Un déjeuner partagé avec Marie-Claude Pietragalla, danseuse étoile et chorégraphe, pour parler de l'alimentation des danseurs professionnels et de la charcuterie corse qui perpétue un savoir faire ancestral.
Brigitte Boucher et Jean-Pierre Montanay partagent un repas avec une personnalité : politiques, chefs cuisiniers, artistes.... L'occasion d'aborder un thème d'actualité, autour de reportages et d'un menu élaboré avec des plats typiques de leur région, souvenirs d'enfance ou qu'ils apprécient particulièrement. Comment le contenu de nos assiettes impacte-t-il nos modes de vie ? Tout en parlant gastronomie, c'est l'avenir de notre société et les enjeux de demain qu'ils questionnent.
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Brigitte Boucher et Jean-Pierre Montanay partagent un repas avec une personnalité : politiques, chefs cuisiniers, artistes.... L'occasion d'aborder un thème d'actualité, autour de reportages et d'un menu élaboré avec des plats typiques de leur région, souvenirs d'enfance ou qu'ils apprécient particulièrement. Comment le contenu de nos assiettes impacte-t-il nos modes de vie ? Tout en parlant gastronomie, c'est l'avenir de notre société et les enjeux de demain qu'ils questionnent.
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00:00 [Musique]
00:17 Bonjour à tous et bienvenue dans Politique à table sur LCP,
00:21 l'émission où on parle alimentation, agriculture, écologie, environnement,
00:25 mais aussi politique.
00:27 Et cette semaine nous recevons une invitée exceptionnelle,
00:29 Marie-Claude Pietragala, dite Pietra.
00:32 - Bonjour.
00:33 - Et avec moi pour présenter cette émission, Jean-Pierre Montanay.
00:35 Bonjour Jean-Pierre.
00:36 - Bonjour Brigitte et alors bonjour Pietra.
00:39 - Vous êtes danseuse et chorégraphe,
00:41 vous êtes entrée à 10 ans à l'Opéra de Paris après avoir réussi le concours de danse.
00:45 À 16 ans, vous intégrez le corps de ballet.
00:47 Dans les trois années qui vont suivre, vous êtes nommée quadrille,
00:50 puis chorifée, puis sujet.
00:51 Six ans plus tard, à 25 ans, vous devenez première danseuse
00:55 sous la direction de Nourayef.
00:57 Et en 1990, à 27 ans, le Graal,
01:00 vous êtes étoile du ballet de l'Opéra National de Paris.
01:04 Vous le restez jusqu'en 1998,
01:06 où vous prenez la direction du Ballet National de Marseille.
01:09 En 2005, vous fondez votre propre compagnie,
01:12 puis une école, le Théâtre du Corps,
01:14 avec le danseur et chorégraphe Julien Derouaux,
01:17 qui partage votre vie.
01:18 Vous avez interprété tous les grands rôles,
01:21 le Lac des Cines, la Sylphide, Carmen, la Bayadère ou Gisèle.
01:24 Votre dernière création que vous revisitez
01:27 et que l'on pourra admirer à la scène musicale
01:29 du 14 au 17 mars, puis dans toute la France jusqu'au 31 mai.
01:34 Alors, pour vous préparer, vous vous êtes mis au sucre lent.
01:36 N'est-ce pas, Jean-Pierre ?
01:37 - Oui, avec du riz.
01:38 Mais un risotto, quatre fromages et en dessert, une glace au marron.
01:42 - Dans le dessous des plats, que mangent les danseurs ?
01:46 Nous nous sommes penchés sur leur alimentation.
01:49 Reportage dans l'école de Pietra.
01:51 - Dans les pieds dans le plat,
01:53 bris de zout au figatel ou l'onze,
01:55 ou comment la charcuterie corse perpétue un savoir-faire ancestral.
01:59 Reportage à suivre.
02:01 - Allez, on passe à table.
02:02 Tout de suite, cuisine et confidence.
02:04 - Alors, Pietra, puisqu'il faut vous appeler ainsi,
02:12 que vous choisissiez du riz ne m'a pas réellement...
02:15 - Je sens que ça vous déstabilise un peu.
02:17 - Non, très bien, pas du tout.
02:18 Ne m'a pas réellement surpris.
02:19 Le riz est bourré de vertu,
02:21 aliment sain, souvent recommandé pour muscler sa silhouette.
02:24 Or, quand on est danseuse de haut niveau comme vous,
02:26 on a un oeil sur son assiette et l'autre, hélas, sur la balance,
02:29 avec un cap à tenir, un arreau sur les grammes en trop.
02:33 Donc banco pour le riz, s'il est nature, en mode asiatique,
02:36 par exemple avec aller une petite pointe de sauce soja.
02:39 Mais vous, votre riz, c'est quand même du risotto.
02:42 Et la question caloriste n'est plus la même limonade.
02:44 Le riz cohabite avec du beurre et du bouillon de poulet.
02:46 Bref, un peu de gras.
02:47 Alors, à ce stade, j'imaginais encore un risotto en mode light,
02:50 au citron, aux champignons.
02:51 Eh bien non, au fromage.
02:54 - Au quatre fromage !
02:55 - Au quatre fromage !
02:57 Eh oui, soyons fous, soyons étoiles et gourmandes à la fois.
02:59 En fait, ce plat dit quelque chose de vous,
03:01 de votre personnalité qui transparaît dans vos spectacles
03:04 et vos entretiens, fougueuses, transgressives,
03:07 insoumises et aussi infiniment corses.
03:10 Car il ne serait pas très étonnant que ce risotto au quatre fromage
03:13 ne fasse pas écho à vos racines de calvit.
03:16 Je me trompe, Pietra ?
03:18 - Alors, vous ne vous trompez pas, la seule chose que je vais vous faire
03:21 une petite confidence, c'est que général, le midi, je ne mange pas.
03:24 - Ah ! - Voilà.
03:25 Donc, on m'a demandé de choisir un plat.
03:27 Donc ça, c'est un plat que j'aime beaucoup, le risotto au quatre fromage.
03:29 - C'est une entorse, alors.
03:31 - C'est-à-dire que je n'ai pas vraiment le temps.
03:34 Et je préfère, si vous voulez, je travaille en général de 10h à 18h, 19h,
03:40 physiquement. Puis après, j'ai de l'administration à faire.
03:43 Donc, la journée n'est pas finie.
03:46 Et j'ai beaucoup de mal à manger quand je dois travailler, physiquement.
03:50 Donc, je mange le matin et le soir.
03:52 - Donc, vous dites travailler, c'est danser.
03:54 Donc, c'est compliqué de danser le ventre lourd.
03:55 - C'est l'ensemble des danseurs ou c'est vous, votre régime ?
03:58 - Non, non, non, non, ça, c'est moi.
03:59 Et en plus, je suis végétarienne.
04:01 Donc, voilà, ça ne veut pas dire que je peux manger, évidemment.
04:08 - Mais le risotto, est-ce qu'il faut y voir une passion pour l'Italie, peut-être ?
04:12 - Oui, un peu.
04:14 Oui, j'aime beaucoup l'Italie.
04:16 Et puis, c'est vrai que vous avez dit, par rapport à mes racines corses,
04:19 voilà, mais j'aime beaucoup le riz.
04:21 Je préfère le riz aux pâtes, personnellement.
04:24 Voilà, même si c'est un peu la légende de dire que les danseurs
04:27 mangent des pâtes avant le spectacle.
04:28 - Mais il n'y a pas de gluten dans le riz.
04:30 - Moi, j'ai un peu de mal avec les pâtes.
04:32 Et c'est vrai que le riz, je ne sais pas,
04:33 j'ai l'impression que c'est plus facile à digérer.
04:36 - Alors, est-ce qu'on vous retrouve derrière les fourneaux de temps en temps ?
04:38 Est-ce que, par exemple, c'est un plat que vous savez cuisiner ?
04:42 - Je dois dire la vérité, hein.
04:43 - C'est vous qui voyez. - Pas du tout.
04:44 Je suis une très mauvaise cuisinière.
04:47 Je ne cuisine pas.
04:48 - Vous n'aimez pas ça, vous n'avez pas le temps.
04:51 - Les deux. - Les deux.
04:53 - Très bizarrement.
04:54 Alors, c'est un peu bizarre de se dire ça sur une émission de cuisine,
04:57 mais j'ai beaucoup de mal à faire de la cuisine.
05:03 Je n'ai pas le temps et je n'ai pas particulièrement l'envie.
05:06 Bizarrement, je pourrais manger, par exemple, du risotto pendant,
05:12 je ne sais pas, 15 jours, ça ne me poserait pas de problème.
05:14 - C'est-à-dire que la diversité, ce n'est pas votre risotto tous les jours.
05:18 - Oui, ça serait très bien.
05:19 - Est-ce que vous êtes quand même un peu gourmande ?
05:21 - Oui. - Voilà, on va le goûter, ce risotto.
05:23 - Ah oui, on va le goûter ensemble.
05:24 - On peut ne pas aimer faire la cuisine et apprécier la cuisine des autres.
05:27 - Absolument.
05:28 - Si vous acceptez de faire une petite entorse.
05:30 - Alors, votre déjeuner habituel ?
05:35 - Oui, très bon.
05:36 - Et pendant ce temps-là, Jean-Pierre, trois choses à savoir sur le risotto au quatre fromages ?
05:39 - Oui, très rapidement.
