• il y a 10 mois
L’an passé, 330.000 personnes étaient sans domicile et 4,2 millions de personnes souffraient de mal-logement ou d'absence de logement personnel révèle ce rapport de la fondation Abbé Pierre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-01-fevrier-2024-9866678

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00:00 Et avec Léa Salamé en cette journée qui marque le 70e anniversaire de l'appel de l'abbé Pierre,
00:06 nous recevons deux invités dans le grand entretien du 7-10.
00:10 Pascal Brice, président de la FAS, c'est la Fédération des Acteurs de la Solidarité.
00:16 Emmanuel Domergue, le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
00:21 Bonjour à tous les deux.
00:22 Bonjour.
00:23 Et bienvenue à ce micro.
00:24 La Fondation Abbé Pierre dévoile aujourd'hui son 29e rapport sur l'état du mal-logement en France.
00:31 Et il est alarmant, on va en parler tout de suite, comme du taux de pauvreté qui continue d'augmenter dans notre pays.
00:38 Mais d'abord un mot chacun sur le discours de politique générale de Gabriel Attal.
00:42 Qu'en avez-vous pensé ? Qu'en avez-vous retenu ?
00:45 A-t-il répondu à vos attentes, notamment dans le domaine social, Pascal Brice ?
00:51 Écoutez, c'est une impression, je dirais troublante, pour ne pas dire violente, qui reste.
00:56 C'est un peu l'image qui est assez terrible, qui m'est venue.
01:00 C'est au fond un peu comme si ces millions de pauvres et de précaires dans ce pays, dont le nombre ne cesse de croître,
01:05 on le voit dans les distributions alimentaires, dans les rues, etc., avaient été laissés dans un trou noir, invisible.
01:12 D'où on ne les a sortis, dans ce discours, que pour les livrer en pâture à la crise d'une partie des classes moyennes.
01:18 Ce qui est une réalité, on y reviendra.
01:21 Tout ceci en expliquant que ce sont des gens qui se plaignent, semble-t-il, qui reçoivent le RSA sans travailler.
01:29 Et donc, du point de vue de ce qui se vit dans le pays, pour ces millions de personnes en pauvreté, en précarité,
01:34 pour les travailleurs sociaux et les travailleurs sociaux, les bénévoles, dans les associations.
01:38 Vous savez, récemment, une travailleuse sociale à Nancy me disait dans une association « on n'en voit pas le bout ».
01:43 Et j'ajoute que les associations sont à bout.
01:46 Quand vous avez ce discours-là, ça laisse perplexe et inquiet, d'autant plus qu'on est dans une période,
01:52 il y a eu cette loi immigration qui en a rajouté sur le plan du trouble.
01:55 Il y a vraiment un risque de bascule, de stigmatisation.
01:59 Et j'ai peur que là, on se trompe à vouloir penser que la crise d'une partie des classes moyennes, qui est une réalité,
02:06 on y reviendra.
02:07 Mais vous n'allez pas la résoudre en tapant, en enfonçant les pauvres et les précaires, chaque fois un peu plus,
02:13 pour motifs qu'ils ne travailleraient pas, etc.
02:16 Manuel Demers, est-ce que vous partagez le même sentiment, le même ressenti que Pascal Brice en ayant écouté Gabriel Attal ?
02:22 Oui, le même ressentiment.
02:23 Parce qu'on s'attendait à ce qu'il y ait des annonces pour relancer la production de logements,
02:26 pour parler aux personnes mal logées, des 4 millions de personnes mal logées.
02:29 On a eu des attaques contre le logement, des attaques contre le logement social.
02:33 Et c'est juste la suite des attaques multiples depuis 2017, avec notamment cette remise en cause de l'esprit de la loi SRU,
02:40 en faisant entrer dans les quotas à respecter, les communes doivent atteindre 25% de logements sociaux.
02:45 Et maintenant, on va faire entrer les logements intermédiaires, qui sont des logements pour les classes moyennes supérieures.
02:50 On ne parle pas des instits, des pompiers, etc.
02:53 On parle des cadres.
