Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre et ancien ponte socialiste devenu dissident, auteur de "Ma vie avec Mauriac" (Gallimard), est l'invité du Grand entretien de France Inter. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-05-avril-2023-3233644
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00:00 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin un ancien ministre de l'Intérieur, ancien
00:05 Premier ministre de François Hollande, il publie « Ma vie avec Moriac » chez Gallimard
00:10 qui sera en librairie demain.
00:12 Questions et réactions au standard 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:20 Bernard Cazeneuve, bonjour.
00:21 Bonjour.
00:22 Bienvenue sur Inter, on va évoquer avec vous tout à l'heure la situation politique, le
00:27 climat social de la France, mais d'abord donc ses affinités électives entre vous,
00:32 Bernard Cazeneuve, universaliste de gauche, laïque, déraciné d'Algérie et François
00:39 Moriac, l'écrivain de droite, le chrétien fervent et le bordelais enraciné.
00:44 A première vue, la rencontre semblait improbable et pourtant dans ce livre, vous vous livrez
00:50 un véritable exercice d'admiration.
00:52 Alors pourquoi vous ? Pourquoi lui ? Pourquoi Moriac ?
00:56 D'abord parce que Moriac n'est pas tout à fait ce que vous dites.
00:59 C'est un écrivain qui est effectivement né dans un milieu, celui de la bourgeoisie
01:03 bordelaise, mais qui toute sa vie, par ses écrits, par ses prises de position, n'a
01:08 cessé de s'affranchir de ce milieu.
01:10 Quand on lit d'ailleurs les biographies qui lui ont été consacrées, celles de Jean
01:15 Lacouture, celles de Jean-Luc Barré, on voit que cet homme n'a cessé de rechercher
01:19 sur tous les sujets et il n'en manquait pas dans son époque, la juxtaposition.
01:24 Il s'est insurgé contre l'invasion de l'Ethiopie par l'Italie.
01:28 Il a, à travers le cahier noir, pendant l'occupation, pris des positions extrêmement courageuses,
01:35 sans jamais d'ailleurs quitter la zone occupée en prenant tous les risques.
01:38 Au moment de la guerre d'Espagne, il s'est dressé contre l'Église catholique en prenant
01:43 le parti des Républicains espagnols.
01:45 Au moment de la décolonisation, il a été aux côtés des militants marocains.
01:49 Il a été ardemment mandésiste au moment où toute la droite parlementaire, Hué-Pierre
01:55 Mandès-France, parfois en convoquant des slogans antisémites lorsqu'il montait à
01:59 la tribune de l'Assemblée nationale pour indiquer qu'il voulait engager le pays dans
02:03 la décolonisation.
02:04 Bref, c'est un homme qui, alors qu'il venait d'un milieu, s'est affranchi de ce milieu
02:09 pour prendre, avec un amour absolu de la liberté, des positions justes.
02:14 Et donc, l'écrivain journaliste, celui du bloc-note, a par ailleurs été capable
02:20 aussi de prendre par rapport à ceux qui étaient ses amis, je pense notamment à la démocratie
02:25 chrétienne, des positions très dures lorsque les démocrates chrétiens, au milieu de l'esprit
02:30 du sillon de Marc Sanglier, s'engageaient dans le soutien à tous ceux qui étaient
02:37 les tenants de la colonisation.
02:38 On le voit d'ailleurs dans le bloc-note, avec cette pointe qu'il caractérise, faire
02:42 des portraits extrêmement cruels, celui de Joseph Lagnel, président assez médiocre
02:47 du Conseil sous la IVe République, dont il dit "il y avait du lingot dans cet homme-là",
02:52 ou la description de Bideau accrochée au gris du quai d'Orsay.
02:56 Tout cela, c'est la liberté, le talent, l'amour de la littérature.
03:01 Et donc, c'est tout cela moriaque à la fois.
03:03 Ce n'est pas les quelques adjectifs un peu rares.
03:07 - Il a résumé en parlant du chrétien bordelais bourgeois, qu'il était aussi.
03:13 - C'est aussi cela, mais il fait le choix du sillon de Marc Sanglier plutôt que le
03:18 choix du bourgeois.
03:19 - Vous êtes sans doute plus complexe aussi vous-même que les quelques mots que j'ai
03:22 énoncés.
03:23 - Je pense aussi qu'il est hautement souhaitable, et c'est la richesse de la nature humaine,
03:29 d'essayer de comprendre la complexité qu'il y a en chaque individu.
