«Enfant de la guerre» : l'histoire de Jamila

  • il y a 8 mois
Jamila a 10 ans et elle vit sous les bombes : elle est, ce qu'on appelle, une enfant de la guerre.

Dans le podcast « L’histoire continue » Jaleh Bradea vous donne envie d’agir en vous racontant une fiction tirée de faits réels écrite par Audrey Dana.

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Transcript
00:00 *Musique*
00:04 J'allais brader à vous donner envie d'agir avec l'histoire continue le podcast.
00:08 Retrouvez toutes les informations sur mychannel, ainsi qu'à la fin de l'histoire de Jamila dans "Enfant de la guerre".
00:13 Une fiction écrite par Audrey Dana pour C8 et mychannel.
00:17 *Musique*
00:24 *Musique*
00:33 Quand grand-mère décrit notre pays lorsqu'elle était enfant, c'est un doux rêve.
00:38 Une chaleur enveloppante.
00:40 La lumière jaune de l'été qui maquille les murs de la ville.
00:44 Les effluves de fleurs d'orangers, d'épices et du pain chaud cuit dans le four du quartier.
00:51 Je m'appelle Jamila, j'ai 10 ans et je suis née sous les bombes.
00:57 *Explosion*
00:58 Aujourd'hui cette lumière jaune n'existe plus.
01:01 Dans le ciel, c'est un soleil trouble et anonyme qui nous toise.
01:06 De toute façon les murs de la ville sont démolis, décrépits, troués par le feu des mitraillettes.
01:12 Et depuis, l'air est chargé d'une fumée âcre qui me laisse un goût de poussière dans la bouche.
01:18 Je m'appelle Jamila, j'ai 10 ans et je suis une enfant de la guerre.
01:23 L'enfant de la guerre, c'est un peu l'effet collatéral de la folie, de la barbarie des adultes.
01:29 Quand ils sont venus dans ma ville à Sinjar en Irak, j'avais 8 ans.
01:34 Ils ont massacré mon père et ma grand-mère devant nous.
01:37 Ils nous ont emmenés avec Hicham, mon frère et notre mère seulement parce que nous sommes des yézidis.
01:43 Et parce que pour eux, nous étions une proie facile. Pour eux, nous étions comme des bêtes.
01:50 Je m'appelle Jamila, j'ai 10 ans et je suis devenue une esclave du 21e siècle.
01:57 Des enfants objets et victimes de mafia, de maltraitance, de prostitution infantile.
02:03 Des enfants qu'on envoie au travail forcé, qu'on va mutiler.
02:06 Des jeunes filles qui avaient été arrachées à leur famille, qui étaient emmenées dans les marchés aux bestiaux
02:10 et vendues comme récompense aux combattants de l'État islamique.
02:15 Enfermés dans ces enclos abjects, ils nous ont vendus, ma mère, mon frère et moi, pour plusieurs milliers de dinars.
02:23 Une centaine d'euros.
02:25 On nous a amenés chez un homme qui faisait de nous ce qu'il voulait.
02:29 Faire toutes les tâches de la maison.
02:31 Être battus, violés.
02:34 Prêter aussi à ses amis pour subir parfois encore pire.
02:39 Mon frère est mort sous les coups.
02:41 Ma mère s'est suicidée.
02:43 Quant à moi, j'ignore encore comment j'ai pu oublier la souffrance pour survivre.
02:49 Pour pouvoir faire face à l'insurmontable, à l'insupportable,
02:53 vous avez une espèce de désensibilisation à la douleur qui se met en place,
02:58 qui n'est rien d'autre qu'un mécanisme de survie.
03:01 Elle, c'est Élise Boghossian.
03:03 Je l'ai rencontrée quelques années après ma fuite, trois ans plus tard.
03:07 Une fuite orchestrée par Amnesty International, alors que j'avais déjà tout perdu.
03:13 Plus de famille, plus de maison, plus de pays.
03:19 Quelques résidus de souvenirs,
03:21 des sentiments qui relèvent d'une douleur chevillée au corps.
03:25 Un traumatisme sans fin qui vous colle à l'âme.
03:29 Je m'appelle Jamila, j'ai désormais 14 ans
