• il y a 10 mois
Un déjeuner partagé avec Pierre Hermé, chef patissier- chocolatier, pour parler de la pâtisserie vegan et de ce fruit venu d'Asie le yuzu, adoré par les patissiers en France.

Brigitte Boucher et Jean-Pierre Montanay partagent un repas avec une personnalité : politiques, chefs cuisiniers, artistes.... L'occasion d'aborder un thème d'actualité, autour de reportages et d'un menu élaboré avec des plats typiques de leur région, souvenirs d'enfance ou qu'ils apprécient particulièrement. Comment le contenu de nos assiettes impacte-t-il nos modes de vie ? Tout en parlant gastronomie, c'est l'avenir de notre société et les enjeux de demain qu'ils questionnent.

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#LCP #Politiquesatable

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Transcription
00:00 Générique
00:02 ...
00:17 -Bonjour à tous.
00:18 C'est l'heure de "Politique à table" sur LCP.
00:20 On se retrouve avec notre invité, un plat et un dessert.
00:24 Cette semaine, nous recevons Pierre Hermé.
00:26 -Bonjour. -Merci d'avoir accepté
00:28 cette invitation pour présenter cette émission.
00:31 Bonjour, Jean-Pierre. -Bonjour, Pierre Hermé.
00:33 -Bonjour, Jean-Pierre. -Vous êtes pâtissier chocolatier.
00:36 Enfin, pas vraiment. Vous êtes meilleur pâtissier du monde.
00:40 Ca crée en 2016.
00:41 Vous êtes aussi surnommé le roi du macaron.
00:44 Vous étiez sans doute prédestiné à pâtisser,
00:47 puisque vous êtes né dans le sucre,
00:49 héritier de 4 générations de boulangers pâtissiers de Colmar.
00:52 La maison Hermé est une référence depuis 1870,
00:56 mais vous lui donnez un essor en 1997
00:59 en fondant votre propre marque, après être passé
01:02 chez Le Nôtre, Passart, Fauchon et Ladurée.
01:04 Vous avez créé une manufacture chez vous, en Alsace,
01:08 même si vous faites rêver aux quatre coins du monde,
01:11 avec votre dessert signature lisse par an,
01:13 à base de pétales de rose, de framboises et de litchi,
01:16 mais aussi avec le 2 000 feuilles et les tartes à grumes.
01:20 Avec Jean-Pierre, on s'attendait à un menu infiniment sucré.
01:23 On n'en est pas loin avec de la charcuterie pâtricière.
01:26 -Oui, avec du pâté en croûte,
01:28 mais pas n'importe lequel, celui de la maison Véro.
01:31 Et en dessert, la tarte infiniment yuzu,
01:33 vegan, mais pas n'importe laquelle, celle de Pierre Hermé Paris.
01:37 -Dans le dessous des plats, comme Pierre Hermé,
01:40 les Français adoptent la pâtisserie vegan.
01:42 Elle serait plus légère et moins sucrée.
01:44 Dégustation dans cette émission.
01:46 -Vous serez tous sur le yuzu, apparu en Chine,
01:49 à grumes cultes au Japon et adoré par les pâtissiers chez nous.
01:53 Allez, on passe à table.
01:55 A tout de suite, cuisine et confidence.
01:58 -Pierre Hermé, vous faites partie du panthéon de la pâtisserie.
02:08 Ne rougissez pas.
02:09 Des titres, des distinctions, des surnoms,
02:12 une statue de cire chez Grévin.
02:13 Si je m'immisce, vous n'êtes pas assasié.
02:16 Un challenge vous taraude, le championnat du monde de pâté en croûte.
02:20 Quoi, Hermé, le roi du macaron qui va jouer les charcutiers ?
02:23 Pas tant que ça.
02:24 Pour bien comprendre,
02:26 oubliez le pâté en croûte humide de la cantine d'antan.
02:29 Ce totem de la tradition française n'est plus Hasbin,
02:32 c'est de l'or fèvrerie.
02:33 Le champion du monde en titre, Frédéric Le Gouin-Geoffroy,
02:37 sacré en décembre 2023,
02:38 qui a dit ça, de l'or fèvrerie.
02:40 C'est très technique, comme la pâtisserie.
02:43 Ça, Pierre Hermé, ça vous plaît.
02:45 Vous m'avez dit que la pâtisserie, c'est comme l'architecture.
02:48 Vous superposez des couches de pâtes, de crème, de fruits.
02:52 La crème va-t-elle pas s'affaisser sous le poids des fruits ?
02:55 Avec le pâté en croûte, c'est pareil.
02:57 La pâte va-t-elle jouer son rôle de croûte ?
03:00 La gelée, celle de joint ?
03:01 La farce prête à toutes les audaces.
03:03 Vous nous proposez de goûter celui de la maison Véro,
03:07 votre référence, en 2002, alors que vous présidiez le jury.
03:10 C'est un Japonais qui a remporté le concours.
03:12 Pourquoi pas vous, un pâtissier en 2024 ?
03:15 Vous y pensez, ou c'est moi qui plutôt rêve ?
03:18 -Je ne rêve pas de faire le concours,
03:20 mais j'ai été content de présider le jury du concours
03:24 et avec des invités illustres
03:28 et des collègues de la pâtisserie,
03:31 de la cuisine et, en général, de tous les horizons.
03:36 Moi, j'aime beaucoup le pâté en croûte,
03:38 c'est un de mes plats favoris.
03:40 Dans notre salon de thé, à Beaupassage,
03:43 on fait parfois du pâté en croûte,
03:45 parce que c'est à la frontière entre la pâtisserie,
03:49 la cuisine, la charcuterie, donc aux confins détroits.
03:53 -C'est le plat salé qui se rapproche le plus de la pâtisserie ?
03:56 -Oui, tout ce qui est... Tous ces pâtés chauds et tout ça,
04:00 moi, je suis un inconditionnel. Les quiches s'en rapprochent.
04:04 -Chaud ou froid ? Parce que, justement,
04:06 le pâté en croûte, j'ai vu que certains pouvaient se servir tiède.
04:10 -Moi, j'aime bien les...
04:12 C'est plus souvent des tourtes,
04:14 mais après, j'ai des amis, comme la Maison Ferbert, en Alsace,
04:17 qui fait du formidable pâté en croûte chaud.
04:20 Moi, j'adore ça.
04:22 -On dit "pâté croûte" ou "pâté en croûte" ?
04:25 -Ah, pâté croûte, c'est vrai.
04:27 J'ai tendance à dire "pâté en croûte",
04:29 mais souvent, on est pas prudis.
04:31 -Les deux se disent. -Mais vous dites,
04:33 "la maison"... C'est très alsacien, le pâté en croûte.
04:36 C'est peut-être une résonance de votre enfance.
04:39 -Absolument. On en mangeait chez nous le samedi soir.
04:42 On avait souvent du pâté en croûte.
04:44 -Et vous, vous savez le cuisiner ?
04:46 -Oui, bien sûr. On en fait une recette
04:49 qu'on propose aux clients qui viennent au Salon de Thé
04:52 de Beaupassage. -On s'imagine que les chefs
04:54 pâtissiers font que pâtisser,
04:56 mais vous, vous arrivez à cuisiner du salé.
04:59 -Moi, j'aime bien cuisiner le salé,
05:01 mais pas en tant que professionnel pour mes amis.
05:04 -Vous les aimez ? -Oui.
05:05 -Vous êtes prêts, si vous avez une recette,
05:08 à participer à la championnat ?
05:09 Celui de Véro, c'est votre référence ?
05:12 -C'est parmi mes références. -On va le goûter.
05:15 -Il est toujours très bon.
05:16 -Goutez-le, vous allez nous dire...
05:18 -Vous aimez ça ? -J'aime beaucoup
05:20 le pâté en croûte.
05:22 J'aime beaucoup ça.
05:23 Je crois qu'il y a quelques variantes,
05:25 mais vous en saurez mieux que moi.
05:27 Dites-nous les trois choses à savoir,
05:30 Jean-Pierre, sur le pâté en croûte.
05:32 -Alors, faire soi-même son pâté en croûte,
05:34 c'est aujourd'hui, et Pierre Hermé le fait,
05:37 c'est très tendance. Mais le nec plus ultra...
05:40 Avant de se lancer, il faut faire attention,
05:42 ça exige du temps, de la minutie et une maîtrise technique,
05:46 sinon, ça peut être le flop assuré.
05:49 Crucial aussi, le choix du moule,
05:51 Pierre Hermé ne me contraindira pas,
05:53 il ne faut pas casser votre pâté en le démoulant.
05:56 Optez pour un moule à charnière de 30 cm environ
05:59 pour un démoulage plus facile.
06:00 Ou un moule perforé,
06:02 pour une cuisson parfaite, en boutique spécialisée.