03:33 Ça s'appelle l'altérité.
03:34 - Avant de parler politique, vous, vous aviez 7 ans quand François Moriac est mort.
03:38 Vous l'avez découvert deux ans plus tard à 9 ans en prenant dans la bibliothèque
03:42 familiale le « Noeud de Vipère ». Vous pensiez que c'était un livre sur les serpents
03:46 qui vous terrifiait à l'époque.
03:48 Vous ouvrez le livre et vous écrivez « Je découvris un monde encore inconnu de moi.
03:52 Certes, je ne pouvais pas tout comprendre des drames insondables qui ravageaient des
03:55 personnages de chair et de sang, traqués, emmurés vivants dans des existences qui étaient
03:59 devenus des prisons.
04:00 Mais pour des raisons qui m'échappaient, ce récit des passions brûlantes me parlait.
04:05 Ce sont donc les passions brûlantes qui consument les personnages de Moriac, l'amour, la haine,
04:09 la jalousie, le tiraillement permanent entre la grâce et le péché, qui vont souvent
04:13 t'attirer chez Moriac, Bernard Cazor.
04:15 On ne vous imagine pas sensible aux grands emportements passionnels comme ça tout de
04:21 suite, mais sans doute on vous connaît mal.
04:22 - Je veux vous rassurer, Elia Salamé, c'est pas à l'âge de 9 ans, c'est pas tout ça
04:27 que je saisis spontanément.
04:28 Sinon, il faudrait que je consulte immédiatement.
04:33 - A 9 ans, on peut saisir quand même les passions.
04:36 - Ce qui m'intéresse à l'époque, c'est ce que ces personnages qui sont entiers, profonds,
04:45 tourmentés révèlent de ce que l'on peut appeler l'âme humaine.
04:48 Ça, je le sens intuitivement à l'âge de 9 ans, même si bien entendu je ne comprends
04:52 pas toute la subtilité du livre.
04:54 Ce qui me frappe également à 9 ans, quand je lis ce livre, c'est la tragédie qui s'empare
04:59 du personnage principal, puisque ce personnage est en réalité un homme qui se déteste
05:05 lui-même, qui n'arrive pas à entrer en communication avec les autres, qui n'arrive pas à exprimer
05:10 ses sentiments, son amour pour ses enfants, y compris pour son épouse, et qui donc sur
05:14 un cahier, une espèce de carnet intime, écrit toute l'haine qu'il se porte à lui-même
05:20 en parlant des autres.
05:21 Quand il meurt, il ne reste que ce carnet qui laissera à son entourage le sentiment
05:26 qu'il est dans la détestation de chacun et de tout le monde.
05:29 Et ça, c'est quelque chose qui revêt, sur le plan Romanesque, une dimension tragique.
05:33 - Et puis il y a aussi chez vous deux le goût de la solitude.
05:36 « Mon enfance était solitaire et le monde me semblait hostile », écrivez-vous.
05:40 Hostilité, mais aussi tragique, vous écrivez par ailleurs « Dès l'enfance, la dimension
05:45 tragique de la vie m'apparaissait comme une évidence ».
05:48 D'où vient ce tourment, Bernard Cazeneuve ?
05:50 C'est le départ d'Algérie, le déracinement, votre enfance...
05:54 - Je pense que j'ai vécu dans une famille, contrairement à celle de Moria, qui a vécu
05:58 le déracinement de façon extraordinairement brutale.
06:01 C'était des pieds noirs de génération en génération qui ne posaient les riens.
06:05 Et ils sont revenus avec rien.
06:07 La seule chose qu'ils avaient, c'était comme d'ailleurs Camus, l'amour de cette terre.
06:13 C'était un peu l'esprit des noces suivis de l'été.
06:16 C'était le soleil, ils l'ont dans les plages de Tipaza, qui leur a été enlevé et qui
06:21 était en réalité leur seul patrimoine, leur seul trésor.
06:25 - Et du coup, il y avait quoi ? Une atmosphère de tristesse ?
06:27 - Il y avait une atmosphère de nostalgie, constamment ressassée par les membres de
06:33 cette famille, les grands-parents, les oncles, les tantes, qui vivaient dans le regret de
06:39 cette terre et qui vivaient aussi dans la nostalgie de la relation avec tous ceux qui
06:46 étaient leurs amis, c'est-à-dire les Algériens, les Juifs de l'Afrique du Nord.
