Nouvelle saison, nouvelle rubrique sur Cyclism'Actu avec L'Entretien Cyclism'Actu ! Le premier à avoir accepté notre idée, notre demande, c'est Christian Prudhomme. Le patron du Tour de France depuis 17 ans qui entame sa 18e année nous a reçu dans son bureau de Boulogne-Billancourt, au siège d'Amaury Sport Organisation, pour discuter de la saison qui a déjà commencé et à venir. Forcément, on ne pouvait ne pas évoquer la 111e édition de la Grande Boucle (29 juin - 21 juillet 2024)... mais pas que ! L'évolution et le futur du cyclisme, le projet de Super Ligue One Cycling, mais aussi son avenir perso, sa succession ? ... Le journaliste devenu directeur du Tour de France s'est livré avec sa bonne humeur et son sourire que tout le monde connait. L'Entretien Cyclism'Actu avec Christian Prudhomme, c'est maintenant.
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00:00 Je n'aurais jamais quitté le journalisme qui est le métier de ma vie pour autre chose
00:05 que pour ce poste de directeur du Tour.
00:07 On va pas dire votre âge, 17 années en tant que patron du Tour, une femme peut-être un
00:12 jour patronne du Tour.
00:13 Est-ce que vous préparez votre succession ou vous y pensez pas ?
00:16 Il y a deux choses.
00:17 D'une part je me sens pas usé, ensuite bien évidemment la transmission est quelque chose
00:22 qui compte dans tous les domaines.
00:24 Le directeur du Tour a quasiment toujours été journaliste, je pense en revanche être
00:30 le dernier des Moïcans.
00:31 Mais ce qui compte vraiment c'est l'amour du Tour, c'est être capable d'aller un peu
00:38 partout, de prendre du temps avec les gens.
00:40 Ce qui paraît tout simple, c'est tout simple sur une journée, sur deux jours.
00:45 D'aller les voir, la transmission c'est évidemment quelque chose à laquelle je pense.
00:48 Mais là on va pas résonner en décennie mais on va pas résonner non plus en mois.
00:53 Qu'est-ce qu'on peut souhaiter en 2024 à Christian Prudhomme du Gou ?
00:58 Christian, un grand merci de nous recevoir.
01:05 Ça fait dix ans qu'on s'occupe avec l'équipe de Cyclisme Actu.
01:09 On voulait commencer l'année avec vous.
01:11 Déjà la bonne nouvelle, la vache qui rit est de retour sur le Tour.
01:15 Oui, vous voyez mon grand sourire.
01:17 J'en ris moi-même.
01:18 Et sans le faire exprès c'est encore plus sain d'ailleurs.
01:21 Oui, on est évidemment très contents.
01:24 C'est une marque emblématique tout court et une marque emblématique du Tour de France
01:28 naturellement.
01:29 Donc le retour de la vache qui rit, ça nous fait très très plaisir.
01:31 La vache qui rit était un des tout premiers partenaires du Tour dans la caravane du Tour
01:37 dans les années 30 quasiment dès la création.
01:39 Donc oui, ça fait plaisir.
01:41 Il y a des racines jurassiennes.
01:42 Tout va bien.
01:44 En plein sur la scène, le double vainqueur du Tour de France, le vainqueur par le bain
01:49 noir, Yorick Yulianov !
01:53 2024, la saison a déjà commencé.
01:57 Qu'est-ce qu'on peut souhaiter déjà pour 2024 ?
01:59 Ce qu'on peut souhaiter c'est d'avoir la saison évidemment la plus emballante, la
02:04 plus étincelante, la plus haletante.
02:06 Ce qu'on souhaite, mais là, je vais le dire de manière beaucoup plus grave, c'est de
02:10 ne pas connaître le drame d'un ginomédeur l'an passé bien évidemment.
02:14 Parce que c'est la négation de tout ce qu'on peut faire.
02:18 Un accident mortel sur la route, qu'il s'agisse d'un coureur, qu'il s'agisse d'un enfant
02:22 renversé, c'est la négation de tout ce qu'on fait.
02:24 Donc nous on rêve évidemment à travers toutes les courses et avec en perspective le mois
02:28 de juillet, dans quatre équipes différentes, ce qui n'était pas forcément gagné il
02:32 y a quelques mois.
02:33 Et donc ça évidemment c'est étincelant.
02:35 Et en plus avec une formidable montée en puissance pour nous, c'est un Paris-Nice
02:39 avec un super plateau et avec les débuts de Remco Evenepoel dans des épreuves en ligne
02:43 en France, puisqu'il n'a jamais couru comme coureur professionnel dans des étapes,
02:47 course par étape ou des étapes en ligne, des épreuves en ligne, contre Roglic.
02:51 Et puis le Dauphiné où il y aura Evenepoel, Roglic et Vingegaard.
02:54 Et puis le Tour où il y aura Evenepoel, Roglic, Vingegaard et Pogacar.
02:58 Donc on va avoir une année qui sur le papier va être exceptionnelle, avec en plus évidemment
03:05 le rendez-vous des Jeux Olympiques à Paris aussi pour les champions cyclistes.
03:08 On est à l'aube d'une saison 2024, vous l'avez dit, qui est très chargée.
03:12 Et comment on sent en tant que directeur du Tour depuis de nombreuses années, dans le
03:16 cyclisme depuis de nombreuses années, comment on sent, comment on aborde cette saison 2024
03:21 en tant qu'homme, en tant qu'homme du cyclisme ? Est-ce que c'est quelque chose
03:25 qui… la motivation est-elle toujours là ? Est-ce que vous êtes toujours la gnaque
03:28 au début de cette saison ?
03:29 La gnaque.
03:30 La passion pour le vélo, la passion pour le Tour de France, elle est toujours là et
03:34 elle sera toujours là depuis que je suis gamin et je l'aurai jusqu'à mon dernier
03:38 souffle, tant que je serai conscient de ce que je fais.
03:40 J'espère que je serai conscient jusqu'au bout.
03:42 Donc ça, ça ne change rien en fait.
03:44 Vous savez, ça ne s'arrête en vérité quasiment jamais puisque à ESO, à Morisport
03:49 Organisation, nous travaillons de la fin janvier pour livrer des courses, pour organiser
03:54 des courses de la fin janvier jusqu'au début du novembre.
