos
12:44 qui ne sont pas rappelés.
12:45 -A ceux qui nous traitent de Khmers verts,
12:48 vous répondez ?
12:49 -Un, qu'ils ont tort, mais surtout qu'on va leur prouver
12:52 qu'ils ont tort, parce qu'aujourd'hui,
12:54 on a besoin d'écologie pour vivre mieux
12:59 et être libérés d'un tas de contraintes.
13:01 On parle de la pression sur le temps,
13:03 de l'inflation, on a besoin d'écologie.
13:06 On leur prouvera qu'ils ont tort.
13:08 -Merci, Cériel Chatelain, d'être venu dans "La Politique et moi".
13:11 -Merci.
13:13 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:16 ...
13:26 [SILENCE]