06:52 Ils vivaient en tribu avec tous ses voisins, tous ses amis, et constamment dans la nostalgie
07:00 de cette époque.
07:01 Et donc je pense que ce déracinement, ce déchirement aurait pu me conduire à faire
07:06 aussi un livre sur Camus.
07:07 Parce que je comprends très bien ce que Camus a voulu dire lorsqu'il a dit "entre la justice
07:11 et ma mère, je choisis ma mère".
07:14 C'est-à-dire que lorsque l'on arrive à poser ce type de questions, ça veut dire
07:20 que la justice a oublié ce qui peut traverser l'être humain de contradictions, de difficultés
07:28 lorsque des événements historiques se présentent à lui et qui ont une dimension douloureuse.
07:32 - Un mot encore sur Mauriac et sur le Mauriac chrétien, parce que c'était quelque chose
07:36 de fondamental dans sa vie.
07:38 Vous, le laïc, vous dites que vous avez trouvé inspirante sa foi chrétienne, vous l'écrivez,
07:44 mais le Mauriac attaché au message universel du Christ plus qu'aux institutions de l'Église.
07:49 - Ce qui est très intéressant chez Mauriac, et il l'explique très bien au moment où
07:53 il fait son discours à Stockholm quand il reçoit le prix Nobel, c'est que ces personnages
07:57 qui sont très enracinés dans un territoire ont en réalité, par les sentiments qui les
08:02 traversent, par les contradictions qui peuvent s'emparer d'eux, une dimension totalement
08:08 universelle.
08:09 Et ce que Mauriac revendique dans le message du Christ, c'est la dimension universelle
08:14 de ce message.
08:15 Ce n'est pas ce que les Églises peuvent en faire lorsqu'elles enferment tout, lorsqu'elles
08:20 administrent les ordonnances ou lorsqu'elles contraignent les êtres et les âmes.
08:25 Et ça, je crois que c'est extrêmement fort, y compris pour quelqu'un comme moi qui est
08:30 un laïc déterminé, qui s'est toujours tenu à distance des religions et qui continue
08:36 à le faire.
08:37 - Bernard Cazenavilla, on en a dit un mot, le Mauriac du bloc-note où il consignait
08:41 son regard aigu, lucide, parfois cruel sur l'actualité politique de son temps, sur ce
08:48 qu'il a fait.
08:49 Vous dites que Mauriac se méfiait de l'ère du temps et des meutes constituées, qu'il
08:53 n'aimait pas les dénonciateurs, les excommunicateurs.
08:56 Vous écrivez qu'il aurait détesté notre époque.
08:59 Pourquoi ?
09:00 - Je ne pense pas qu'il aurait plus détesté notre époque qu'il était sévère avec la
09:05 sienne, mais je pense qu'il aurait été tout aussi sévère avec notre époque qu'il
09:09 l'avait été avec les frérons et les puis.
09:10 - Alors qu'est-ce qu'il aurait détesté de notre époque ?
09:12 - Ce qu'il aurait détesté, c'est la facilité de l'injure, de l'insulte.
09:17 Ce qu'il aurait détesté, c'est le sectarisme.
09:19 Ce qu'il aurait détesté, c'est l'abaissement du discours politique dont on a vu le spectacle
09:25 qu'il pouvait donner à l'Assemblée nationale pendant la réforme sur les retraites.
09:28 Ce qu'il aurait détesté, ce sont les accusateurs qui savent que les accusations qu'ils portent
09:33 sont fausses, mais qui les portent quand même parce que ça fait leur business.
09:36 C'est tout cela qu'il aurait détesté, par amour de la vérité, par élévation
09:40 intellectuelle, par exigence à l'égard de lui-même et par exigence également à l'égard
09:47 des autres.
09:48 Et d'ailleurs, quand on voit les personnages auxquels il a accordé sa confiance, la galerie
09:52 de portrait très limitée, dont il a pu dire du bien, il y avait de Gaulle, dont on a dit
09:58 d'ailleurs qu'il était un inconditionnel, ce qui est faux.
10:00 Il y a des moments très intéressants dans les récits de Moriac où il raconte sa rencontre
10:08 avec le général de Gaulle au moment de la libération, quand il va plaider la cause
10:11 d'un certain nombre d'écrivains qui se sont égarés dans la collaboration, alors
10:15 que lui-même, avec le cahier noir, était dans la résistance, parce qu'il déteste
10:19 la peine de mort et parce qu'il pense qu'il n'y a pas de justice sans charité.