03:56 Allou La Tour qui a eu lieu il y a quelques semaines, le Tour de Man maintenant, puis
04:02 Paris-Nice, les autres épreuves, jusqu'à deux critériums, fin octobre, début novembre,
04:06 à Singapour et à Saitama au Japon.
04:08 Donc en fait, les équipes sont tout le temps sur les routes, dans des réunions, préfectures,
04:13 et donc pour la sécurité, réunion de communication.
04:15 Et c'est à peu près la même chose pour moi.
04:16 Donc moi, j'ai une chance extraordinaire.
04:22 Je ne sais pas si je travaille 100 heures par semaine ou jamais.
04:24 Voilà, j'ai ce bonheur-là de faire non pas ce que j'ai voulu faire parce que j'ai
04:29 rêvé d'être journaliste et de commenter le Tour de France.
04:31 Je n'ai jamais rêvé d'être directeur du Tour.
04:32 Ça fait 20 ans que je suis chez ASO, ce sera mon 18e Tour comme directeur.
04:36 J'ai la chance d'être entouré d'une super équipe.
04:38 Donc voilà, en fait, le seul truc, quand on se pose un tout petit peu, c'est qu'on
04:42 ne voit pas le temps passer et qu'on se dit "Oula".
04:44 Quand je me rends compte que je me trompe systématiquement de 10 ans, quand j'étais
04:47 à 20 ans, c'était il y a 30 ans, il y a 30 ans, c'était il y a 40 ans.
04:50 Voilà, et quand je trouve que les gens qui m'interrogent sont de plus en plus jeunes,
04:53 alors qu'en fait, c'est moi qui suis de plus en plus vieux.
04:56 - Comment on résume toutes ces années, Christian Ducoup ? Comment on les résume ?
04:59 - Je ne sais pas parce que c'est passé à toute vitesse, mais à toute vitesse, c'est
05:02 complètement fou.
05:03 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, j'ai été plus longtemps dans l'organisation du Tour
05:07 et des épreuves cyclistes que journaliste, ce qui me paraît dingue.
05:10 Je vois encore quand j'ai quitté le journalisme il y a 20 ans tout juste, fin décembre 2003,
05:16 quand j'ai quitté France Télévisions, je me souviens de la dépêche qui m'avait
05:18 marqué après 18 ans de journalisme.
05:20 Christian Prudhomme a choisi une autre voie.
05:22 Je me disais "mais 18 ans de journalisme, il ne parle pas de moi".
05:25 Si bien sûr que c'était vrai.
05:26 Il y a 20 ans de plus derrière et c'est passé à toute vitesse.
05:30 - Vous avez parlé du calendrier de l'année.
05:33 On démarre janvier, on finit en novembre.
05:35 Je vous avoue que même nous, on a un peu de mal à se retrouver et à suivre le rythme
05:39 infernal de la saison.
05:40 Est-ce qu'il n'y a pas trop de courses au final maintenant ?
05:42 - Je vais le dire autrement.
05:44 Au contraire, je suis absolument ravi, comme tous les amoureux du vélo, je pense qu'on
05:47 retrouve les champions de mars à octobre.
05:50 Comme dans mon enfance, dans mon adolescence, où Eddy Merckx était là, de Paris-Nice,
05:57 Milan-San Remo jusqu'autour de Lombardie.
05:59 On a retrouvé ça avec des champions d'exception.
06:01 Voir un Pogacar se battre du début à la fin de la saison, voir des Van Der Poel, des
06:06 Van Aert, exceptionnels.
06:07 Voir un Wingergaard qui court quand même beaucoup de courses et quand il est là, il
06:11 est là.
06:12 Je prends Paris-Nice de l'année dernière.
06:13 Le podium était quand même assez remarquable.
06:17 Wingergaard n'a pas gagné, mais il était troisième.
06:19 Ils sont là.
06:20 On a des champions qui ne sont plus au départ d'une course juste pour faire des kilomètres
06:24 en entraînement.
06:25 Ils ne sont forcément pas toujours au top, qui est le Lord en juillet, mais ils sont
06:30 là, comme à l'époque d'Eddy Merckx, de Luis Ocania, de Bernard Tevenet, de Raymond
06:34 Poulidor.
06:35 J'adore vraiment ça.
06:36 Après, vous savez, sur les courses, chacun sait quelles sont les grandes courses.
06:42 Instinctivement, il est coureur aussi.
06:47 Il y a les trois grands tours, il y a les monuments, il y a les championnats du monde
06:52 qui sont au-dessus.
06:53 Puis après, il y a d'autres courses, d'autres très belles courses.
06:55 Mais les champions ne se trompent pas.
06:58 Ils ne se trompent pas et ils seront forcément au rendez-vous ce juillet du Tour de France
07:03 2024.
07:04 On attend le fameux quatuor des fantastiques.
07:06 Wingergaard, Pogacar, Roglic, Evonopoul.
07:09 Qu'est-ce qu'on attend d'une telle édition ? On a l'impression que l'attente n'a
07:13 jamais été aussi importante avant un Tour de France avec ce quatuor magique.
07:16 Elle est énorme, en effet.
07:17 Elle est d'autant plus grande qu'on a craint, que j'ai craint à l'automne qu'il
07:23 n'y ait pas les quatre As dans quatre équipes différentes parce que ça change évidemment
07:26 complètement la donne.
07:27 Donc, ces quatre champions ensemble dans quatre formations différentes, le double tenant
07:33 du titre, celui qui est devenu son challenger, ce qu'on n'aurait jamais imaginé il y
07:37 a deux ans et qui a cet instinct de jeu, de folie en lui qui fait qu'il attaque partout,
07:45 n'importe quand.
07:46 J'ai discuté avec Matteo Trentin lors d'une présentation à Monaco qui sera, comme
07:53 vous le savez, le départ du dernier chrono du Tour de Monaco à Nice.
07:55 Et j'ai dit, mais il attaque partout et n'importe quand.
07:57 Il me dit, oui, il attaque même quand moi je crève et on n'est pas au courant.
07:59 Alors que Matteo Trentin est donc son capitaine de route.
08:03 Donc, ça veut dire que ça peut être compliqué dans son équipe, mais qu'en revanche, pour
08:07 les fans de vélo, c'est exceptionnel.