05:40 Comme son nom l'indique, l'intérêt de ce risotto,
05:42 Brigitte, repose essentiellement sur les quatre fromages.
05:45 Bien sûr, on peut se tourner vers le must des pâtes italiennes,
05:49 fontina, gorgonzola, taleggio, mozzarella, parmesan, voire ricotta.
05:54 Mais on peut aussi choisir du comté, du gruyère, du gouda ou du cheddar.
05:58 Tous les goûts sont dans la nature.
05:59 Alors, fromage ou pas, comme pour tous les risottos, bien choisir.
06:03 C'est pour Pietra qui va bientôt se lancer dans le risotto.
06:06 C'est un riz rond italien type arborio, carnaroli, voire vialone nano.
06:11 Comptez entre 18 et 20 minutes, c'est très important, 18 et 20 minutes de cuisson.
06:15 Le grain, comme celui-ci qui est très bon, le grain doit être un peu al dente au final.
06:20 - Légèrement croquant.
06:21 - Il doit être un peu mouillé, mais pas trop sec.
06:22 Il ne faut pas que ce soit, qu'on le mange à la spatule.
06:25 Enfin, le deuxième ingrédient crucial, c'est le bouillon.
06:28 Dans ce cas, il s'agit d'un bouillon de volaille.
06:30 La facilité, bien sûr, c'est de prendre son petit cube et de le mettre dans l'eau.
06:34 Mais le mieux, le must, c'est d'acheter une poudre ou un poulet et de le faire cuire plusieurs heures.
06:39 - C'est long, tout ça.
06:40 - Oui, mais c'est comme un balai.
06:42 - On n'a rien senti.
06:43 - C'est un balai, le risotto, avec du sel, des carottes, des oignons.
06:49 - Des petits légumes.
06:50 - Et puis, voilà, ça fait un savouro.
06:51 - Et on ajoute le bouillon petit à petit.
06:53 - Oui, ce n'est pas facile.
06:54 - Vous avez envie de vous lancer ? Non, vous n'êtes pas sûre ?
06:56 - Ce n'est pas facile, non.
06:59 Je pense que je préfère que ce soit les autres qui se lancent à ma place.
07:02 Je n'ai pas de résultat, moi, quand je vais me lancer, je ne sais pas de résultat.
07:05 En dehors des salades composées, je ne sais pas trop faire de choses.
07:10 - Vous n'avez pas trop d'idées pour associer les aliments ensemble ?
07:13 - Je ne veux pas prendre de risques, je ne sais pas comment vous dire.
07:16 - Et les fromages, les 4 fromages, peu importe ?
07:20 - J'aime bien le gorgonzola.
07:22 Je trouve que ça donne un parfum particulier, c'est assez fort.
07:25 - Il y a un peu de parmesan.
07:26 - J'adore le parmesan, oui.
07:28 - Il y a quand même un prisme italien.
07:32 Vous êtes végétarienne, ça veut dire que vous ne mangez pas de viande depuis l'âge de 18 ans ?
07:39 - Je le dis souvent, c'est vraiment une prise de conscience grâce à Brigitte Bardot.
07:44 - C'est vrai.
07:45 - Brigitte Bardot.
07:46 - J'adore cette femme.
07:48 - Vous l'avez rencontrée ?
07:49 - Je l'ai eue au téléphone, je ne l'ai pas rencontrée.
07:51 J'ai rencontré le président de son association parce que j'ai participé à une de ses campagnes.
07:57 Elle m'a ouvert les yeux sur l'élevage, la condition des animaux.
08:08 - Les violences faites aux animaux.
08:09 - L'élevage, le transport, l'abattage.
08:14 - C'est vraiment le bien-être animal qui...
08:16 - C'est le bien-être animal, puis même, moi je dis tout le temps, on devient ce qu'on mange.
08:22 Donc je n'ai pas du tout envie de manger ces animaux, cette souffrance.
08:27 Parce que quand on voit les abattoirs, quand on voit, moi je suis très sensibilisée à toutes les associations comme L214 qui nous montrent des choses.
08:34 Alors il y a des gens qui disent "non moi je ne veux pas voir".
08:36 Moi je vois, c'est horrible.
08:38 - Alors vous êtes un peu une militante, vous êtes plus qu'une végétarienne.
08:40 - Oui, oui, oui.
08:41 Moi je vois, je signe toutes les pétitions.
08:43 C'est épouvantable ce qui se passe, épouvantable.
08:47 Des animaux qui sont tués, dépecés, encore vivants.
08:52 C'est affreux, les petits porcelets qui sont castrés vivants.
08:57 Il y a des choses, les animaux qui sont entassés, qui voyagent pendant des jours entiers.
09:03 Je pense que même si on aime la viande, on peut élever les animaux d'une autre façon.
09:11 - Ça a été un sacrifice de prendre cette décision ? Vous aimiez la viande ?
09:15 - Pas du tout. Ça n'a pas du tout été un sacrifice.
09:17 - Pas particulièrement ?
09:18 - Non, non, non. Alors j'avais des grandes discussions avec à l'époque le grand directeur de l'Opéra, Rudolf Norrieff,
09:23 qui me disait "mais vous, Pietra, pas possible, vous devoir manger viande, pas pouvoir danser".
09:28 - Pour les protéines ?
09:29 - Et je lui disais "non, non, Rudolf, lui il mangeait des steaks tartare et des choses comme ça".
09:34 Et en fin de compte, vous voyez...
09:38 - Vous l'avez remplacé par quoi alors, comme aliments ?
09:40 - Eh bien le riz, les pâtes, les céréales...
09:44 - Vous n'avez pas de carences en protéines ?
09:46 - Pardon ?
09:47 - Vous remplacez les protéines par autre chose ?
09:49 - Les oeufs ? Ah non, les oeufs je suis bête.
09:50 - Non, non, non, les oeufs, si, si.
09:52 - Ah, vous mangez les oeufs ?
09:53 - Je ne suis pas végétarienne.
09:54 - Ah d'accord, très bien. Alors oui, puis du fromage et des oeufs, d'accord.
09:56 - Les oeufs, donc, je mange...
09:57 - Fromage, céréales, légumes verts, salades, écoutez ça...
10:03 - Et donc pas de poisson non plus, on est d'accord ?
10:05 - Poisson, si.
10:06 - Ah si, vous prenez du poisson, d'accord.
10:08 - Oui, oui, oui, végétarien, c'est poisson, poisson, oeufs,
10:10 mais tout ce qui est viande, viande blanche, viande rouge, pas.
10:13 - Mais on peut assurer à mon avis une bonne alimentation sans manger de la viande, donc...
10:17 - Ah ben moi j'en suis persuadée, je pense que je suis l'exemple en tous les cas,
10:21 même avec une activité intensive, puisque j'ai quand même,
10:27 souvent j'ai trois ou quatre spectacles dans la semaine,
10:29 donc oui, oui, si, si, bien sûr.
10:32 Mais ça a été au-delà d'une histoire de régime, si vous voulez.
10:37 Ça n'a pas été un régime, ça n'a pas été pris...
10:39 Ça a été vraiment une prise de position, et non pas le fait de me dire
10:43 "bon je suis dans ce, je fais un régime, et donc je ne prends pas de viande rouge,
10:46 d'abord viande rouge c'est très mauvais pour les muscles,
10:48 elle a toutes les toxines, on préconise quand même plus la viande blanche,
10:54 mais non, non, c'était vraiment une prise de conscience,
10:57 et je l'ai eue très tôt, et merci, merci de l'avoir eue si tôt.
11:00 Alors comment vous vous nourrissez chez vous, à la maison,
11:03 qu'est-ce que vous achetez, comment vous faites votre marché ?
11:06 Comment je fais mon marché ?
11:09 Vous ne faites pas le marché !
11:11 (Rires)
11:13 Quand on ne cuisine pas, forcément, en amont, on ne fait pas forcément les courses.
11:17 Non, non, c'est vrai que je fais les courses une fois par semaine,
11:21 et puis j'essaye d'acheter ce dont j'ai besoin, légumes, céréales,
11:29 riz, pâtes...
11:32 Est-ce que vous prenez un peu de plaisir à faire les marchés,
11:34 à voir toutes ces victuailles, tous ces légumes, ces fruits,
11:36 ou ça vous est assez indifférent ?
11:38 Oui j'aime bien, je ne passe jamais devant les boucheries,
11:41 j'aime bien les légumes, ça j'aime beaucoup,
11:45 parce que moi je mange les légumes, les fruits, tout ça, j'aime beaucoup.
11:49 Et vous faites attention à la traçabilité, savoir si c'est du local,
11:53 pas du local, si c'est bio ?
11:55 J'essaye, en plus avec toute notre actualité,
11:59 je me suis maintenant interdit de prendre tout ce qui venait des pays,
12:03 j'essaye de prendre de français.
12:05 D'acheter français ?
12:06 Voilà.
12:07 Donc de mettre un petit peu plus cher peut-être ?
12:09 Oui, oui, et puis là j'ai décidé, si on ne doit pas manger de tomates,
12:14 avant je ne sais pas quand, on ne mangera pas de tomates.
12:17 Alors moi qui adore la tomate...
12:19 Donc vous faites attention à la saisonnalité des produits ?