10:23 Et il trouve un général de Gaulle qui lui semble indifférent au discours qui lui tient
10:27 et dont il dit "j'avais l'impression d'être en face d'un corps mourant".
10:31 Il se plaint de l'engagement du général de Gaulle dans le RPF, donc il a été critique
10:36 à l'égard de de Gaulle, mais il ne s'est pas trompé, Mendes France non plus, et sur
10:40 Mitterrand il dit des choses extrêmement justes sur le talent du personnage et ses
10:45 qualités.
10:46 - C'est les trois seuls qu'il a épargnés globalement dans le bloc notes, c'est de
10:48 Gaulle, Mendes et Mitterrand.
10:49 - Oui mais c'était les trois meilleurs.
10:51 - Ça c'est vous qui le dites.
10:53 Vous nous avez fait la transition avec la situation politique actuelle, Bernard Cazeneuve.
10:57 Elisabeth Borne reçoit aujourd'hui les forces syndicales.
10:59 Comment on sort de la crise politique et sociale majeure qui déchire le pays depuis trois
11:04 mois maintenant ? Si vous étiez à Matignon, si vous étiez Elisabeth Borne, si vous étiez
11:07 Emmanuel Macron, vous allez me dire "je ne le suis pas".
11:09 Mais enfin si vous étiez au pouvoir là, comment vous faites pour en sortir ?
11:12 - D'abord je n'aurais pas fait cette réforme comme elle a été faite.
11:15 Je n'aurais pas fait cette réforme telle qu'elle est configurée dans son contenu.
11:19 Cette réforme a été faite au pire moment.
11:21 On est dans un pays qui est confronté au retour de la guerre, au retour de l'inflation.
11:24 Les Français ont subi des crises à répétition, la crise terroriste, la pandémie.
11:30 Ils ont été mis en première ligne pour faire face à ces difficultés et faire en
11:35 sorte que le pays demeure debout.
11:36 Et à peine leur a-t-on exprimé la gratitude que le pays leur doit, qu'on sort une réforme
11:42 qui va mettre ceux qui ont été en première ligne en situation de devoir être les premiers
11:46 contributeurs à l'effort.
11:47 C'est très injuste.
11:48 Ce n'est pas le bon moment, c'est injuste, ce n'est pas les bonnes mesures.
11:51 Parce que le report de l'âge de la retraite à 64 ans d'une part, alors même qu'on
11:57 avait dit qu'on ne le ferait pas, et l'accélération de l'allongement de la durée de cotisation
12:02 vont frapper les plus vulnérables des Français.
12:04 Donc cette réforme est injuste.
12:05 Vous connaissez les arguments d'Emmanuel Macron.
12:07 Il y a un déficit, il faut sauver la réforme par répartition, la retraite par répartition.
12:11 C'est ça qu'il a expliqué.
12:13 Il faut de l'argent.
12:14 Oui, mais c'est précisément parce qu'il faut sauver la réforme, la retraite par répartition
12:20 qu'il faut une réforme qui soit juste.
12:21 Vous ne sauverez pas la retraite par répartition, vous ne sauverez pas l'état Providence
12:26 en faisant des Français les plus vulnérables, qui sont les plus fragiles et qui sont ceux
12:32 qui ont commencé à travailler le plus tôt dans les métiers les plus pénibles, les
12:36 premiers contributeurs de l'effort.
12:37 Ça, c'est fondamentalement injuste.
12:40 C'est absurde de demander cet effort alors que ces Français qui sont les premiers contributeurs
12:45 sont ceux aussi qui ont été en première ligne au moment de la pandémie.
12:49 - Et maintenant, il aurait fait quoi pour sortir de l'offre ?
12:51 - Emmanuel Macron ne dit pas de pause ni de retrait.
12:53 Il attend la décision du Conseil constitutionnel.
12:57 Il rappelle que ce n'est pas la première fois qu'une réforme des retraites passe dans
13:00 la douleur.
13:01 Après tout, en 2010, le passage aux 62 ans n'avait pas été sans heure.
13:05 Et finalement, c'est passé, Bernard Cazeneuve.
13:07 - Oui, mais là, il y a une situation dans le pays dont il faut prendre la mesure.
13:12 Il y a un climat de tension extrême.
13:15 Il y a un sentiment d'injustice qui s'est complètement enquisté dans la société française.