08:08 Donc, Wingergaard, donc Pogacar, Roglic qui change d'équipe, qui va dans la belle
08:14 équipe Bora avec le remarquable Ralf Denck, le manager, qui a encore l'ambition de gagner
08:19 le Tour, qui a eu tellement de pépins qu'on aimerait le voir devant.
08:22 Bien sûr que dans le Tour de France, on n'a jamais oublié son casque de travers.
08:26 Il a monté dans la planche des belles filles en 2020.
08:28 Et puis il y a Remco Evenepoel qu'on attend comme un exceptionnel poil à gratter.
08:35 Je pensais sur la volta, sur le Tour d'Espagne, qu'il allait être abandonné après sa défaillance.
08:39 Je le croyais vraiment.
08:40 Et puis il est resté et puis il a fait des chevauchées solitaires quasiment tous les
08:45 jours.
08:46 Et là, il a montré qu'il avait non pas un niveau installant, on le savait, mais qu'il
08:51 avait un moral extraordinaire.
08:52 Donc, je ne sais pas, je rêve évidemment qu'il se mêle à la victoire finale.
08:58 Il y a 10 premiers jours du Tour, il devrait être assurément très, très à l'aise.
09:02 Toute la partie italienne, les deux premières étapes, le chrono en Côte d'Or, les chemins
09:08 blancs qui ne lui ont peut-être pas réussi en Italie, mais je ne vois pas très bien
09:10 pourquoi ça ne lui réussit pas.
09:12 L'étape du Liorant, qui est une étape qui sera très difficile à contrôler et où
09:19 un coureur comme lui, là je rêve d'une alliance de circonstances Pogacar-Evenepoel sur cette
09:24 étape-là, sans aucun doute.
09:25 Et après, la seconde partie du Tour, elle sera plus justement pour un coureur comme
09:29 Jonas Vingegaard avec des montagnes plus classiques qui montent très haut.
09:32 C'est sûr que sur ces dernières années, on a vu que plus ça montait haut, plus Vingegaard
09:37 semblait invincible.
09:38 J'ai bien vu son sourire à la présentation du Tour avec le col de la Bonnette à 48 ans
09:42 de l'arrivée, de 1 802 m.
09:45 Donc voilà.
09:46 Est-ce que, c'est du tableau noir, je ne sais pas du tout ce qui se passera, mais est-ce
09:48 que les champions du début du Tour, et je mettrais plutôt là Evenepoel avec un Vanderpool
09:55 mettant la panique, est-ce qu'ils résisteront ? Est-ce qu'ils auront suffisamment d'avance,
09:59 est-ce qu'ils auront emmagasiné suffisamment de confiance pour résister aux dernières
10:06 minutes, j'allais dire, aux dernières étapes et au retour de Vingegaard ?
10:12 Déjà, je me rends compte que je parle longtemps.
10:16 Ça veut dire qu'on a plein de choses à dire et plein d'envie.
10:18 Au final, est-ce que tout ne se jouerait pas de manière rêvée sur le dernier contre
10:21 la Monte à Nice avec les quatre grands encore dans la même minute et un finish à couper
10:27 le souffle ?
10:28 Donnez-moi un papier, je signe tout de suite.
10:29 C'est le scénario d'idée.
10:30 Mais ça, c'est du tableau noir.
10:32 On ne peut pas savoir ce qui va se passer.
10:34 Maintenant, tout est fait pour que…
10:36 Mais j'ai envie de vous dire, comme Garcimore, je ne sais pas si Garcimore, ça dit quelque
10:39 chose aux plus jeunes, mais c'était donc un comique.
10:41 « Pas de fois, ça marche, pas de fois, ça ne marche pas.
10:44 » Donc voilà, avec Pierre-Yves Thoubault, avec Thierry Gouvenon, on trace des parcours
10:46 qui sont faits pour qu'il y ait du suspense jusqu'au bout.
10:49 Mais ce sont les coureurs qui décident.
10:51 Ce n'est pas la fameuse formule, les organisateurs proposent, les coureurs disposent.
10:54 C'est bien une réalité.
10:55 Donc voilà, tout est fait pour qu'il y ait du suspense jusqu'au bout.
10:58 Maintenant, on ne connaît pas le scénario à l'avance.
11:00 – Vous avez parlé de rêve.
11:02 Votre tour de France rêvé, ce serait quoi ?
11:04 Toute édition confondue, tout parcours confondu.
11:07 Un tour de France idéal pour Christian Prudhomme, ce serait quoi ?
11:09 – Non, mais on ne peut pas raisonner comme ça, parce qu'il y a toujours un tour après
11:13 le tour.
11:14 La question que vous me posez, c'est ce que j'aurais dit quand j'étais journaliste
11:18 et que je n'étais pas directeur ou organisateur du tour.
11:20 C'est-à-dire qu'en fait, il y a toujours un tour après le tour.
11:21 Donc voilà, qu'est-ce qui va se passer ?
11:24 J'en sais rien.
11:25 Le rêve, là, aujourd'hui, en 2024, en début d'année 2024, c'est ce que vous
11:30 avez dit il y a une seconde.
11:31 Les quatre en 90 secondes au départ de Monaco le 21 juillet à destination de Nice.
11:38 Bien évidemment, ce serait juste extraordinaire.
11:40 Mais plus que ce dernier écart restreint, c'est en fait des changements de maillot.
11:45 Un Lingeret qui attaque un jour, un Pogacar qui a pris du temps ensuite, un Evenepoel
11:52 qui fait tout sauter, Roglic, sur lequel on ne croit plus mais qui va les surprendre.
11:55 Voilà, c'est vraiment ça.
11:56 Une bagarre haletante, une bagarre incessante.
11:58 Et puis des sourires au bord de la route.
12:00 Pas de pépins, pas d'accident, bien sûr.
12:01 Je ne veux pas jouer le poil à gratter, mais on manquerait peut-être dans tout ça un
12:05 petit français.
12:06 On réduit souvent, et je peux le comprendre, on dit mais les Français, ça fait 40 ans,
12:16 ça va faire 40 ans qu'il n'y a pas eu de victoire en Bernarino 85.
12:20 Les dernières années, je dis depuis 10 ans, on a quand même eu de sacrées belles perfs.
12:25 De 2014, on va dire jusqu'en 2019, les deuxième et troisième places de Romain Bardet, Thibaut
12:33 Pinault évidemment, le tour 2019 de Julien Laphilippe, on a eu des supers satisfactions.