06:05 Enfin, au moment de la confection, bien beurrer le moule,
06:08 et surtout, c'est un terme de pâtisserie,
06:11 et on sait, cela signifie bien étaler votre pâte dans le moule
06:14 afin que la farce soit bien disposée
06:17 et qu'il n'y ait pas de petites fuites.
06:19 -Pas de trous. -Et il faut faire,
06:21 au-dessus, dans le bout de pâte que vous rajoutez au-dessus,
06:25 sur le chapeau, il faut mettre des petites cheminées
06:28 pour faire évacuer la vapeur.
06:30 C'est ça ? -C'est comme ça ?
06:31 -Oui. -C'est comme ça que vous le faites ?
06:34 Quelle viande vous mettez dedans ?
06:36 Il y en a qui ont du veau, du porc, du...
06:39 -Du gibier, des volailles...
06:42 De la chasse, aussi.
06:45 Du foie gras, souvent, des riz de veau,
06:48 des pistaches, pas pistache...
06:50 -On fait ce qu'on veut. Il n'y a pas de cahier des charges.
06:53 -Il y a des recettes très variées,
06:55 autant de recettes de pâté en grotte que de cuisinier.
06:58 -C'est un plat que vous avez découvert il y a très longtemps.
07:02 Ca résonne en vous, dans votre enfance ?
07:05 -Mon père en faisait, dans la boulangerie,
07:08 de temps en temps, pour des clients qui demandaient.
07:11 -Pourquoi les grands chefs se sont lancés
07:13 tous dans le pâté en croûte ?
07:15 Pourquoi il y a autant d'attrait pour ce plat ?
07:18 C'est pas un peu rustique, non ?
07:21 -Après, mes amis lyonnais ont relancé
07:24 ce championnat du monde qui a donné envie,
07:27 je pense, à beaucoup de chefs,
07:29 de se remettre à faire du pâté en croûte,
07:32 qui était un peu... -Un peu passé de mode.
07:35 -Voilà, un plat désuet.
07:36 Aujourd'hui, c'est un plat qu'on aime bien
07:39 parce que c'est bon, tout simplement.
07:41 Il n'y a pas à chercher midi à 4h30, c'est bon.
07:44 -C'est une entrée ou c'est un... -Pour moi, c'est une entrée.
07:48 -C'est pas un plat principal. -Je peux en faire mon plat.
07:51 -Vous pouvez en faire votre plat. -Vous dites "en faire tout en plat".
07:55 Vous dites relancer le championnat du monde ?
07:58 -Non, c'est Christophe Marguin et quelques amis lyonnais
08:02 qui ont lancé ce concours. -Ah oui, plutôt lancé.
08:06 Ca passionne les cuisiniers du monde entier.
08:08 Il y a une émulation, et le concours, c'est quand on aime la compétition.
08:13 Pourquoi les Japonais sont bons dans le pâté en croûte,
08:16 qui est pourtant très français ?
08:18 -Je crois que c'est aussi...
08:20 Ils apprécient le travail de précision,
08:22 le travail d'enfèvre, donc je crois que c'est aussi pour ça
08:26 qu'ils sont très bons dans le pâté en croûte.
08:28 Cette année, c'est un Français qui a gagné.
08:31 -C'est celui que je citais, c'est Geoffroy...
08:35 -Que vous avez cité juste avant.
08:36 Ca se sert avec une petite salade,
08:39 on a un petit radis, des noix...
08:41 -Une petite salade, des légumes en aigre doux...
08:44 -Des piqueux, oui. -Des carnichons.
08:46 -Oui, oui. -C'est comme ça qu'il faut le déguster.
08:49 Vous, vous avez le temps de cuisiner,
08:51 de temps en temps, vous nous disiez du salé.
08:54 C'est quoi vos plats préférés ?
08:56 Qu'est-ce que vous aimez faire quand vous êtes chez vous ?
08:59 -La blanquette, le ceviche, le pot-au-feu,
09:03 du poisson en croûte de sel...
09:06 En fait, c'est assez varié.
09:10 Mais comme je suis pâtissier,
09:12 je travaille toujours avec une recette.
09:14 -Ah oui, vous suivez la recette à la lettre,
09:17 comme les pâtissiers. -Absolument.
09:19 -Vous ne prenez jamais de librairie ? -Non, jamais.
09:22 La température de cuisson, tout ça, c'est vraiment...
09:25 -Mais pourtant, vous sauriez faire,
09:27 depuis le temps où vous avez fait la recette.
09:30 -Quand on travaille en pâtisserie,
09:32 on travaille toujours avec la recette.
09:34 -Oui, mais c'est de la chimie.
09:36 A quelques grammes près, ça peut être tout foiré.
09:39 -C'est un mode de fonctionnement.
09:41 -Alors que le ceviche, qu'on mette plus de citron,
09:44 ça change pas radicalement la recette ?
09:46 -J'aime bien l'équilibre.
09:48 J'aime bien dessiner d'un équilibre.
09:50 Par exemple, même dans la salade...
09:53 Une salade César, c'est tout simple,
09:55 mais si on met un petit peu trop d'ail,
09:57 si on met au... C'est pas très bon.
09:59 On a des réminiscences d'ail,
10:01 donc c'est vrai que, pour moi, j'aime bien qu'on soit précis.
10:04 -Ca veut dire que vous ne créez pas la différence de la pâtisserie ?
10:08 -Si, on peut créer une recette. -D'accord.
10:11 -Une fois que la recette existe, on l'applique.
10:13 -Vous avez des références, comme ça.
10:15 -Oui. -La blanquette,
10:17 c'est vraiment la classique que vous aimez.
10:19 Vous mettez du citron ou pas ?
10:21 -Citron ou vinaigre blanc,
10:23 suivant ce que j'ai sous la main.
10:25 Mais j'aime bien que la sauce, elle soit pas trop épaisse,
10:28 qu'elle soit assez souple,
10:30 et puis je mets toujours un trait de citron
10:32 pour la rendre plus agréable. -Plus légère, aussi.
10:35 -Il y a le grammage.
10:36 Quand vous faites votre blanquette, c'est toujours la même.
10:40 Vous ne vous trompez pas.
10:41 -Ca peut varier. Les viandes peuvent être différentes.
10:44 -Oui. -Mais ça permet de...
10:46 -C'est une certaine standardisation de votre plat,
10:49 si on respecte bien...
10:50 -J'essaye de me tenir à la recette.
10:52 Si je vois qu'un des ingrédients est différent,
10:55 je peux faire varier, tant que cuisson,
10:58 mais c'est toujours...
10:59 -Et vous faites autant de viande que de poisson ?
11:02 Vous n'avez pas de relation ? -Plus de poisson que de viande.
11:05 -Plus de poisson, par goût, par... -Non.
11:07 -C'est une tendance que vous exercez ? -Plus rapide, aussi.
11:11 -Oui, plus rapide.
11:12 Parce que la viande, aujourd'hui, certains n'osent pas nous en demander
11:16 parce que c'est pas politiquement correct,
11:18 à cause du bien-être animal, du réchauffement climatique...
11:22 -J'aime bien la viande, donc...
11:24 -Vous, vous en mangez autant qu'avant ?
11:26 Vous n'avez pas changé votre alimentation ?
11:29 -Oui, vous avez changé vos habitudes.
11:31 -Mais je ne l'interdis pas.
11:33 -Toutes les viandes, sans exception ?
11:36 -Sans exception, y compris le gibier,
11:38 quand on m'en propose.
11:41 -Vous êtes alsacien.
11:42 Est-ce que cette terre, ce terroir très riche,
11:45 vous inspire aussi pour votre propre création de cuisine,
11:48 salée, etc. ?
11:49 Est-ce que vous aimez faire des plats traditionnels
11:52 de votre enfance ?
11:53 -Dans les plats traditionnels, je fais pas grand-chose, non,
11:57 d'Alsace.
11:58 Ma mère faisait, par exemple, des tomates farcies,
12:01 et moi, j'adore toujours les tomates farcies.
12:04 -Ah, c'est Alsace ? -C'est pas alsacien.
12:06 C'est pas alsacien, mais c'est dans les plats de mon enfance
12:09 dont je me rappelle.
12:11 Ma mère faisait également de la semoule,
12:13 que j'aime beaucoup, enfin...
12:15 Mais...
12:16 Comment... Je cuisine plutôt en fonction des recettes
12:20 que j'ai pu accumuler, choisir,
12:23 et que j'ai dans un petit cahier de recettes.
12:26 -Vous parlez de cévichés, c'était un peu intrus,
12:29 par rapport à la blanquerie.
12:31 C'est des vacances au Pérou, au Mexique ?
12:33 -J'adore, j'ai découvert ça dans les années 90,
12:36 dans un restaurant, à l'époque, à New York,
12:38 qui était spécialisé dans les céviches,
12:41 et j'ai vraiment adoré cette façon de préparer le poisson,
12:44 mais aussi la viande,
12:46 parce qu'il y avait à l'époque un céviche de canard,
12:49 et le canard était pas cru, il était cuit.