12:21 J'essaye, et là ça m'a beaucoup sensibilisé, tout ce qui s'est passé avec les agriculteurs,
12:26 ça m'a énormément sensibilisé, déjà un, à la condition qui est une condition qu'on savait qui est très difficile,
12:33 et puis deux, de se dire, on ne va pas manger, quand ce n'est pas la saison, on ne va pas en manger,
12:38 puis ce n'est pas grave.
12:39 Alors on en mange plutôt en Corse que dans le Pas-de-Calais des tomates, dans la saison.
12:43 Ça varie effectivement, là on voit bien.
12:45 Et à la maison, tout le monde est végétarien, vous êtes tous sur la même ordre d'onde ?
12:50 Votre fille, parce que j'ai vu que vous aviez une fille qui...
12:52 Oui, ma fille est végétarienne.
12:53 Elle est aussi végétarienne ?
12:54 Oui, oui, oui, alors elle, elle fait très attention, et elle, elle cuisine très bien.
12:57 Ah oui.
12:58 Donc vous voyez, on cuisine quand même à la maison, mais elle cuisine bien.
13:01 Et c'est le prosélytisme de sa mère ou c'est par capillarité ?
13:04 Le fait qu'elle soit végétarienne ?
13:06 Non, non, c'est elle, je ne lui impose rien.
13:09 Non, non, et puis à son âge, et à vue de la personnalité, non je ne lui impose rien du tout.
13:14 Pour les mêmes raisons que vous, pour une histoire de bien-être animal,
13:16 ou pour une histoire de climat, de gaz à effet de serre ?
13:19 Les deux, les deux, parce que la jeune génération, ils sont très...
13:23 Ce qui est mon cas aussi, mais enfin, ils sont très, très sensibilisés à l'écologie.
13:27 À la problématique environnementale et à l'écologie ?
13:29 Oui, oui, elle fait attention à tout.
13:31 Les produits de beauté, tout, tout, elle fait attention à tout.
13:34 Et vous, enfant du coup, avant 18 ans, comment ça se passait à la maison ?
13:39 On mangeait de la viande, on mangeait de tout ?
13:41 Ah ben mes parents mangeaient beaucoup de viande.
13:43 Beaucoup de viande, ouais, parce qu'à l'époque c'était...
13:45 Et ça a été vraiment un conflit, même avec mes parents, sur le fait que je, tout d'un coup...
13:50 À 18 ans, ah oui, ça s'est mal passé chez vos parents.
13:53 Ben ils comprenaient pas non plus, hein.
13:55 Et bon, j'ai pas réussi à les entraîner avec moi, hein.
14:00 Bon, ils sont restés à aimer la viande.
14:04 Mais quand j'étais petite, c'était pas la même chose.
14:07 On n'avait pas les vaches usines, on n'avait pas tout ça.
14:11 Enfin, j'imagine que les vaches étaient dans un prêt, vous voyez, les cochons aussi.
14:17 Enfin, c'était pas la même chose, et puis on consommait pas de la viande comme ça.
14:20 Il n'y avait pas... Là, maintenant, je vois cette industrie dans les supermarchés,
14:24 mis sous plastique, on sait pas ce qu'on mange.
14:27 Même s'il y a marqué "Made in France", enfin bon, c'est quand même...
14:33 Bon, avec tous les pesticides qu'il peut y avoir, maintenant.
14:37 Donc c'est tout ça, et un peu... Enfin, moi, m'a confortée dans mon régime alimentaire.
14:44 -Et donc le genre de plats qu'on mangeait à la maison, c'était des plats très familiaux ?
14:49 Quel type d'alimentation ? De la cuisine traditionnelle française ?
14:53 -Oui, plutôt oui. Oui, oui. Ma mère savait très bien cuisiner, mon père aussi.
14:58 Donc j'ai vraiment pas hérité d'eux.
15:01 Et oui, c'était assez simple, hein, comme exemple.
15:04 Et puis c'était des bons vivants, mes parents. Ils s'ont épargts, par contre.
15:08 -Oui, mais c'était une autre époque, peut-être.
15:10 -Et vous non plus, à l'époque, quand vous étiez enfant ?
15:12 -Ah oui, oui, à l'époque, matin, midi, soir.
15:14 Et puis quand je suis devenue professionnelle, quand je suis rentrée dans le corps de ballet,
15:18 c'est vrai que c'était un peu plus compliqué.
15:20 Et puis je pense que j'étais plus sous influence de mes parents,
15:23 donc je faisais un peu ce que je voulais.
15:25 Et donc, voilà, j'ai décidé d'avoir ce régime un peu particulier.
15:28 -C'est assez banalisé. Tout à l'heure, on discutait avec vous dans les loges,
15:31 vous disiez qu'à l'époque, on prenait pour une extraterrestre.
15:34 C'est vrai qu'il y a quelques décennies,
15:36 c'est pas la même chose que de l'avouer aujourd'hui.
15:39 Je comprends l'étonnement de vos parents.
15:41 -Ah oui, parce que maintenant, c'est presque banal quand on dit qu'on est végétarien.
15:44 -Oui, c'est très classique. -Avec les végétariens, les vegans...
15:47 Mais à l'époque, je pense que j'étais presque la seule à l'opéra.
15:51 On était quand même 150 danseurs.
15:53 J'étais la seule à être végétarienne.
15:56 Et tout le monde me disait...
15:58 "Ça va durer un an ou deux, tu vas avoir des carences alimentaires,
16:02 "et ça n'ira pas, et t'auras pas de force pour danser."
16:05 -Il y a rien à tout ça. -Et on rigolait un peu.
16:08 On disait "oui, elle est un peu farfelue", quoi.
16:11 -Oui, c'est marrant. -Et comme quoi, les mentalités changent,
16:14 et puis les époques évoluent aussi.
16:18 Et puis je pense que ça vient aussi de l'information, maintenant.
16:22 On est très informés avec les réseaux sociaux, on voit les choses.
16:25 On peut plus dire, on sait pas.
16:27 -Et ces associations dont vous mentionnez le nom,
16:29 elles font un vrai travail de transparence,
16:31 alors que les grands groupes, avant,
16:33 on n'avait pas d'image d'abattoir.
16:35 Voilà, c'est des lanceurs d'alerte.
16:37 -C'est des lanceurs d'alerte.
16:39 J'ai des amis qui me disent "je peux pas voir cette souffrance animale".
16:42 Je dis "si vous voyez pas, vous allez pas prendre conscience des choses".
16:46 Il faut malheureusement voir ces images qui sont insupportables,
16:50 parce que c'est insupportable,
16:52 mais en même temps, il faut faire quelque chose.
16:55 C'est vrai qu'individuellement, on peut dire
16:57 "je deviens végétarienne ou végétalienne ou végane",
17:00 mais on agit dans notre coin.
17:02 Si collectivement, tout d'un coup, si on n'achète plus ça,
17:06 eh bien... -Forcément.
17:08 -Voilà, ils vont changer de façon de faire.
17:11 Après, c'est collectivement, qu'est-ce qu'on peut faire ?
17:14 -Après, vous disiez "j'admire ces agriculteurs, ces éleveurs,
17:17 mais si on mange plus de viande, on tue le métier aussi".
17:20 -Ca va être la perte des éleveurs.
17:22 -C'est... Moi, je trouve que les éleveurs vivent bien de leur travail,
17:26 et je sais très bien que je n'arriverai pas à convaincre les gens
17:30 de plus manger de viande, mais il y a une façon...
17:33 Dans l'élevage, il y a tout et n'importe quoi.
17:37 Il y a le meilleur comme le pire.
17:39 -Vous êtes assez militante, donc vous aimeriez qu'il n'y ait plus
17:43 d'élevage en France, puisque "élevage" dit "abattoir"...
17:46 -Non, non, non. Je dis...
17:48 Déjà, on peut aussi...
17:50 Il y a élevage, on peut aussi trouver une façon
17:53 de tuer l'animal avec respect,
17:55 et pas de le dépecer vivant, par exemple.
17:58 -Ce sont des pratiques qui se font de moins en moins.
18:01 -Ca se fait. -Oui, ça se fait.
18:03 Il y a maintenant des abattoirs qui vont à la ferme,
18:06 au lieu que les animaux aillent à l'abattoir,
18:09 pour supprimer le stress... -Le transport, si vous...
18:12 -Il y a des choses qui s'améliorent, et il y a beaucoup d'éleveurs
18:16 qui prennent très soin de leurs animaux, de leurs bétails.
18:19 -Ils les mettent tous dans le même sac.
18:21 -Moi, je ne les mets pas dans le même sac.
18:23 Mais il ne faut pas dire que ça n'existe pas.
18:25 Il faut tout faire pour que ça n'existe plus.
18:27 -Vous, quand vous allez au restaurant,
18:29 vous trouvez à peu près ce qui vous plaît.
18:31 -Très bien. -Il n'y a pas toujours,
18:33 sur les cartes, des menus très détaillés
18:35 pour les végétariens ? -De plus en plus.
18:37 -De plus en plus. -De plus en plus.
18:39 -Oui, de plus en plus. Mais maintenant,
18:41 quand on part en tournée, quand il y a toute la compagnie...
18:44 J'ai beaucoup de danseurs véganes.
18:46 -Ah oui. -Donc, on demande des repas,
18:48 un traiteur, et tous les traiteurs ont des repas...
18:51 -Ah oui, vous avez pris le pouvoir.
18:53 -Oui, oui, complètement.
18:55 Non, puis, au restaurant, on s'adapte.