12:39 Je crains qu'on en ait un peu moins, et on en a un peu moins depuis deux ans, en attendant
12:44 l'avènement des plus jeunes, d'Elaine Martinez, Romain Grégoire, qui j'en suis sûr est un
12:49 coureur de très grand talent, qui va découvrir le Tour de France, un Kevin Vauclin qui est
12:52 absolument excellentissime, qui a perdu du temps sans doute avec une blessure très sérieuse
12:57 l'année dernière, mais j'espère qu'ils seront là, pas pour la victoire finale.
13:01 Et puis David Goddou, le David Goddou de Paris Nice 2023, c'est un sacré client, donc voilà,
13:06 je suis convaincu qu'il a une volonté de revanche.
13:08 Ce sera sans doute encore le français, la première chance française au classement général,
13:16 Guillaume Martin, dont on parle moins, mais qui est absolument toujours là, qui s'accroche
13:18 avec un courage incroyable.
13:20 Mais bon, je ne vais pas vous faire croire que je pense qu'un français peut gagner le
13:25 Tour de France en 2024.
13:26 Pas de Julien Lafillipe non plus au départ ?
13:28 Non, bah Julien, je vais vous faire la réponse que je vous avais faite il y a quelques années,
13:32 si on me propose à moi, organisateur du Tour, avec ou sans Julien Lafillipe, je serai avec.
13:36 Il n'y a strictement aucun doute là-dessus.
13:37 Voilà, ce sera sans Julien, ce sera sans Thibaut Pinot qui a pris sa retraite, je n'évoquais
13:42 pas Romain Bardem, mais Romain sera là, et Romain dans un registre cette fois différent.
13:46 Il l'a dit parfois, mais je suis convaincu que cette année ça va se faire, c'est-à-dire
13:50 qu'il a fait deuxième du Tour, il a fait troisième, il a fait plusieurs fois sixième,
13:53 il est toujours dans les 10 premiers.
13:54 Là, je crois qu'il va vraiment s'atteler à essayer de gagner des étapes.
13:56 Il est capable d'en gagner plusieurs en marge du classement général.
13:59 C'est tout ce que je lui souhaite.
14:00 Christian, avec tout le recul que vous avez sur l'évolution du cyclisme, comment vous
14:05 jugez justement tout ce qui est arrivé, cette mondialisation, des équipes de plus en plus
14:10 professionnelles ? Quel est votre aperçu sur cette évolution du cyclisme ?
14:15 Je ne sais pas quoi vous dire parce qu'en fait, ce que j'ai en tête là, c'est que
14:19 depuis trois, quatre, cinq ans, on a à nouveau des courses emballantes.
14:23 On est sortis de ce système façon Catenaccio dans le foot italien il y a une trentaine
14:30 d'années où ça éliminait par l'arrière, mais il n'y avait plus d'attaque.
14:33 On a retrouvé des attaques, on a des coureurs flamboyants, ceux que nous avons cités, les
14:37 Pogacar évidemment, les Van Der Poel, les Van Aert, les Evenepoel, les Vingegaard aussi
14:43 parce qu'ils n'hésitent pas à attaquer le loin, donc tout ça c'est formidable.
14:46 L'évolution du vélo c'est plutôt pour les coureurs, eux, ce qui me semble être
14:52 le plus compliqué pour eux, ce n'est pas tant l'entraînement mais c'est la charge
14:56 mentale, la charge nerveuse, c'est-à-dire être capable de faire 365 jours par an attention
15:02 à ce qu'on mange, très attention à ce qu'on mange, donc d'avoir de plus en plus,
15:06 d'être dans une sorte de corset.
15:08 Les jeunes générations, ce qui s'en est avec, semblent parfaitement s'y adapter,
15:12 c'est plus compliqué certainement pour des plus anciens, mais sur ce qu'on voit dans
15:17 les courses, en retrouvant des champions qui sont là de mars à octobre, avec des attaques
15:23 incessantes qu'on attend, qu'on n'attend pas, voilà, moi ce vélo là me plaît évidemment,
15:27 il plaît à tout le monde.
15:28 Sur les routes du dernier Tour de France, un quart des gens qui venaient au bord de
15:32 la route, venaient pour la première fois, et là-dedans il y avait une majorité de
15:35 femmes.
15:36 Depuis deux ans, la tranche d'âge qui regarde le plus le Tour de France, sur France Télévisions,
15:40 c'est 15-24.
15:41 Donc c'est, on n'aurait jamais dit ça il y a 10 ans, ce sport de vue, etc.
15:45 Donc ça c'est d'abord dû au comportement des champions.
15:47 Et puis bien que Arthur vous soyez un vieux trentenaire, vous faites aussi partie de
15:52 cette génération-là qui aime le vélo, qui aime les combats, qui aime les bagarres.
15:56 Donc voilà, c'est pas un hasard si les jeunes sont revenus, on le doit d'abord aux champions,
16:00 c'est une évidence.
16:01 Vous avez parlé de catenaccio, de football, je retiens cette phrase de Marc Madiot à
16:04 notre micro il y a quelques semaines, le cyclisme ne doit surtout pas ressembler au
16:07 foot.
16:08 On pense à certaines affaires qui ont pu avoir, Wichtelbrooks au niveau des contrats,
16:13 on pense également, on va y revenir après, mais au projet de Super League.
16:17 Le cyclisme qui s'inspire du modèle du foot, c'est un danger pour vous ou pas ?
16:20 Partout, à chaque fois que le cyclisme a voulu se transformer par le biais unique de
16:30 l'argent, il a échoué.
16:31 Y compris avec Heinz Werner Gunn, président de l'UCI il y a quelques années, ancien
16:37 patron des Jeux Olympiques de Pékin.
16:39 Donc voilà ce que je pense.
16:41 Il y a déjà une différence fondamentale qui est le cyclisme est un sport individuel
16:44 qui se court par équipe.
16:45 L'équipe joue un rôle fondamental, mais c'est bien un sport individuel qui se court
16:49 par équipe.
16:50 Donc on ne peut pas raisonner comme le foot.
16:51 Le foot à tout point de vue est hors norme.
16:53 Il y a le foot et tout le reste.
16:55 Et dans tout le reste, il y a d'abord des grands événements dans différentes disciplines.
