Le "8h30 franceinfo" de Laurent Fabius
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00:00 [Générique]
00:05 – Bonjour Laurent Fabius. – Bonjour.
00:06 – Emmanuel Macron se dit favorable à une entrée de Robert Banninter au Panthéon,
00:10 quelle est votre réaction ?
00:11 – On m'a déjà posé la question et j'ai dit, il est déjà dans le Panthéon de nos cœurs.
00:17 Bon, de son vivant, j'ai parlé plusieurs fois de la panthéonisation, mais pas de la sienne.
00:27 – Ah vous en avez parlé avec Robert Banninter ?
00:29 – Oui, avec Robert et nous étions tous les deux d'accord pour dire
00:34 qu'il y avait un grand absent au Panthéon, c'était Léon Blum.
00:38 Alors que la famille de Léon Blum y était et y est favorable.
00:41 Et nous ne comprenions pas pourquoi.
00:43 Alors maintenant, s'agissant de Robert, évidemment il est déjà au Panthéon,
00:48 d'une certaine manière, je ne sais pas si vous avez vu les images
00:51 qu'on a diffusées qui étaient très émouvantes sur la file de personnes anonymes
00:55 – Place Vendôme.
00:56 – Qui étaient là et il est dans leur Panthéon.
00:58 Et bien sûr, ça dépend de la famille,
01:01 j'ai pas eu de contact sur ce sujet avec Élisabeth et la famille,
01:06 mais ce serait évidemment tout à fait légitime parce que quand on dit,
01:11 vous voyez sur le fronton du Panthéon, il y a marqué "Aux grands hommes,
01:16 la patrie reconnaissante", c'est aux grands hommes qui ont porté de grandes idées,
01:20 aux grandes femmes.
01:21 Et Robert c'était ça, c'était à la fois le maître avec beaucoup de disciples.
01:27 Ce qui n'est pas donné à tout le monde.
01:29 Bon, les avocats on les appelle maîtres,
01:31 mais le maître avec les disciples c'est autre chose.
01:34 – Dans tous les sens du terme.
01:35 – Et donc, quelqu'un qui à la fois a eu une grande vie,
01:38 un grand homme, qui a porté de grandes idées.
01:41 – Il faut qu'on parle de cette cérémonie à laquelle vous serez tout à l'heure,
01:44 alors il y a une polémique autour de la présence de telle ou telle,
01:47 la France Insoumise notamment, qui a tout de même décidé d'être présente,
01:50 malgré l'opposition de la famille de Robert Baninter,
01:54 comment est-ce que vous recevez cette information ?
01:57 – Je vais vous répondre par une formule que tout le monde comprendra,
01:59 "De minimis non curat praetor".
02:02 – Alors, on ne comprend pas tout.
02:03 – C'est-à-dire le praetor ne s'occupe pas des choses mineures.
02:06 – C'est une chose mineure.
02:08 – C'est un manque de respect ?
02:09 – Pour leur réaction de telle ou telle, oui.
02:11 Je comprends bien d'un côté le côté national de l'hommage,
02:16 de l'autre la décence.
02:17 Bon voilà, je ne vais pas prolonger là-dessus,
02:21 chacun comprend bien ce qu'il faut faire.
02:25 – Il y a la question de la France Insoumise,
02:27 mais aussi du Rassemblement National,
02:28 dans les deux cas, la famille de Robert Baninter
02:31 n'a pas voulu la présence de ses élus.
02:34 Jordan Bardella, qui était à votre place en début de semaine,
02:36 lui disait "si on est invité, on y va" en fait, à cet hommage,
02:40 ça aurait été une étape de plus
02:42 dans la dédiabolisation du Rassemblement National ?
02:44 – Ça ne m'intéresse pas mal.
02:46 – Sur le Rassemblement National, il y a quand même quelque chose,
02:48 qui pour le coup, concerne le combat de Robert Baninter
02:54 contre la peine de mort,
02:56 même le Rassemblement National aujourd'hui ne réclame plus
02:59 le rétablissement de la peine de mort,
03:00 c'était encore le cas il y a quelques années,
03:02 est-ce que vous considérez que là, c'est pour Robert Baninter
03:04 une victoire totale, une victoire culturelle ?
