Aujourd'hui, Maya Lauqué reçoit Jean-Michel Bertrand, documentariste, photographe, cinéaste animalier et réalisateur. Son dernier film s'intitule « « Vivre avec les loups » est en salle depuis le 24 janvier 2024.
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00:00 8h14 place à l'invité d'actualité Maya vous recevez ce matin Jean-Michel Bertrand
00:04 documentariste, photographe, cinéaste, animalier et réalisateur et son dernier
00:09 film s'intitule "Vivre avec les loups" il est sorti en salle mercredi.
00:12 Il est formidable bonjour Jean-Michel Bertrand.
00:14 Bonjour.
00:15 Merci d'être avec nous ce matin.
00:16 Ce troisième film que vous consacrez aux loups en disant c'est un bijou de finesse, de poésie, de nuance,
00:22 des images qui sont à couper le souffle, on est guidé par votre voix et vous vous êtes toujours autant
00:27 fasciné par le loup, depuis quand l'aimez-vous ou le suivez-vous ?
00:32 Depuis qu'il est venu frapper à la porte, il est venu retourner, il est revenu dans le Champs-Eaux, dans les Hautes-Alpes.
00:39 Années 90 ?
00:40 Ouais dans les années 90, dans les Hautes-Alpes un peu plus tard mais alors vraiment c'est devenu une passion,
00:46 une drogue dure comme j'aime dire et au plus j'y vais, au plus je m'intéresse, au plus...
00:53 Vous découvrez des choses ?
00:54 Je découvre, au plus je me questionne, c'est fabuleux.
00:56 Vos deux précédents films sont montrés dans les écoles, aux élèves, vous aimez débattre avec des réactions qui sont parfois brutales.
01:03 Votre film s'ouvre justement par ces scènes et le contraste est saisissant avec le calme, la nuance, le dialogue
01:11 que prône le documentaire tout au long de son cheminement et pour une fois vous n'êtes pas seul,
01:16 vous donnez la parole à des éleveurs, à des bergers, même à des chasseurs, est-ce que c'est votre film le plus politique ?
01:22 Oui c'est clairement un film politique mais justement dans le sens ouverture, c'est-à-dire qu'au lieu d'aller répondre à la violence par la violence,
01:30 à la haine par la haine et puis aujourd'hui vous voyez bien les réseaux sociaux, tout ça entretienne ces postures.
01:36 Moi je me suis dit on va tendre la main, on va se questionner et en fait ça décoince plein de choses, c'est vraiment fabuleux.
01:43 Ce film sort dans un contexte politique sensible parce qu'il est question de faire évoluer en ce moment le statut du loup
01:49 au niveau européen en considérant qu'il est moins menacé et qu'il est dangereux pour le bétail, potentiellement pour l'homme,
01:58 or on découvre dans votre film que le comportement du loup n'a rien à voir, encore une fois, avec les images qu'il peut véhiculer.
02:03 On va donner quelques exemples, on dit souvent que le loup pullule, qu'il y a une surpopulation,
02:08 or vous pointez le phénomène de dispersion par exemple qui fait qu'il n'y a pas de surpopulation des loups, expliquez-nous.
02:14 Les prédateurs forcément s'autorégulent, ils sont plutôt régulés par la disponibilité des proies potentielles
02:22 parce qu'il y avait trop de loups, ils mangeraient tout et s'ils mangeaient tout, il n'y aurait plus de loups.
02:26 Donc on a des phénomènes de dispersion, on a des phénomènes aussi même au niveau de la reproduction.
02:30 - C'est ça, il y a des années, il n'y a pas de loups de temps.
02:32 - Voilà, et ça c'est assez intéressant à observer, il faut le dire et le redire, même les grands phobes,
02:38 vous allez en Afrique, en Asie, ailleurs, les tigres, les lions n'ont jamais fait disparaître la ressource.
02:45 - Vous dites même que le loup favorise la régénération naturelle de la forêt, ça veut dire quoi ça ?
02:51 - Tout simplement parce qu'ils font bouger, alors non seulement ils prélèvent évidemment des cerfs, des chevreuils, ils en mangent,
02:56 mais en plus ils les font bouger en permanence, donc il y a beaucoup moins d'abroutissements comme on dit,
03:01 c'est-à-dire que ces ongulés mangent moins de jeunes pousses et favorisent par là même la régénération de la forêt.
03:10 Et finalement tout fait partie de ce grand cycle et de cette chaîne trophique du plus petit, du sol, de la seigle, de l'oiseau.
03:19 Pour en arriver au loup, chacun a son rôle dans la nature, je crois qu'il est bon de le rappeler.
03:23 - Et le chasseur que vous interrogez rappelle aussi que les chamois qu'il chasse ne sont pas plus à lui qu'aux loups
03:29 et qu'il faut apprendre à vivre avec et c'est une parole mesurée qu'on n'entend pas souvent.