16:58 On ne peut pas raisonner par rapport au foot, ce n'est pas possible.
17:02 Vous voyez où je veux en venir.
17:03 On parlait du projet de Super League, One Cycling.
17:07 Même sur le cyclisme actuel, certains électeurs font un peu de mal à comprendre ce que c'est
17:11 exactement, quel projet ça va être, vers où on se dirige.
17:14 Vous, en tant que directeur du Tour, en tant que personne influent dans le cyclisme, comment
17:22 vous jugez ce projet, cette arrivée de certaines équipes ?
17:26 Ça n'est pas notre projet.
17:28 C'est une idée qui a été lancée.
17:29 Moi, je ne peux pas m'exprimer davantage là-dessus.
17:31 Vous vous sentez menacé par le fait que vous êtes moteur ?
17:35 Menacé, non.
17:36 Ça donne l'impression qu'ils veulent marcher un peu sur vos plate-bombes extérieurement.
17:41 Je ne veux pas rentrer là-dedans.
17:43 D'abord, ça ne m'intéresse pas.
17:44 Puis en plus, je ne suis pas convaincu que ça intéresse le grand monde.
17:45 Ensuite, simplement, ce que je veux dire, c'est que la force du cyclisme, c'est que
17:52 c'est un sport, la plus grande force, gratuit pour les gens du bord de la route.
17:56 Un sport gratuit, une discipline gratuite pour les gens du bord de la route.
18:00 Et ça, ça doit rester.
18:01 La famille Amory a toujours voulu aller chercher des contrats à télé avec des chaînes
18:06 de télévision gratuites, généralistes et si possible de services publics.
18:10 Après, on gagne de l'argent quand on a beaucoup de téléspectateurs.
18:12 Il ne faut pas se tromper de sens.
18:14 Donc, on va faire en sorte qu'il y ait un maximum de gens, y compris quand on part
18:17 de l'étranger ou on nous critique en disant qu'on est partis de l'étranger.
18:19 Ça n'a rien de récent puisque c'est 1954 le premier grand départ.
18:22 Le premier passage du Tour de France à l'étranger, c'est 1907.
18:26 Donc, voilà, ça n'a rien de nouveau.
18:27 Mais en revanche, c'est aller chercher des gens.
18:29 Quand j'entends, par exemple, le directeur de l'Office du touriste de l'Alpe d'Huez
18:33 qui dit que sa première clientèle étrangère, ce sont désormais les Danois, je trouve ça
18:37 exceptionnel.
18:38 La montagne des Hollandais n'a jamais converti les cyclistes, les cyclo-hollandais en skieurs.
18:43 Les Danois, tout de suite, ils se sont transformés aussi en skieurs.
18:47 Ils sont là l'été, ils sont là l'hiver.
18:48 Donc, ça, c'est formidable.
18:49 Et ça, c'est bon pour le Tour, c'est bon pour l'Alpe d'Huez, c'est bon pour la France.
18:53 Donc, voilà, le Tour est un géant diffusé dans 190 pays.
18:58 Le Tour est suivi en nombre d'accréditations, pas au quotidien, mais par 2000 journalistes.
19:03 Vous voyez le monde au bord des routes.
19:06 Vous avez vu aussi la rançon de la gloire, les difficultés qu'on a pu avoir l'année
19:10 dernière avec un public encore plus nombreux et plus jeune, donc hyper sympa, mais encore
19:14 plus dynamique, si je puis dire.
19:16 Donc, voilà, ça, c'est juste la réalité du mois de juillet sur la plus grande course
19:19 cycliste au monde.
19:20 Et quels que soient les gens qui voudraient changer quelque chose, il faut juste qu'ils
19:23 se rendent compte de ça.
19:24 Autre déclaration récemment qui a fait un peu parler, je pense que vous en avez entendu
19:31 parler, proposition de Zebio Nzoué, directeur de la Movistar, sur un éventuel changement
19:39 dans la conception des grands tours et notamment sur l'aspect de pouvoir amener des remplaçants
19:46 sur un grand tour.
19:47 Est-ce que c'est des idées qui peuvent faire évoluer le cyclisme ou alors, comme certains
19:50 autres qui se sont moqués un peu de sa proposition, c'est quelque chose de trop saugrenu ?
19:54 Ça n'a rien de neuf parce que je venais d'arriver, je pense, chez Aeso, il y avait
19:59 déjà ça qui tournait.
20:00 Je me demande si à l'époque, ça n'était pas.
20:01 Je ne suis pas certain, mais il me semble que c'est Manolo Sais qui portait cette idée.
20:03 Ma seule réponse, elle est très simple.
20:05 Le cyclisme est un sport individuel qui se court par équipe, un sport individuel qui
20:09 se court par équipe.
20:10 Ce n'est pas un sport d'équipe.
20:11 On ne peut pas gagner sans équipier.
20:14 Alors, je suis convaincu, c'est une certitude.
20:15 Et la série Netflix, parfaitement complémentaire de France Télévisions, l'a bien montré.
20:19 Mais c'est un sport individuel qui se court par équipe.
20:22 J'entends encore Bernard Hinault qui disait à ses équipiers, s'il vous plaît, les
20:26 gars, faites le boulot, vous me laissez au pied de la dernière montée, je m'occupe
20:28 du reste.
20:29 Donc, c'est bien un sport individuel qui se court par équipe.
20:32 Si on change ça en sport d'équipe, ce n'est plus la même chose.
20:35 Autre problématique qui va peut-être pouvoir se poser à l'avenir, peut-être même très
20:41 rapidement, le réchauffement climatique, la question de l'environnement dans le vélo.
20:48 C'est quelque chose qui a déjà été pris au sérieux par ASO, par nombre d'organisateurs.
20:53 Mais est-ce que, par exemple, on peut envisager un calendrier totalement remodelé, le Tour
20:58 de France qui ne soit plus en juillet ? Ce sont des choses qui peuvent arriver très
21:01 vite.
21:02 Comment on s'adapte chez ASO ? Comment on envisage ça ?
21:06 Ce qui est sûr, c'est que ça va vite.
21:08 Le changement climatique et le réchauffement induit, ça va vite et plus vite que les
21:15 spécialistes ne l'imaginaient.
21:16 Après, on n'a pas eu un bel été l'été dernier.