03:06 – Je ne me situe pas, vous l'avez bien compris,
03:08 par rapport à telle ou telle formation politique,
03:10 mais c'est vrai que…
03:14 reportons-nous un peu en arrière,
03:16 au moment où François Mitterrand annonce cette décision,
03:19 je ne sais pas si vous vous rappelez,
03:21 moi j'ai quelques images comme ça,
03:23 l'image télévisée, je crois que ça devait être un débat,
03:27 une émission peut-être avec Alain Duhamel,
03:29 il lui pose la question.
03:30 – Comme d'habitude, oui.
03:33 – Et Mitterrand dit, même si une majorité est opposée,
03:41 ça fait partie de mes convictions, j'abrogerai la peine de mort.
03:45 Et bon, j'avais suivi tout cela,
03:49 parce que j'étais dans l'équipe qui s'occupait de cela,
03:53 et donc il ne faut pas dissimuler le rôle de François Mitterrand,
03:56 parce que la décision politique, c'est lui qui la pousse,
03:58 mais évidemment, le rôle de Robert Baninter a été tout à fait déterminant,
04:03 et je vous dirais un mot supplémentaire dans un instant là-dessus.
04:06 Alors que la majorité de la population était…
04:11 – Voilà, parce que c'était le sens de cette question,
04:12 il y a encore des Français qui sont…
04:14 – Et encore aujourd'hui, paraît-il.
04:16 – Mais depuis cette décision, à la fois l'idée en France,
04:26 la peine de mort doit être abolie, à mon avis, a encore fait son chemin,
04:30 et juridiquement, je suis le président du Conseil constitutionnel,
04:34 juridiquement, c'est entré dans la Constitution maintenant,
04:38 et d'autre part, des engagements internationaux ont été pris,
04:41 de manière telle qu'il est impossible de revenir là-dessus.
04:46 J'ajoute que le combat de Robert Baninter a été pas seulement
04:50 pour l'abrogation de la peine de mort en France,
04:53 mais pour son abrogation universelle,
04:55 et moi-même, quand j'étais ministre des Affaires étrangères,
04:57 nous avons travaillé ensemble sur ce sujet fort important.
05:00 Alors ce que je voulais vous dire, c'est que,
05:02 bon, on sait dans quelles conditions Baninter a convaincu Mitterrand,
05:08 mais il y a un autre élément qu'en général on sait peu,
05:11 Baninter n'a pas été le premier garde des Sceaux de France-Saint-Mitterrand,
05:15 c'était Maurice Faure, et deux mois après, Maurice veut partir,
05:20 et donc Robert devient garde des Sceaux.
05:23 Et la question était, est-ce que la loi portant abrogation
05:28 doit être déposée tout de suite ou à terme ?
05:31 Bon, il y avait énormément de changements à opérer.
05:34 Et je suis témoin du fait que Robert,
05:38 dont on dit qu'il n'est pas politique, mais là, il a été très politique,
05:42 a plaidé auprès de François Mitterrand un argument extrêmement fort.
05:47 Il lui a dit "écoutez, président,
05:50 si nous ne faisons pas voter tout de suite l'abrogation de la peine de mort,
05:55 qu'est-ce qui va se passer ?
05:57 Les cours d'assises vont continuer à siéger,
06:00 et elles vont prononcer des peines de mort.
06:03 Et vous serez donc dans cette situation,
06:06 alors que la législation sera peine de mort,
06:09 à chaque fois lire grâce ou pas grâce.
06:11 Et donc, il faut absolument, si on ne veut pas que cette pression augmente,
06:16 que très vite, ça a été fait en septembre,
06:18 - Oui, alors j'allais vous poser la question en faisant appel à vos soutenirs.
06:21 - Tout de suite, on fasse voter l'abrogation.
06:24 Et là, Robert Bazinter aussi a eu un rôle tout à fait décisif.
06:29 Ça rejoignait d'ailleurs une conviction qu'il avait, que je partage,
06:32 c'est que ce qu'on ne fait pas tout de suite,
06:34 mais en général, on a beaucoup de mal à le faire,
06:36 en tout cas quand c'est très important.
06:37 - D'un mot Laurent Fabius, puisque vous l'évoquiez,
06:39 ce discours historique du 17 septembre 1981,
06:42 devant l'Assemblée nationale,
06:44 quel souvenir vous en avez ?
06:45 Vous étiez ministre du Budget à l'époque, vous étiez où d'ailleurs ?
06:49 - Je ne sais pas, mais je l'ai revu tellement de fois à la télévision,
06:51 que j'ai l'impression que j'y étais.