02:54 Et donc, répondre à la crise du logement, aux personnes à la rue, aux personnes qui sont bloquées dans l'hébergement, en surpeuplement,
03:00 en faisant du logement intermédiaire comme la seule priorité,
03:03 c'est complètement à contre-courant des vrais besoins des personnes qui attendent un logement social.
03:07 Une fois de plus, on va parler des classes moyennes, puisque c'était le principal...
03:12 Enfin, je veux dire, c'est vraiment sur ça qu'il a voulu...
03:16 Le cœur, oui.
03:17 Le cœur de son discours de politique générale.
03:20 Mais on vous a invité ce matin pour parler de la pauvreté.
03:23 Le tableau général de la pauvreté en France, selon l'INSEE, le taux de pauvreté a augmenté de 0,9 points pour s'établir à 14,5% de la population en France en 2021.
03:31 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, en France, il y a 9 millions de personnes qui sont en situation de pauvreté parce qu'elle brise.
03:38 La pauvreté s'installe, elle augmente et on préfère regarder ailleurs.
03:42 Oui, elle s'enracine.
03:43 Ça fait 30 ans que ça ne baisse plus, la pauvreté en France.
03:46 Elle s'enracine dans les quartiers des villes, dans les campagnes, chez les jeunes, chez des personnes âgées, chez des femmes, chez des personnes étrangères.
03:53 Et donc, moi, je voudrais à nouveau dire que collectivement, dans la période Covid, notamment le gouvernement et les associations ont fait le nécessaire pour éviter l'explosion de la pauvreté.
04:01 Mais là, vous le savez, avec la hausse des prix, notamment de l'alimentation et de l'énergie, ça repart et partout, dans les distributions alimentaires, dans les centres d'hébergement.
04:09 Donc, cette pauvreté, elle est là, elle s'enracine, elle s'installe.
04:12 Il y a une espèce d'accoutumance à ces réalités-là.
04:15 C'est un peu l'image que donne le discours du Premier ministre de ce point de vue-là.
04:19 Une sorte de conviction qui s'installe, je le crains aussi, qui est de dire, au fond, on va vers le plein emploi, même si on va y revenir, là, ça paraît un peu plus compliqué, mais la perspective est ouverte.
04:28 Et donc, au fond, ça va résoudre à soi tout seul la question de la pauvreté et de la précarité.
04:34 Donc, c'est vrai que là, il y a quelque chose.
04:35 Et à un moment où les associations, face à cela, sont donc plus en plus démunies.
04:39 Pourquoi ? Parce que les besoins augmentent avec des formes nouvelles.
04:43 Vous avez notamment des problèmes de santé mentale qui ont des implications de plus en plus fortes.
04:47 Vous avez des jeunes sortis de l'aide sociale à l'enfance qui sont dans les rues.
04:51 Et un climat.
04:52 Pour le coup, il en a parlé, Gabriel Attal, de la santé mentale et des jeunes dans la rue.
04:56 Oui, mais vous voyez, le problème, c'est aussi le climat.
04:59 Que me disent les travailleurs sociaux et les travailleurs sociaux dans ce pays, dans les associations et les bénévoles ?
05:03 Ils disent, on est engagés, on est là.
05:05 Et moi, je veux le redire.
05:06 Et la fondation Abbé Pierre, Manuel, en ont une nouvelle démonstration aujourd'hui.
05:09 On est là et on ne lâchera pas.
05:11 Mais ce climat, mais qui n'est pas que le fait du gouvernement, qu'on voit dans la société.
05:16 C'est pour ça qu'il faut que chacune et chacun prenne la mesure de ce qui se passe.
05:18 Ce climat qui veut que, au fond, les pauvres et les précaires sont responsables de ce qu'ils vivent.
05:23 Que peut-être même ils sont responsables de ce que certains qui travaillent n'y arrivent plus.
05:28 Et notamment les étrangers parmi les pauvres et les précaires.
05:31 Ce climat, il pèse quotidiennement, par des paroles, par des propos, par le défaut de moyens de l'action, sur l'action de nos associations.
05:38 Et moi, je veux vraiment alerter sur ce risque d'affaissement de la capacité du pays,
05:46 notamment dans le mouvement associatif, à faire face à des défis qui restent majeurs sur le plan de la cohésion et de la lutte contre la pauvreté.