12:51 -Vous avez déjà goûté ça ? -Non.
12:53 Donc, en fait...
12:54 Comment...
12:56 C'est, pour moi, une entrée, plutôt,
12:59 ou un plat, si on le fait en portion plus importante,
13:02 mais j'aime ça, parce que c'est frais,
13:05 c'est acidulé, c'est très digeste, et c'est bon.
13:08 -J'imagine que vous avez de très bons fournisseurs,
13:10 vous devez très bien connaître les producteurs,
13:13 les bonnes adresses où il faut aller.
13:15 Pouvez-vous nous aiguiller un peu ?
13:17 -Alors, dans les fournisseurs,
13:22 quand je cuisine pour moi, je vais souvent au marché,
13:25 au marché d'Alma le samedi,
13:27 ou à d'autres marchés.
13:30 Quand je suis en Provence,
13:31 il m'arrive d'acheter des légumes, d'acheter des fruits,
13:35 mais principalement, je vais au marché de l'Alma
13:38 pour du poisson,
13:40 pour des légumes de maraîcher,
13:43 et puis des fruits, aussi.
13:46 Donc, après, lorsqu'il s'agit de charcuterie,
13:51 je vais plutôt chez Véro.
13:52 Lorsqu'il s'agit de...
13:55 -Votre viande, par exemple,
13:56 vous la prenez au marché ou vous allez dans des ensembles ?
13:59 -J'ai un copain qui s'appelle Hugo Desnoyers,
14:02 que j'aime beaucoup,
14:03 et donc, ça m'arrive d'acheter la viande chez lui.
14:06 -On connaît aussi un petit peu ici.
14:08 Donc, ça, ce sont les bonnes adresses
14:11 que vous pouvez recommander.
14:12 -Et alors, pour les cavistes,
14:15 comme j'achète plutôt le vin chez les producteurs,
14:19 je vais rarement chez les cavistes.
14:21 -Vous achetez directement à la maison ?
14:23 -Au château. -La plupart du temps, oui.
14:26 -Est-ce qu'en ce moment, il y a un plat
14:28 qui revient plus souvent que d'autres,
14:30 d'une part, peut-être par la saison,
14:32 ou parce que vous avez un goût particulier pour ce plat ?
14:35 -Alors, moi, j'adore le pain perdu,
14:38 et du coup, j'ai, avec la chef cuisinière
14:40 qui travaille avec moi, Anaïs,
14:42 on a créé des plats à base de pain perdu,
14:45 mais salé.
14:47 -Ca m'intéresse, je suis fan de pain perdu, moi.
14:49 -Eh oui. En fait, la particularité
14:52 des pains perdus salés et sucrés que l'on fait,
14:54 c'est qu'ils sont assez épais, en forme de cube ou de rectangle.
14:58 -C'est bien du pain, pas de la brioche.
15:00 -Non, là, c'est de la brioche. -D'accord.
15:03 Un peu racis.
15:04 -Racis, et avec...
15:06 Comment ?
15:07 Une préparation salée, ce qu'on appelle le lait de poule salé,
15:12 parfumé parfois à la pistache, parfumé avec du jus de champignons,
15:16 et puis accompagné d'un oeuf mollet et des champignons,
15:20 ou avec du chèvre et un espuma...
15:23 Comment ? Des tomates confites
15:25 avec un espuma de chèvre et du basilic.
15:28 Enfin, on a développé comme ça beaucoup de pains perdus salés,
15:33 qui sont... J'adore ça.
15:34 -On les trouve à la carte ?
15:36 -On les trouve à Beaupassage,
15:38 donc dans le 7e arrondissement.
15:40 -Ca a du succès ?
15:42 -Oui, bien sûr.
15:43 -Les Français...
15:44 -Les pains perdus sucrés ont toujours du succès,
15:47 mais les salés, on arrive à les proposer
15:49 et donc à ce que les gens les goûtent.
15:52 -C'est une bonne idée,
15:53 car si on vous écoute, on retrouve l'aspect lait de poule du sucré,
15:57 mais avec des ingrédients,
15:59 champignons, on doit pouvoir les faire gratiner,
16:02 peut-être un peu avec du fromage.
16:04 -On les fait... -Toaster.
16:06 -Toaster, oui, et donc...
16:07 C'est très gourmand.
16:10 Pour moi, ça fait partie du registre de la pâtisserie
16:13 transposée dans le sucré.
16:15 Le salé, pardon. -Ils s'invitent dans le salé.
16:18 -C'est le seul plat sucré qu'on peut basculer dans le salé ?
16:22 Vous avez d'autres exemples ?
16:24 -On parlait de céviches, et dans les céviches,
16:26 bien sûr, il y a cette préparation assez vive,
16:29 assez insululée, un peu...
16:32 ...pimentée,
16:35 mais par-dessus, on met des demi-framboises
16:38 pour ramener un peu aussi de l'univers de la pâtisserie.
16:41 La framboise, dans un céviche, elle ajoute de l'acidité.
16:45 Avant d'ajouter du parfum,
16:46 c'est plutôt de l'acidité et un peu de brutalité
16:50 qui vient renforcer déjà la brutalité
16:52 du jus de...
16:54 Comment on dit ? Lecce del tir, voilà.
16:57 -Vous nous disiez que pour le vin, pour le champagne,
17:00 vous alliez directement au producteur.
17:02 Vous avez choisi de nous parler d'un champagne en particulier,
17:06 qui est le Bicar Salmon cuvée sous bois.
17:08 On est en région Champagne.
17:10 Le champagne, c'est souvent un assemblage de plusieurs vins
17:13 qui ont 30 années. C'est une AOC,
17:15 avec des cépages comme le chardonnay,
17:18 le pinot noir et le meunier, élevés en maturation sur lit,
17:21 en cave 6 ou 7 ans,
17:22 et en fût de chêne, pour la vinification,
17:25 à basse température.
17:26 Particularité, nez de fruits secs et agrumes,
17:29 et en bouche, notes grillées de petits pains au lait et toffi.
17:33 C'est ça qui vous plaît ?
17:34 Qu'est-ce qu'elle a de spécial, cette cuvée sous bois ?
17:37 -C'est des arômes qui sont un peu différents
17:40 des champagnes qu'on trouve le plus communément.
17:43 Et...
17:44 Pour moi, elle a évoqué immédiatement un dessert.
17:49 Parce que...
17:50 J'aime pas trop faire les accords vin et dessert,
17:55 mais là, ça m'est arrivé naturellement.
17:59 J'ai fait un dessert pour s'associer avec ce champagne,
18:03 qui est un...
18:04 Comment...
18:07 Dans le fond de l'assiette, il y a une gelée d'herbes,
18:11 qui est composée de menthe, de coriandre,
18:14 de sauge et d'olivèche.
18:16 Donc mélangée à peu près.
18:17 À peine acidulée et un peu sucrée, mais très peu.
18:22 Et puis, par-dessus,
18:24 une crème aux bourgeons et épines de pain.
18:28 Donc très aromatique aussi.
18:31 Et un croustillant avec du...
18:35 Comment ? Du sarrazin.
18:38 Et il y a également, je crois, un praliné aux pignons de pain,
18:41 qui complète un...
18:44 Qui font une harmonie de saveurs,
18:47 qui s'accordent très bien avec ce champagne.
18:50 -Il y a pas de sucre ? -Un tout petit peu.
18:52 C'est un dessert peu sucré.
18:54 Dans la crème, dans la gelée, il y a un peu de sucre.
18:58 -C'est l'alliance parfaite pour vous,
19:00 entre le dessert et la cormée vin, si l'on pourrait dire.
19:03 -Et de ce dessert, j'ai fait un gâteau.
19:07 On l'a proposé et on va le reproposer cet automne.
19:11 Il s'appelle Estella, qui a la même composition.
19:15 Et pareil, pour moi, c'est aussi bon que l'Hisparon.
19:18 C'est mon gâteau préféré
19:20 dans les dernières créations,
19:22 les 3, 4 dernières années.
19:25 -Pourquoi vous n'aimez pas trop cette cormée vin ?
19:27 Il y a des vins qui vont très bien, des vins sucrés, des sauternes.
19:31 -C'est comme si on vous disait d'ajouter un vin salé
19:35 avec les plats.
19:36 Je trouve ça un peu dommage.
19:39 Après, il y a des accords que j'adore,
19:41 comme un beau sauterne avec une galette des rois.
19:44 Pour moi, ça marche bien aussi.
19:46 Mais en général, je ne suis pas...
19:50 J'aime tellement le vin
19:52 que je préfère manger mon dessert et boire le vin après.
19:55 -Qu'est-ce qui se marie bien avec le chocolat ?
19:57 -Le mori. -On a tendance à associer
20:00 naturellement les portos, les moris, les bagnoles,
20:04 les choses comme ça.
20:05 Ca peut marcher, parfois.