13:21 Et à juste titre, parce qu'il y a le sentiment de la relégation des territoires qui souffrent
13:27 plus que d'autres parce qu'ils sont loin des grandes métropoles, qu'ils n'ont pas
13:31 accès autant qu'ils pourraient le souhaiter et qu'ils seraient légitimes aux services
13:35 publics, aux transports, avec des territoires qui ont connu depuis longtemps le déclassement
13:41 par le processus de désindustrialisation qu'a rencontré notre pays.
13:45 Il y a des Français qui sont à la tâche dans des conditions extrêmement difficiles
13:51 et qui, pour des raisons qui tiennent au pouvoir d'achat, ont eux aussi le sentiment
13:54 du déclassement.
13:55 Il y a un pouvoir qui leur donne le sentiment du mépris par la manière dont ils s'adressent
14:00 aux Français, par la manière dont ils conduisent les réformes.
14:03 Et donc, ce pays a été mis depuis des années sous tension.
14:07 Et il y a un moment où il faut créer les conditions des justes compromis autour des
14:11 réformes dont le pays a besoin, mais qui doivent se faire dans la justice.
14:15 Qu'est-ce qu'il faut faire concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire aujourd'hui,
14:16 après trois mois de crise ? Qu'est-ce qu'on peut faire ? Parce que vous savez très bien
14:22 ce que disent les gens.
14:23 S'il retire sa réforme ou s'il la suspend, c'est fini, le quinquennat est terminé,
14:27 il ne peut plus réformer.
14:28 Oui, mais ça, c'est une vision que je ne partage pas.
14:30 Parce que quand un pays est dans une situation comme celle que nous connaissons, de confrontation,
14:34 d'affrontement, qu'aucune autre réforme ne peut être conduite sans compromis et sans
14:39 apaisement, qu'il y a des organisations syndicales qui ont fait la démonstration tout au long
14:45 du combat qu'ils ont mené, de l'esprit de responsabilité qui présidait à leur action.
14:49 On a vu Laurent Berger, les autres organisations syndicales manifester sans qu'à aucun moment
14:57 il n'y ait de violence.
14:58 On a vu les organisations syndicales, et là aussi Laurent Berger a tenu un discours que
15:04 j'ai trouvé particulièrement responsable avec les représentants des autres organisations
15:08 syndicales.
15:09 On suspend la réforme, on se met autour de la table et on détermine ce que peut être
15:13 un compromis autour d'une réforme acceptable.
15:15 Mais c'est non.
15:16 C'est non et je pense qu'ils sont tords de dire non à tout.
15:19 Et notamment, ils sont tords de dire non aux syndicats réformistes.
15:23 Parce que quand on veut être un gouvernement réformiste, les deals on les fait avec les
15:27 syndicats réformistes, on ne les fait pas avec les parlementaires les plus conservateurs
15:32 de la droite pour se constituer une majorité à la faveur d'une réforme.
15:36 Ça c'est une mauvaise stratégie.
15:37 - Alors, on a des questions politiques au Standard Inter.
15:40 On va donner la parole à Angelo qui nous appelle de Coutances.
15:45 Bonjour Angelo, bienvenue.
15:46 - Oui, bonjour.
15:48 Moi je suis un peu étonné du discours du parti socialiste respectable.
15:54 Je vais mettre des guillemets pour dire d'abord, est-ce que M.
15:58 Cazeneuve il se rend compte quand même que le loup dans la bergerie, c'est-à-dire le
16:01 Macron dans la vie politique, c'est quand même Hollande qui l'a fait rentrer ?
16:05 Avec un point commun avec ce qui se passe aujourd'hui, c'est que Macron il a mis devant
16:11 Mme El Khomri pour le code du travail, pour réformer le code du travail qui est une catastrophe.
16:15 Et là, on a encore une femme fusible, Elisabeth Borne, qui doit complètement craquer, encore
16:21 par Macron.
16:22 On dirait que le PS fait mine de découvrir Macron aujourd'hui.
16:26 Autre chose, je suis un électeur de l'ANUP et qui compte bien le rester.
16:30 J'ai été choqué par le comportement de certains insoumis à l'Assemblée nationale.
16:36 Ceci étant, je ne me trompe pas de coupable et je suis choqué par l'attitude du parti
16:41 socialiste "respectable" qui critique davantage l'ANUP que Macron.
16:45 Et par "respectable" vous visez Bernard Cazeneuve ?