05:52 Manuel Domergue, il y a deux jours, on recevait à ce micro Jean-Luc Tavernier, le patron de l'INSEE,
05:57 qui disait que la France tenait bon, mieux que l'Allemagne, qu'un filet de croissance s'était maintenu,
06:02 que le moral des ménages s'améliorait.
06:05 C'est le patron de l'INSEE, ces chiffres n'étaient pas faux,
06:09 mais en même temps, la réalité qu'on décriait là, montre qu'il y a deux France, c'est la question que je vous pose, et un gouffre au milieu.
06:17 Oui, et puis quand on regarde les chiffres de l'INSEE en 2021, il y a eu 500 000 personnes pauvres de plus qu'en 2020.
06:22 Mais c'est en 2021, ce n'est pas aujourd'hui.
06:24 Depuis 2021, qu'est-ce qui s'est passé ?
06:26 L'inflation, la hausse des prix alimentaires, la hausse des prix de l'énergie.
06:29 Et les premiers indicateurs plus récents qu'on voit sont très alarmants.
06:33 Les personnes qui ont froid chez elles, ça c'est une privation vraiment concrète, qui est douloureuse.
06:39 Le prix de l'énergie étant tel ?
06:41 Le prix de l'énergie, ça maintenant, ça se reporte avec un peu de retard, parce qu'il y a eu le bouclier énergétique,
06:45 mais maintenant, c'est en train de toucher les ménages pauvres.
06:48 Les personnes qui avaient froid, c'était 14% en 2020, aujourd'hui on est à 26%.
06:52 On n'avait jamais connu une augmentation aussi forte.
06:54 Alors que le mouvement naturel, c'est quand même depuis des décennies d'avoir des logements plus confortables.
06:58 A cause des prix de l'énergie et de la précarité, de la pauvreté,
07:02 beaucoup de personnes se privent de chauffage ou sont en impayé.
07:05 C'est ça aussi qu'on voit depuis quelques mois, la hausse des impayés de loyer et des impayés de charge en copropriété.
07:11 Ça c'est très mauvais pour l'avenir.
07:13 Une copro qui n'a plus d'argent pour payer l'entretien, les travaux de réhabilitation,
07:17 c'est une copro qui va se dégrader pour les prochaines décennies.
07:19 Et puis on vous a invité aussi, parce qu'on est 70 ans aujourd'hui, précisément, après le 1er février 54,
07:25 quand l'abbé Pierre lançait son appel après la mort d'une sans-abri.
07:28 "Mes amis au secours, une femme vient de mourir gelée cette nuit."
07:31 Eh bien on continue de mourir dans la rue en France,
07:34 puisqu'on est le 1er février et 25 personnes sans-abri sont mortes depuis le début de l'année,
07:40 selon le collectif "Les morts de la rue".
07:42 25 personnes en un mois.
07:44 On continue de mourir dans la rue en France.
07:46 Oui, tout à fait. C'est extrêmement choquant.
07:48 Et ce n'est pas lié au mois de janvier 2024.
07:50 Le collectif des morts de la rue montre qu'il y a deux personnes par jour en moyenne chaque année
07:53 qui meurent de la rue.
07:55 Ça peut être de froid, ça peut être de chaud.
07:57 En fait, ils meurent de la rue, de l'isolement, de la violence de la rue.
07:59 Et ça, Gabriel Attal n'a pas eu un mot pour ces personnes,
08:02 qui sont évidemment les plus en difficulté.
08:04 C'est le scandale des scandales.
08:06 Et ce qu'on voit, qu'on ne voyait pas il y a quelques années, c'est des enfants à la rue.
08:09 Pas simplement parce qu'on cherche une solution pendant 2-3 jours,
08:12 mais des enfants qui dorment dans la rue, sous une tente, avec leurs parents,
08:15 pendant des semaines, des mois, et qui sont hébergés non pas par l'État,
08:18 mais par des parents d'élèves, des enseignants.
08:20 Ça, c'est absolument scandaleux.
08:22 Quand on compare avec la France de 1954, au moment où l'abbé Pierre a lancé son appel,
08:27 on est un pays qui est beaucoup plus riche.