06:52 Oui, on a été collègues avec Robert,
06:56 avant que je devienne son Premier ministre,
06:58 parce qu'il était garde des Sceaux dans le gouvernement,
07:01 quand j'étais à maintien.
07:03 Ce discours, c'est l'éloquence de Robert,
07:06 c'est-à-dire pas simplement, évidemment,
07:09 une maîtrise parfaite des aspects techniques, juridiques,
07:13 mais un moment où vous sortez de vous-même,
07:19 avec une voix qui se transforme,
07:21 avec une conviction tellement forte
07:23 que personne, qu'il soit favorable ou défavorable à l'orateur,
07:27 peut dire "c'est pas sincère".
07:30 Il y a une telle force, une telle sincérité,
07:34 avec de tels arguments pertinents,
07:37 que même si vous êtes hostile à ce que dit l'orateur,
07:40 vous laissez en portée.
07:42 Ça, c'est la grande éloquence.
07:44 - On va continuer d'évoquer la mémoire de Robert Badinter,
07:46 le rôle du Conseil constitutionnel également,
07:48 après le Filinfo, puisqu'il est 8h40, à l'IA Bergel.
07:52 - Et à dix jours du Salon de l'agriculture,
07:53 Emmanuel Macron accueille aujourd'hui la Coordination rurale
07:56 et la Confédération paysanne à l'Elysée.
07:58 Le président de la République recevra mardi prochain
08:01 les jeunes agriculteurs et la FNSEA.
08:03 Ces deux syndicats ont échangé hier à Matignon
08:05 avec le chef du gouvernement, Gabriel Attal,
08:07 après une mobilisation d'ampleur du secteur ces dernières semaines.
08:11 Un contrat entre EDF et Amazon.
08:14 Amazon Web services la filiale Service informatique du géant américain
08:18 va gérer la planification de la maintenance des centrales nucléaires.
08:22 Cet accord est strictement verrouillé
08:24 dans le cadre des règles européennes sur l'entreprise.
08:27 Le patron des Républicains, Eric Ciotti, dénonce une préoccupante dérive
08:31 du Conseil d'État.
08:33 La plus haute juridiction administrative demande à l'ARCOM,
08:36 le régulateur des médias,
08:37 de renforcer son contrôle de la chaîne CNews.
08:40 Le PSG accueille la Real Sociedad ce soir.
08:43 Ligue des champions, huitième de finale allée de la compétition,
08:45 à 21h, au Parc des Princes.
08:47 Rencontre à vivre avec nous sur France Info.
08:49 Hier soir, victoire de Manchester City, 3 à 1 contre Copenhague.
08:53 1 à 0 pour le Real Madrid contre Leipzig.
08:56 (Générique)
08:58 - France Info.
08:59 - Le 8/30 France Info, Jérôme Chapuis, Salia Brakia.
09:04 - Toujours avec le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius,
09:07 vous avez grandi en politique avec Robert Banninter.
09:10 C'est lui qui vous a d'ailleurs fait rencontrer François Mitterrand.
09:13 Et avec Robert Banninter, vous avez commencé à avoir plusieurs missions
09:17 jusqu'à devenir ministre.
09:20 La relation entre Robert Banninter et François Mitterrand,
09:22 vous y avez assisté.
09:24 - Vous aviez la nature de l'entendre.
09:26 - C'est vrai que c'est Robert qui m'a présenté à François Mitterrand,
09:29 qui m'a ensuite demandé d'être directeur de son cabinet,
09:33 en précisant que son cabinet n'existe pas, d'ailleurs.
09:36 Et puis, nous avons été ministre ensemble.
09:38 Et puis, je suis devenu son premier ministre.
09:41 Et puis, président du Conseil constitutionnel,
09:43 et on a toujours été amis jusqu'à la fin de sa vie.
09:45 On déjeunait environ une fois par mois, tous les deux.
09:48 Oui, alors, vous me posez la question des rapports entre Banninter et Mitterrand.
09:54 Lorsqu'on parlait de Mitterrand, Banninter disait toujours "le chef".
10:00 - Il respectait l'autorité ?
10:02 - C'était pas tout à fait son genre. - C'était ironique ?
10:04 - Non, non, non, pas du tout.
10:06 Mais il y avait une relation telle qu'il l'appelait "le chef".
10:10 Il l'appelait pas Mitterrand ou le président.
10:12 Bon, et ça m'a toujours frappé.
10:16 Ça m'a toujours frappé.
