"Je me sens nu sans mes tics" : Jean-Baptiste est atteint du syndrome de Gilles la Tourette. Souffrant de 35 mille contractions par jour, il s'est fait opérer du cerveau afin de réduire ses tics. Malgré le succès de cette intervention, il a décidé d'y renoncer. Il témoigne.
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00:00 Moi je me sens nu quoi, je me sens nu sans mes tics.
00:03 J'en ai rien à foutre en fait d'être plus calme dans le métro ou dans le resto.
00:05 Moi le regard de l'autre, ça y est, il est derrière moi.
00:08 De l'âge de 4 ans à l'âge de 12 ans, on ne savait pas ce que j'avais.
00:11 Donc c'était terrible pour moi cette partie là,
00:13 parce que quand on se foutait de moi ou quand en classe on me disait
00:16 Jean-Baptiste qu'est ce que t'as, tout ça.
00:18 Mais je ne pouvais pas dire, je disais j'ai des tics.
00:19 Dès que j'ai appris moi que j'avais tourettes, ma mère et mon père,
00:22 ils étaient effondrés.
00:24 Mais moi, j'étais au meilleur parce que je pouvais dire ce que j'avais.
00:27 Enfin, je n'étais pas fou.
00:28 C'était quoi le pire pendant toute cette période ?
00:30 Le regard de l'autre, c'est tout.
00:31 Parce que le dimanche, il fallait que je réfléchisse
00:35 pour aller au cinéma avec mes potes, pour aller à McDo.
00:37 Donc là, on m'a soigné avec des neuroleptiques.
00:39 En fait, les neuroleptiques, les antidépresseurs agissent directement sur les tics.
00:42 Ça marche, mais il faut toujours augmenter les doses.
00:45 Donc en fait, j'ai tout arrêté parce qu'à la fin, j'étais à 4 cachets le soir.
00:48 Moi, j'étais vide et donc sans émotion, j'ai moins de tics,
00:51 mais sans émotion, je suis plus moi.
00:52 En moyenne, j'ai 35 000 contractions par jour.
00:56 En moyenne, ça fait beaucoup.
00:57 Dans mon tour aide, c'est pas comme un éternuement.
01:01 Mon tic, c'est pas comme un sursaut.
01:03 Mon cerveau, il décide.
01:04 Donc tout ce que vous voyez là, tout mon cerveau, il sait absolument tout ce qu'il fait.
01:07 Donc c'est épuisant parce que ça fait une information à gérer
01:10 et le tic à faire.
01:13 C'est mon cerveau qui décide de bouger le bras comme vous.
01:16 Quand vous bougez le bras, voilà, j'ai des courbatures tout le temps, toute ma vie.
01:19 Alors l'opération, j'en avais entendu parler par mon neurologue.
01:23 Donc là, en fait, j'ai commencé à avoir mal, donc des courbatures, tout ça.
01:26 Et je me suis dit bah allez, c'est bon, maintenant, je vais faire,
01:29 je vais faire cette opération.
01:31 Au réveil, j'avais plus rien.
01:32 Ça a marché parfaitement.
01:33 Ça marche physiquement.
01:35 Ça marche.
01:36 J'avais 80% de tics en moins, de contractions en moins.
01:39 Donc c'est comme si j'avais plus rien.
01:42 Ces deux électrodes qui sont sous la peau,
01:45 qui sont posées sur votre dans votre boîte crânienne.
01:48 En fait, là, ils sont là.
01:51 Là, vous avez un câble.
01:53 Pardon, vous avez un câble là et là, j'ai le boîtier qui est sous la peau aussi,
01:59 que je charge en induction normalement.
02:01 Donc, ce boîtier là, il alimente avec des impulsions électromagnétiques.
02:05 Ces électrodes là, et en fait, ça envoie des impulsions électromagnétiques
02:10 et ça vous calme, calme les tics.
02:12 Ça n'a pas fonctionné comme je l'aurais souhaité.
02:15 Alors mes proches étaient les plus heureux.
02:17 Ma mère, mon père, c'est trop bien, il n'a plus rien.
02:19 T'as plus mal aux tics, il va falloir t'inscrire là au sport, assis à ça.
02:23 Attendez, je suis juste pas bien.
02:25 Je l'ai cherché en fait mes tics, je l'ai cherché, clairement.
02:27 Encore une fois, c'est comme si j'étais né avec ça.
02:29 C'est quelque chose qui fait partie de moi.
02:30 J'avais ce fantasme de me dire, oui, si j'essaye pas ce truc,
02:35 je ne saurais pas ce que ça fait.
02:37 Au moins, je l'ai fait.
02:38 Au bout d'un an de l'opération, je me suis dit, je ne peux plus,
02:41 je ne me sens plus moi-même, je ne fais plus les mêmes activités qu'avant.
02:44 Je ne pouvais plus écrire, j'étais vide, en fait, j'étais comme sous antidépresseur,
02:48 mais tout le temps, de manière mécanique.
02:50 Et j'ai arrêté de charger.
02:52 Donc, en fait, une fois que c'est éteint, on ne peut plus le rallumer nous-mêmes.
02:55 J'ai revécu vraiment deux semaines après,
02:58 deux semaines après avoir désactivé mes trucs,
03:01 mes électrodes, j'ai vraiment revécu après.
03:03 Et je vais parler avec l'équipe
03:06 de mon neurologue bientôt pour voir si on l'enlève ou si on le garde,
03:10 ou si on le garde éteint, si on peut le rallumer plus tard.
03:12 Parce que c'est vrai que quand j'aurai peut-être 40, 50 ballets, j'aurai mal.
03:16 Peut-être que si je veux avoir des enfants, il faudra peut-être que je sois plus en forme physiquement.
03:19 Des fois, en fait, c'est la différence qui nous rend heureux.
03:22 Moi, je me sens nu, je me sens nu sans mes tics.
03:25 J'en ai rien à foutre d'être plus calme dans le métro ou dans le resto.
03:28 Et moi, le regard de l'autre, ça y est, il est derrière moi.
03:31 Maintenant, je suis dans une balance où je préfère avoir mes tics et peut-être souffrir,
03:35 mais peut-être me faire soigner avec du yoga, de la méditation, des médecines annexes.
03:40 Ça me fait du bien. J'ai envie de vivre.
03:42 J'ai envie de... Donc l'évolution, elle est là. Et pourquoi pas ?
03:46 Enfin, je voudrais encore plus parler de ça.
03:49 Alors, si quelqu'un vient me voir et qu'il veut se faire opérer, je lui dirai,
03:53 je lui dirai pas de ne pas y aller.
03:55 Je lui dirai, c'est ton cerveau, quoi, et tes émotions et tout.
03:58 Donc l'avenir, je ne l'imagine plus du tout sans tics,
04:01 parce que je pense que j'en aurai tout le temps et je les veux en plus.
04:06 Franchement, mon syndrome, il m'enlève beaucoup de choses,
04:11 mais il m'en donne énormément d'autres et c'est très intéressant
04:13 parce qu'il me donne des choses vraies.
04:15 La sensibilité, l'émotion des gens, l'amour, parce que moi, c'est où on m'aime,
04:18 où on m'aime pas.
04:19 Il y en a qui ne peuvent pas supporter le bruit, ils ne vont pas être à côté de moi.
04:22 [BIP]