08:29 Et finalement, c'est encore plus scandaleux d'avoir ces types de situations qui perdurent.
08:33 15 000 personnes dans des bidonvilles,
08:35 330 000 personnes sans domicile,
08:37 des enfants à la rue, des femmes enceintes à la rue,
08:39 des nourrissons à la rue.
08:41 Mais ça devrait nous réveiller.
08:43 Et on aurait besoin d'avoir un nouvel appel.
08:45 Mais ça ne nous réveille pas, puisque ce chiffre de 3000 enfants dans la rue,
08:48 c'est les associations qui l'ont donné l'UNICEF en novembre dernier.
08:51 Voyez, on est le 1er février, alors on consacre cette matinale à cela.
08:55 Mais tout de même, Pascal Brice, vous qui chapeautez autant d'associations en France,
09:00 vous avez l'impression que la société...
09:02 Pardon de revenir sur cette phrase, mais regarde d'ailleurs
09:05 que ce qui nous aurait peut-être réveillé il y a 10, 15, 20 ans,
09:09 ou qui avait réveillé les Français en 1954, à l'hiver 1954,
09:12 aujourd'hui, ça passe.
09:14 Oui, il y a 3000 enfants qui dorment dans la rue, oui.
09:16 Vous posez la vraie question.
09:18 Parce que je pense que là, ce que vous rappelez,
09:23 cette forme d'accoutumance, est le symptôme de ce qui travaille la société française.
09:29 C'est-à-dire que nous sommes dans un moment où il y a effectivement
09:37 énormément de choses qui bousculent les gens.
09:39 On parle des classes moyennes, on va y revenir,
09:42 bousculées sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan culturel,
09:45 les rapports entre les hommes et les femmes, le bouleversement climatique.
09:48 Les gens sont bousculés.
09:50 Et dans ce moment-là, la tentation de l'ordre, sous des formes très autoritaires,
09:55 du repli, de la stigmatisation, et d'autant plus que tout ceci est instrumentalisé.
10:01 C'est-à-dire, regardez, si vous allez mal, si vous n'arrivez plus à finir vos fins de mois
10:06 alors que vous bossez, c'est parce que vous en avez qui sont ERSA
10:09 et qui ne travaillent pas parce qu'ils ne veulent pas travailler.
10:11 Donc, c'est fracture de la société.
10:13 C'est un discours qu'il a prononcé, qui est en correspondance
10:17 avec les attentes des Français quand vous regardez les sondages.
10:20 Mais le constat, il est là. Le constat est imparable.
10:23 Et de ce point de vue-là, je partage le constat de M. Attal,
10:25 de cette crise-là d'une partie des classes moyennes.
10:27 Je dis « d'une partie » parce que Manuel Demerck le rappelait tout à l'heure
10:30 à travers cette question du logement intermédiaire et de la loi SRU.
10:33 De quelles classes moyennes parle-t-on ?
10:35 Est-ce qu'on parle des classes moyennes qui sont réellement précarisées
10:37 et qui rejoignent le rang des personnes nombreuses dans les classes populaires
10:39 et les exclus qui sont dans ces situations-là ?
10:41 Ou de classes moyennes et supérieures qui vont plutôt bien ?
10:43 Mais voyez bien que la question fondamentale à mes yeux, c'est quoi ?
10:46 Ce constat étant posé, il est à mes yeux imparable.
10:48 Une partie des classes moyennes sont en difficulté lourde dans ce pays.
10:52 Elles bossent et elles n'y arrivent pas.
10:54 Nous savons tous que c'est un danger mortel pour notre démocratie
10:57 et la cohésion de notre pays.
10:59 Mais la question, c'est comment on y répond ?
11:01 On y répond comment ? On y répond par la rémunération du travail.
11:06 On y répond par la maîtrise de l'immigration.
11:08 On y répond en faisant la démonstration que notre système de solidarité
11:11 n'est pas un système d'assistanat, mais où il y a un engagement réciproque.
11:14 Vous êtes aidés, vous apportez quelque chose.