20:07 C'est pas incongru.
20:08 -On retrouve l'accord des couleurs qui fonctionne bien.
20:11 Les moris et les portos sont foncés avec le chocolat.
20:14 On va voir si vous êtes incollable.
20:16 Il y a des chances. C'est le quiz.
20:19 -On parle de chocolat.
20:24 Vous, le maître chocolatier,
20:26 sauriez-vous nous dire si ces affirmations
20:28 concernant cet or noir sont vraies ou fausses ?
20:31 Le cacao, première affirmation,
20:33 le cacao débarque en Europe en 1528 via l'Espagne
20:37 dans les bagages du conquistador Francisco Pizarro.
20:40 Vrai ou faux ? -Faux.
20:42 -Faux. Oui, c'était Hernán Cortés
20:44 qui l'avait découvert au Mexique.
20:46 B, c'est la civilisation aztèque d'Amérique latine
20:49 qui a été la première à transformer le cacao en chocolat.
20:53 Vrai ou faux ?
20:54 -Non, pas en chocolat.
20:56 -Faux, c'est la civilisation Olmec.
20:59 Oui, incollable sur le chocolat.
21:00 Le chocolat arrive en 1615
21:03 à l'occasion... En France, en 1615,
21:05 à l'occasion du mariage d'Anne d'Autriche,
21:08 fille du roi d'Espagne Philippe III, avec Louis XIII.
21:11 -J'ai un doute, mais j'irais vrai. -Vrai.
21:16 Et c'est en 1657 qu'ouvre à Londres
21:20 la première chocolaterie qui va démocratiser
21:24 cette boisson chaude, le chocolat chaud.
21:26 Est-ce que c'est vrai ou faux ?
21:28 1557, à Londres.
21:30 -Faux. -Non, vrai.
21:32 En 1655, les Anglais prennent la Jamaïque,
21:34 ce qui leur laisse de grandes plantations.
21:37 Le chocolat fait son entrée en Angleterre.
21:39 A Londres, on ouvre la première chocolaterie.
21:42 -Bravo. Deuxième quiz.
21:43 Vous allez peut-être vous rattraper.
21:46 Vous avez été surnommé, comme on l'a dit,
21:48 le Picasso de la pâtisserie.
21:50 C'était le magazine Vogue à l'époque.
21:52 -Il y a longtemps. -Il y a longtemps.
21:54 -En 94. -Oui, mais c'est peut-être...
21:56 -Les titres qui restent.
21:58 -Le génial peintre adorait les plaisirs de la table.
22:01 Le dessert faisait partie de ses préférés.
22:04 A, les pêches rôties au miel.
22:06 Est-ce que c'est préféré de Picasso ou pas ?
22:08 Vrai ou faux ?
22:09 -C'est compliqué, là.
22:11 -C'est pas évident.
22:12 -Je dirais faux. -Non, c'est vrai.
22:14 Il adorait les pêches rôties au miel.
22:17 Le baba au rhum.
22:18 -C'est possible. -C'est faux.
22:24 Vous connaissez mal Picasso, nous aussi.
22:27 -Pas mal, Picasso, mais le goût de Picasso.
22:29 C'était un quiz un peu compliqué.
22:31 -La charlotte au chocolat, est-ce qu'il aimait ça ou pas ?
22:35 -Amstram Drive.
22:36 -Oui. -Vrai ?
22:38 Oui ! On arrive à Paris, la charlotte au chocolat.
22:41 -La tarte aux pralines, est-ce qu'il aimait ça ?
22:43 Est-ce qu'il aimait ça ?
22:45 -Région lyonnaise ? Non.
22:47 -Non, il aimait pas.
22:49 -C'est un 2 sur 4. -Vous êtes bien ébrouillés.
22:51 Félicitations.
22:53 -C'est souvent autour de la table que se nouent les meilleures histoires,
22:57 des deals politiques. C'est la brève du comptoir.
23:00 On vous a demandé de nous raconter une petite anecdote,
23:07 une petite histoire autour d'un repas,
23:09 et si possible, avec un homme ou une femme politique.
23:12 Vous avez quelque chose à nous raconter ?
23:14 -Alors, oui, j'ai eu une rencontre que j'ai beaucoup aimée.
23:18 À l'invitation de Laurent Ruquier et Jean-Marc Dumontet,
23:23 je me suis retrouvé en janvier...
23:27 Avant l'élection,
23:28 la première élection d'Emmanuel Macron.
23:31 -2016 ? -Oui.
23:32 -2017, peut-être ? -17, voilà.
23:35 En janvier 2017,
23:36 invité au théâtre,
23:39 dans l'arrière-salle du théâtre,
23:43 pour un dîner avec le candidat Emmanuel Macron,
23:46 avec d'autres personnes autour, on était une quinzaine,
23:50 et...
23:53 À ce moment-là, un des invités interpelle Emmanuel Macron,
23:57 il lui dit "Vous n'avez pas de programme,
24:00 "comment vous allez nous préparer un programme ?"
24:03 Il disait "Mais est-ce que mes prédécesseurs
24:06 "avaient un programme ? Oui.
24:08 "Est-ce qu'ils ont pu l'appliquer ? Non."
24:10 -Vous vous êtes dit "On lui fait confiance
24:13 "alors qu'il n'a pas de programme ?"
24:15 -Je pense qu'il a exprimé des idées et les a mises en oeuvre.
24:19 Il a essayé du moins de les mettre en oeuvre, donc oui.
24:23 -Il avait écrit "Révolution" à l'époque,
24:25 ça vous avait inspiré ?
24:26 -Je n'avais pas eu connaissance du livre,
24:29 donc je l'ignore.
24:32 -Vous avez rencontré un homme, comment vous pourriez le décrire,
24:35 Emmanuel Macron, en janvier 2017,
24:37 quelques mois seulement avant... -Inspirant, dynamique,
24:41 avec beaucoup de...
24:44 Comment...
24:45 Beaucoup de conviction,
24:47 du moins la manière dont il exprimait ses idées
24:50 avait beaucoup de conviction.
24:51 Ce n'était pas une réunion politique,
24:54 c'est une réunion cordiale et amicale,
24:56 donc c'était très intéressant de l'écouter
24:59 et d'échanger avec lui et son épouse.
25:02 -Beaucoup de gens ont été inspirés en 2017 par Macron,
25:06 qui sont désinspirés, déçus.
25:07 Vous êtes toujours inspiré par lui, 7 ans après ?
25:10 -J'ai encore écouté un discours dernièrement
25:13 lors de la galette des rois à l'Elysée,
25:16 et j'ai trouvé que ce monsieur a vraiment des convictions
25:19 qui les expriment bien, clairement.
25:22 Après, est-ce qu'il arrive toujours à les appliquer ? Non.
25:25 Mais en tout cas, il les exprime.
25:28 -J'aimerais bien que vous nous racontiez une autre anecdote.
25:32 Vous avez participé au dîner d'Etat de Charles III
25:35 quand il est venu, il y a quelques semaines, à Paris.
25:39 Vous étiez en charge du dessert.
25:42 Pouvez-vous nous raconter les coulisses de ce dîner d'Etat ?
25:45 -Alors...
25:49 Le dessert, madame Macron avait choisi hisparent,
25:52 et donc j'en ai fait une interprétation
25:54 qui était servie à l'assiette,
25:56 avec une compote de framboises crues et cuites,
25:59 des litchis, un sorbet litchi à la rose,
26:03 un sorbet framboise,
26:05 et une fine couche de macarons qui n'étaient pas sur le dessus,
26:08 ce qui fait que c'est un dessert assez léger,
26:11 pas de crème, pas de beurre, pas d'œuf,
26:14 sauf dans le biscuit du macaron,
26:17 mais sinon, on a préparé ce dessert
26:20 pour 140 et quelques convives,
26:23 et...
26:25 Il y avait deux autres chefs qui étaient présents,
26:28 Anne-Sophie Pic,
26:30 et donc... Notamment.
26:32 Et donc, dans la cuisine, il y avait une vraie émulation,
26:36 on était contents d'être là ensemble, de travailler ensemble,
26:39 c'était vraiment plaisant.
26:41 -Ca vous arrive souvent, à 4 ou 6 mains ?
26:43 -Avec d'autres chefs, oui.
26:45 -Ca arrive sur des gros événements ?
26:47 -Pour moi, participer à un dîner d'Etat,
26:49 faire le dessert d'un dîner d'Etat, c'est la première fois.
26:53 -Ca reste un souvenir impérissable.
26:55 -Ca reste un beau souvenir,
26:57 parce que la table à Versailles était très belle,
27:00 très bien dressée, c'était magnifique, vraiment.
27:03 C'était incroyable.
27:04 -Dresser 120 desserts comme ça,
27:06 c'est quasiment un travail d'orfèvre,
27:08 comme le pâté à la recoupe.
27:10 -C'est un travail qui a fait minutes.