10:17 - Vous faisiez référence, juste avant le Fil-Info,
10:18 à son art oratoire à Robert Banninter.
10:21 On le sait, on a revu les images suite à son décès.
10:24 Un homme passionné quand il prononce des discours,
10:27 quand il parle de ses combats.
10:28 En privé aussi, il était comme ça ?
10:30 - Non, non, en privé, il était très posé,
10:36 beaucoup d'humour,
10:37 beaucoup de profondeur aussi et beaucoup de simplicité.
10:43 Et au fur et à mesure qu'il a pris de l'âge,
10:46 il est devenu de plus en plus asset.
10:50 Ce qui fait que les déjeuners étaient assez...
10:52 - Légers ? - Légers, oui.
10:55 Que ce soit chez lui ou ailleurs.
10:58 Bon, non, mais c'était un homme formidable.
11:00 Et puis, quand vous pouvez, avec un homme comme cela,
11:06 parler totalement en confiance,
11:08 sans aucun secret l'un pour l'autre,
11:10 ça donne de la chair à la vie.
11:16 - Laurent Fabius, il a été, comme vous, Robert Banninter,
11:19 président du Conseil constitutionnel,
11:21 institution qui est régulièrement remise en cause
11:23 par certaines formations politiques.
11:26 Vous diriez que Robert Banninter a contribué
11:28 à rapprocher le Conseil constitutionnel des Français.
11:31 - En tout cas, à asseoir l'autorité du Conseil.
11:34 Alors, là-dessus, oui,
11:36 Robert a été président du Conseil constitutionnel
11:38 de 1986 à 1995.
11:43 Bien, et la première personne
11:48 que j'ai officiellement invitée à venir me voir au Conseil
11:51 lorsque moi-même, je suis devenu président, c'est Robert.
11:54 Et je l'ai fait volontairement.
11:56 Et à propos de Robert et du Conseil constitutionnel,
11:59 deux notations, deux phrases.
12:03 Une phrase qu'il mettait d'ailleurs sur son bureau
12:06 quand il présidait le Conseil.
12:09 "Toute loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise,
12:15 mais toute loi mauvaise n'est pas nécessairement inconstitutionnelle."
12:19 Alors, ça paraît une évidence, pas du tout.
12:21 Et c'est l'une des raisons pour lesquelles
12:24 le rôle du Conseil n'est pas bien compris par les Français.
12:28 Il peut arriver qu'une loi soit bonne,
12:33 mais voilà, elle a franchi la ligne jaune.
12:37 - C'est la raison pour laquelle vous aviez rappelé récemment,
12:40 avant la mort de Robert Banninter, que le Conseil constitutionnel,
12:44 ce n'est pas la chambre d'appel des choix du Parlement.
12:46 - Exactement.
12:47 Nous, membres du Conseil, nous n'avons pas à dire
12:50 si cette loi est bonne ou mauvaise.
12:51 L'opinion a des idées.
12:53 Par exemple, prenons la loi retraite, la loi immigration.
12:56 L'opinion a une certaine passion par rapport à ça,
12:59 qui n'est pas la même.
13:00 Dans le cas de la loi retraite,
13:02 l'opinion était majoritairement contre la loi retraite.
13:05 Dans le cas de la loi immigration,
13:07 pareil, l'opinion était majoritairement pour la loi immigration.
13:10 Dans les deux cas, le Conseil a été critiqué,
13:13 alors que c'est le même Conseil.
13:16 - Mais on vous a accusé de faire de la politique.
13:18 - Parce qu'il faut bien comprendre que nous,
13:20 les membres du Conseil constitutionnel,
13:22 nous n'avons à nous prononcer qu'en droit, pas en opportunité.
13:25 - C'est pas ce qui a été traduit par les forces politiques,
13:27 notamment les Républicains ou le Rassemblement national,
13:29 qui disent "vous avez fait un coup d'État de droit".
13:32 - Oui.
13:33 - Un coup d'État de droit, les mots sont forts.
13:35 - Madame, il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées.
13:39 Non, regardons les choses précisément.
13:41 Nous, le Conseil constitutionnel, comme dans toutes les démocraties avancées,
13:45 nous avons à nous prononcer en droit, pas en opportunité.
13:49 Alors que les forces politiques, je le comprends bien,
13:51 disent "nous voilà notre thèse", etc.
13:53 Mais le droit, alors, quelle est la fonction du Conseil ?