11:16 Et non pas, comme le fait le Premier ministre, dans sa tentation générale,
11:20 en stigmatisant les pauvres et en particulier les étrangers
11:22 et en exonérant la partie des classes moyennes et classes supérieures
11:26 qui en réalité pourraient contribuer plus à une indispensable solidarité.
11:29 Donc moi, je demande à chacune et chacun de se regarder aujourd'hui en face.
11:33 Parce que ce n'est pas seulement la question du gouvernement.
11:35 Le gouvernement, on voit bien que maintenant, on n'est plus dans la période
11:38 qu'on a pu connaître pendant le premier quinquennat.
11:40 Là, on voit que la dérive est terrible.
11:43 La bascule est terrible, on l'a vu avec la loi immigration.
11:46 Mais je demande à chacune et chacun dans ce pays de prendre la mesure de ça.
11:49 Je sais bien que tout le monde souffre dans ce pays.
11:51 Mais nous, nous savons, dans les associations, qu'il y a des hommes et des femmes
11:54 dont la souffrance, elle est là. Elle est réelle.
11:57 Dans les classes moyennes, il y a des gens qui souffrent.
11:59 Mais moi, je dis notamment aux possédants de ce pays
12:02 qu'ils arrêtent cette tentation suicidaire
12:07 qui est de regarder ailleurs, d'être dans des espèces de replis.
12:10 Y compris en faisant en sorte que la loi sur le logement social
12:14 soit étricotée au moment de l'anniversaire de la perte de la bébière.
12:18 On se plante que dans ces communes, on ne construit pas de logement social.
12:22 Mais c'est collectivement que nous allons à l'abîme.
12:24 Donc moi, je redis que ce que nous attendons du gouvernement,
12:27 de notre part, dans les associations,
12:29 c'est que le gouvernement prenne la mesure de ce qui se passe,
12:31 apporte de vraies réponses à la crise d'une partie des classes moyennes
12:34 et le fasse dans la conviction que un pays est fort,
12:38 pas quand on tape sur les plus fragiles,
12:41 mais quand on les accompagne vers l'emploi, vers le logement, vers la santé.
12:44 Le rapport de la Fondation Abbé Pierre le dit nettement,
12:48 la bombe sociale de la crise du logement a explosé.
12:52 Quant au mal-logement, Manuel Domergue, vous avancez ce chiffre choc.
12:57 4,2 millions de personnes souffrent de mal-logement ou d'absence de logement personnel en France.
13:03 Que dit ce chiffre et quelles situations différentes recouvrent-ils ?
13:08 Est-ce que vous pouvez nous préciser les choses ?
13:11 Bien sûr, les 4 millions de personnes qui sont mal logées en France,
13:14 c'est déjà des personnes qui n'ont pas de logement personnel.
13:17 Soit elles sont hébergées chez des amis, un oncle, une tante, une vague connaissance.
13:21 Soit elles sont sans domicile, au sens de hébergées par l'État,
13:24 dans des centres d'hébergement d'urgence, des hôtels où la vie est extrêmement dure.
13:27 Parfois même à la rue ou en bidonville, en habitation de fortune.
13:31 Et puis pour les personnes qui ont un logement à elles mais de mauvaise qualité,
13:34 c'est une privation de confort, c'est les souris, le froid, l'insécurité, les accidents domestiques,
13:40 les incendies parfois, ça peut être dramatique.
13:42 Et le surpeuplement, quand il vous manque deux pièces pour vivre normalement, vous êtes mal logé.
13:46 Ce qui est très inquiétant, c'est que depuis les années 50, le surpeuplement baissait dans notre pays.
13:50 Parce que les ménages sont plus petits, les logements sont plus confortables, le pays s'enrichit, c'est normal.
13:55 Depuis 15 ans, à cause de la hausse des prix notamment, le surpeuplement réaugmente,
14:00 en bas de l'échelle pour les personnes, les locataires du parc privé, les personnes pauvres, les bas salaires, etc.
14:06 Et ça parce qu'il y a une pénurie de logements.
14:08 Pas partout, mais dans les grandes agglomérations, il y a une pénurie de logements.
14:12 Et en fait, là où la bombe sociale du logement, qui était une bombe à retardement, a fini par exploser,
14:17 c'est qu'on voit que la production de logements en général, et de logements sociaux en particulier,
14:21 est en chute libre depuis deux ans.
