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00:00 7h46, discutons du temps justement aujourd'hui.
00:07 On va en discuter avec notre invité, avec vous.
00:09 04/76/46/45/45, est-ce que vous constatez cette douceur printanière, cette nature peut-être un peu en avance ?
00:16 Vous en avez parlé sur la page Facebook, on reviendra là-dessus.
00:19 Mais on va surtout en parler avec notre invité, Laurent Gallien.
00:21 Voilà, on va parler du temps et on va parler du climat.
00:23 Nous recevons ce matin Philippe Schoeller, bonjour.
00:26 Vous êtes directeur de recherche au CNRS à Grenoble, membre du laboratoire d'écologie alpine.
00:31 On va rappeler que l'université de Grenoble a quand même un lieu d'observation formidable,
00:34 qui sont les jardins du Lothar Est, un lieu assez extraordinaire et assez unique.
00:39 On va revenir là-dessus.
00:40 Tout d'abord, vous êtes zécologue.
00:42 Alors un écologue, qu'est-ce que c'est ?
00:44 Ce n'est pas un écologiste, ce n'est pas un climatologue.
00:46 Oui, c'est important de faire la distinction.
00:47 L'écologie, c'est d'abord une discipline scientifique.
00:50 Ça peut être aussi un mouvement politique, mais l'écologie au CNRS, c'est la pratique de l'écologie scientifique.
00:57 C'est pour ça qu'on se distingue en parlant d'écologue et non pas d'écologiste.
01:02 On va voir avec vous si les changements qu'on remarque tous actuellement,
01:06 ou presque, sont des changements durables et comment ils se traduisent.
01:09 On va d'abord prendre un premier appel, puisque nous avons René.
01:12 Eh oui, à Saint-Hilaire-du-Touvais. Bonjour René.
01:14 Bonjour René.
01:15 Bonjour à tous.
01:16 René, nous on voit que vous vous rendez compte du réchauffement climatique en montagne,
01:20 mais est-ce que vous pouvez nous dire comment vous vous en rendez compte ?
01:22 Qu'est-ce que vous observez ?
01:24 Alors écoutez, au point de vue de la nature, pas forcément, mais pas sur toutes les plantes.
01:29 Ça peut avoir un peu des incidences, mais quand même moindres.
01:32 Là où moi j'ai remarqué, c'est qu'au niveau de la neige, la qualité de la neige est beaucoup plus mouillée.
01:37 Des neiges lourdes qui tombent assez souvent,
01:39 comparé aux neiges poudreuses qu'on avait un peu dans le temps avec des vraies tempêtes.
01:43 Donc là, il y a vraiment un changement de ce côté-là.
01:46 Au niveau de la quantité aussi de neige, et de la période un peu,
01:51 parce que les variabilités naturelles, il y en a toujours eu,
01:53 ce n'est pas toutes les années qu'il y a des gros paquets de neige,
01:55 mais on sent que ça a tendance quand même à beaucoup plus se réchauffer.
02:01 Et au niveau des températures aussi, parce que bien souvent, des fois,
02:04 on a par exemple 7 degrés à Grenoble la nuit et 6 degrés à Saint-Hilaire.
02:09 Donc il y a une coupure d'air chaud qui se fait en été et en hiver.
02:13 On remarque un petit peu tout ça.
02:15 - Merci pour votre témoignage René, effectivement des changements en montagne.
02:18 Les guides, on atteste aussi en très haute montagne, avec la montagne qui se modifie durablement.
02:23 C'est justement la montagne, une de vos spécialités, Philippe Scholler.
02:29 Là, on a parlé de la neige, mais on peut parler de la faune, de la flore.
02:33 Est-ce que oui ou non, les changements, les douceurs qu'on connaît actuellement,
02:37 sont des signes d'un changement durable et profond dans nos écosystèmes et dans le climat ?
02:42 - Alors effectivement, il faut rappeler que lié au changement climatique,
02:45 vous avez une récurrence, une fréquence d'événements extrêmes
02:49 et une intensité des événements extrêmes qui augmente.
02:51 C'est ce qu'on voit.
02:53 Parmi ces événements extrêmes, les douceurs printanières,
02:56 ça peut être un déficit d'enneigement très fort en montagne, comme ça a été dit.