18:57 On peut prendre une salade composée,
18:59 un plateau de fromage, des pâtes.
19:01 Vous voyez, non, non, il y a de quoi.
19:03 -Et alors, pour accompagner ce risotto,
19:05 vous nous avez proposé une limonade citron gingembre.
19:08 -Oui. -Vous ne buvez pas de vin,
19:10 j'imagine ? -Non.
19:12 Pas parce que je ne dois pas en boire,
19:14 mais par goût. Je n'apprécie pas le vin.
19:16 -L'alcool, peut-être ? -Et l'alcool.
19:18 Voilà, donc, je ne bois pas d'alcool,
19:20 ou très rarement, pour une occasion
19:22 très particulière.
19:24 -Ca, c'est un cocktail sans alcool
19:26 que vous affectionnez particulièrement ?
19:28 -Oui, j'aime bien le gingembre associé au citron,
19:31 et la limonade, parce que j'aime bien
19:33 les eaux pétillantes. -C'est vrai que c'est très frais.
19:36 -C'est très agréable. -C'est un peu sucré.
19:38 -C'est un peu sucré, mais c'est bon.
19:40 -Après, l'accord...
19:42 Brigitte, elle a spécialisé des accords,
19:44 mais vin. Alors là, sur le risotto...
19:46 -Je suis un peu piégée. J'avoue, j'aime bien.
19:48 -C'est quoi ? Plutôt vin blanc ?
19:50 -J'aurais mis du vin blanc sur un risotto.
19:52 -Oui, c'est ça. -Oui, effectivement.
19:54 -C'est vrai que peut-être que le gingembre citron...
19:56 Mais pourquoi pas ? -C'est original,
19:58 mais ça ne se marie pas si mal que ça.
20:00 -Il ne faut pas trop en boire, parce que c'est assez sucré.
20:03 -Oui, il faut déguster ça avec modération.
20:05 -Avec modération. -Et avec modération.
20:07 -Exactement. -Vous nous aviez dit
20:09 que vous n'étiez pas beaucoup en cuisine,
20:11 mais on va voir si vous êtes incollables.
20:13 -On va faire un petit quiz.
20:15 ...
20:17 -On a vu que vous étiez fan du parmesan,
20:19 un fromage légendaire qui a inspiré écrivains
20:21 et scénaristes, figurez-vous.
20:23 Sauriez-vous nous dire
20:25 si ces affirmations sont vraies ou fausses ?
20:27 En 1666, lors du grand incendie
20:29 qui ravage à Londres,
20:31 un journal de l'époque relate
20:33 que des habitants avaient mis en sécurité
20:35 du parmesan aux côtés
20:37 de leurs biens les plus précieux.
20:39 Est-ce vrai ? -J'ai envie de dire oui.
20:41 -C'est vrai. -Oui, c'est vrai.
20:43 Les Londoniens avaient planqué des bouts
20:45 de petits fromages pour qu'ils ne fondent pas
20:47 sous les flammes.
20:49 Dans "L'île au trésor", de Stevenson,
20:51 le docteur Livesey raconte qu'il soigne
20:53 ses patients dépressifs avec du parmesan.
20:55 Est-ce que c'est vrai ou faux ?
20:57 -Faux. -Faux.
20:59 -C'est faux. -Il y a quand même
21:01 un lien avec le parmesan, parce que ce docteur
21:03 raconte dans ce livre qu'il en garde
21:05 toujours un morceau dans sa tabatière.
21:07 En fait, il ne fumait pas la pipe,
21:09 il fumait du parmesan. Dans le roman de Simnon,
21:11 "Un échec de maigret",
21:13 le célèbre inspecteur identifie un assassin
21:15 grâce à la trace de ses dents
21:17 laissée dans un bout de parmesan
21:19 retrouvé sur son bureau.
21:21 Vrai ou faux ? -On va dire vrai.
21:23 -Alors, l'anecdote est vraie, mais ce n'est pas
21:25 chez Simnon et Maigret, mais c'est dans la fameuse
21:27 série américaine que vous adoriez,
21:29 "Colombo". -D'accord.
21:31 -Et enfin, Stendhal évoque
21:33 son amour pour ce fromage italien,
21:35 le parmesan, dans "Vie de Napoléon".
21:37 -Allez, oui.
21:39 -Eh bien oui, c'était vrai. -C'est vrai.
21:41 Pas mal. 3 sur 4.
21:43 Deuxième quiz. Vous êtes né un 2 février,
21:45 qui est aussi le jour
21:47 de la mort du gastronome
21:49 Jean Anselm Briasavarin.
21:51 Sauriez-vous nous dire si ces affirmations
21:53 sont vraies ou fausses ?
21:55 A, ce célèbre auteur culinaire
21:57 est également avocat.
21:59 Etait également avocat.
22:01 -J'en ai aucune idée.
22:03 On va dire... Oui.
22:05 -Vraie.
22:07 C'est dans son ouvrage de référence,
22:09 "La physiologie du goût",
22:11 que figure cet aphorisme.
22:13 "Dis-moi ce que tu manges, je te dirai
22:15 ce que tu es." -Eh bien voilà.
22:17 Absolument. -C'est vrai.
22:19 -Je suis tout à fait d'accord.
22:21 -C'est lui qui a inventé en 1780
22:23 le fromage qui porte son nom.
22:25 -Briasavarin. -Le Briasavarin.
22:27 Est-ce que c'est vrai ou est-ce que c'est faux ?
22:29 Est-ce que c'est lui qui a inventé ce fromage-là ?
22:31 -Ca me semble trop simple pour être vrai.
22:33 Je dirais non. -Exact. C'est faux.
22:35 Créé en 1890
22:37 par la famille Dubuc, commercialisé à Paris
22:39 en 1930 par un crémier
22:41 qui le baptise ainsi, en hommage
22:43 au gastronome. -A Briasavarin.
22:45 Et lui, il n'y a rien fait pour ce fromage.
22:47 -Et pour célébrer le centenaire
22:49 de sa mort en 1926, la ville de Paris
22:51 dévoile une plaque sur sa maison parisienne
22:53 avec l'inscription
22:55 "Où il rendit son dernier roux".
22:57 -C'est bizarre, ça.
22:59 -C'est bizarre. -Oui, je dirais non.
23:01 -Oui, bon.
23:03 -On pardonne tout à un gastronome.
23:05 -Oui, oui. -Mais c'est vrai.
23:07 -La formule est un peu
23:09 cavalière.
23:11 -Exactement.
23:13 C'est souvent autour de la table que se nouent
23:15 les meilleures histoires, que se fait
23:17 parfois la grande et la petite histoire.
23:19 C'est la brève de comptoir.
23:21 On vous a demandé, Pietra, de vous souvenir
23:25 d'un repas,
23:27 pourquoi pas en politique, mais pas forcément.
23:29 Est-ce que vous avez un souvenir
23:31 à nous raconter ? -Alors, j'ai un souvenir
23:33 qui n'est pas à mon avantage,
23:35 mais c'était une tournée
23:37 aux Etats-Unis
23:39 avec Rudolf Norieff.
23:41 Il avait emmené quelques danseurs
23:43 de l'opéra.
23:45 Et après le spectacle,
23:47 le grand dîner, je ne me rappelle plus
23:49 dans quelle ville c'était, mais on avait
23:51 toutes, pendant un mois et demi,
23:53 on avait sillonné tous les Etats-Unis.
23:55 Et...
23:57 On était 5, 6 autour de lui,
23:59 et on était très, très,
24:01 très fatigués. C'était en fin
24:03 de tournée.
24:05 Et le dîner durait,
24:07 durait, durait, mais durait,
24:09 mais durait, et je...
24:11 Et les 5 danseurs qui étaient
24:13 avec moi, on était vraiment...
24:15 On n'en pouvait plus, je vous assure.
24:17 Moi, j'avais les yeux qui...
24:19 papillonnaient.
24:21 Tout le monde en avait qu'une envie, on regardait la montagne.
24:23 Et à un moment,
24:25 on n'en pouvait tellement plus.
24:27 Tellement plus qu'on a commencé à pencher la tête
24:29 et commencer à s'endormir à table.
24:31 -Sur la table. -Sur la table.
24:33 Et on était les... Mais je sais pas comment vous dire,
24:35 c'était tellement...
24:37 Il fallait qu'il se passe quelque chose
24:39 dans notre corps tellement on n'en pouvait plus.
24:41 Et on s'est dit, mon Dieu,
24:43 Rudolf va être dans un état,
24:45 il va nous engueuler, il va être...
24:47 Pour du tout.
24:49 Il était... Il continuait à parler,
24:51 il regardait, ça le faisait rigoler.
24:53 On était complètement amorphes sur la table.
24:55 -Vous avez fini le dîner en dormant.
24:57 -On a fini le dîner en dormant.
24:59 C'était aussi le...
25:01 Quand on me dit, Rudolf était,
25:03 certes, un homme un peu
25:05 haut en couleur et ça pouvait être
25:07 des fois un peu colérique et tout ça.
25:09 Et puis il y avait des choses qu'on faisait
25:11 qui nous semblaient... -Ça passait, comme on dit.
25:13 -Ça, c'est un dîner un peu...
25:15 Mais...
25:17 À raconter, quand même,
25:19 ça paraît un peu étonnant, mais je vous assure
25:21 qu'on n'avait plus aucun moyen.
25:23 On était sur des chaises,
25:25 en plus, terribles.