14:23 Et ça, ça aura des répercussions encore pendant des années.
14:26 On va passer au Standard Inter, on nous appelle Nathalie.
14:31 Vous êtes là, bonjour.
14:33 Bonjour.
14:34 Bienvenue, on vous écoute.
14:35 Oui, moi j'ai une question.
14:37 Je connais dans l'immeuble où je suis moi-même locataire, un certain nombre d'appartements qui sont vides.
14:45 Quand je dis vides, ils ne sont pas ni loués en secondaire ou quoi que ce soit, ils sont totalement libres.
14:53 À mon étage, il y a un appartement qui est libre depuis maintenant six ans.
14:59 Et dans la colonne où je suis, il y a huit normalement appartements, deux seulement sont occupés.
15:09 Ce sont des appartements qui mesurent 90 mètres carrés.
15:13 Donc ma question est, on parle sans arrêt des manques de logements, comment se fait-il que ces logements puissent être libres ?
15:24 De quelle ville nous appelez-vous Nathalie ?
15:27 De Jouin-Lépin.
15:28 Merci beaucoup pour votre intervention.
15:31 On va donner la parole à Karim qui nous appelle de Lyon.
15:34 Bonjour, bienvenue.
15:35 Bonjour Nicolas, bonjour Léa, bonjour M. Le Maire et M. Brice.
15:40 On vous écoute.
15:41 Il y a énormément de tentes installées dans les rues et dans les parcs ici.
15:47 Moi, je suis outré.
15:50 Est-ce qu'on ne pourrait pas éventuellement transformer des bureaux en logements ?
15:56 Parce que la construction immobilière est pratiquement à l'arrêt.
16:00 Et éventuellement, installer mais provisoirement des agécos, par un tendon.
16:07 Des agécos qui servent pour les ouvriers, pour les chantiers.
16:12 Et moi, je suis très remonté envers ce gouvernement qui ne répond pas, par exemple, à une lettre de M. Grégory Dusset à Lyon et à d'autres maires récemment.
16:23 Et moi, je l'invite, M. Macron, je l'invite personnellement, si il m'écoute, de venir consulter par lui-même et visiter les grandes villes et se rendre compte que ce n'est plus admissible.
16:34 Moi, je ne suis pas bien quand je vois des gens dormir dehors.
16:37 Merci Karim pour votre intervention.
16:40 Alors, Nathalie nous parlait d'appartements vides et qu'il le reste.
16:44 Karim, de bureaux vides à transformer éventuellement en lieux d'accueil pour les sans-abri qui dorment sous les tentes, d'agécos.
16:53 Que répondre à nos auditeurs ? Manuel Domergue.
16:56 Effectivement, Nathalie a la raison.
16:58 C'est extrêmement choquant quand il y a des personnes qui sont sans logement de voir qu'il y a des logements qui restent vides pendant des années.
17:03 En France, on a 3 millions de logements vacants, mais il y en a juste une petite partie de ces 3 millions qui seraient utilisables, parce qu'ils sont vacants depuis des années, comme elle dit, dans des zones où il y a des besoins en logement.
17:12 Si c'est vacant au milieu des Vosges et que personne n'habite là, ce n'est pas la peine de les mobiliser.
17:16 Pour les mobiliser, il y a plusieurs manières.
17:18 Augmenter la taxe sur les logements vacants pour que le propriétaire, à un moment, se dise "ça commence à me coûter cher cette histoire, je vais peut-être le vendre, le mettre en location, faire des travaux".
17:26 Ensuite, inciter les propriétaires qui auraient peur de mettre en location ou qui n'auraient pas les moyens de faire des travaux, à les confier à l'État, à des associations, à des collectivités,
17:35 pour qu'ensuite, ils les louent à des personnes en difficulté avec des aides pour ces propriétaires qui auraient un loyer peut-être un peu modéré par rapport à ce que le marché pourrait offrir, mais un loyer garanti.
17:46 Souvent, il y a des propriétaires qui ont peur de louer, qui ne savent pas louer, c'est compliqué de louer, il y a des règles, etc.