21:20 Après, même s'il ne pleut jamais, hélas, dans les Pyrénées-Orientales, ça fait bon
21:25 nombre d'années qu'il n'a pas plu autant depuis le 15 octobre au nord de la Loire,
21:28 absolument partout en France, de Brest à Strasbourg jusqu'à Lille.
21:31 Et on a vu ce qui s'est passé en Pas-de-Calais.
21:33 Il y a un raisonnement sur le temps long, mais il y a un raisonnement sur le tour d'après
21:37 et on ne sait absolument pas ce qui va se passer.
21:39 Quand on voit il y a deux ans qu'il faisait 40 degrés à Brest et 42 à Nantes, on ne
21:44 peut même pas se dire "tiens, on va rester dans le nord ou aller dans l'ouest où il
21:47 fait plus frais".
21:48 On n'en sait strictement rien.
21:49 Donc, il y a vraiment deux choses différentes.
21:51 Ce que je peux simplement vous dire, c'est qu'il y a une dizaine d'années, quand on
21:54 allait tracer des parcours en montagne ou chercher de nouvelles difficultés, on regardait
22:01 ce qui allait être le plus beau, le plus intéressant, le plus rule, le plus sélectif
22:05 pour les coureurs, mais le plus beau aussi pour ceux qui posent la glaciaire, pour qui
22:09 voient plusieurs lacets.
22:10 On dit "tiens, alors ils se mettent là, ils vont voir cinq lacets, ils vont être super
22:13 bien placés".
22:14 Aujourd'hui, on va regarder toutes les ascensions rudes qui sont en sous-bois et voir à quelle
22:20 altitude elles sortent.
22:22 Est-ce que c'est à 1200 mètres, 1500 mètres, 1600 mètres, pour se dire "une fois qu'ils
22:25 seront au soleil, il fera moins chaud".
22:26 Mais sauf qu'on regarde ça attentivement.
22:28 On ne pourra jamais faire un parcours du Tour de France en regardant uniquement ça.
22:31 Donc, on est très attentif à ça, très attentif évidemment au reste.
22:37 Le Tour de France, les courses cyclistes, mais le Tour de France, son succès, il dépend
22:43 d'abord des champions, mais il dépend aussi du cadre.
22:45 La beauté de la France, c'est parce qu'elle est diverse et qu'il y a une vraie différence
22:53 entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud par exemple.
22:55 Si dans dix ans, il y a une uniformité de paysages parce qu'il fait trop chaud, donc
23:01 nous on veut protéger les régions qu'on traverse.
23:04 On va passer dans le parc national des Lumières Cantour avec la bonnette, on va passer dans
23:12 le parc de Forêt sur l'étape qui va de Semerano-Oxfoy en Côte d'Or jusqu'à Colombel
23:18 et les deux Églises.
23:19 Bien sûr que quand on est là, il y a des mesures spéciales qui sont prises, que tout
23:22 ça est fait en fonction des directives des parcs nationaux.
23:26 La caravane, pas de caravane, distribution, pas de distribution, pas de bruit du tout
23:32 quand on passe par exemple.
23:33 Donc on est évidemment très attentif à ça.
23:35 Après, il y a vraiment pour moi le temps long et l'immédiateté du tour d'après.
23:39 Et sur le tour d'après, on ne sait jamais quel temps il va faire.
23:42 Ça peut être en l'évolution, hélas, il n'y a aucun doute.
23:46 Mais sur une année plus qu'une autre, on ne peut pas savoir à l'avance.
23:49 J'aimerais revenir sur, vous avez parlé de Gino Mader en introduction pour cette année.
23:55 La sécurité, c'est évidemment un des enjeux majeurs du cyclisme depuis plusieurs années
23:59 et de plus en plus chaque année.
24:00 Vous êtes également président de l'AIOCC, donc vous êtes au contact avec les organisateurs
24:06 sur ce qui est conseil de soins de parcours, ce genre de choses.
24:10 Comment ça se met en place concrètement, le fait de rendre les parcours plus sécurisés
24:18 et essayer de donner à l'impression aux coureurs que ça va dans le bon sens de ce point de vue-là ?
24:22 Alors, je vais reformuler la question comme l'ancien journaliste que je suis.
24:27 Le premier danger, c'est que ça va trop vite.
24:30 Le premier danger, c'est que ça va trop vite.
24:32 Certaines mesures ont été prises, notamment,
24:34 et Lucie a été critiquée là-dessus alors qu'elle avait parfaitement raison,
24:38 l'interdiction d'être sur le cadre.
24:40 J'ai en tête ce que Philippe Gilbert, ancien grand champion, homme de qualité,
24:44 m'a dit un jour après sa chute dans le Tour de France,
24:48 qui nous a fait si peur dans le portail d'Aspect quand il bascule derrière le parapet.
24:51 Il m'a dit, je suis rentré dans le virage à 67-78, je revenais de la position sur le cadre.
24:58 Si je n'avais pas été dans cette position-là, je serais passé à 73-74, j'aurais pu virer.
25:03 Donc, la différence entre le vélo sur route et tous les autres sports,
25:08 c'est que nous ne sommes pas les seuls à décider.
25:11 La route, le terrain d'expression des champions et des championnes ne nous appartient pas.
25:14 Donc, on peut essayer de faire en sorte qu'il y ait un peu moins d'aménagements ici ou là,
25:18 mais il y en a de toute façon de plus en plus puisque ça doit doubler tous les 7 ou 8 ans.
25:22 Et ça, c'est inexorable.
25:23 Il n'y a rien à faire. C'est comme ça puisque c'est pour la sécurité des utilisateurs principaux,
25:28 qui sont les citoyens, en voiture, à bicyclette, en transport en commun, sur les routes.
25:32 Donc, plus ça va vite, plus c'est dangereux.
25:35 On sait qu'il y aura de plus en plus d'aménagements, quoi qu'il en soit.
25:38 Si ça continue à aller plus vite, on va aller au carton.
25:40 C'est ça la première question. Ce n'est pas une question d'organisateur qui devrait faire ceci ou cela.
25:44 Parfois, on ne fait pas bien les choses. Je ne dis pas qu'on ne se trompe jamais.
25:47 Mais la première raison, c'est ça. Donc, il faut forcément trouver quelque chose.
25:50 Je ne conçois pas... On ne va pas dire à un coureur "roule moins vite".