02:59 Ça peut être des inondations, etc.
03:01 Donc tout ça gagne en intensité, gagne en fréquence.
03:04 Et ça a effectivement des impacts sur le vivant, à court terme et à moyen terme.
03:09 - Effectivement, on voit des fleurs qui sont des fleurs d'après-neige, se réveiller déjà.
03:12 - Une observation qui est facile à faire, vous avez des floraisons de noisetiers, par exemple,
03:16 qui sont très très précoces.
03:18 Vous pouvez avoir des marmottes qui mettent le nez en dehors de leur terrier très très précocement.
03:24 Donc ça, c'est des accommodations très très rapides du vivant.
03:27 Les cycles de vie, ils s'ajustent très très vite.
03:30 Et donc, effectivement, le message général, c'est un décalage, une précocité de tous ces cycles de vie du vivant.
03:36 Des plantes et des animaux, d'ailleurs.
03:38 - Alors ils s'ajustent, mais est-ce que ça met en danger tout de même certaines espèces ?
03:41 Parce qu'on n'est pas à l'abri, effectivement, d'un retour du froid.
03:43 C'est-à-dire qu'on n'est pas dans une douceur forcément durable.
03:46 - Exactement, c'est là où il faut bien faire la distinction entre l'exposition au froid et la vulnérabilité au froid.
03:52 Je prends un exemple, sur la période 61-90, il y avait 100 jours de gel en région Rhône-Alpes.
03:57 Actuellement, on est plutôt à 85 jours de gel entre 91 et 2010.
04:02 Donc il y a moins de jours de gel.
04:03 Mais par contre, le gel, il arrive à un moment où les organismes sont plus vulnérables.
04:07 Parce que les arbres ont commencé à débourrer, les fleurs sont sorties, etc.
04:11 Donc ça, c'est la vulnérabilité.
04:12 On peut être soumis à moins de froid, mais on y est plus vulnérable.
04:15 Et c'est ce qui se passe en réalité.
04:17 - Et est-ce que les plantes s'adaptent aussi sur un plus long terme ?
04:20 Alors là, on est dans l'évolution climatique.
04:22 Est-ce qu'elles changent leur cycle long ?
04:25 Comment ça se passe ? La reproduction ?
04:28 - C'est plus un turnover, on va dire, dans la répartition des plantes le long de l'altitude, par exemple.
04:35 Donc on va avoir des changements, des basculements, des reconfigurations finalement des paysages végétaux.
04:40 - Vous voulez dire que les plantes qu'on ne trouvait pas à une certaine altitude, on va les trouver ?
04:45 - Voilà, ou même à une altitude donnée, il va y avoir des gagnants et des perdants,
04:49 en fonction de leur capacité à supporter, par exemple, des déficits d'enneigement.
04:53 Il peut y avoir des plantes qui vont très bien supporter ça, et d'autres qui ne vont pas du tout supporter.
04:57 Il y a des plantes qui sont afféodées à des enneigements longs.
04:59 Si vous supprimez les enneigements longs en montagne, ces plantes, elles disparaissent.
05:02 Donc ça, c'est vraiment une reconfiguration de la flore, de la faune et des paysages.
05:06 - Appelez-nous au 04 76 46 45 45 comme relais à Saint-Hilaire-du-Touvay,
05:10 qui nous a fait part de ces observations, l'occasion de venir nous dire justement
05:14 si vous constatez ces fleurs peut-être déjà pour jodante.
05:18 - Oui, est-ce que vous voyez que ce soit en montagne ou que ce soit dans les forêts dans lesquelles vous vous promenez,
05:21 ou tout simplement dans le jardin, vous ne plantez plus à la même époque,
05:26 vos fleurs ne sortent plus, vous ne savez plus quoi faire.
05:28 Ce sont peut-être des choses... - Venez nous en parler.
05:30 - J'enlève la modification avec vous, Philippe Chaudière, directeur de recherche au CNRS.
05:34 Nous n'aurons plus des delves-valleys en montagne ?
05:36 - Si, là il faut se rassurer parce que les changements... - On ne les retrouve déjà pas beaucoup.
05:40 - Il faut trouver les bons endroits.
05:42 Les changements sont quand même plutôt lents.
05:46 On a quand même du mal à les prédire dans le détail, il faut dire les choses.