27:12 On était une quinzaine de personnes
27:14 pour ce dessert. -Il sort en combien de temps ?
27:17 -En 15, 20 minutes, maximum.
27:19 -Vous arrivez à dresser autant de...
27:21 -Qu'a dit le roi ? "It's good ?"
27:23 -Delish !
27:24 -Nous avons pu saluer le roi et la reine,
27:29 et la présidente et le président,
27:31 et on a eu quelques échanges...
27:34 conventionnels, mais sympathiques.
27:37 -Ca leur avait plu.
27:39 On va continuer à parler de pâtisserie avec vous,
27:42 et avec une variante qui est la pâtisserie vegan.
27:45 C'est le dessous des plats.
27:47 De la pâtisserie, sans beurre, sans oeufs, sans lait,
27:55 voilà la pâtisserie vegan.
27:57 Elle se développe en France,
27:59 une tendance qui plaît aux clients intolérants
28:01 et à ceux attentifs au bien-être animal,
28:04 mais pas seulement.
28:05 Découverte avec Marion Lefèvre et Cléa Joanneau.
28:08 ...
28:11 Des pains au chocolat, des madeleines sans beurre,
28:14 sans oeufs et sans lait.
28:16 Depuis 2017, Bérenice Lecompte revisite
28:18 les classiques de la pâtisserie en mode vegan.
28:21 -On arrive à remplacer tous les ingrédients facilement,
28:24 comme le flan, notre flan vanille.
28:26 Il y a beaucoup le goût d'oeuf, on a l'impression de manger une omelette,
28:30 et là, il y a le goût de vanille.
28:32 On a essayé de diminuer le soja sans le supprimer,
28:35 mais les carotines de soja sont importantes
28:37 dans la pâtisserie vegan pour avoir une bonne texture.
28:40 Ca donne vraiment de nouvelles saveurs.
28:42 C'est totalement différent, on n'essaie pas de se rapprocher
28:46 au plus près. Il faut venir à l'esprit ouvert,
28:48 parce que c'est différent, c'est plus léger à digérer.
28:51 -Cette ex-ingénieure en agroalimentaire
28:54 a décidé de se former et d'ouvrir la 1re pâtisserie vegan de Paris
28:57 quand elle a été diagnostiquée intolérante aux produits laitiers.
29:01 Depuis, avec son équipe,
29:03 elle explore les possibilités offertes par les ingrédients végétaux.
29:07 Fécule de pomme de terre, de pois, lait végétal.
29:10 -On est très limités,
29:12 du point de vue saveurs, quand on reste sur le lait de vache,
29:15 alors qu'il y a 10 000 saveurs en lait végétaux,
29:19 entre la noisette, l'amande, le coco.
29:23 -En pâtisserie, on voit énormément,
29:25 on passe énormément de quantités de produits animaux,
29:28 que ce soit le lait, les oeufs.
29:30 Quand on sait tout ce qui se passe derrière,
29:33 ça fait réfléchir, on a envie d'en utiliser moins,
29:35 et si possible, pas du tout.
29:37 -Des convictions partagées par certains clients vegans,
29:41 mais pas que.
29:42 -Oui.
29:44 -A ma carrière, j'ai dégagé toutes les bonnes choses.
29:47 -Le citron.
29:48 -L'artelette.
29:49 -L'artelette citron. Ca sera tout.
29:51 -C'est plaisant.
29:54 Les cookies sont délicieuses, je connais le flan aussi.
29:58 Comme j'ai des amis qui viennent,
30:00 je me suis dit que j'allais leur faire connaître.
30:03 -Alors, j'ai pris deux forêts noires,
30:06 et puis le scotch.
30:09 C'est mon flus qui est vegan,
30:11 parce que j'ai franchement une préférence
30:13 pour la pâtisserie vegan que la pâtisserie traditionnelle.
30:17 Je trouve qu'elle est plus fine, moins sucrée.
30:19 Il y a plein de choses qui me plaisent
30:22 plus que la pâtisserie traditionnelle.
30:24 -Depuis, le modèle a essaimé.
30:26 Des établissements ont vu le jour partout en France.
30:29 La pâtisserie vegan est même enseignée
30:31 dans les écoles de cuisine.
30:33 -Vous aussi, Pierre Hermé,
30:34 vous y êtes venu, à la pâtisserie vegan.
30:37 Vous avez écrit ce livre, "Pâtisserie végétale",
30:40 avec Linda Von Dara.
30:41 C'est quoi l'histoire de ce livre, de cette entreprise ?
30:45 -Alors, cette idée de la pâtisserie végétale,
30:49 elle a commencé par une rencontre
30:52 avec un ancien collaborateur
30:54 qui avait ouvert une pâtisserie à Paris
30:57 qui est végétale, qui s'appelle L'Inde et le Moncay.
31:00 Et...
31:01 Donc, j'ai goûté ses gâteaux... -Rodolphe Landemain.
31:04 -Rodolphe Landemain.
31:06 Et je me suis dit,
31:07 mais on peut faire de la bonne pâtisserie végétale.
31:11 Et du coup, ça m'a donné envie de travailler.
31:14 Peu de temps après,
31:15 nous avons effectué une collaboration
31:18 avec la Maison du chocolat.
31:19 Je me disais, qu'est-ce que je vais apporter de nouveau
31:23 dans cette collaboration ?
31:24 Du coup, m'est venue l'idée de travailler
31:27 deux gâteaux en pâtisserie végétale.
31:29 Un gâteau qui s'appelle Fleur de Cassis
31:32 et un gâteau qui s'appelle Rose des Sables.
31:34 L'un est cassis, chocolat et poivre de cassis,
31:39 et l'autre est chocolat au lait d'amandes,
31:41 praliné et rose.
31:43 -Il y a pas de lait, pas de beurre,
31:45 pas d'oeufs, pas de crème,
31:47 il y a souvent pas de miel.
31:49 -Vous mettez quoi, à la place ?
31:51 -Vous mettez... Vous remplacez par quoi ?
31:54 -Dans le reportage, on a entendu parler de soja.
31:57 -Oui, parfois, il y a de l'avocat, je crois.
31:59 -On utilise des protéines végétales,
32:02 telles que l'eau de pois chiche,
32:06 la protéine de pomme de terre,
32:07 qui peuvent remplacer le blanc d'oeuf
32:10 et monter les blancs en neige,
32:12 ce qui me permet de faire des macarons...
32:14 -Vous avez des macarons vegan. Vous en proposez ?
32:17 -Pour l'instant, on n'en propose pas,
32:19 mais on peut les faire à petite échelle.
32:22 A plus grande échelle, c'est plus compliqué.
32:24 On les met au point pour les proposer.
32:26 -Il y aurait une demande ?
32:28 -Je sais pas, mais j'aime bien précéder la demande.
32:31 Aujourd'hui, dans nos boutiques,
32:33 on a toujours une pâtisserie végétale.
32:35 C'est un gâteau comme les autres.
32:38 C'est un très bon gâteau, un très beau gâteau.
32:41 On n'en fait pas à la promotion,
32:43 mais lorsqu'un client pose la question
32:46 et a besoin d'avoir une pâtisserie végétale,
32:49 on sait lui faire une proposition,
32:51 mais c'est avant tout un très bon gâteau.
32:54 -Mais c'est pareil.
32:55 C'est exactement pareil, une pâtisserie végane...
32:58 -On va le goûter ensemble.
33:00 -Dans le reportage, on a entendu les gens dire
33:03 que c'est pas pareil.
33:04 Il faut pas venir avec l'idée qu'on va prendre de la pâtisserie,
33:08 mais qu'il faut venir avec l'idée que c'est bon,
33:10 mais que c'est différent.
33:12 -Je dirais pas la même chose.
33:14 C'est un bon gâteau comme un autre.
33:17 Euh...
33:18 Moi, si je le propose dans ce livre,
33:21 avec Linda Vongara,
33:22 ou si je le propose dans les boutiques,
33:25 ça veut dire que c'est avant tout un très bon gâteau
33:28 que je suis fier de présenter et de proposer à nos clients.
33:32 Et donc, pour moi, c'est le principe.
33:37 La pâtisserie végétale, on doit pas l'ostraciser,
33:40 on doit pas la...
33:41 Comment on dit ?
33:42 C'est un bon gâteau comme tous les autres.
33:45 -Il y a deux approches,
33:47 pour rebondir sur la question de Brigitte,
33:49 même pour le vegan carnivore, enfin, carné.
33:52 Il y a ceux qui veulent s'approcher absolument du foie gras,
33:55 avec des noix de cajou et des champignons,
33:58 ou d'autres qui disent que c'est pas du foie gras.
34:01 Vous, quand vous faites un flan, par exemple,
34:03 pâtissier comme la pâtissière,
34:05 vous vous rapprochez du flan,
34:07 vous dites que ça n'a rien à voir.
34:09 -Un autre gâteau, pas une copie.