25:53 Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, la colonne course, donc ce qui fait que...
25:58 Ce qui est autour des coureurs, les motos, les voitures, ce qui fait que la course peut exister.
26:03 Cette colonne course est aujourd'hui mise en danger sans faire d'erreur.
26:06 Et ça, ça date d'il y a un an. Tellement ça va vite.
26:10 Donc, soit les équipes comprennent à un moment qu'il faut faire attention à ça aussi,
26:16 soit l'UCI légifère, sur une proposition de Philippe Gilbert d'ailleurs aussi,
26:20 en disant "on limite les braquets".
26:23 Quand un Tommy Galopin vous dit "mais moi, je suis obligé de mettre un 58 pour suivre",
26:29 ben oui, ça veut bien dire que ça va de plus en plus vite.
26:33 Donc, plus ça va vite, avec de plus en plus d'aménagements dans les traversées d'agglomérations,
26:38 il y a une sorte d'évidence d'accidentologie derrière.
26:41 Il ne faut pas être devin ou spécialiste pour le comprendre.
26:43 Donc ça, c'est la première chose. Après, le reste, c'est presque coté sur jambe de bois.
26:46 Bien sûr qu'il faut faire un tas d'efforts, etc.
26:49 Le projet Safer, qui met ensemble cet organisme qui se met en place,
26:54 qui met ensemble les équipes, les coureurs, les organisateurs,
26:57 avec des gens de bonne volonté, ça c'est capital,
26:59 avec des gens de bonne volonté qui ne disent pas "c'est ta faute, c'est sa faute", etc.
27:03 Ce projet aussi où il y a le comportement des coureurs, ça c'est accepté.
27:07 Mais je le répète, il y a le travail des organisateurs,
27:10 il y a le comportement des coureurs et il y a le matériel.
27:13 Parce qu'on a l'impression qu'on fait un pas en avant et trois pas en arrière
27:15 avec des vélos toujours plus rapides, toujours plus légers.
27:19 C'est-à-dire que le danger, c'est que si nous on nous demande de faire,
27:21 bon ce mot-là c'est ce qu'on nous demande,
27:23 de faire pression sur les collectivités pour qu'elles retiennent, etc.
27:27 Mais on peut le faire à la marge, parce que c'est de l'argent public.
27:32 C'est bien de l'argent public. Donc on peut le faire à la marge.
27:35 Mais si à un moment, ça ne cesse pas d'aller plus, l'augmentation des moyennes,
27:39 on sait tous très bien dans le monde du vélo que c'est dû d'abord au matériel.
27:43 Donc s'il y a à un moment, il n'y a pas d'une manière ou d'une autre un coup de frein,
27:49 le peloton sera plus que jamais en danger dans les années qui viennent.
27:51 Mais pas simplement le peloton.
27:53 Parce que l'organisateur, il s'occupe d'abord des coureurs,
27:55 mais il s'occupe évidemment des gens qui sont dans l'organisation
27:58 et puis des gens du bord de la route.
28:01 Évidemment, l'évolution du cyclisme ne va pas sans celle du cyclisme féminin
28:05 depuis plusieurs années.
28:07 On vous a vu présenter le Tour de France avec Marion Rousse,
28:09 l'épreuve du Tour de France féminin avec Zwift,
28:11 qui prend de plus en plus d'ampleur chaque année.
28:15 À quel point c'est quelque chose qui apporte au cyclisme pour vous depuis ces années ?
28:19 C'était quelque chose qui manquait clairement.
28:21 J'ai envie de vous dire, je vous l'ai dit un petit peu tout à l'heure,
28:24 mais sur les routes du Tour, un quart des gens sont venus pour la première fois.
28:32 Et là-dedans, suivant une enquête que nous avons faite, il y a 54% de femmes.
28:37 Je crois que les femmes viennent au vélo, à la passion pour les courses cyclistes,
28:42 largement par la pratique, bien plus que les gens de mon profil
28:45 qui peuvent se contenter d'être au bar et de regarder à la télévision
28:48 ce qui se passe et de se dire que c'est génial.
28:50 Et c'est génial.
28:51 Donc, bien sûr que ça manquait.
28:53 On ne peut pas avoir envie de parler aux gens en Australie, en Colombie,
28:56 au Japon, partout dans le monde et de ne pas parler aux femmes qui sont à côté de nous.
28:59 Ça n'a aucun sens.
29:00 Ce que dit Marion Rousse, magnifique et emblématique directrice du Tour Femmes,
29:05 c'est quand elle dit "moi j'étais championne de France, etc."
29:08 mais je me disais de toute façon, ce n'est jamais pour moi.
29:10 Avec des cousins qui étaient des coureurs cyclistes professionnels,
29:13 un père qui faisait des courses, c'est pas pour moi.
29:16 Mais à voir les jeunes filles, les jeunes femmes au bord de la route et se dire qu'elles,
29:20 elles peuvent aujourd'hui se dire "peut-être que moi, demain,
29:22 j'en ferai mon métier, je ferai le Tour de France".
29:24 C'est formidable.
29:25 Donc oui, en fait, je ne vais pas dire que c'est encore mieux que ce que nous imaginions,
29:30 mais en tout cas, moi j'ai dit une bêtise lorsque nous avons relancé le Tour Femmes
29:37 au Palais des Congrès il y a deux ans et demi maintenant.
29:39 J'ai dit "vive le Tour, vive les Tours" et je m'étais trompé.
29:42 Bien sûr, ce sont des épreuves distinctes, mais c'est le Tour.
29:44 Ce sont les mêmes sours au bord des routes, légèrement plus de femmes au bord des routes que d'hommes.
29:50 Et puis c'est un gros succès à la télévision aussi.
29:52 Et quand on voit, il y a la championne du monde,
29:55 le maillot jaune absolu des interviews avec Cécilie Ludwig Oudtroumpf,
30:00 qui est juste absolument phénoménal par sa spontanéité dans les interviews.
30:05 Et puis ça nous fait, alors ce ne sera pas le cas en 2024,
30:08 mais ça nous fait un mois complet de vélo, de Tour de France.
30:12 Et ça, c'est exceptionnel.