03:33 et je suis victime d'un impitoyable crime de guerre.
03:38 Et lorsque vous récupérez après le bruit des armes ces enfants,
03:44 ce sont des espèces de morts vivants en fait,
03:47 des enfants qui sont complètement détachés, dissociés de leur corps.
03:51 Avec l'ONG d'Élise, j'ai rencontré d'autres filles comme moi,
03:56 fantômes de leur propre existence.
03:59 J'ai vu de jeunes garçons qui s'étaient battus contre leur volonté
04:02 et bien d'autres humains devenus instruments d'une guerre ininterrompue.
04:07 Vous pouvez avoir ce qu'on appelle des enfants soldats,
04:10 ce sont des enfants qui sont recrutés, enrôlés et manipulés,
04:15 parfois drogués aussi pour devenir ce qu'on appelle des machines à tuer,
04:19 de la chair à canon, des espions, des vigiles, des choses comme ça.
04:23 On nous a parlé doucement, on nous a soigné,
04:28 on nous a réappris que nous n'étions pas qu'un corps meurtri.
04:31 On nous a répété que nous n'étions la propriété de personne.
04:36 On nous a donné l'occasion d'exorciser le mal
04:39 qui s'était engouffré en nous si violemment.
04:42 On leur a permis d'exprimer leur souffrance à travers une création.
04:46 Donc on a effectivement beaucoup de scènes avec du sang,
04:50 avec du feu, avec des incendies, des têtes coupées,
04:52 beaucoup de créations de ce type qui vous saisissent
04:54 quand c'est un enfant de 10 ans, 11 ans, 12 ans qui dessine ça.
04:57 Au départ, j'étais réticente.
04:59 Comment un crayon et un bout de papier allaient me sauver de mon passé ?
05:03 Et puis Élise et bien d'autres ont insisté,
05:07 avec une douceur que je ne connaissais plus.
05:10 Et petit à petit, là, Jamy, la recluse, tout au fond d'elle,
05:13 s'est rappelée le monde avant l'horreur.
05:16 L'enfant, on l'aide à amorcer,
05:22 à une transformation positive de ses traumatismes.
05:26 Et on l'amène, on l'accompagne via des projections positives,
05:30 notamment l'arbre de vie, par exemple.
05:33 Finalement, je me suis laissée faire.
05:35 J'ai observé, j'ai écouté,
05:38 et j'ai esquissé quelques traits, timidement d'abord.
05:41 Et puis mon cœur s'est senti un peu plus léger,
05:44 à mesure que je dessinais.
05:47 De temps en temps, des vagues de chaleur venaient me réconforter
05:51 quand je faisais danser des couleurs qui pourtant n'étaient plus ma réalité.
05:57 Ça met du temps, mais quand la couleur commence à entrer
06:02 dans les créations, il n'y a plus le rouge du sang,
06:05 le noir du feu et de la mort.
06:07 Quand le jaune, le vert, ta couleur arrive,
06:09 il y a quelque chose qui passe à l'intérieur de l'enfant.
06:12 Aujourd'hui, j'ai terminé un tableau.
06:14 C'est une ville aux couleurs acidulées,
06:17 pleine d'oiseaux et d'enfants qui jouent.
06:20 Désormais, mes pinceaux et ma peinture sont la lumière jaune
06:24 qui vient maquiller les murs de ma ville.
06:27 Le soleil trouble se remet à briller grâce à ma résilience.
06:32 Je m'appelle Jamila, j'ai 18 ans et je suis sauvée.
06:38 Si vous souhaitez en savoir plus sur ce thème,
06:45 rendez-vous sur eliscaire.org
06:48 E-L-I-S-E-C-A-R-E.org
06:52 Et si vous voulez revoir l'émission Envie d'agir,
06:55 retrouvez-nous sur le replay de C8 et MyKanal.
06:58 C'était Jalai Bradea, vous donne envie d'agir, l'histoire continue.
07:02 Un podcast écrit par Audrey Dana pour C8.
07:05 Et si vous aussi vous avez envie d'agir,
07:07 abonnez-vous et retrouvez-nous sur MyKanal et les plateformes partenaires.
07:11 ♪ ♪ ♪

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