34:11 -La forêt noire, je cherche pas à singer...
34:14 -Un gâteau déjà existant. -Un gâteau existant.
34:16 Parfois, je le fais. Dans le livre,
34:18 vous avez une recette d'hisparant végétal.
34:21 -Il y a des classiques qui sont revisités à l'hôpital.
34:24 -Mais c'est pas pour moi...
34:26 C'est vrai que...
34:27 Comment...
34:29 J'ai eu envie de travailler,
34:32 on a commencé en 2019,
34:34 pour publier ce livre en 2023.
34:37 C'est quatre ans de travail. -De recherche.
34:39 -Toute l'équipe qui travaille avec moi à l'atelier de création
34:43 a travaillé sur cet ouvrage pour apprivoiser les techniques,
34:46 connaître les techniques de la pâtisserie végétale.
34:50 C'est aussi l'apport de Linda Vongara,
34:53 qui est une pâtissière qui fait que du végétal.
34:57 Elle a une école pour le grand public.
34:59 C'est cet échange aussi qui nous a enrichis,
35:02 qui nous a permis de constituer cette recette.
35:06 Je vois sur la couverture, il y a cette tarte...
35:09 -Framboise. -Framboise,
35:11 avec citron vert et piment d'Espelette.
35:14 C'est juste... -Unique.
35:16 -C'est juste très bon.
35:17 C'est simple et très, très bon.
35:20 -À l'aveugle, vous sauriez très bien reconnaître
35:24 une végétale d'une classique ou absolument pas ?
35:26 C'est bluffant.
35:28 -C'est bluffant, parfois.
35:30 Normalement, je sais reconnaître, mais je me suis...
35:33 Notamment quand j'ai goûté l'hisparan en végétal.
35:36 C'était incroyable.
35:38 -On verra, tout à l'heure, une tarte au yuzu végétal.
35:41 -Vous nous avez apporté.
35:43 -Quand vous avez amorcé ce virage,
35:45 vous aviez présent, avec une pâtissière,
35:47 le bien-être animal, ou c'était pas ça
35:49 votre principale préoccupation ?
35:51 -Ce qui m'intéressait, c'est vraiment d'acquérir
35:55 une connaissance de la pâtisserie végétale
35:58 pour pouvoir créer des gâteaux
36:00 qu'on peut vendre dans notre boutique,
36:03 qu'on peut être fier de proposer à nos clients.
36:06 -Il y a combien de personnes qui vont vous demander
36:08 de la pâtisserie végétale ? -Très peu.
36:10 Mais aujourd'hui, par exemple... -C'est de plus en plus.
36:14 -Je pense. Mais aujourd'hui, quand vous allez dans un restaurant,
36:17 vous n'avez pas une carte sans une proposition
36:20 ou deux ou trois végétales. -Vous voulez dire ?
36:23 -Oui. Donc...
36:24 -C'est vrai qu'il y en a très peu.
36:26 -Pour moi, c'est le fil de l'histoire
36:28 qui nous amène à proposer ça.
36:30 -Vous, votre pâtisserie, qui n'est pas végétale,
36:34 elle a beaucoup évolué au cours des dernières années,
36:37 puisque vous dites toujours "je cherche,
36:39 "je vais toujours en avance",
36:41 dans les tendances,
36:42 qu'est-ce qui a évolué
36:45 et qu'est-ce que vous êtes en train de créer,
36:47 qu'est-ce que vous êtes en train de chercher ?
36:50 -Je crée en permanence des nouveaux accords de saveurs
36:53 ou des saveurs que j'appelle infiniment
36:55 sur une seule saveur que j'essaye de sublimer.
36:58 -Justement, arrêtons-nous sur le mot "infiniment".
37:01 Qu'est-ce que vous voulez dire ?
37:03 "Infiniment", ça veut dire "intensément",
37:06 "c'est uniquement de la vanille" ?
37:08 -Le premier gâteau que j'ai travaillé sous ce vocable,
37:11 c'est la tarte infiniment vanille,
37:13 parce que j'ai créé une association de trois vanilles différentes
37:17 pour essayer d'avoir la vanille qui, à mon sens, est idéale.
37:20 -Sublimer la vanille. -Sublimer la vanille.
37:23 Il y a vanille de Tahiti, de Madagascar et du Mexique.
37:26 -Les trois principes. -Trois origines
37:28 qui, chacune, apportent une note florale, boisée
37:31 ou une note de fond.
37:33 Et donc, aujourd'hui, quand c'est la pistache,
37:35 j'ai fait une recherche sur le goût de la pistache
37:38 et sur la manière de transformer la pistache.
37:41 Quand c'est la noisette, c'est la même démarche.
37:44 Et puis, le chocolat, c'est pareil,
37:46 c'est sur l'origine des crues, le travail sur le chocolat
37:50 et ensuite, un travail sur les textures
37:52 et les compositions et l'architecture du goût.
37:58 Et...
37:59 En dehors de la pâtisserie végétale,
38:02 j'ai aussi travaillé sur la pâtisserie gourmandise raisonnée.
38:06 Parce que, très souvent, on résume
38:09 la pâtisserie moins calorique
38:12 à la pâtisserie moins sucrée.
38:14 Mais malheureusement, c'est pas la vérité.
38:18 Parce que, quand vous enlevez du sucre,
38:20 mécaniquement, vous augmentez d'autres paramètres,
38:24 notamment les lipides.
38:27 Donc, la pâtisserie gourmandise raisonnée
38:30 consiste à prendre des recettes
38:32 et à réfléchir sur l'apport des aliments
38:34 pour en diminuer à la fois le gras et le sucre.
38:37 Et donc, c'est pareil, on a en permanence
38:40 un produit gourmandise raisonnée
38:42 qui est un très bon gâteau,
38:45 mais moins riche en sucre, moins riche en lipides,
38:49 en gras, et qui est très, très bon.
38:53 -Mais ça, c'est une tendance...
38:55 C'est un seul gâteau ou c'est l'ensemble de vos gâteaux
38:58 qui tendent à être moins sucrés, à être moins caloriques ?
39:01 -Moins sucrés, ils le sont depuis toujours.
39:04 Dans la crème pâtissière,
39:06 quand j'ai fait mon apprentissage,
39:08 on mettait 300 g de sucre pour un litre de lait.
39:11 Aujourd'hui, nous, on doit être 130 ou 150 g, la moitié.
39:17 Mais, comme je le disais,
39:21 le travail sur les calories
39:24 ne consiste pas seulement à enlever du sucre,
39:26 c'est aussi à réfléchir sur l'apport nutritionnel
39:29 de tous les ingrédients, et c'est le travail qu'on fait
39:32 lorsqu'on travaille des pâtisseries gourmandises raisonnées.
39:36 -Pour les gourmands qui nous regardent,
39:38 vous nous dites "j'ai des audaces, j'invente des mélanges",
39:41 quel est le prochain gâteau Pierre Hermé
39:44 qui va débarquer en boutique ?
39:45 -C'est un gâteau autour d'une idée qui est le paradoxe.
39:49 Habituellement, quand on fait un gâteau,
39:51 on fait un gâteau qui est très beau,
39:53 mais parfait. -On essaie.
39:55 -On tend à ce qu'il soit parfait.
39:57 Là, le gâteau, il a l'apparence cassé, mais réparé,
40:02 donc avec des fêlures qui sont bouchées
40:05 avec un appage
40:07 et qui donne l'impression d'avoir été réparé.
40:11 Et puis, à l'intérieur,
40:13 il y a une mousse au chocolat,
40:16 une chantilly au chocolat,
40:18 avec un croustillant au blé noir,
40:21 et il y a des morceaux de chocolat
40:24 avec du sel de soja.
40:26 Là aussi, c'est pas un ingrédient qu'on trouve
40:28 habituellement dans les gâteaux,
40:30 mais qui est paradoxal,
40:32 mais qui donne cette touche, ce contrepoint salé
40:35 dans le chocolat.
40:37 -Il relève le goût du chocolat. -Il arrive par toutes petites piques,
40:41 c'est imperceptible, mais ça contribue
40:43 au plaisir de goûter.
40:45 -Ça se marie bien, aussi. -Oui, très bien.
40:48 -On va évidemment continuer à parler
40:51 de pâtisseries, mais on va parler d'un produit particulier,
40:55 pas du citron, du yuzu, à ne pas confondre.
40:57 A-t-il vraiment un goût différent ?
40:59 On en parle et on met les pieds dans le plat.
41:02 -Inconnu il y a encore quelques années,
41:09 le yuzu, ce petit agrume japonais.
41:11 On dit qu'il est né en Chine,
41:13 mais bref, savoureux mariage du citron,
41:15 de la mandarine et du pain,
41:17 c'est imposé dans la cuisine française.
41:19 Mais aussi des pâtissiers. Pierre Hermé a été
41:22 l'un des pionniers en la matière.