13:56 Je ne vais pas vous faire un cours de droit,
13:58 mais dans les grandes démocraties, il y a la loi.
14:01 Elle est votée par le Parlement, très bien.
14:03 Mais au-dessus de la loi, il y a la loi des lois.
14:07 Ça s'appelle la Constitution.
14:08 Et il faut bien qu'il y ait quelques personnes
14:11 qui vérifient si la loi est conforme à la loi des lois.
14:15 Ça s'appelle les membres du Conseil.
14:17 - Mais Laurent, est-ce qu'il y a des moments dans l'histoire,
14:19 où notamment quand la démocratie est en tension, voire en crise,
14:22 où la frontière entre le droit et la politique,
14:25 elle n'est pas si évidente que ça ?
14:26 Prenez par exemple les Républicains,
14:27 qui souhaitent, après la censure de la loi immigration
14:31 par le Conseil constitutionnel, soumettre à référendum
14:34 un certain nombre de mesures de la loi immigration
14:38 qui ont été censurées.
14:40 - Qui ont été censurées pour des raisons de procédure.
14:42 - Pour des raisons de procédure.
14:43 Certaines l'ont été aussi pour des raisons de fond,
14:46 mais en l'occurrence, c'est souvent pour des raisons de procédure.
14:48 Si des mesures non conformes à la Constitution
14:50 venaient à être soumises au référendum,
14:52 quelle est la légitimité qu'il emporterait ?
14:54 Est-ce que c'est celle du Conseil constitutionnel
14:56 ou c'est celle des électeurs du peuple ?
14:58 - Non. Alors, là encore, je ne vais pas vous faire un cours de droit,
15:01 mais est-ce que vous me donnez trois minutes ?
15:03 - Allez-y, c'est important, ce n'est pas important.
15:05 - Alors, effectivement, il y a, d'après ce que nous ont annoncé les journaux,
15:10 une proposition qui va être déposée de référendum d'initiative partagée, le RIP,
15:14 par les Républicains, je crois,
15:17 portant sur certaines dispositions de la loi d'immigration.
15:23 Bien. Et le Conseil constitutionnel,
15:26 c'est l'article 11 de la Constitution, va vérifier tout cela.
15:29 Alors, qu'est-ce qui doit se passer comme procédure ?
15:33 Bon, d'abord, c'est tout à fait leur droit, bien sûr.
15:35 Nous allons vérifier, si vraiment la démarche est traduite dans les faits,
15:40 qu'il y a un nombre suffisant de parlementaires.
15:42 Il en faut 185. Donc, on va vérifier ça, c'est vrai ou c'est pas vrai.
15:45 Bon. Ensuite, s'il y a un nombre suffisant de parlementaires
15:49 qui déposent une proposition, il faudra revoir les termes, évidemment.
15:53 À ce moment-là, nous devons, nous, Conseil constitutionnel,
15:56 c'est la Constitution qui dit ça,
15:59 regarder si cette proposition de RIP est conforme à l'article 11.
16:05 C'est-à-dire, s'il s'agit d'une proposition de réforme
16:09 sur la politique sociale, économique et environnementale.
16:12 Nous dirons oui, nous dirons non, en regardant ce qui se passe.
16:15 - Il est trop tôt pour vous prononcer ?
16:16 - Bien sûr que oui, je ne vais pas me prononcer n'ayant pas vu le texte,
16:20 et même si je respecte beaucoup votre chaîne,
16:22 je ne vais pas transformer France Info en Conseil constitutionnel.
16:26 Donc, d'autre part, je vous rappelle que nous sommes un collège,
16:29 nous sommes 9, ce n'est pas moi tout seul.
16:31 Donc, nous allons regarder si c'est conforme ou pas.
16:34 Si ce n'est pas conforme, ça s'arrête.
16:36 Si c'est conforme, il y a encore d'autres procédures.
16:39 Il faut que, dans ce cas, les initiateurs de la proposition
16:43 réunissent à peu près 5 millions de signatures, ce qui n'est pas facile.
16:46 - 10 % du corps.
16:47 - Et une fois que tout ça a eu lieu,
16:50 il faut encore que ce soit examiné par les assemblées.
16:54 Et là, il y a une certaine ambiguïté dans la rédaction,
16:57 on ne sait pas exactement si ça aboutit automatiquement à la fin de l'an,
17:02 ou s'il y a une possibilité pour le président de la République
17:06 de choisir ou de ne pas choisir.