17:51 Donc, on peut les rassurer comme ça.
17:53 Et puis, quand vraiment, il y a une mauvaise volonté, des bâtiments entiers qui sont vides pendant des années, c'est relativement rare quand même.
17:59 Mais ça arrive, là, la réquisition par l'État doit être un moyen de dernier ressort, mais qui doit être utilisé.
18:05 - Sur la petite France Inter, Eric écrit, question à Pascal Brice, "l'État ne peut pas tout, les employeurs et le niveau des salaires sont les premiers responsables".
18:14 - Mais absolument ! Dans cette crise d'une partie des classes moyennes, mais aussi des classes populaires et des travailleurs pauvres,
18:20 vous savez qu'à Nancy, 25% des gens qui sont à la rue travaillent, 25%.
18:25 Ce qui conduit une de nos associations à mettre en place un hébergement le temps que les gens puissent aider à trouver un logement.
18:31 Mais oui, c'est la clé ! C'est là-dessus qu'on doit pouvoir agir, que le gouvernement doit pouvoir agir,
18:36 que les conventions et les négociations collectives doivent pouvoir agir.
18:40 C'est l'un des éléments clés, effectivement, de la sortie de la crise d'une partie des classes moyennes.
18:45 Mais moi, j'ai été frappé par le propos de Karim, qui nous dit "moi, je suis pas bien quand les gens dorment dehors".
18:51 Vous voyez, je trouve ce propos très important, parce qu'il nous dit quoi ?
18:55 Ce dont nous parlons là, c'est réalité de la pauvreté et de la précarité.
18:58 C'est d'abord une question de dignité des personnes concernées.
19:01 Mais c'est une question d'ordre. Moi, je vais vous dire un truc. Nous sommes les défenseurs de l'ordre.
19:06 Nos associations, les travailleurs sociaux, ce sont ceux qui font en sorte qu'il n'y ait personne dans les rues.
19:10 Que les gens qui sont en situation d'addiction ne sont pas dans les rues.
19:14 Et donc, il est temps que, pour des raisons de dignité et d'ordre public, parce que la pulsion d'ordre,
19:19 les gens sont tellement bousculés que les gens ont besoin d'ordre.
19:21 Et bien, nous, nous sommes là, dans nos associations, pour apporter l'ordre.
19:24 Et le rôle du gouvernement dans cette affaire, c'est quoi ?
19:26 Et comme le disent Karim et Nathalie, je signale d'ailleurs que Nathalie, elle doit le savoir,
19:30 elle vit dans un département, parenthèse, Manuel le sait bien, où une commune,
19:35 une commune de toutes les Alpes-Maritimes, respecte le critère des 25% de logements sociaux de la loi SRU,
19:42 que le gouvernement est en train de détricoter bien comme il faut.
19:48 Donc, une action du gouvernement, nous attendons quoi ? L'urgence.
19:51 On l'a dit, il y a des gens à la rue, moi je serai à Lyon tout à l'heure.
19:54 Mais une action dans la durée, c'est ça que nous attendons du gouvernement encore aujourd'hui.
20:00 Ça veut dire quoi ? On sait très bien qui est à la rue.
20:02 Des jeunes sortis de l'aide sociale à l'enfance.
20:05 Des gens qui ont des problèmes de santé mentale.
20:08 Des travailleurs pauvres.
20:09 Des femmes victimes de violences.
20:11 Des étrangers.
20:12 On sait très bien pourquoi les gens n'arrivent pas à sortir de l'hébergement d'urgence.
20:17 Pas de logements sociaux.
20:19 Et les étrangers, pas de régularisation par le travail ou pas de reconduite quand ils doivent l'être.
20:23 Je suis obligée de vous citer ce qu'a dit Gabriel Attal.
20:25 Lui met en avant, parce qu'à vous écouter, peut-être on a le sentiment qu'il ne fait rien,
20:30 ou qu'il ne font rien au gouvernement.
20:32 Il a mis en avant à l'Assemblée Nationale les 550 000 personnes sorties du sans-abrisme, dit-il.
20:37 Le doublement du parc de l'hébergement d'urgence porté à 200 000 places.
20:40 Le déblocage récent de 120 millions d'euros supplémentaires face à l'épisode de grand froid.