25:27 Vous savez, quand vous êtes assis,
25:29 que vous ne pouvez plus supporter
25:31 et qu'il y avait le poids de cette tournée,
25:33 des spectacles, on n'en pouvait plus.
25:35 -Et personne n'a osé dire, "On va aller se coucher."
25:37 -Non. -Ca, c'était pas possible.
25:39 -Parce qu'on se levait,
25:41 quand Rudolf se levait, de table.
25:43 -Il y avait une certaine discipline
25:45 avec Rudolf Neurieff.
25:47 -Non, mais... -Même à table.
25:49 -On est cette génération où
25:51 on faisait ce que le directeur faisait
25:53 et on était là quand il était là.
25:55 Voilà, c'était peut-être une autre époque.
25:57 -Brigitte, cette anecdote me rappelle
25:59 une brève de comptoir. Je peux la raconter très vite.
26:01 -Avec plaisir. -Un jour,
26:03 dans un grand restaurant parisien,
26:05 un restaurant étoilé, fréquenté par les touristes,
26:07 il y avait des Japonais qui étaient venus
26:09 et qui avaient dû descendre de l'avion pour aller manger.
26:11 Ils étaient à une table à côté.
26:13 Et les Japonais, c'était pas comme vous,
26:15 ils étaient pas avachis, ils étaient stoïques,
26:17 ils dormaient debout.
26:19 Et le serveur est venu poser des assiettes
26:21 devant quatre personnes qui dormaient
26:23 et n'ont pas touché à la racine.
26:25 -Ils sont pas tombés ? -Non, ils se tenaient,
26:27 les Japonais. -Au Japon,
26:29 ce qui est étonnant, quand on va dans le métro,
26:31 ils dorment, ils sont comme ça,
26:33 ils dorment. Et des fois, ils font tout le tour...
26:35 -Le serveur était désemparé ?
26:37 -Ils dorment.
26:39 -Ils ont oublié de descendre ?
26:41 -C'est souvent, ils ont...
26:43 Ils travaillent, par exemple, à Tokyo
26:45 où ils habitent dans la banlieue,
26:47 très très loin, donc ils sont morts,
26:49 ils sont crevés,
26:51 et ils dorment comme ça, assis,
26:53 stoïques. Alors nous, on n'était pas...
26:55 Au début, on a commencé comme ça.
26:57 On a commencé à fermer les yeux,
26:59 essayer de rester droit au fur et à mesure.
27:01 -On s'est avachis,
27:03 on a fini couché. -Le serveur, il a sorti
27:05 sa cloche,
27:07 comme si, spectaculairement, mais devant quatre êtres
27:09 qui ne bougeaient pas.
27:11 -Alors, on va poursuivre
27:13 en parlant d'alimentation encore. Comment se nourrir
27:15 quand on est une danseuse étoile et donc un poids plume ?
27:17 Combien de calories y a-t-il
27:19 dans l'assiette ? C'est le dessous des plats.
27:21 Une bonne alimentation
27:27 équilibrée est essentielle
27:29 pour les grands sportifs, les grands danseurs,
27:31 car elle améliore la performance,
27:33 le secret, des sucres lents, mais aussi des protéines
27:35 pour tenir la distance.
27:37 Marion Becker et Marion Devauchelle ont rencontré
27:39 les élèves de l'école de danse de Pietra.
27:41 -Quatrième,
27:43 une pirouette,
27:45 posez, dégagez arabesque,
27:47 quatrième,
27:49 pirouette,
27:51 pose,
27:53 un, fermez, port de bras,
27:55 sept, on respire,
27:57 on bouge pas. -Ce matin-là,
27:59 les élèves débutent par trois heures
28:01 de danse classique.
28:03 Ils peuvent danser jusqu'à huit heures par jour,
28:05 contemporains, hip-hop.
28:07 Ces jeunes artistes ont une formation
28:09 pluridisciplinaire exigeante pour leur corps.
28:11 Leur alimentation est essentielle.
28:13 -Je ne sais pas vous,
28:17 votre génération, mais nous, notre génération,
28:19 on n'y pensait pas.
28:21 C'est venu bien plus tard,
28:23 parce que je suis très, très vieux par rapport à vous,
28:25 mais c'est vrai que c'est fondamental.
28:27 Ce n'est pas un régime pour perdre du poids
28:29 ou pour des raisons de ligne,
28:31 c'est un régime alimentaire
28:33 qui permet aux muscles de fonctionner correctement.
28:35 Donc c'est des sucres lents avant le spectacle,
28:37 des sucres rapides
28:39 rarement dans la journée.
28:41 Après, on mange à volonté,
28:43 parce que quand ils font comme sept à huit heures de danse
28:45 par jour, il y a besoin de carburant.
28:47 -Et beaucoup de fibres,
28:49 beaucoup de protéines.
28:51 On est sensibilisés. On a des cours de kiné,
28:53 on parle de l'alimentation,
28:55 de comment s'alimenter le matin,
28:57 parce que le matin, c'est hyper important,
28:59 surtout si on doit faire trois heures de cours
29:01 de 10 heures à 13 heures intensives,
29:03 de manger
29:05 complètement.
29:07 -Oui, parce que finalement, c'est pratiquement le seul repas complet
29:09 de la journée, parce que dans le reste de la journée,
29:11 on n'a pas le temps.
29:13 -Donc le soir, beaucoup de sucre lents,
29:15 et le matin... -Et le midi, en général, il n'y a pas grand-chose.
29:17 -Oui, sinon, pas trop le temps.
29:19 -Et puis on ne peut pas non plus danser en étant trop lourd.
29:21 -Fractionner, c'est l'un des conseils de Doua.
29:23 Elle est nutritionniste
29:25 et accompagne des sportifs.
29:27 -Ils ont compris aujourd'hui que l'alimentation,
29:29 c'était plus leur allié pour augmenter leur performance.
29:33 Mais ça commence tout juste.
29:35 Ce qui est important, ça va être surtout sur les nouveaux,
29:37 les danseurs qui sont tout jeunes.
29:39 C'est une population qui a un besoin
29:41 beaucoup plus important en apports caloriques,
29:43 mais notamment en protéines,
29:45 en calcium
29:47 et en vitamine D.
29:49 C'est les trois macro-
29:51 et micro-nutriments sur lesquels
29:53 on doit faire attention.
29:55 -Les élèves sont sensibilisés
29:57 à apporter l'énergie
29:59 nécessaire à leur corps pour la performance.
30:01 -Un titre à le secret,
30:03 c'est les sucrelents.
30:05 -Oui, je voudrais dire un petit mot
30:07 sur ce qu'on vient de voir.
30:09 On les appelle les élèves, mais ce ne sont pas des élèves.
30:11 On a créé avec Julien Dereaux,
30:13 parallèlement au Théâtre du corps,
30:15 qui est la compagnie,
30:17 un CFA, un centre de formation
30:19 par alternance.
30:21 Ce sont des professionnels qui sont en contrat
30:23 avec la compagnie,
30:25 le Théâtre du corps,
30:27 et qui sont également en formation.
30:29 Ils font une alternance
30:31 de formation
30:33 et en tant que professionnels.
30:35 Oui, oui, c'est...
30:37 Le professeur Arnaud Dreyfus,
30:39 qui est un ancien danseur
30:41 de l'Opéra de Paris,
30:43 qui est professeur dans le CFA,
30:45 a assez bien résumé la chose,
30:47 parce qu'effectivement,
30:49 le midi, si vous mangez beaucoup...
30:51 -Vous êtes trop lourd pour pouvoir danser.
30:53 -Ils ont une pause d'une heure,
30:55 donc on n'a pas encore digéré.
30:57 Il faut faire attention plus le matin
30:59 et, évidemment, le soir.
31:01 Ce qui est peut-être un régime
31:03 un peu particulier
31:05 pour une nutritionniste,
31:07 mais c'est un peu notre quotidien.
31:09 -Un gros petit déjeuner,
31:11 ça ressemble à quoi ?
31:13 Il ne faut pas manger trop de pain non plus.
31:15 C'est plutôt des fibres,
31:17 des céréales complètes ?
31:19 -Ca peut être des céréales,
31:21 yaourts, laitages...
31:23 Moi, je prends tout ce qu'il y a de plus mauvais,
31:25 c'est-à-dire le café au lait.
31:27 -Ca reste sur l'estomac, ça.
31:29 -Vous, par exemple, vous mangez beaucoup le matin ?
31:31 -Pas trop.
31:33 Mais je ne suis pas quelqu'un qui mange beaucoup.
31:35 Je l'avoue.
31:37 Je n'ai pas besoin
31:39 de beaucoup manger en grande quantité.
31:41 Mais par contre,
31:43 on peut manger aussi des barres énergétiques,
31:45 vous voyez,
31:47 entre deux répétitions aussi.
31:49 Mais je sais que les jeunes
31:51 font quand même très attention.
31:53 Je sais qu'au Théâtre du corps,
31:55 il y a un espace qui leur est réservé
31:57 avec une cuisine,
31:59 donc ils se font à manger, ils se préparent à manger.
32:01 -Ils font attention pour quoi ?
32:03 Parce qu'ils ont peur de grossir ?
32:05 -Non, je ne pense pas que c'est ça.
32:07 -C'est pour se sentir bien,
32:09 pour pouvoir être au maximum
32:11 de leur capacité pour danser.