16:49 Je vise le PS "respectable", tous les gens qui font la leçon aujourd'hui et qui hier
16:54 ne s'en tiraient pas mieux et qui n'ont pas remis en cause la réforme de la retraite
16:58 à 62 ans.
17:00 Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire.
17:04 Merci Angelo pour cette question.
17:06 Bernard Cazeneuve vous répond.
17:07 Bien, moi je vais rappeler quand même les faits.
17:11 Lorsque nous avons mis en place la dernière réforme des retraites, nous l'avons fait
17:17 sans que le pays soit mis dans la situation dans laquelle il est.
17:20 Et nous l'avons fait sur le fondement d'un compromis.
17:21 Dans le même temps, nous faisions autre chose.
17:24 Lorsque la droite supprimait 80 000 emplois dans l'éducation nationale, nous en créons
17:28 60 000.
17:29 Lorsque la droite supprimait près de 13 000 emplois dans la police et la gendarmerie,
17:35 nous en créions près de 10 000.
17:37 Lorsque la droite avait affaibli la compétitivité de nos entreprises, nous la rétablissions.
17:42 Et nous la rétablissions non pas parce que nous avions une politique pro-entreprise sans
17:46 aucun autre objectif, mais parce que nous considérions que s'il n'y avait pas de
17:49 richesse à répartir, il n'y avait pas de justice sociale possible.
17:53 Lorsqu'il y avait 20 000 migrants entassés à Calais dans la boue et dans le froid, on
18:00 les mettait dans 570 centres d'accueil et d'orientation et dans le dispositif national
18:04 d'asile.
18:05 Pendant ce temps-là, les amis de la LFI défilaient à Calais pour expliquer qu'on était en
18:10 train d'organiser les déportations des migrants.
18:12 Donc à force de dire, lorsque la gauche gouverne et affronte les difficultés, que
18:16 c'est jamais assez à gauche, on finit par avoir la droite.
18:18 Vous avez entendu la critique de l'auditeur qui est de dire que la gauche respectable
18:23 que vous incarnez à ses yeux tape plus sur les insoumis que sur Macron.
18:30 Il faut dire que les insoumis ne vous ratent pas.
18:32 Je vais citer…
18:33 Attendez juste un point, je suis à votre antenne depuis quelques minutes.
18:37 J'ai surtout critiqué la politique d'Emmanuel Macron.
18:40 Et à aucun moment, moi, je n'ai songé à me rallier à cette majorité dont je combat
18:45 la politique sans la moindre hésitation parce qu'elle m'apparaît comme injuste.
18:49 Mais tout le discours, qui est un discours d'ailleurs préparé par les instances des
18:54 partis qui sont dans l'ANUP et qui est répété à la longueur des missions et à tous les
18:59 militants qui sont dans cette stratégie et cette trajectoire, c'est de dire que si
19:04 l'on n'est pas favorable à la stratégie engagée par les insoumis, c'est qu'on
19:08 est macroniste.
19:09 Non, ce n'est pas vrai.
19:10 Et d'ailleurs, ce qu'il a parfaitement montré, c'est l'élection de l'Ariège.
19:13 Vous avez une députée qui va siéger dans l'opposition, qui a été élue contre les
19:17 insoumis et qui a été élue contre les insoumis parce qu'il y a des électeurs de gauche
19:21 en nombre qui n'en peuvent plus du parti de l'outrance et qui ont envie que la gauche
19:25 se reconstruise dans la crédibilité et dans la responsabilité.
19:29 Enfin, je voudrais terminer sur un point.
19:30 Ce ne sont pas ceux qui sont qualifiés par l'auditeur qui vient de m'interroger de
19:35 membres du parti respectable qui d'agnistre des leçons et des ordonnances.
19:38 C'est l'ANUP qui en permanence, et notamment la LFI, en convoquant toutes les injures et
19:44 toutes les insultes, qui administre des ordonnances à tout le monde en donnant des leçons de
19:49 gauche à tout le monde, alors qu'elle n'est en aucun cas légitime à le faire pour des
19:53 raisons qu'en deux mots je vais vous dire.
19:55 Quand on est le représentant d'un parti dont les responsables ne sont même pas élus
19:59 et dont une grande partie des militants se plaignent de l'absence de respiration démocratique
20:03 dans cette organisation, pour moi, on n'est pas de gauche.