17:07 - Bon, en clair, vous nous dites quoi ?
17:08 Ça va être compliqué d'y arriver, pour les LR ?
17:11 - Non, ce n'est pas spécifiquement pour les LR,
17:13 mais pour le moment, cette disposition qui a été introduite en 2008
17:18 n'a jamais pu s'appliquer jusqu'au bout.
17:20 - Peut-être parce qu'il y a beaucoup d'obstacles que vous venez de rappeler.
17:23 - D'obstacles, en tout cas des éléments de procédure.
17:25 Moi, je pense que...
17:27 Alors, c'était parti en 2008 d'une idée que je crois positive,
17:31 consistant à dire, la démocratie, ça ne peut pas être,
17:34 on vote une fois tous les cinq ans pour le président de la République
17:36 et entre-temps, rien ne se passe.
17:38 Donc, on veut faire participer démocratiquement davantage le peuple.
17:41 Bon, mais dans les faits, pour le moment, ça n'a pas pu se traduire.
17:46 Alors, on va voir si c'est le cas.
17:49 Je vous disais tout à l'heure, je ne perds pas le fil de ma pensée,
17:52 que s'agissant du Conseil, Robert avait dit, Robert Ballinter,
17:56 et je m'y mets exactement dans ses pas,
18:00 une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise,
18:05 mais une loi mauvaise n'est pas nécessairement inconstitutionnelle.
18:08 C'est-à-dire qu'on fait du droit et pas de la politique.
18:10 Mais Robert ajoutait autre chose, parce que parfois, on critique
18:14 les personnes qui ont été nommées au Conseil constitutionnel.
18:17 Robert disait, il faut que ces personnalités soient indépendantes.
18:22 Qu'est-ce que c'est qu'être indépendant ?
18:25 C'est n'avoir rien à espérer et rien à redouter.
18:30 - Ce qui est votre cas ?
18:32 - Compte tenu de mon âge canonique, mes espérances sont limitées.
18:39 Quant à redouter, bon, pour le moment, je ne vois pas de quoi il s'agit.
18:45 - Les cours constitutionnels en France, ailleurs dans le monde,
18:48 n'ont-elles rien à redouter ? On vous posera la question.
18:50 On va laisser passer le Fil Info, il est 8h52.
18:52 Elia Bergel.
18:53 - Le PDG de SNCF Voyageurs qualifie sur France Info
18:56 d'incompréhensible l'appel à la grève des contrôleurs.
19:00 Ce week-end, un million de personnes sont attendues sur les rails
19:03 en pleine vacances scolaires.
19:04 Objectif, assurer un TGV sur deux ce week-end,
19:07 annonce ce matin Christophe Fannichet.
19:09 Sud Rail et la CGT Chemilot ont déposé un préavis.
19:11 De vendredi à dimanche, mobilisation pour demander
19:14 notamment l'augmentation d'une prime.
19:16 Idiots, indignes, dangereux.
19:18 Les mots de Joe Biden pour qualifier les propos de son rival Donald Trump
19:22 au sujet de l'OTAN le week-end dernier.
19:24 L'ancien milliardaire en lice pour un nouveau mandat a affirmé
19:27 qu'il encourageait la Russie à s'en prendre au pays de l'Alliance
19:30 s'il ne paye pas leur part.
19:32 Une dizaine de nouvelles plaintes, notamment pour viol et agression sexuelle
19:36 déposées contre l'institution privée Notre-Dame de Bétarame
19:39 dans les Pyrénées-Atlantiques.
19:41 Cela s'ajoute aux 20 plaintes déjà déposées par d'anciens élèves
19:45 de ce collège lycée catholique privé.
19:47 Ils dénoncent des faits commis selon eux par des religieux et des laïcunes.
19:51 La fin d'une époque pour M6.
19:53 Nicolas de Taverneau va tirer sa révérence en avril après 37 ans
19:57 au sein de la chaîne qui l'a contribué à fonder l'actuel dirigeant
20:01 de 73 ans, reçu une nouvelle génération près de l'ERN.
20:04 Le 8/30 France Info, Jérôme Chapuis, Salia Braklia.
20:14 Avec le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius,
20:16 il est beaucoup question de la Constitution en ce moment dans l'actualité
20:19 à l'occasion des projets de révision.
20:21 D'abord la volonté de supprimer le droit du sol pour l'île de Mayotte.
