"Je veux décider du moment de ma mort". Laisser quelqu'un mourir est passible de plusieurs années de prison, pourtant c'est ce qu'a fait Thomas Misrachi lorsqu'il a assisté son amie jusqu'à ses derniers instants, quand elle a décidé de mettre fin à ses jours. Il témoigne.
Son livre "Le dernier soir" est disponible aux éditions Grasset
Son livre "Le dernier soir" est disponible aux éditions Grasset
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 J'ai décidé d'accompagner une amie qui avait prévu de mettre fin à ses jours
00:05 dans le cadre d'un suicide assisté.
00:07 J'étais présent pour qu'elle ne soit pas seule
00:09 parce qu'elle ne voulait pas être seule ce soir-là.
00:12 Et tout ce que j'ai fait, c'était de l'accompagner de ma présence.
00:16 Et donc ce soir-là, je suis allé chez elle aux entre 19h
00:20 et j'ai passé la soirée avec elle jusqu'à ce qu'elle se suicide.
00:22 Je suis reparti de chez elle vers 23h.
00:25 Elle était morte.
00:28 Laisser quelqu'un mourir est passible de plusieurs années de prison,
00:31 une très grosse amende.
00:32 C'est donc évidemment ce que je risque, en théorie,
00:36 par le simple fait d'avoir été présent ce soir-là chez elle.
00:39 Par rapport à ce risque, évidemment que j'ai eu une forme de crainte,
00:42 évidemment que j'ai eu une forme de peur.
00:44 Qui n'a pas peur d'aller en prison ?
00:45 Après moi, j'ai fait ça parce que c'était une amie,
00:47 parce qu'elle me l'avait demandé,
00:48 parce que ça faisait aussi partie de mes convictions.
00:53 Et que je lui avais dit que ce soir-là, je serais avec elle,
00:58 même si initialement, évidemment, ce soir-là,
00:59 elle ne devait pas avoir lieu en France, mais en Suisse.
01:01 J'ai toujours eu dans l'idée de partir dans mes propres termes,
01:06 c'est-à-dire de décider du moment de ma mort.
01:07 Je ne veux pas moi non plus me dégrader.
01:10 Je ne veux pas perdre mes moyens.
01:12 J'ai une vie qui est extraordinaire.
01:14 J'adore ma vie.
01:15 Je suis quelqu'un d'extrêmement optimiste.
01:16 Et j'ai envie de pouvoir maîtriser ce moment-là.
01:19 Alors 75 ans, il faut bien se fixer un âge de départ.
01:22 Ce sera peut-être 76 ou 77 en fonction des événements de la vie.
01:27 Ce que je veux, c'est que mes proches soient prêts à ce départ,
01:32 que ce départ se fasse de manière la plus intelligente,
01:36 la moins douloureuse possible.
01:38 Et pour cela, maîtriser le moment de sa mort, c'est important.
01:41 Alors après, ce n'est pas une solution à tout, évidemment.
01:43 Il n'y a pas de prosélytisme dans ce que je dis.
01:45 Moi, je n'engage personne à penser comme moi.
01:49 C'est simplement une pensée personnelle, un désir personnel.
01:52 C'est important pour moi.
01:54 Et ça n'a rien à voir non plus.
01:55 C'est très important de le préciser.
01:57 Avec ma volonté qu'une loi sur la fin de vie soit adoptée en France,
02:00 ce sont deux choses complètement différentes.
02:02 La loi sur la fin de vie, il faut bien comprendre
02:04 que c'est pour les personnes qui sont atteintes d'une maladie incurable et irréversible.
02:09 Ce n'était pas le cas de mon ami.
02:11 Et ce n'est pas mon cas non plus.
02:12 J'espère que ce ne sera pas mon cas au moment où je partirai.
02:15 J'ai donné des directives anticipées au cas où mon état se dégraderait
02:21 de telle manière à ce que je ne puisse plus donner mon avis
02:25 sur ma condition, sur mes volontés.
02:27 Donc voilà, ces directives anticipées, elles existent.
02:29 Et normalement, si les gens que je connais et qui m'aiment, m'aiment,
02:35 eh bien, ils les appliqueront.
02:37 Je les ai aussi donnés à cette association,
02:39 l'Association pour le droit de mourir dans la dignité,
02:42 de manière à ce que légalement, je sois protégé par ces directives anticipées.
02:48 Ce que j'espère, c'est qu'en France, on aura, comme dans d'autres pays en Europe,
02:51 une loi pour aider les gens à mourir activement.
02:54 Encore une fois, cette loi doit s'adresser d'abord aux personnes
02:59 qui sont atteintes de maladies irréversibles et incurables.
03:01 Elle doit les protéger.
03:03 Elle doit aussi protéger leurs proches.
03:04 Elle doit protéger les soignants.
03:06 Cette loi, elle doit permettre aux soignants qui ne souhaitent pas
03:10 aider les gens à mourir de ne pas le faire.
03:12 Évidemment, c'est une loi qui doit protéger l'ensemble de ce système,
03:16 qui doit réguler, comme c'est le cas ailleurs, comme c'est le cas en Suisse,
03:19 comme c'est le cas en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas,
03:22 il doit y avoir des règles, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'abus,
03:24 pas d'excès, et que tout le monde soit protégé par cette loi.
03:27 Ce que l'on constate de manière certaine,
03:29 c'est que depuis que ces lois sont en vigueur dans les pays que j'ai cités,
03:32 il n'y a pas eu d'explosion de suicides assistés,
03:34 il n'y a pas eu de changement de démographie.
03:36 Les personnes qui décident d'entamer ces processus le font l'immense majorité
03:44 parce qu'elles sont malades, très sérieusement,
03:46 et qu'elles ne pourront plus vivre,
03:48 et qu'elles veulent donc s'éviter des souffrances.
03:50 C'est pour ça que ces lois existent,
03:52 pour que les personnes qui n'ont pas d'autre choix
03:55 puissent ne pas souffrir pendant des semaines, des mois ou des années.
03:58 J'espère que ce sera le cas en France, évidemment.
04:00 Jusqu'à ce que ce soit le cas, évidemment,
04:02 personne ne peut savoir ce que décideront le président,
04:06 le gouvernement, les parlementaires.
04:08 Mais ce débat, en tout cas, il doit avoir lieu.
04:09 [BIP]