41:24 Le yuzu, fruit culte au pays du matin calme,
41:26 est aussi cultivé en France.
41:28 Récit de Stéphanie Despierre,
41:30 avec la collaboration de France Télé et de l'INA.
41:33 -Dans ces montagnes du sud du Japon,
41:36 un délicat parfum d'agrume s'échappe des feuillages,
41:39 celui du yuzu.
41:40 Ce fruit a la couleur du citron et la forme d'une mandarine.
41:44 Pour le cueillir, il faut se faufiler
41:47 entre les bronches en évitant les épines.
41:49 -Si on ne fait pas attention,
41:51 le yuzu sera abîmé partout à cause des épines.
41:54 Donc, je le protège avec mes mains.
41:56 -La région de Koshi cultive plus de 13 000 tonnes de yuzu
41:59 chaque année et le village de Kitagawa
42:02 exporte un quart de sa récolte vers l'Europe
42:05 pour une cuisine haut de gamme.
42:07 Il est vendu 7 euros pièce en France
42:09 contre 1 euro ici.
42:11 Antioxydant, riche en fibres et en vitamine C,
42:14 l'emblème de Kitagawa est partout, même dans le riz pour les sushis.
42:19 -Le yuzu, ça revitalise.
42:22 C'est doux, donc même si c'est un peu acide,
42:25 ça reste subtil.
42:27 Au Japon, le yuzu n'est pas que dans l'assiette.
42:32 Ici, à Tokyo, tous les hivers, au moment du solstice,
42:36 il est de coutume de prendre un bain de yuzu.
42:40 -C'est une tradition pour le solstice.
42:42 Je le fais depuis petit.
42:44 J'ai vu mes parents le faire.
42:45 Chaque année, les clients viennent spécialement pour le yuzu.
42:49 -Ici, les bains sont chauffés à plus de 40 degrés
42:52 pour profiter au maximum des bienfaits
42:54 et surmonter les remous de l'hiver.
42:56 Depuis quelques années, le yuzu est devenu très à la mode
43:01 chez les chefs occidentaux.
43:03 A 13 000 km du Japon,
43:05 des agriculteurs se sont donc lancés dans la production.
43:09 -Moi, j'adore. Ils sont super bons.
43:11 Ils sont mûrs, comme ça, ça te va ?
43:13 C'est un parfum de fou.
43:14 -En 2012, Pascal Guérard importe ses premiers arbustes
43:18 pour les planter en Normandie.
43:20 -Le yuzu n'a pas besoin d'énormément de soleil.
43:24 La priorité, c'est de ne pas avoir un sol trop calcaire.
43:27 Les yuzus sont censés résister à -10, -12 degrés,
43:30 mais j'ai mis les yuzus sous serre
43:32 pour pouvoir étaler la production
43:34 et ne pas perdre les fleurs au printemps.
43:38 Si vous avez du gel au mois de mai,
43:40 vous perdez les fleurs et les fruits.
43:42 -Paris réussit.
43:43 Il fournit de nombreux chefs étoilés de la région.
43:46 -Celui-là, il fait partie de tes premiers.
43:48 -Oui, c'est un arbuste comme ça, ça a 17, 18 ans.
43:53 -Quand les gens viennent au restaurant,
43:55 j'ai envie de les faire voyager.
43:57 Quand je les fais voyager avec du yuzu,
43:59 ils voyagent à 15 km de la maison.
44:01 -Une production exotique, mais désormais locale et bio.
44:05 -Pierre Hamé, pour parler du yuzu,
44:07 quoi de mieux que cette tarte infiniment yuzu vegan ?
44:11 Avant qu'on la déguste,
44:12 vous allez nous raconter la genèse de cette tarte.
44:15 Je crois qu'elle est faite avec une purée de yuzu de Kochi.
44:19 C'est le must du yuzu.
44:20 -C'est une préfecture, Kochi,
44:22 une préfecture au Japon
44:24 où est regroupée la majorité de la culture du yuzu
44:28 et avec une qualité gustative incroyable.
44:33 -Vous l'avez découvert quand, le yuzu ?
44:36 -Moi, je l'ai découvert en 87,
44:40 la première fois que je suis allé au Japon.
44:43 Et puis, j'ai commencé à vouloir l'utiliser en 2001.
44:49 -Ah oui, tardivement.
44:50 -Parce qu'à l'époque, on ne trouvait pas de yuzu en France.
44:54 Et donc, les premiers gâteaux yuzu,
44:56 qui étaient un gâteau chocolat yuzu,
44:58 un bonbon chocolat chocolat yuzu... -Chez vous.
45:02 -Chez vous, dans la maison, qui s'appelle Azur,
45:04 je l'ai créé avec le jus de yuzu
45:08 que j'ai reconstitué avec de la mandarine,
45:11 du citron, du pamplemousse et du citron vert.
45:14 -Ce n'était pas du yuzu. -Ce n'était pas du yuzu,
45:17 mais le goût était là.
45:19 -Il a le goût de sa forme et de sa couleur.
45:22 Il a la forme du mandarine, mais il est couleur citron.
45:25 Et il a ce goût-là, mélange de mandarine...
45:29 -J'ai fait au filling,
45:32 avec des pots de mandarine
45:37 qu'on cuisait en cocotte minute à la vapeur
45:39 pour pouvoir la mixer avec le jus.
45:43 Et c'est seulement en 2002
45:47 que, par le chef Nobu, Matsuisa,
45:52 j'ai pu faire importer du yuzu en France
45:56 et donc avoir du vrai yuzu dans mon gâteau.
46:00 -Vous fournissez en Normandie, comme dans le reportage ?
46:03 -Non, aujourd'hui, on se fournit au Japon.
46:05 Et pour le yuzu confit,
46:08 on se fournit auprès de Marcel Santini,
46:10 qui a un confiseur en Corse,
46:12 qui lui tient ses fruits de Jacques-André Cardosi,
46:15 qui est aussi en Corse, près de Linguisette.
46:18 -Ils font du cedra aussi, là-bas. -Il fait du cedra,
46:21 de la clémentine, mais c'est une production bio,
46:24 entièrement bio,
46:25 et donc la confiserie Sassivès nous fait nos confits de yuzu.
46:31 -En 87, quand vous découvrez le yuzu au Japon,
46:33 vous vous dites pas "je vais en mettre plein mes valises
46:37 "et même un excédent de bagages pour yuzu".
46:39 -J'en ai ramené quelques-uns. -Mais ça ne suffisait pas.
46:42 Il n'y avait pas encore de filière
46:44 qui permettait l'importation.
46:47 -Vous étiez le seul, finalement, à proposer ce goût un peu différent.
46:51 -Dans les premiers, oui.
46:54 -Vous étiez le pionnier, comme disait Jean-Pierre.
46:57 -Après, moi, j'ai trouvé, ça me regarde,
47:00 qu'un peu comme le vinaigre balsamique,
47:02 on avait un peu le tout yuzu, on en mettait un peu partout,
47:05 on l'a un peu galvaudé.
47:07 Vous avez su résister, puisque vous, vous proposez toujours
47:10 des tartes au yuzu, des desserts au yuzu
47:12 qui ne se sont pas ringardisés.
47:14 Vous n'avez pas vécu ce moment comme quelque chose
47:17 qui était un peu dommage ?
47:19 Ce yuzu à toutes les sauces ?
47:21 Ca m'a fait penser au vinaigre balsamique.
47:23 -Oui, je vois très bien à quoi vous faites allusion.
47:26 J'ai pu le ressentir,
47:28 mais comme moi, j'ai commencé vraiment très tôt,
47:32 j'étais dans les pionniers du yuzu.
47:34 -Ah oui, bien sûr.
47:36 -Personnellement, je me sentais pas concerné,
47:39 mais c'est vrai que quand on sait pas quoi faire,
47:41 on mettait du yuzu.
47:43 -Ca se travaille exactement comme le citron,
47:45 de la même manière, ça a la même pulpe.
47:48 -C'est plus parfumé, c'est un peu moins acide,
47:51 mais oui, le jus, il est assez semblable.
47:55 -On en trouve aujourd'hui partout, sur les étals et tout,
47:59 parce que ça reste quand même davantage...
48:01 -On en trouve pas partout, sur les étals.
48:04 -C'est ça.
48:05 -On le trouve parfois sous forme de jus,
48:07 en pulpe congelée.
48:09 On le trouve sous forme confite,
48:12 donc soit en petites aiguillettes,
48:16 soit en confiture.
48:18 -Transformé, on le trouve.
48:20 -On n'en voit pas tellement.
48:22 -Je pense que ceux qui font du yuzu
48:24 n'en ont pas encore assez de volume.
48:26 Comme l'a dit le reportage, c'est 7 euros pièce.
48:29 -Il y aura des chères.
48:30 -7 fois plus cher que le citron.
48:34 Il y a un autre citron dont on parle aussi pas mal,
48:37 c'est le citron caviar.