03:33 Vous n'êtes pas forcément tendre avec les organisations syndicales agricoles dont vous jugez les paroles excessives sur le loup
03:39 et c'est vrai qu'elles tranchent avec les paroles des éleveurs, des bergers que vous avez rencontrés.
03:44 Ils disent "le loup ça fait partie de notre job, parfois il attaque mais on sait qu'il faut vivre à côté et que c'est aussi à nous de nous adapter".
03:51 Est-ce que c'est un discours qui est représentatif de l'ensemble des éleveurs ou vous les avez sélectionnés ?
03:55 - Non, non, j'ai sélectionné, voilà c'est un film, c'est subjectif mais ce qui m'a vraiment intéressé c'est de donner la parole à des gens invisibles
04:04 et des gens surtout qui ne représentent qu'eux-mêmes et qui ne représentent pas une idéologie.
04:09 Donc on est dans la complexité, dans le questionnement et jamais dans l'affirmation "regardez on va vous donner des leçons, on va vous expliquer comment il faut faire".
04:17 - Si on pense ressortir de ce film en se disant qu'on est pour ou contre le loup, c'est raté parce que c'est pas manichéen.
04:22 - Voilà, on apprend, on apprend beaucoup de choses. Le loup est là pour nous interpeller, dit l'un de vos témoins.
04:28 Vous le dites d'ailleurs, quand on parle du loup, on ne parle pas du loup et c'est un peu ce que nous rappelle Francis, on va écouter un extrait.
04:35 - On vit décalé, on ne vit plus en harmonie avec la planète. On veut de l'environnement mais on veut notre confort, on veut notre téléphone, on veut notre bagnole, on veut notre boulot.
04:48 On est déconnecté de toutes ces réalités-là auxquelles est confronté l'éleveur et en même temps on va aller le secouer parce que pour produire de la malbouffe et à pas cher,
05:02 on l'aura obligé à polluer, à traiter, à faire une bouffe de merde. On va le secouer parce que ce sera lui le responsable de la pollution alors que c'est nous qui consommons des produits pas chers.
05:19 - Et là vous me voyez venir, on est là pour parler du loup mais ces paroles, elles entrent en résonance avec ce qui se passe ces jours-ci sur les routes de France et cette colère des agriculteurs.
05:28 Vous portez quel regard sur ce qui se passe ?
05:30 - Là-dessus je pense qu'il y a des trucs qui sont complètement délirants et c'est pas pour rien que 9 Français sur 10 soutiennent ces mouvements par rapport justement à des contresenses d'obligation,
05:41 de résultats ou de normes avec une concurrence internationale qui ne respecte pas ces normes. N'empêche qu'il y a quand même des choses à réfléchir et je pense qu'il y a beaucoup de paysans
05:52 qui ont conscience évidemment qu'ils dépendent de la nature bien évidemment et qu'ils sont les premières victimes du réchauffement climatique et du coup là encore tendons la main, réfléchissons.
06:06 Après quand je pense, et je le dis tranquillement, quand je vois la FNSEA et par qui la FNSEA est dirigée, je ne peux pas m'empêcher de me questionner.
06:16 Je veux dire on est là dans le business agroalimentaire et je crois que c'est en partie le business agroalimentaire qui est en train de détruire une forme de paysannerie.
06:26 Donc discutons, on n'est pas forcément d'accord mais allons-y et ouvrons surtout nos esprits.
06:32 - Et effectivement c'est ce que l'on découvre dans votre documentaire. Vous avez travaillé sur les aigles, vous avez travaillé sur les loups pendant 10 ans,
06:39 vous avez un nouvel animal en ligne de mire, vous avez envie de faire quoi maintenant ?
06:44 - Là au niveau des loups je pense que j'ai vraiment bouclé la boucle. Cette trilogie je la revendique et je me sens bien au travers de ça.
06:51 Et ce film est aujourd'hui pour moi comme une évidence alors qu'il n'était pas prévu du tout au départ.
06:57 Et là avec mon producteur Jean-Pierre Bailly, j'ai une grande page blanche et on se demande ce qu'on va faire mais toujours avec cette vraie envie de porter à la réflexion.
07:08 - Et retourner dans votre cabane ?
07:10 - Les Hautes-Alpes, le Champs-Eaurs, ma cabane, j'y hâte. Je peux vous dire qu'avec la promo là j'y pense souvent ma cabane.
07:16 - A repartir, faire du génépi avec modération évidemment.
07:18 - Avec modération bien sûr.
07:20 - Merci beaucoup Jean-Michel Bertrand.
07:22 - Merci de m'avoir invité.
07:24 - Et le film est en salles depuis mercredi.
07:26 - Et même s'il fait beau, allez quand même au cinéma, ne faites pas que du sport.
07:28 - Evidemment. Merci beaucoup.
07:30 - Merci à vous. - Merci à vous.