20:05 Quand on insulte des ministres ou quand on insulte des personnalités politiques en
20:10 les accusant de crimes ou de faits qu'ils n'ont jamais commis, on n'est pas de gauche
20:14 parce que le parti de la gauche, c'est le parti de ceux qui innocentent, contre la meute,
20:19 ceux qui sont accusés à tort.
20:20 Lorsque l'on soutient M.
20:22 Poutine en expliquant qu'il va débarrasser la Syrie de Daesh en accompagnant un dictateur
20:27 qui martyrise son peuple, on n'est pas de gauche parce que la gauche, c'est le parti
20:31 de la liberté, c'est le parti des droits de l'homme.
20:33 Lorsqu'on explique qu'on peut répartir, on doit répartir davantage les richesses
20:40 tout en préconisant la décroissance, on n'est pas de gauche parce que si on ne crée
20:43 pas les conditions de la production et d'une production sobre et sûre, on n'a plus rien
20:47 à répartir, on est simplement un démagogue.
20:49 Donc je n'ai aucune leçon de gauche à recevoir de tous ceux qui se comportent de la sorte.
20:55 Vous êtes en tout cas la cible de la NUP et particulièrement des Insoumis depuis quelques jours.
20:58 Je lis.
20:59 Alexis Corbière, Bernard Cazeneuve, tweet "prends la pause, manœuvre" et écrit sur
21:02 Mauriac "mais que propose-t-il ? Rien sur les salaires, les services publics, l'écologie,
21:06 les institutions, bref le vide et le sectarisme anti-LFI".
21:09 Cazeneuve, c'est le retour de Hollande, les petites vannes en moins.
21:11 Jean-Luc Mélenchon, il y a quelques semaines, qui salue avec ses mots "le lancement de votre
21:15 mouvement, la convention".
21:16 Bernard Cazeneuve a annoncé le troisième lancement de sa fédération de gauche social-démocrate,
21:20 laïque, républicaine, notariale, polie et bien habillée.
21:23 Et puis Bastien Lachaud, autre député insoumis, qui parle de vous, de le fol Campbadélis,
21:29 comme les zombies du PS, c'est le retour de la nuit des morts vivants.
21:31 - On savait que c'était le parti de l'outrance.
21:34 Maintenant, on sait que c'est le parti de l'insulte.
21:37 Il paraît que c'est la gauche.
21:39 Non, c'est pas ça la gauche.
21:40 La gauche, c'est le parti de ceux qui considèrent que quiconque ne pense pas comme soi doit
21:45 être respecté.
21:46 Et moi, je combats la LFI en raison, précisément, des orientations qui la conduisent à s'exprimer
21:54 comme vous venez de le rappeler.
21:56 Je combats Emmanuel Macron en raison de la politique injuste qu'il mène.
22:00 Mais jamais, je ne tiendrai sur aucun de ceux dont je ne partage pas les orientations politiques
22:06 ce type de discours.
22:07 Parce que lorsqu'on se met à tenir ce type de discours sur ceux dont on ne partage pas
22:11 les opinions politiques, ce n'est pas ces idées qu'on fait progresser, ce n'est pas
22:16 les autres qu'on ramène à soi par la force de ses convictions.
22:19 C'est la haine qu'on instille partout dans le pays.
22:21 C'est l'idéologie de la confrontation de tous contre tous.
22:24 Vous êtes choqué par ces mots, la nuit des morts vivants ?
22:27 Je ne suis pas choqué, non, parce que je n'entends rien de...
22:29 Je sais comment ils sont structurés, je sais ce dont ils sont capables.
22:32 Je ne suis pas choqué, je suis consterné.
22:35 Je suis consterné parce que j'ai une autre idée de ce qu'est la politique.
22:39 J'ai une autre idée de ce qu'est notre pays.
22:41 Et je pense qu'il mérite mieux que cela.
22:43 Quand je vois un parlementaire mettre sous son pied un ballon sur lequel est l'effigie
22:48 d'un ministre en expliquant que ce ministre est un assassin, ça suscite chez moi un
22:53 profond dégoût.
22:54 Parce que c'est très loin de la conception que je fais de la politique et de la démocratie.
22:58 Et dire cela, ce n'est pas donner des leçons.
23:00 C'est simplement dire ce qui doit être dit quand on est démocrate et républicain et
23:04 que des comportements de ce type se produisent.
23:06 Quelques mots sur la législative partielle en Ariège, remportée donc par la dissidente
23:11 PS que vous souteniez, Martine Froger, contre la candidate nupe Bénédicte Thorin.