05:49 Il y a des changements très spectaculaires comme la remontée des arbres, par exemple, en altitude.
05:53 C'est le cas, par exemple, je ne sais pas, vous prenez le Mélèze, ou même des arbustes, les myrtilles, les rhododendrons,
05:58 tout ça ce sont des espèces qui ont une capacité à profiter du réchauffement climatique
06:03 et à prendre un peu plus de leur élan et à monter à l'assaut des cimes, entre guillemets.
06:08 Donc ça, c'est des choses qui se voient très bien, qui sont assez spectaculaires,
06:11 qui sont liées aux changements climatiques, mais c'est souvent aussi avec une interaction avec les changements d'usage du sol,
06:16 notamment le pastoralisme, mais en tout cas ça fait partie des réponses
06:20 qui sont les très très marquantes, on va dire, de la végétation en altitude, dans nos montagnes.
06:25 - Des réactions peut-être, des questions, des constatations sur nos réseaux sociaux ?
06:29 - Beaucoup de constats, oui, sur la page Facebook de France Bleu Isère,
06:32 où on nous parle d'oiseaux qui gazouillent déjà, de bourgeons sur les arbres et les fleurs.
06:38 Sylvie qui nous dit "on se croirait clairement au printemps"
06:42 et puis Jérôme qui revient aussi sur ce que vous nous avez dit tout à l'heure, Philippe Scholler,
06:46 beaucoup moins de jours de gel et donc moins de repos végétatif.
06:51 - Oui, exactement, en fait, il faut bien comprendre que, notamment en montagne,
06:55 la neige joue un rôle très très important.
06:57 Par exemple, si vous êtes sous 1 mètre de neige, votre température reste à 0°C,
07:01 donc vous êtes relativement à l'abri du gel.
07:03 Par contre, si vous enlevez la neige, avec des températures de l'air très froide,
07:06 là vous allez avoir un risque de gel.
07:08 C'est vraiment la problématique essentielle en montagne,
07:11 c'est d'arriver à comprendre le lien entre les températures et l'enneigement.
07:14 Quand vous êtes une petite plante sous la neige, vous êtes tranquille l'hiver,
07:17 mais si vous enlevez la neige, là vous êtes beaucoup moins tranquille.
07:19 Donc effectivement, il faut toujours bien prendre en compte les évolutions de la neige et des températures.
07:23 - Ça va être un ensemble et c'est pour ça qu'on parle d'écosystème.
07:26 - Exactement.
07:27 - On va aller trouver un autre auditeur, Paul, qui nous appelle de Fontaine.
07:29 Bonjour Paul.
07:30 - Bonjour.
07:31 - Paul, vous avez constaté le réchauffement climatique en l'occurrence.
07:35 - Oui, écoutez, je pense que sans avoir fait de grandes études, c'est mon cas,
07:41 je ne dois pas être le seul dans ce cas-là, je n'en sais rien,
07:43 mais moi j'ai vécu dans des fermes, jusqu'à l'âge de 18 ans, dans des fermes,
07:49 et je m'aperçois que maintenant ça devient plus catastrophique
07:55 et nombreuses et nombreuses sont celles et ceux qui ne veulent rien voir, je pense.
08:00 - C'est-à-dire que concrètement, Paul, vous avez constaté quoi au niveau des cultures,
08:04 au niveau des céréales, d'autres cultures concernées ?
08:08 - Oui, au niveau de la végétation, au niveau des arbres,
08:11 au niveau de tout ce qui pousse à l'extérieur, on s'en aperçoit très très facilement.
08:18 Et ce que je constate également, c'est que peu nombreuses et peu nombreuses
08:23 sont celles et ceux qui pourraient faire peut-être un petit effort
08:27 en ce qui concerne l'utilisation déjà de leurs véhicules personnels,
08:31 le réchauffement climatique n'arrive pas par hasard, c'est ce que je voulais dire.
08:35 - Il y a de multiples raisons, effectivement, Paul,
08:37 et effectivement il ne s'agit pas de nier le réchauffement climatique,
08:40 je crois que, autour de cette...
08:42 - On est tous à l'accord là-dessus.
08:44 - Ce n'est pas Philippe Schoeller qui va le nier en tout cas.