20:44 C'est rien ça ?
20:47 C'est sûr que non.
20:48 Il faut redire, vous avez raison, il faut resituer les choses.
20:50 On est dans un...
20:51 Vous disiez tout à l'heure, justement, 14% de pauvres en France.
20:54 Si on n'avait pas tous les éléments de redistribution, ce serait 22%.
20:57 Nous sommes dans un pays protecteur.
20:59 Mais...
21:01 Et le gouvernement fait et agit.
21:03 Mais la difficulté, c'est quoi dans la période ?
21:05 C'est que d'abord, nous sommes dans un changement de ton et d'approche de la part de ce gouvernement
21:09 dont j'espère que ça ne durera pas et qu'il se ressaisira.
21:12 On a affaire depuis quelques mois à un matraquage sur le thème "les classes moyennes, les classes moyennes"
21:18 en confondant tout le monde.
21:20 Et sur le thème...
21:21 Parce que les classes moyennes vont au Rassemblement National, Pascal Brice, vous le savez.
21:23 Pourquoi il vient ce discours ? Parce que le Rassemblement National est à 30%.
21:27 Parce que vous croyez...
21:29 Est-ce qu'il va empêcher qui que ce soit, en entretenant ce climat sur le thème "c'est les pauvres, les étrangers"
21:34 Vous pensez qu'il va lutter contre quoi que ce soit ?
21:36 Moi je pense qu'il faut lutter. Je ne suis pas dans le déni, contrairement à beaucoup de gens.
21:39 Je ne suis pas dans le déni.
21:41 La crise des classes moyennes, elle est là. Elle est périlleuse pour notre démocratie.
21:44 Il faut maîtriser les migrations. Il faut faire en sorte que les gens se convainquent qu'il n'y a pas d'assistanat dans ce pays.
21:48 Il faut rémunérer le travail.
21:50 Mais ce n'est pas en stigmatisant les pauvres, les précaires, les étrangers qu'on va y arriver.
21:53 Manuel Demerck, vous attendez un ministre du Logement ?
21:55 Ce serait bien quand même.
21:57 C'est un petit sujet. Donc ce serait bien qu'on ait un ministre qui ne change pas tous les 6 mois éventuellement.
22:01 Et en fait, le vrai problème, c'est un ministre qui est du poids politique, qui gagne des arbitrages.
22:06 Aujourd'hui, la politique du logement est dirigée à Bercy.
22:08 Ce qu'on voit, c'est que l'effort public pour le logement n'a jamais été aussi bas.
22:13 On part de richesse depuis plusieurs décennies.
22:16 Et la politique du logement est aussi dirigée, en vrai, au ministère de l'Intérieur avec une approche très répressive.
22:21 On a un record d'expulsion locative, d'expulsion de bidonvilles.
22:24 Et si les personnes qui sont à la rue y sont ou en hébergement d'urgence,
22:29 c'est aussi parce qu'elles n'ont pas accès à la régularisation.
22:32 Donc il faut qu'il y ait un vrai ministère du logement qui s'impose et qui impose les besoins, les droits des personnes mal logées.
22:38 Pascal Bréhis ?
22:39 Simplement dire au Premier ministre qu'il souhaite dé-smicardiser, dé-bureaucratiser, dé-verrouiller.
22:44 Alors moi, j'ai un beau chantier à lui proposer immédiat.
22:46 C'est faire tout ça pour 1,5 millions de travailleurs sociaux, de travailleuses sociales dans ce pays.
22:51 Vous allez dans les associations, ils sont tous au SMIC.
22:53 Ils passent leur temps, au lieu de s'occuper des gens, et Dieu sait si c'est indispensable,
22:57 à remplir des travaux à l'excel et à faire des rapports.
23:00 Donc là, s'il veut dé-verrouiller, dé-bureaucratiser, dé-smicardiser,
23:03 moi, j'ai un superbe chantier et la Fédération est à sa disposition pour le faire.
23:07 Merci à tous les deux, Manuel Demergue, Pascal Bréhis, d'avoir été au micro d'Inter ce matin.
23:13 Il est 8h47.
23:15 *musique*

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