23:17 Victoire dénoncée par la nupe et notamment Olivier Faure qui a réagi dans un communiqué
23:21 dimanche.
23:22 Je cite "Ce soir c'est une victoire à la pyrus qui n'offre aucune perspective pour
23:27 la gauche puisqu'elle s'est construite sur une alliance avec les droites contre l'union
23:31 de la gauche et des écologistes".
23:33 Olivier Faure qui ne veut pas qu'elle siège dans le groupe socialiste parce qu'elle a
23:39 fait battre selon lui quelqu'un de la nupe.
23:42 Oui c'est ça, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils sont tout à fait légitimes
23:44 à donner des leçons de sectarisme.
23:46 Cette candidate qui a été élue députée a fait toute sa vie au parti socialiste.
23:50 Elle a été toute sa vie compagnonne de route d'Olivier Faure, de ses camarades socialistes.
23:56 Donc je comprends désormais que la stratégie consiste à dire, lorsque des responsables
24:01 socialistes s'en vont parce qu'ils n'en peuvent plus de ce climat, qu'il est bon
24:04 qu'ils partent puisque finalement ils n'ont plus vocation à être membre de cette famille.
24:10 Quand les militants partent avec eux, c'est fort bien puisque de toutes les façons il
24:13 faut rester entre nous et qu'ils pensent la même chose pour continuer à servir très
24:20 sagement M.Mélenchon.
24:21 Et quand les électeurs arrivent pour soutenir une candidate qui a toujours été membre
24:26 du parti socialiste, alors il faut les condamner en les qualifiant d'électeurs de droite.
24:30 Donc ce parti a désormais une nouvelle doctrine.
24:32 Cette nouvelle doctrine c'est faisons fuir les dirigeants, faisons fuir les militants
24:36 et faisons fuir les électeurs.
24:37 Et d'ailleurs ça marche très bien quand on voit les résultats électoraux qu'ils
24:40 obtiennent.
24:41 Bernard Cazeneuve, il précise que cette candidate, Martine Froger, que vous avez soutenue vous
24:44 aussi, a été soutenue par tous les ministres d'Emmanuel Macron, même par Julien Audul
24:49 du Rassemblement National.
24:50 Elle n'est pas responsable des soutiens qu'elle obtient, elle est responsable de
24:53 la campagne qu'elle fait.
24:54 Et ce que je constate c'est que Martine Froger, si elle n'avait pas été là, c'est
24:58 le candidat du Rassemblement National qui aurait été présent au second tour.
25:01 C'est ce qu'elle a évité.
25:02 Et elle l'a évité comment ? En tenant un discours sur la réforme des retraites, sur
25:07 la transition énergétique, sur la République.
25:09 Extrêmement clair.
25:10 Et c'est ce que Olivier Faure devrait retenir.
25:13 Parce qu'en réalité ce qui compte en politique, c'est pas ce que les gens imaginent de l'endroit
25:18 d'où l'on parle.
25:19 C'est pas les gens qu'on enferme dans tes catégories.
25:21 C'est ce que disent ceux qui s'expriment.
25:23 Moi je ne qualifie pas les gens en fonction de l'endroit d'où ils parlent, ni en
25:28 fonction d'ailleurs des apparences.
25:29 Je les qualifie en fonction de ce qu'ils disent et des combats qu'ils mènent.
25:33 Et Martine Froger a mené une campagne magnifique et elle est sur tous les sujets sur lesquels
25:38 la France doit relever des défis.
25:40 Impeccable.
25:41 Merci.
25:42 - Avec un nouvel allié, Fabien Roussel.
25:44 - Ça donne bien Fabien Roussel.
25:46 - Ah oui, vous trouvez ?
25:47 - Bah oui je trouve.
25:48 - Il n'est pas du tout dans la tonalité des propos que vous venez de rappeler.
25:50 Il respecte ses adversaires.
25:52 Il est dans une affirmation des principes républicains dans laquelle je me reconnais.
25:59 - Vous allez monter un nouveau parti ensemble.
26:00 - Je ne suis pas d'accord avec lui surtout, mais au moins...
26:03 - Sur le capitalisme notamment.
26:04 - Sur le capitalisme, nous aurions certainement des débats, mais nous aurions aussi beaucoup
26:08 de convergences.
26:09 - Merci Bernard Cazeneuve.
26:11 Ma vie avec Moriac, chez Gallimard, en librairie demain.
26:14 Merci d'avoir été à notre micro.