32:13 -Ils savent qu'ils ont beaucoup de travail
32:15 et que sinon, ils ont des coups de barre
32:17 dans l'après-midi.
32:19 -Ils disent qu'il faut manger quand même beaucoup,
32:21 comme les filles,
32:23 mais d'ailleurs, j'ai toujours dit
32:25 que les danseurs, ils avaient des régimes
32:27 pas particulièrement très poussés,
32:29 dans le sens où ils mangent un peu de tout.
32:31 Le mythe du danseur
32:33 qui ne mange pas beaucoup, c'est...
32:35 -Ce n'est pas possible.
32:37 J'ai vu une nutritionniste qui travaille auprès des compagnies de danse
32:39 et qui recommande quatre repas par jour pour fractionner.
32:41 -Manger moins, c'était ça.
32:43 -Des petites quantités.
32:45 -Et tenir toute la journée.
32:47 -Pour aller jusqu'au spectacle soir.
32:49 En général, on mange...
32:51 Moi, je sais que, par exemple,
32:53 quand j'ai un spectacle,
32:55 je ne mange pas le midi, mais je vais manger à 17h,
32:57 le spectacle étant à 20h30,
32:59 ça me laisse le temps de digérer,
33:01 et puis je remange un tout petit peu
33:03 après le spectacle.
33:05 -Mais entre vous, quand vous étiez tirades
33:07 de l'opéra, on ne disait pas "attention,
33:09 il ne faut pas que tu manges trop",
33:11 parce que parfois, je vous le dis,
33:13 on voit des films où il y a des petites filles
33:15 qui sont un peu trop fortes, et on dit "toi, tu es écartée,
33:17 parce que tu n'as pas le poids,
33:19 la taille qu'il faut".
33:21 Il y a quand même des références.
33:23 -Oui, de mon époque, oui, on disait
33:25 et on ne mâchait pas ces mots.
33:27 -C'était quand même assez drastique.
33:29 -Maintenant, non.
33:31 Maintenant, c'est plus délicat.
33:33 En tous les cas, on le dit
33:35 avec plus de subtilité,
33:37 plus de tact,
33:39 parce que ça pouvait être un peu perturbant
33:41 et même bloquant pour un enfant.
33:43 Quand c'est vraiment dit,
33:45 quand il est en pleine croissance,
33:47 ce n'est pas évident.
33:49 Maintenant, les choses ont un peu évolué,
33:51 peut-être même trop,
33:53 parce qu'on ne peut plus dire grand-chose.
33:55 Voilà.
33:57 Mais en tous les cas,
33:59 l'idée, c'est de trouver un juste milieu
34:01 entre ce qu'on a vécu,
34:03 qui était un peu dur, un peu sec,
34:05 et maintenant.
34:07 -Pour rebondir sur la question de Brigitte,
34:09 j'ai lu des témoignages de danseuses,
34:11 on leur passait les fesses,
34:13 et qui rentraient dans ce blocage,
34:15 ce cercle infernal, et elles devenaient anorexiques.
34:17 Aujourd'hui, ça n'existe plus.
34:19 -Je ne peux pas vous dire,
34:21 dans le ballet classique,
34:23 parce que moi, maintenant, mon univers
34:25 et mon travail évoluent plutôt
34:27 dans un milieu contemporain,
34:29 hip-hop, donc je ne peux pas
34:31 trop vous dire dans les ballets classiques
34:33 comment ça se passe.
34:35 Mais en tous les cas...
34:37 -Les choses ont changé.
34:39 -On parle de régime de sportifs,
34:41 mais vous nous faisiez une petite référence tout à l'heure,
34:44 en nous disant que les danseurs ne sont pas des sportifs.
34:47 C'est quelque chose auquel vous tenez.
34:49 -Oui, bien sûr.
34:51 -Pourquoi vous faites cette différence ?
34:53 -Parce qu'elle est fondamentale, cette différence.
34:55 Un danseur est un artiste,
34:57 un danseur est un acteur
34:59 qui raconte une histoire
35:01 avec son corps.
35:03 Il y a l'aspect physique,
35:05 athlétique.
35:07 -Vous avez des corps d'athlète,
35:09 vous faites des performances,
35:11 parce que tenir 2h30 sur scène,
35:13 c'est une performance en soi,
35:15 mais elle n'est absolument pas associée,
35:17 pour moi, associée au sport.
35:19 Non, non.
35:21 Il y a dans la danse,
35:23 c'est universel,
35:25 c'est de la poésie,
35:27 c'est de l'imaginaire,
35:29 elle suscite du rêve.
35:31 C'est un corps dansant,
35:33 c'est quelque chose
35:35 qui est au-delà même
35:37 de...
35:39 C'est un autre espace-temps,
35:43 c'est un...
35:45 La danse est prise
35:47 d'une autre façon, d'un autre prisme,
35:49 c'est un regard sur le monde différent.
35:51 Donc évidemment que c'est de l'art.
35:53 -C'est de l'art,
35:55 c'est de la mise en scène,
35:57 l'interprétation.
35:59 -L'interprétation,
36:01 comment, à travers un geste,
36:03 le geste a un sens,
36:05 a un sens...
36:07 Et quand on voit un danseur,
36:09 un grand danseur,
36:11 vous vous dites,
36:13 ce geste-là est très important.
36:15 Comment on est dans un état d'urgence
36:17 quand on est sur scène,
36:19 comment on est transporté,
36:21 comment on peut transporter
36:23 aussi le spectateur.
36:25 Donc c'est...
36:27 Alors je ne veux pas dire
36:29 qu'on n'est pas transporté
36:31 quand on voit un sportif.
36:33 -Non, je comprends bien.
36:35 -Mais il n'y a pas de...
36:37 Un danseur... -Il n'a pas des records.
36:39 -On s'en fiche.
36:41 Jamais un danseur va dire "j'ai sauté le plus haut,
36:43 "j'ai tourné le plus vite".
36:45 Par contre, quand on va être sensible
36:47 à une interprétation, on va se dire
36:49 "il nous a transportés dans un état".
36:51 -Alors, une interprétation,
36:53 on va en regarder une, c'est la vôtre,
36:55 c'est celle de Gisèle que vous proposez
36:57 à la scène musicale du 14 au 17 mars
36:59 et puis après partout dans toute la France.
37:01 On regarde un petit extrait.
37:03 (Générique)
37:05 ---
37:30 (Cri)
37:32 ---
38:01 -C'est une interprétation toute particulière de Gisèle.
38:03 Qu'est-ce que vous avez voulu dire avec ce projet ?
38:05 -Avec Julien Derouault,
38:07 on a puisé notre récit sur les violences faites aux femmes.
38:09 Volontairement, il n'y a pas une Gisèle,
38:11 il y a plusieurs Gisèles.
38:13 On suit plusieurs histoires amoureuses,
38:15 plusieurs couples,
38:17 qui sont d'ailleurs des couples
38:19 représentant des âges différents,
38:21 avec des situations familiales différentes.
38:23 On a aussi des couples qui sont
38:25 des couples représentant des âges différents,
38:27 avec des situations familiales différentes.
38:29 On a imaginé que la Gisèle du XIXe
38:31 revient visiter notre monde contemporain
38:33 et questionne la condition de la femme.
38:35 -C'est pas la violence de la séparation,
38:37 là, vous, c'est les violences sexuelles
38:39 et sexistes que vous voulez mettre en avant.
38:41 -C'est la violence physique et psychologique.
38:43 Parce qu'il y a un des couples...
38:45 Sans dévoiler les choses,
38:47 mais il y a un des couples
38:49 qui est un peu plus...
38:51 Il y a un des couples qui est un peu plus...
38:53 Il y a un des couples qui est un peu plus...
38:55 Il y a un des couples qui est un peu plus...
38:57 Sans dévoiler les choses,
38:59 mais il y a un des couples
39:01 qui est plus dans une violence psychologique
39:03 qui amène à...
39:05 à ce que la jeune femme
39:07 se suicide.
39:09 Et...
39:11 Voilà, on a vraiment
39:13 voulu, sur ce premier acte,
39:15 parce qu'on est un peu
39:17 tous sensibilisés sur
39:19 ces violences
39:21 faites aux femmes
39:23 et d'ailleurs
39:25 ricochées aussi aux enfants,
39:27 et je voulais,
39:29 depuis longtemps,
39:31 parce que j'ai toujours eu la sensation
39:33 que, quand j'interprétais Gisèle,
39:35 il y avait une énorme violence sous-jacente,
39:37 même dans ce ballet romantique,
39:39 mais là, on n'est pas
39:41 sur la confrontation
39:43 des paysans
39:45 et de la noblesse,
39:47 on est vraiment sur
39:49 des couches sociales différentes,
39:51 des âges différents.
39:53 On peut les documenter,
39:55 on s'aperçoit que des fois,
39:57 les féminicides sont plus...
39:59 On a l'impression que c'est fait
40:01 par des hommes jeunes,
40:03 mais c'est souvent des hommes
40:05 très âgés. Je crois qu'il y a eu
40:07 encore un exemple, il n'y a pas très longtemps,
40:09 d'un homme de 80 ans
40:11 qui a tué sa femme.
40:13 Et donc,
40:15 en découle
40:17 un deuxième acte,
40:19 qui sont non pas des Willis
40:21 dans ce ballet romantique,
40:23 mais des guerrières, des combattantes,
40:25 des femmes engagées
40:27 qui vont aller
40:29 jusqu'au bout
40:31 et qui ont vécu
40:33 cette trahison par l'amour
40:35 et qui vont
40:37 s'armer
40:39 d'une justice implacable.