20:24 Certains y voient une double rupture avec des principes fondamentaux
20:27 de la République, l'égalité entre les citoyens et l'unicité du territoire.
20:32 Vous, sans vous prononcer sur le fond, sur un plan historique,
20:35 est-ce que cette évolution constituerait une rupture ?
20:37 - Alors, effectivement, le ministre de l'Intérieur a évoqué
20:43 une révision de la Constitution dans les termes que vous venez de reprendre.
20:48 Bon, on verra, il faut voir le texte, il faut voir quel est le rôle du Conseil
20:54 ou son absence de rôle là-dedans.
20:56 En rappelant une chose tout à fait essentielle,
20:59 qui peut paraître un peu trop juridique, mais qui est fondamentale.
21:03 Tout à l'heure, on parlait du référendum d'initiative partagée.
21:07 Ça, c'est l'article 11 de la Constitution, c'est-à-dire l'utilisation du référendum
21:11 quand il n'y a pas de révision de la Constitution.
21:15 En revanche, quand il y a une révision de la Constitution,
21:18 c'est obligatoirement un article qui s'appelle 89,
21:22 qui exige d'abord l'accord des deux chambres.
21:24 Donc faisons bien attention à ça.
21:27 Quand il n'y a pas besoin de réviser la Constitution, article 11.
21:32 Quand il y a besoin de réviser la Constitution, article 89.
21:35 - Donc là, déjà, vous dites, attendons de voir ce que vont dire les parlementaires
21:39 avant que le Conseil constitutionnel s'exprime.
21:42 - Bon, ça pose deux, trois questions, évidemment.
21:44 Première question, mais ça ne nous regarde pas,
21:47 quelle est l'efficacité, attendu, de la proposition.
21:49 - Mais sur la question de la rupture, voilà, de la rupture historique.
21:51 - Oui, mais alors, j'y viens. Deuxième question, celle que vous posez.
21:55 Est-ce que le texte, une fois qu'il sera fabriqué,
22:02 est-ce que, oui ou non, il est en rupture avec certains éléments,
22:09 et notamment, qu'est-ce qu'il pose comme problème
22:12 par rapport à ce qu'on appelle l'indivisibilité de la République ?
22:15 Parce que, si j'ai bien compris, on dit, la situation de Mayotte est spécifique,
22:19 donc il faut un texte spécifique.
22:21 Mais en même temps, la République est unie et indivisible.
22:24 Donc comment est-ce que ça se concilie ?
22:25 Je ne donne pas la réponse aujourd'hui, mais évidemment, c'est une des questions.
22:28 - Mais vous avez posé la question, vous aussi.
22:29 - Une des questions. - Mais est-ce que le Conseil...
22:31 - Je vais vous poser des questions. Et troisième question, très importante,
22:35 comment, politiquement, on fait accoucher tout ça,
22:38 sachant qu'il faut, puisqu'on est dans le cadre de la révision,
22:41 donc l'article 89, d'abord, un accord entre les deux chambres.
22:44 - Mais sur la révision de la Constitution, s'il y a une majorité,
22:47 le Conseil constitutionnel peut-il s'opposer de leur côté ?
22:51 - Non, alors, si on est dans le cadre de l'article 89,
22:53 il faut d'abord qu'il y ait un accord des deux chambres.
22:56 S'il y a un accord des deux chambres, à ce moment-là, il y a le choix.
22:59 Ça peut être majorité des 3/5ème ou référendum, etc.,
23:04 majorité des 3/5ème en congrès,
23:06 et là, dans cette hypothèse-là, le Conseil n'est pas consulté.
23:10 - Une question sur le rôle d'une Constitution,
23:13 à propos d'une autre révision, l'inscription de l'IVG,
23:17 ou en tout cas d'une liberté garantie de l'avortement dans la loi fondamentale.
23:21 Ici même, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, disait
23:23 que la France serait le premier pays au monde à l'inscrire dans sa loi fondamentale.
23:28 C'est ça aussi une Constitution, c'est un texte étendard ?
23:32 - Alors, ça peut avoir ce rôle-là.
23:35 Là encore, puisqu'il s'agit d'une révision de la Constitution,
23:39 article 89.
23:40 Donc il faut d'abord un texte, l'accord des deux chambres,
23:43 et ensuite 3/5ème, etc.