08:46 - Si le réchauffement climatique, s'il vous plaît de m'excuser,
08:49 si le réchauffement climatique est là, c'est parce que, excusez-moi,
08:53 mais on a peut-être été le chercher tout au moins.
08:55 - Oui, chacun a ses responsabilités, bien sûr.
08:57 - Nous avons aussi une responsabilité.
08:59 - Merci, Paul.
09:01 - Il n'arrive pas par hasard, s'il vous plaît d'excuser.
09:03 - Merci de ne vous excuser pas, Paul, merci d'être venu porter votre témoignage
09:06 et votre position ce matin.
09:08 Philippe Schoeller, je reviens vers vous.
09:10 Les scientifiques, vous observez les changements, vous essayez de les expliquer,
09:13 mais vous faites aussi des projections.
09:15 La montagne, demain, puisque c'est votre spécialité,
09:18 elle va ressembler à quoi ?
09:20 Est-ce qu'on aura des arbres jusqu'à 3000 mètres ?
09:22 Ça va être ça, 3005 ?
09:24 - Oui, on aura des arbres assez hauts.
09:26 On va plutôt voir que la montagne, à l'horizon 2030-2050,
09:29 nos montagnes vont plutôt ressembler aux montagnes du Sud.
09:32 Donc il ne faut pas voir les choses comme les zones de plaine qui vont se mettre en haut.
09:37 Non, ce n'est pas ça.
09:38 Vous prenez la Sierra Nevada au sud de l'Espagne,
09:40 ou l'Atlas marocain, vous êtes très sec, notamment l'été.
09:44 Donc on va avoir des périodes de sénescence de la végétation.
09:48 La végétation sèche l'été,
09:50 et tout aura démarré un peu précocement, comme on l'a dit,
09:53 mais tout va s'arrêter aussi plus précocement.
09:55 Donc ça, ça pose beaucoup de difficultés,
09:57 notamment pour les activités pastorales, par exemple,
09:59 parce que la ressource ne sera plus là au moment où sont les troupeaux.
10:03 - Et donc la végétation qui peut monter en altitude,
10:05 c'est de la végétation sèche, rase, très méditerranéenne ?
10:09 - Exactement, qui est adaptée à des déficits hydriques estivaux,
10:12 et ce qu'on voit effectivement dans les Alpes du Sud,
10:16 les Alpes du Mercantour,
10:18 ou même plus au sud, dans les Apennins, dans les Balkans,
10:20 dans la Sierra Nevada.
10:22 - On a parlé des plantes à l'instant,
10:26 enfin de la végétation, du côté des animaux, de la faune.
10:29 Il y a les mêmes phénomènes, des changements d'altitude pour certaines espèces ?
10:33 - Évidemment, parce que les plantes, c'est la ressource de base
10:37 pour les herbivores et après les carnivores,
10:39 donc tout est dépendant.
10:40 - Et les insectes aussi.
10:41 - Exactement, il y a les pollinisateurs qui sont dépendants des temps de floraison.
10:44 Donc en fait, il faut bien voir que toutes ces interconnexions
10:47 font que c'est l'ensemble du système qui bouge,
10:49 qui se reconfigure,
10:51 et notamment en alpage, les herbivores, les ongulés sauvages,
10:56 les chamois, les bouctins, mais aussi les herbivores domestiques.
11:00 Donc tout ça est très dépendant de la disponibilité de la ressource, de l'herbe,
11:04 et donc doit effectivement s'ajuster en fonction de ces changements qui sont en cours.
11:09 - Il va falloir que l'homme s'adapte aussi,
11:11 et aussi dans ses activités, dans sa fréquentation de la montagne.
11:14 Pas seulement pour éliminer les causes du réchauffement peut-être,
11:17 mais pour s'y adapter désormais, puisqu'il est lancé.
11:20 Merci Philippe Scholler, je rappelle que vous êtes directeur de recherche au CNRS,
11:23 et écologue, merci d'être venu nous éclairer ce matin sur ces changements que nous connaissons,
11:27 qui sont plus durables que le simple coup de printemps en hiver.
11:30 - Merci à vous.
11:31 - Et vous pouvez réécouter et partager cet échange que nous avons eu
11:34 en allant sur notre site internet, n'hésitez surtout pas.