40:41 Et je voulais absolument que ces femmes...
40:43 Alors, on a travaillé beaucoup...
40:45 -Comment vous avez travaillé ? -Sur l'énergie collective.
40:47 Le groupe est très soudé.
40:49 On est 13 femmes
40:51 sur l'énergie.
40:53 On parle de la sororité,
40:55 mais c'est exactement ça.
40:57 D'ailleurs, on a un rituel avant de rentrer
40:59 sur scène, dans le deuxième acte,
41:01 où on est toutes ensemble.
41:03 Il y a cette énergie, c'est vraiment
41:05 des Amazones, quoi,
41:07 des femmes qui sont...
41:09 qui sortent
41:11 du monde des morts
41:13 et qui viennent hanter
41:15 le monde des vivants,
41:17 hanter ces hommes.
41:19 Je dévoile pas la fin.
41:21 -Ne spoiliez pas. -Voilà.
41:23 Mais c'est...
41:25 Le premier acte est très réaliste.
41:27 Très réaliste
41:29 et fini avec beaucoup de violence.
41:31 D'ailleurs,
41:33 ça a été très intéressant
41:35 de travailler avec les danseurs
41:37 parce qu'ils ont,
41:39 au départ,
41:41 ils ont appréhendé ça avec
41:43 un peu de
41:45 réserve et d'angoisse
41:47 et puis très vite, ils se sont lâchés.
41:49 La plupart du temps,
41:51 ils sortaient des fois un peu en pleurs
41:53 après les répétitions
41:55 parce que ça les avait énormément bouleversés.
41:57 Et puis...
41:59 Et puis, au fur et à mesure,
42:01 évidemment, ça s'installe,
42:03 même s'il y a
42:05 une urgence sur scène et qu'on est en direct
42:07 et que les émotions, des fois, peuvent
42:09 nous submerger, mais
42:11 en tous les cas, il y a eu un travail très profond
42:13 sur le thème
42:15 et sur...
42:17 Voilà,
42:19 même sur cette sensibilisation
42:21 parce que je pense
42:23 qu'on est
42:25 touché
42:27 de près ou de loin
42:29 et qu'il faut
42:31 le dénoncer aussi.
42:33 Alors, sans être un ballet militant,
42:35 si vous voulez...
42:37 - C'est un ballet féministe.
42:39 - Oui.
42:41 - Mais militant aussi, un peu.
42:43 - Oui. De toute façon, on est militant
42:45 quand on est danseur et quand on est chorégraphe
42:47 et quand on... - Il y a un message,
42:49 un parti pris. - Je sais pas s'il y a un message
42:51 parce que...
42:53 Il y a un auteur que j'aime beaucoup, Ionesco,
42:55 qui disait que les artistes ne sont pas là pour donner des messages,
42:57 mais pour peut-être montrer
42:59 le monde sur un prisme différent,
43:01 enfin, un autre angle de vue.
43:03 - Mais est-ce que vous voulez dénoncer quelque chose qui a existé
43:05 et qui peut-être a évolué ?
43:07 Il y a beaucoup de "me too"
43:09 qu'on entend encore aujourd'hui,
43:11 on parle de cinéma aujourd'hui,
43:13 on en parlait déjà hier, dans beaucoup de domaines.
43:15 Est-ce que c'est quelque chose qui existait aussi
43:17 dans le milieu de la danse ?
43:19 - Alors...
43:21 Moi, je suis pas dans l'intimité
43:23 des couples,
43:25 que ce soit des couples
43:27 que j'ai rencontrés,
43:29 qui étaient mes amis de travail.
43:31 Le harcèlement dans le...
43:35 Moi, j'en ai pas connu.
43:37 Voilà.
43:39 J'ai des amis,
43:41 pour d'autres raisons,
43:43 et dans leur vie personnelle, qui sont touchés.
43:45 - Mais avec les chorégraphes, par exemple ?
43:47 - Non, moi, j'ai pas connu ça,
43:49 mais il y a eu des exemples,
43:51 effectivement, il y a pas très longtemps,
43:53 qu'on a dévoilé dans les ballets classiques.
43:55 Et pas que dans les ballets classiques,
43:57 aussi, il y en a des chorégraphes contemporains,
43:59 ou directeurs de théâtre,
44:01 ou des choses comme ça.
44:03 Moi, j'ai pas connu ça.
44:05 Mais je sais que, voilà,
44:07 ça existe, et que c'est
44:09 quelque chose qu'il faut, évidemment,
44:11 dénoncer, qui est impardonnable.
44:13 - Alors, votre spectacle fait forcément écho
44:15 à l'actualité, puisqu'il y a un féminicide tous les 3 jours.
44:17 Il fait aussi écho à des révélations.
44:19 On parlait du cinéma, Judith Godrej
44:21 chez N'Gisèle, aussi, dans son genre.
44:23 - Oui, oui.
44:25 - Quand elle dénonce ce qu'elle a vécu...
44:27 - De ce que je comprends dans son histoire,
44:29 c'est qu'elle a été sous emprise.
44:31 Et ça aussi, c'est terrible,
44:33 parce que quand on est une enfant,
44:35 puisqu'on peut dire à 14 ans qu'on est une enfant,
44:37 c'est impardonnable,
44:39 de la part d'un homme,
44:41 d'avoir ce genre de comportement.
44:43 Il faut respecter
44:45 cette jeune fille
44:47 qui était en face de lui.
44:49 Enfin, je sais que là,
44:51 il y a eu d'autres dénonciations,
44:53 mais...
44:55 Oui, oui.
44:57 Je parle aussi de cette emprise,
44:59 parce qu'il y a aussi l'emprise.
45:01 Je parle aussi des violences psychologiques.
45:03 - Il y a l'emprise et il y a le consentement.
45:05 - On parle évidemment de ce qui se voit,
45:07 malheureusement, des violences physiques,
45:09 parce que c'est insupportable.
45:11 Et puis, il y a des femmes
45:13 qui sont dans le déni aussi,
45:15 parce qu'elles ne peuvent pas
45:17 matériellement subvenir
45:19 à leurs besoins
45:21 avec les enfants.
45:23 C'est très complexe.
45:25 Mais les violences psychologiques,
45:27 c'est sournois.
45:29 C'est une façon
45:31 de montrer...
45:33 Voilà, de rabaisser l'autre.
45:35 De...
45:37 Et c'est...
45:39 Alors, à mettre tout ça
45:41 encore, c'est très complexe.
45:43 Arriver à trouver,
45:45 à expliquer aussi...
45:47 Parce que chaque...
45:49 Chaque couple,
45:51 ils sont quatre couples,
45:53 chaque couple a une histoire différente.
45:55 Et donc, il faut arriver dès le départ
45:57 pour que les spectateurs comprennent
45:59 où est-ce qu'on en est dans l'histoire du couple
46:01 et voir l'évolution
46:03 de ce premier acte qui dure une heure,
46:05 l'évolution...
46:07 Comment ça va arriver
46:09 à ce paroxysme et à ce geste
46:11 impardonnable.
46:13 - Et vous, vous dansez toujours ?
46:15 - Alors, moi, je suis la Gisèle
46:17 qui vient visiter ce monde
46:19 et qui est témoin
46:21 de ces violences,
46:23 de ces drames,
46:25 et qui, après,
46:27 au deuxième acte,
46:29 est devenue la reine de Seewillies
46:31 et qui emmène cette armée...
46:33 - Alors, ça, c'est à voir,
46:35 en tout cas, du 14 au 17 mars,
46:37 à la scène musicale. - Oui, et puis après,
46:39 on tourne. Oui, on est à Marseille,
46:41 à Montpellier,
46:43 à Nantes, on fait toutes les plus grandes
46:45 villes, et... Voilà.
46:47 Et puis l'année prochaine, aussi, on va à Grenoble.
46:49 Enfin, j'oublie certainement... - Beaucoup de dates.
46:51 - Les gens peuvent voir ça sur le site
46:53 de la compagnie. - Bon, allez, on va
46:55 revenir à vos origines corse,
46:57 en s'intéressant à la charcuterie, si
46:59 inimitable. Alors, est-elle la meilleure du monde ?
47:01 On en parle et on met les pieds dans le plat.
47:03 - Alors, Pietra, n'y voyez pas une provocation
47:09 de notre part. - Non, non, non. - On a voulu
47:11 s'attacher à vos racines corse, et effectivement,
47:13 en ce moment, en hiver, on charcute en Corse.
47:15 Et on a
47:17 le figatelli sur le feu.
47:19 J'imagine que ça va vous rappeler des souvenirs d'enfance.
47:21 - Oui, c'est ça. - Cette saucisse de foie de porc
47:23 en forme de U, c'est l'un des trésors
47:25 de cette charcuterie corse, issue d'une
47:27 longue tradition pastorale
47:29 et d'un savoir-faire ancestral.
47:31 C'est un reportage signé France Télévisions.
47:33 - A Murato,
47:35 comme dans tous les villages corses,
47:37 l'hiver, on tue le cochon
47:39 pour fabriquer la charcuterie.
47:41 Des cochons noirs
47:43 de race corse.
47:45 Habitués aux rues de climat
47:47 des montagnes, élevés en plein air
47:49 pendant au moins 18 mois
47:51 dans la forêt.