48:38 Vous avez déjà essayé de le travailler ?
48:40 -Là aussi, on a commencé à le travailler,
48:43 je crois, il y a 6-7 ans,
48:45 et toujours avec la production de Jacques-André Cardoz,
48:48 en Corse,
48:50 qui nous a cultivé des citrons caviar
48:54 pour en faire un macaron.
48:56 Je l'ai utilisé principalement pour faire un macaron.
48:59 -Vous trouvez que c'est très différent ?
49:02 -L'acidité du citron,
49:03 ça n'a pas le goût du citron,
49:05 mais ce qui est intéressant dans le citron caviar,
49:08 c'est le petit grain.
49:10 La chair est en forme de grain,
49:12 et c'est pour ça qu'on l'appelle citron caviar,
49:14 parce que ça craque sous la dent et sous la langue,
49:19 et ça crée des piques d'acidité qui sont vraiment agréables.
49:23 -J'ai pas pu tenir, donc j'ai goûté cette tarte.
49:26 -On va la déguster ensemble.
49:28 On comprend pourquoi c'est infiniment yousou.
49:30 Pour revenir à notre débat d'avant sur le végétal,
49:33 à l'avogue, vous disiez...
49:35 Là, effectivement, à l'avogue,
49:37 j'aurais pensé que c'était une pâtisserie non-végétale.
49:40 -Non-végétale ? -Oui.
49:42 -Vous y connaissez bien.
49:43 -Non, mais je me dis pas que c'est végétal.
49:46 Pour le coup, tout à l'heure,
49:48 on se rapproche vraiment du goût d'une bonne pâte sablée.
49:52 -Les sablés, les croustillantes.
49:54 -Dans la texture...
49:56 La pâte a été un sujet.
49:57 Pour retrouver la texture qu'on aimait bien
50:00 dans la pâte sablée, on a fait...
50:03 -Beaucoup d'essais. -Des essais.
50:05 Il y a une chose qu'on n'est pas arrivée à faire
50:08 au moment où on a travaillé sur le livre,
50:10 c'est la pâte à choux.
50:12 Pour faire des choux et des éclairs ou des chouquettes,
50:15 on n'y est pas parvenu pour des raisons techniques.
50:18 Donc, ça reste un sujet... -Vous travaillez encore dessus ?
50:22 -Ca reste un sujet à explorer.
50:24 -Comment vous créez un dessert ?
50:27 Comment ça se passe ?
50:29 Vous le créez dans votre tête ?
50:31 Vous donnez les ingrédients ?
50:34 -Très souvent, j'en imagine les contours dans ma tête.
50:37 Ensuite, j'ai besoin de passer par un stade de formalisation
50:41 sous forme de dessin, sous forme de recette,
50:44 qui me permet aussi d'échanger avec les pâtissiers
50:49 qui travaillent avec moi à l'atelier de création,
50:52 pour échanger sur la technique,
50:54 sur le choix et la qualité des ingrédients.
50:57 Ensuite, on procède à des essais,
51:01 on goûte ensemble, on échange toujours,
51:03 et à un moment donné, il faut décider si c'est bon ou pas.
51:07 C'est moi qui prends la décision.
51:09 -On met combien de temps à créer ?
51:11 Il y a des desserts qui se créent vite,
51:13 d'autres qui vont prendre des mois.
51:15 -C'est ça. Parfois, c'est très spontané,
51:18 et parfois, ça met du temps.
51:20 Mais au bout d'un moment, quand je vois qu'on n'y arrive pas
51:24 et que ça patine, je me mets de côté,
51:26 et je reprends six mois, un an, deux ans, trois ans après.
51:29 Ca arrive.
51:31 Là, on a un goût de yuzu incroyable.
51:33 -Je reviens au yuzu. On l'a dit dans le reportage,
51:36 moi aussi qui étais au Japon,
51:38 on ne consomme pas que dans la pâtisserie.
51:40 -Principalement dans le salé.
51:42 -Dans les poissons, même dans les ramens,
51:45 on met des zestes de yuzu dans des soupes
51:47 avec de la bonite.
51:49 -C'est délicieux.
51:50 -Dans la pâtisserie, c'est récent.
51:52 -Vous nous avez dit que vous faisiez du salé,
51:55 que vous aviez des plats un peu signatures.
51:57 Ce yuzu, vous l'avez aussi mis dans votre cuisine salée ?
52:00 -Je n'ai pas souvenir.
52:02 Il y a peut-être un autre séviche qui est avec un peu de yuzu.
52:06 -Ca serait très bien.
52:07 -Mais on l'utilise peu en salé.
52:10 Mais au Japon, c'était principalement utilisé
52:13 dans le salé.
52:14 -Il y a la fameuse sauce ponzu,
52:16 qui est très connue au Japon.
52:18 Pour répondre à votre question,
52:20 vous allez dans les petites épiceries boutiques japonaises,
52:23 il y a plein de produits avec du yuzu.
52:25 -C'est un peu loin.
52:27 -Au Rue Sainte-Anne,
52:28 vous avez plein de sauces au yuzu,
52:30 sauce ponzu avec de la sauce soja.
52:32 -Déjà transformées.
52:33 -Qui vous permettent de restituer le goût du yuzu
52:36 dans vos préparations.
52:38 C'est intéressant.
52:39 -Le goût du yuzu, il est magnifique, vraiment.
52:43 -Pourquoi la crème,
52:44 la crème citronnée, elle est blanche,
52:47 alors que d'habitude,
52:49 les crèmes au citron sont plutôt teintées,
52:51 un peu jaune pâle ?
52:53 -Parce que le yuzu est un peu plus clair aussi que le...
52:57 Et puis il n'y a pas d'oeuf.
52:59 -C'est ça qui est aussi éclairci.
53:01 -C'est ce que j'allais dire,
53:02 je fais souvent une tarte au citron,
53:05 mais c'est du beurre et des oeufs.
53:07 -Et des oeufs.
53:08 -Qu'est-ce qu'on mettait ?
53:09 Il y a d'autres ingrédients,
53:11 il faut le savoir.
53:13 -Il y a du beurre de cacao, pour la tenue...
53:15 -Ah oui.
53:16 -Je peux pas tout dévoiler.
53:18 -C'est dans le livre.
53:19 Est-ce que c'est compliqué,
53:21 parce qu'on va l'acheter,
53:23 à la maison, de faire de la cuisine,
53:25 de faire de la pâtisserie végétale ?
53:27 Est-ce qu'on a tous les ingrédients ?
53:29 Est-ce que c'est donné à n'importe qui ?
53:32 -On n'a pas tous les ingrédients dans le placard,
53:35 mais on peut les acheter facilement,
53:37 soit dans des magasins spécialisés.
53:39 -Il n'y a pas de choses hors normes ?
53:41 -Non, et ensuite, sur des sites internet,
53:44 on peut trouver les ingrédients
53:46 qui sont cités dans le livre.
53:47 -Cités dans le livre.
53:49 -Et donc, ça nécessite un peu
53:52 de s'y prendre en avance.
53:53 Mais ce qui est très important,
53:55 quand on aborde une recette,
53:58 c'est, qu'elle soit végétale ou pas,
54:00 c'est de bien la lire
54:01 et de pas se dire "Ah tiens, je vais remplacer ça,
54:04 "je vais remplacer ça..." -De bien la suivre.
54:07 -Donc, au moins, la première fois,
54:09 le temps d'acquérir des repères, de la suivre.
54:12 -On finit toujours cette émission en musique.
54:14 Pierre Hermé, vous avez choisi celle-là,
54:17 on l'écoute ensemble.
54:18 Musique douce
54:20 ...
54:43 Pierre Hermé, vous avez choisi cette chanson,
54:45 "Pierre Jam", c'est ça ?
54:47 -Oui. -Pour quelle raison ?
54:49 -D'une part, du point de vue du rythme et de la musique,
54:52 c'est une très belle chanson, et c'est un message d'espoir.
54:56 -Et donc, vous l'écoutez comme ça, régulièrement ?
54:59 -J'adore. -De chez vous, en voiture,
55:01 partout ? -J'adore cette chanson.
55:02 -Elle vous inspire ? -Quand vous faites des gâteaux,
55:05 quand vous imaginez des gâteaux. -Non, pas forcément.
55:08 -C'est un plaisir de l'écouter. Vous l'écoutez souvent ?
55:11 -Oui. -Merci, Pierre Hermé,
55:13 d'avoir accepté notre invitation dans "Politique à table".
55:16 -On a hâte de voir le paradoxe. -Merci pour ce dessert
55:19 de tarte infiniment yuzu délicieuse. Je rappelle votre livre,
55:23 "Végétal", avec Linda Vongdara.
55:25 Merci à vous tous de nous avoir suivis.
55:27 On se retrouve la semaine prochaine
55:29 pour un nouveau numéro de "Politique à table".
55:32 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
55:34 Générique
55:36 ...

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