30:13 Là, la compétition va vivre seule puisque les Jeux olympiques, et c'est une chance,
30:18 les Jeux paralympiques font que le Tour est avancé d'une semaine,
30:22 le Tour de France femmes avec Zwift est entre les Jeux olympiques et les paralympiques,
30:27 avec donc un premier grand départ à l'étranger,
30:30 dans un pays où a priori ça devrait bien se passer,
30:32 puisque bien sûr, on a fait en sorte de partir des Pays-Bas.
30:35 Aussi, il y a un lien avec l'histoire du Tour,
30:37 pas pour faire comme les garçons autrefois,
30:40 mais pour montrer qu'on veut que l'épreuve soit pérenne,
30:44 et mettre les pas dans les pas du Tour.
30:46 Premier grand départ à l'étranger, 1954 à Amsterdam,
30:49 premier grand départ de Tour de France femmes avec Zwift à l'étranger, en Amsterdam.
30:52 Et là est 2024, avec une épreuve qui va passer par les Ardennes,
30:59 qui va passer par la Redoute, qui va passer par le Blandon,
31:03 qui va arriver à l'Alpe d'Huez.
31:05 Donc quelque chose de rude, quelque chose de dur, quelque chose de fort.
31:08 Donc oui, je suis super content.
31:12 Ça donne le sourire en permanence.
31:16 Je suis impressionné aussi par la manière dont Marion, en magazine,
31:22 apprend à toute vitesse, etc.
31:24 Sachant qu'évidemment, sa connaissance du vélo,
31:26 sa connaissance des champions, des championnes,
31:28 sa connaissance du milieu font qu'elle était,
31:31 elle n'était pas candidate, mais qu'elle était,
31:33 très clairement, je n'avais pas d'autre mot en tête.
31:35 Je l'ai déjà dit, mais je me confie en elle.
31:39 Vous nous donnez le témoin.
31:41 On ne va pas dire votre âge, 17 années en tant que patron du Tour.
31:44 Une femme peut-être un jour patronne du Tour.
31:47 Comme nous disait Brian Correa il y a quelques semaines,
31:49 on est à la retraite, j'ai aucun souci avec ça.
31:51 Je sais que je suis plus proche de la fin que du début.
31:54 Vous, on vous a toujours connu patron du Tour,
31:57 certes journaliste pour les plus jeunes.
31:59 Vous en êtes où avec ça ?
32:00 Est-ce que vous préparez votre succession ou vous n'y pensez pas ?
32:04 Quel est le truc par rapport à ça ?
32:06 Il y a deux choses.
32:07 D'une part, je ne me sens pas usé.
32:09 Ensuite, bien évidemment, la transmission est quelque chose qui compte
32:13 dans tous les domaines.
32:15 Mais la transmission, elle va évidemment avec la passion.
32:16 La question de tout à l'heure, c'est...
32:18 Et quelqu'un un jour m'a dit, mais vous aimiez le Tour avant ?
32:22 Oui.
32:24 Je n'aurais jamais quitté le journalisme, qui est le métier de ma vie,
32:26 pour autre chose que pour ce poste de directeur du Tour.
32:29 Quoi qu'on aurait pu me proposer, c'était juste inenvisageable pour moi.
32:34 Le directeur du Tour, à ce jour, a quasiment toujours été journaliste.
32:38 Je pense en revanche être le dernier des Moïcans.
32:40 Mais ce qui compte vraiment, c'est l'amour du Tour.
32:44 C'est être capable d'aller un peu partout, de prendre du temps avec les gens.
32:53 Ce qui paraît tout simple.
32:55 C'est tout simple sur une journée, sur deux jours.
32:57 D'aller les voir.
32:59 Je suis très marqué par une interview de Jean-Marie Leblanc à l'équipe en 2003,
33:04 avant le Tour du Centenaire.
33:05 C'était une avant-dernière page et il y avait écrit en exergue,
33:08 le Tour doit être aimé.
33:09 Donc il fallait voir les gens, il fallait les rencontrer.
33:11 J'étais très frappé aussi par le fait qu'en 2005,
33:13 Jean-Marie m'avait demandé de m'occuper de Paris-Nice.
33:17 Et tous les gens à qui je me suis contenté d'envoyer un mail,
33:21 une fois, deux fois, dix fois, de téléphoner une fois, dix fois, deux fois,
33:24 m'ont tous dit non.
33:25 Et tous ceux que je suis allé voir, ont dit oui.
33:27 Donc il n'y a pas de secret.
33:28 Y compris un maire qui m'avait dit, mais vous avez une réunion dans la région ?
33:32 Mais je lui ai dit, non monsieur le maire.
33:33 Et vous êtes venu pour nous, pour moi ?
33:35 Je lui ai dit oui.
33:36 Je savais à ce moment-là qu'on allait récupérer l'État.
33:39 Le Tour de France, c'est 300 candidatures.
33:41 Donc quand vous dites oui, vous êtes le père Noël.
33:43 Sur d'autres épreuves, y compris Paris-Nice,
33:45 ce n'est pas forcément la même chose.
33:46 Donc il faut prendre son bâton de pèlerin, etc.
33:49 Et voilà.
33:49 La transmission, c'est évidemment quelque chose qui me...
33:54 C'est une chose à laquelle je pense.
33:56 Mais là, on ne va pas résonner en décennie,
33:58 mais on ne va pas résonner non plus en mois.
34:01 - Qu'est-ce qu'on peut souhaiter en 2024 à Christian Prudhomme du coup ?
34:05 - Non, qu'est-ce qu'on peut souhaiter au Tour, à moi, c'est très personnel.
34:08 C'est pour ma famille.
34:12 C'est un tour étincelant.
34:13 C'est ce que vous avez dit tout à l'heure.
34:14 Déjà, les quatre As au départ, qu'il n'y ait pas de pépins, pas de maladies,
34:17 pas de chute au dernier moment, qu'ils soient là tous les quatre en forme
34:19 et qu'on ait un suspense qui dure le plus longtemps possible
34:22 et que pour le retour d'un contre la monte le dernier jour sur une année exceptionnelle,
34:27 avec pour la première fois un départ d'Italie, pour la première fois une arrivée,
34:30 qui n'est pas à Paris et ce sera à Nice,
34:32 un final éblouissant dont on se souviendra encore dans 30 ou 40 ans.
34:37 Quand je serai sur le bord de la route avec la glaciaire et un déambulateur.
34:41 - Merci pour cet entretien.
34:43 - Avec plaisir. - A bientôt.
34:44 [Musique]