47:53 - C'est là qu'ils vont consommer soit des châtaignes, soit des glands,
47:55 et donc la viande va prendre un goût
47:57 complètement différent grâce à l'apport
47:59 des glands ou des châtaignes.
48:01 - Et c'est dans son village du Nebio,
48:03 en Haute-Corse, que l'artisan
48:05 Pascal Flory fabrique et conserve
48:07 tous ses trésors.
48:09 - Le gras, il commence un peu à fondre aussi.
48:13 Ce qui fait vraiment la qualité d'un produit en jambon,
48:17 c'est le gras. Quand on a des jambons
48:19 qui ne sont pas gras, qui sont trop maigres,
48:21 on ne peut pas avoir un jambon
48:23 de qualité.
48:25 - Dans cette cave naturelle,
48:27 la terre et le schiste permettent
48:29 aux jambons de s'affiner jusqu'à 5 ans.
48:31 - Ils transpirent même un peu.
48:33 - Leur donnant un goût
48:35 inimitable.
48:37 - On est vraiment sur des odeurs
48:39 de sous-bois, de noisettes,
48:41 c'est très marqué.
48:43 - Mais l'hiver,
48:47 ce qui est le plus demandé,
48:49 ce sont les figatelles.
48:51 Il en vont jusqu'à 500 kilos par semaine.
48:53 - Le figatelle, c'est fait avec
48:55 trois parties du cochon,
48:57 de la gorge, de la poitrine et du foie.
48:59 C'est vraiment un produit particulier
49:01 qu'on retrouve pratiquement que chez nous.
49:03 - Dans le séchoir, l'air en baume.
49:07 - Celui-là, c'est un figatelle sec.
49:09 Celui-là, il va rester deux mois.
49:11 Ensuite, là, on a du saucisson
49:15 qui est en rosette pour des sèches très longues.
49:17 Ça va durer 16 semaines.
49:19 Et on va terminer avec la copa,
49:21 qui est l'échine, qui, elle aussi,
49:23 va être de 16 à 20 semaines.
49:25 - Les arômes, moisissures et arômes
49:27 se développent lentement.
49:29 Les figatelles peuvent se déguster secs
49:31 comme un saucisson.
49:33 Et puis, il y a ce rituel un peu magique.
49:37 Un procédé typiquement corse.
49:43 À même le sol,
49:45 un feu de bois de châtaignier.
49:47 - Tout va passer au fumoir.
49:49 Et c'est un fumage qui va être très léger
49:51 puisqu'il ne va durer que 6 heures.
49:53 Cela va donner à la charcuterie
49:55 cette saveur si particulière
49:57 comme autrefois.
49:59 - Quand on voit ce reportage,
50:01 c'est pas facile d'être végétarien et corse.
50:03 - C'est un élevage qui...
50:05 - En plein air.
50:07 - Il aime ses animaux.
50:09 C'est vraiment comme de l'artisanat.
50:11 Après, il explique comment...
50:13 Moi, j'en mangerais pas.
50:15 Mais en tous les cas, je reconnais,
50:17 je respecte ce travail.
50:19 Et puis, la touche finale
50:21 avec le feu de bois...
50:23 - On tuait le cochon dans votre famille ?
50:25 - Non.
50:27 - C'est des souvenirs d'enfance ?
50:29 - C'est des souvenirs d'enfance.
50:31 Mais moi, j'étais plus avec
50:33 le fromage, le brooch.
50:35 C'est très bon, le brooch frais.
50:37 J'ai souvenir que mon père allait
50:39 dans la montagne à une certaine période
50:41 chercher le fromage.
50:43 - Au printemps, à la fin de l'hiver.
50:45 Le brooch, qui est un fromage de brebis.
50:47 - Oui, un fromage de brebis.
50:49 On peut le manger très frais
50:51 avec de la confiture de figues.
50:53 Après, on le fait fermenter
50:55 et ça donne un fromage plus sec.
50:57 Mais c'est le meilleur fromage
50:59 qui existe, en fait.
51:01 - C'est la Corse qui parle.
51:03 - Après le fromage,
51:05 passons au dessert,
51:07 puisque tout le monde a fini.
51:09 Et c'est le pêché mignon.
51:11 - Avec Brigitte,
51:13 et ce n'est pas banal en hiver,
51:15 et je m'en réjouis,
51:17 il faut dire que lorsque le mot "Corse"
51:19 apparaît, forcément, on se retrouve
51:21 avec des châtaignes ou des marrons
51:23 dans notre assiette.
51:25 On aurait pu avoir un moelleux aux châtaignes,
51:27 mais on a une glace aux marrons.
51:29 Là encore, c'est la Corse qui est derrière vous.
51:31 - Je ne sais pas,
51:33 mais je n'aime pas trop la glace,
51:35 sauf la glace aux marrons.
51:37 - Mais la châtaigne, c'est quand même
51:39 un des emblèmes de la Corse.
51:41 Tout se fait à la châtaigne.
51:43 - J'aime bien le marron,
51:45 c'est votre dessert préféré ?
51:47 - Oui, c'est un des desserts préférés.
51:49 - Et vous, vous êtes dessert ?
51:51 - Pas trop.
51:53 Pas trop desserts,
51:55 pas trop gâteaux,
51:57 pas trop pain au chocolat,
51:59 croissant, pas trop.
52:01 - Le fiadone, non ?
52:03 - Oui, ça c'est un peu à part.
52:05 - Il y a du brochu.
52:07 - En plus, c'est léger.
52:09 - Oui, fiadone, et puis quoi ?
52:11 On met un peu de zeste de citron, souvent.
52:13 - Oui, ça, oui.
52:15 - Vous retournez en Corse régulièrement ?
52:17 - J'y retourne assez régulièrement.
52:19 La compagnie avait un spectacle,
52:21 on donnait dans la solitude des champs de coton,
52:23 trois représentations.
52:25 J'y vais l'année prochaine,
52:27 à Jacques Ciot.
52:29 Ca me manque un peu.
52:31 J'y suis allée il n'y a pas très longtemps
52:33 pour des raisons familiales.
52:35 Mais oui, ça me manque.
52:37 - Vos racines, ça vous inspire.
52:39 - Oui.
52:41 - C'était Calvi, votre...
52:43 - Oui, mais j'ai connu la Corse.
52:45 - Vous avez connu la Corse.
52:47 - J'adore toute la Corse.
52:49 - On finit toujours cette émission en musique.
52:51 Vous avez choisi celle-là.
52:53 On l'écoute ensemble et vous nous dites pourquoi juste après.
52:55 (Musique)
52:57 (Musique)
52:59 (Musique)
53:01 Le temps du lila, le temps de la rose offerte. Le temps des cermes d'amour, le temps des toujours-toujours.
53:07 Il m'a planté l'ensemble, c'est la deur et celui des parties à Dieu verte. Si tu le vois ramène-le-moi, dis-le, joli temps du lilam.
53:14 On en sourit du coin de l'oeil, mais on en rêve du grand amour. Je l'ai connu, j'emporte le deuil, ça ne peut pas durer toujours.
53:22 Je l'ai valsé au grand soleil, la valse qui vous fait la peau douce. Je l'ai croqué de fruits vermeils, à belles dents, à belles bouches.
53:30 Je l'ai planté pour en fêter le temps du lila, du temps de la rose offerte.
53:34 Alors on a tous reconnu Barbara. C'est le temps des lilas, c'est ça ?
53:38 Le temps des lilas. Barbara, c'est une histoire d'amour depuis l'enfance. C'est une rencontre, c'est un rendez-vous manqué.
53:48 Parce qu'on avait une amie en commun qui nous avait fait nous rencontrer. Il y avait un projet qui devait se faire et ça ne s'est pas fait.
53:58 Parce que malheureusement, Barbara nous a quittés prématurément. J'ai mis des années, des années, des années à me décider.
54:09 Et puis je me suis décidée, cette année, je suis en train de préparer un sol en scène qui va s'appeler Barbara.
54:15 Avec des chansons d'elle que vous interprétez ?
54:19 Moi-même chantant, avec des textes d'elle, de son livre "Il était un piano noir" avec des réorchestrations.
54:30 Je ne peux pas dire que c'est un hommage parce que sinon j'en aurais fait toute ma vie, des hommages à Barbara.
54:39 C'est toujours été pour moi l'artiste, la femme engagée, pas en engagée sous le plan politique mais engagée socialement, humainement.
54:51 Je vais vous faire une confidence, vous avez une petite ressemblance avec elle.
54:54 Oui, tout le monde me le dit bien sûr.
54:56 Je me dis que l'incarnation de Barbara va être assez bluffante.
55:00 J'ai rencontré son neveu Bernard Serre qui est un homme formidable, charmant, qui défend le travail, la mémoire de Barbara.
55:12 Je suis très heureuse de l'avoir rencontré parce qu'il m'a raconté des anecdotes, des choses qui vont me nourrir pour ce travail.
55:23 On ira vous voir sur scène, on va voir Barbara.
55:26 Merci beaucoup Pietra d'avoir été avec nous dans cette émission.
55:30 Merci à vous tous de nous avoir suivis.
55:32 Merci à Chez Françoise qui a cuisiné comme d'habitude ces très bons petits plats.
55:35 On vous retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro de Politique à table sur LCP.
55:39 (musique)
55:57 [Rire]