23:45 Bon, il est évident, mais là encore, je ne veux pas peser sur la décision,
23:51 ce n'est pas du tout mon rôle,
23:52 mais si on fait figurer le droit, la garantie de droit à l'IVG dans la Constitution,
24:00 ce n'est pas une chose qui se fait en passant, comme ça.
24:03 Ça a une force particulière.
24:04 Simplement, il faut que les deux chambres se mettent d'accord.
24:07 Et donc aujourd'hui, elles ne sont pas encore réunies.
24:09 - Et en vote attendu au Sénat, Gérard Larcher, le président du Sénat,
24:12 justement, a dit récemment, ici même sur ce plateau,
24:15 que la Constitution ne pouvait pas être un catalogue des droits sociaux et sociétaux.
24:20 - Oui, alors j'ai vu la position du président Larcher,
24:23 au-delà de la position qu'il a prise, la question est,
24:27 est-ce que les deux chambres arriveront à se mettre d'accord là-dessus ?
24:30 C'est la procédure.
24:32 Ne croyez pas que je fasse du juridisme,
24:34 mais la procédure, c'est ce qui permet la garantie des droits des uns et des autres.
24:38 - Et c'est ce qui donne le filtre aussi à toutes les idées politiques
24:41 qui peuvent venir à vous, au Conseil constitutionnel.
24:44 - Oui, bien sûr.
24:44 - Laurent Fabius, vous nous disiez tout à l'heure
24:45 n'avoir rien à redouter à titre personnel,
24:47 c'est une garantie d'indépendance.
24:49 - Mais pas pour moi, c'est d'une manière générale pour les membres.
24:51 - D'une manière générale, mais précisément les cours constitutionnels,
24:54 que ce soit en France, on l'a vu avec telle ou telle déclaration,
24:57 mais aussi ailleurs, dans d'autres démocraties,
24:59 elles sont souvent remises en cause, ou parfois même tout simplement au centre du jeu,
25:04 on le voit avec la Cour suprême aux Etats-Unis,
25:06 qui va devoir se prononcer par exemple sur l'éligibilité de tel ou tel candidat.
25:09 Qu'est-ce que ça dit de l'état de nos démocraties, de leur fragilité ?
25:12 - Ben justement, vous employez le mot fragilité.
25:16 J'ai essayé d'expliquer, j'espère que ce n'était pas trop obscur,
25:19 qu'au-dessus de la loi, il y avait la loi des lois.
25:21 Et ça, c'est vrai dans toutes les démocraties avancées.
25:23 Mais lorsque un pouvoir, quel qu'il soit, veut changer radicalement l'ordre des choses,
25:31 évidemment, ceux qu'il a en ligne de mire, ce sont les grands juges,
25:35 parce que ce sont eux qui sont les gardiens du droit.
25:39 Alors, on le voit par exemple en Hongrie, on le voit en Pologne,
25:44 et donc il faut faire très attention,
25:46 non pas que les décisions que prennent les cours suprêmes
25:50 soient toujours absolument merveilleuses,
25:52 mais elles assurent le respect du droit.
25:55 Et il y a une tentation, dans un certain nombre de "démocraties",
26:01 de dire que quand on ne peut pas respecter le droit,
26:05 eh bien il faut faire appel au peuple, et que le peuple doit être au-dessus de tout.
26:09 On a commencé l'interview en parlant de Robert Ballinter.
26:11 Ballinter avait un respect infini pour Victor Hugo.
26:16 C'était son grand homme.
26:17 Et Victor Hugo a une phrase absolument magnifique.
26:21 Il a écrit un jour "Souvent, la foule trahit le peuple".
26:28 Et c'est ma réponse à cette question.
26:31 Souvent, on tente à utiliser la foule pour trahir les réels intérêts du peuple,
26:38 qui sont de respecter le droit.
26:43 Merci beaucoup Laurent Fabius, président du Conseil Constitutionnel,
26:46 invité de France Info ce matin.
26:48 Je vous laisse en compagnie de Salia Brakhlia.
26:49 Dans 5 minutes, les informés, Salia.
26:51 Avec l'hommage national à Robert Ballinter,
26:53 c'est tout à l'heure au ministère de la Justice.
26:56 Qu'est-ce que la République doit à l'homme politique qu'il était ?
26:59 Emmanuel Macron lui se dit favorable à l'entrée de Robert Ballinter au Panthéon.
27:03 On en parle tout à l'heure, dans un instant,
27:05 même avec Renaud Dely et ses informés.
27:07 A tout de suite sur France Info.
27:08 [Musique]