La teuf - La chronique de Mahaut
Pour Mahaut, faire la fête, c'est vital, surtout en boîte de nuit : ce sont ses meilleurs souvenirs. Entre-temps, le Covid est passé par là, des tas de clubs ont fermé, on préfère rester chez soi. Mais tel n'est pas l'avis de notre teufeuse : la fête n'est pas morte, elle se réinvente.
Retrouvez toutes les chroniques de Mahaut « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-mahaut
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00:00 Dans un souci d'équilibre, je vais donner la parole à celle qui est chargée d'étudier plus en profondeur ce dossier,
00:05 Mao Drama !
00:07 Merci ! Merci Charline !
00:11 Alors, c'est vrai, j'ai mal à ma France, mais j'ai surtout mal à mon dancefloor.
00:16 30% des boîtes de nuit ont fermé, c'est une énorme réduction, 30% Charline, je sais pas si vous vous rendez compte.
00:22 Enfin, évidemment que vous vous rendez compte, on est passé le dimanche.
00:24 La fête est nécessaire, les soirées en boîte de nuit, moi c'est mes meilleurs souvenirs, je me rappelle, je me rappelle pas, mais putain c'était bien !
00:33 Sans la fête, y'a pas la déclaration d'amour de Fitzgerald à Paris, y'a pas les slow de Sophie Marceau dans la Boum,
00:39 y'a pas Rose dans la cale de Titanic qui dit "Jack, fais-moi tourner !"
00:43 Double sens.
00:45 Les fêtes à la maison c'est sympa, ok, mais ça a pas le charme de la boîte de nuit,
00:50 c'est quand même plus marrant de faire des traces dans des toilettes que sur une table basse, c'est pas la même saveur !
00:56 Un vrai DJ qui mixe avec des platines et tout, ça a quand même un peu plus de gueule qu'une playlist Spotify,
01:02 en tout cas moi j'ai jamais sussé un mec pour sa playlist à pied reposé.
01:06 La boîte de nuit c'est le forum, c'est le lieu de rencontre, de brassage, qui prend en compte tout un tas de paramètres qu'on ne maîtrise pas,
01:14 et qui donne à la vie ce caractère hasardeux, imprévisible.
01:17 C'est l'ancêtre de l'algorithme. Oh, sympathiser avec un mec d'école de commerce, mais pourquoi pas, c'est fait pour ça les fumoirs !
01:23 Maintenant on préfère aller sur Tinder et se prendre des vents comme ça,
01:27 alors c'est sûr c'est moins la honte, on est tout seul, y'a personne pour nous voir,
01:30 après on peut manger de la glace, se branler, à ne pas faire en boîte de nuit !
01:33 C'est très mal compris par les orgas, 12 heures en garde à vue avec Amérique, 12 heures on a passé !
01:38 Alors c'est un peu le Covid qui a gâché la fête, avec le repli sur soi, le tout numérique,
01:43 on se sclérose, coucouning, tu vois, dans une génération comme ça, qui prend soin de soi, dans une dictature du bien-être.
01:50 Je jette pas la pierre, c'est pas facile de sortir de chez soi quand on peut se faire livrer un womanizer en moins de 24 heures.
01:56 Cela dit, ça permet d'économiser beaucoup sa salive, t'as moins à dire !
02:00 Je te jure, je te jure, j'ai pris énormément de plaisir !
02:03 A tort ou à raison, plus on sort, plus on se découvre, dans la lueur des réverbères.
02:12 On se heurte contre le bitume, on développe son système immunitaire contre le monde extérieur.
02:17 Ce que je veux dire, c'est qu'on est en train de créer une société avec une génération d'enfants bulles de la nuit.
02:23 Ils sont là, genre "pourquoi le monsieur il me bouscule avec une seringue, ouin ouin, grandis !"
02:28 Alors, un des freins c'est sûr, c'est le manque d'argent, les clubs se vident peut-être à cause des abus.
02:34 15 euros le gin tonic, c'est vrai que la musique est un peu forte.
02:37 Moi je croise souvent en teuf des mecs avec des bouchons d'oreilles qui sont là, genre ils essaient de se convaincre.
02:41 "Je suis là pour la musique !"
02:43 Mais la fête ne meurt pas, je pense qu'elle prend juste d'autres visages.
02:47 Il y a des tiers lieux, des grands hangars qui prennent de belles couleurs sous les sunlights des projecteurs.
02:51 Alors, tiers lieux, c'est une expression qui a été créée par les mairies pour dire "on avait pas d'argent, on a laissé les assos faire".
02:56 C'est une expression intéressante qui a été trouvée par Jack Lang lors d'une soirée AMD à la Concrète.
03:09 A l'abri des boules disco, il y a des sociétés rêvées qui existent le temps d'une nuit, dans le respect des uns et des autres, sans règles.
03:15 Enfin, CNews appelle ça plutôt "les discothèques zone de non-droits islamistes" ou "camp de rééducation woke".
03:20 Parce que la fête queer, moi, c'est l'endroit dans lequel j'ai grandi.
03:24 C'est l'endroit où j'ai pu être sain nu sans être sexualisée.
03:27 C'est l'endroit où mon corps, que j'avais appris à détester, on l'a célébré.
03:30 En me disant "meuf, t'es bourlée, en fait c'est juste ta personnalité qui déborde".
03:34 Mais oui !
03:36 Alors il faut s'en convaincre, il faut mettre des paillettes, il faut sortir.
03:39 Vous savez quoi ? On meurt dans 10 ans, alors on s'en branle.
03:42 Merci beaucoup.
03:45 Merci Mao Drama.
03:47 Voilà, il nous avait convaincus que c'était un sujet important.
03:51 Et les cris de la salle en témoignent.
03:54 Enfin, de la convoiution citoyenne, bien sûr.