Des agriculteurs sont mobilisés depuis plusieurs jours, notamment en Occitanie, pour interpeller l'État. Leurs revendications sont multiples: charges sur leurs exploitations, normes environnementales, sentiment d'abandon... Ils demandent surtout des moyens pour sortir de la précarité et sauver l'agriculture. Les représentants de la FNSEA et des Jeunes Agriclteurs sont reçus ce lundi soir à Matignon. Une rencontre dont ils attendent beaucoup.
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00:00 Il est 8h12, retour sur le plateau de première édition, le 7 minutes pour comprendre si nos agriculteurs peuvent bloquer la France.
00:07 [Générique]
00:12 Et avec nous, Arnaud Gaillot, président des Jeunes agriculteurs. Bonjour.
00:16 Mathieu Croissando, éditorialiste politique de BFM TV. Gaëtan Mélun, chef du service ECO de BFM TV.
00:20 Bonjour.
00:21 Et Jérôme Bail en duplex avec nous, éleveur de bovins, l'une des figures de la mobilisation grandissante.
00:25 Mais tout de suite, on retrouve Jean-Wilfrid Forquest dans le Gers, à l'île Jourdain, parce que le mouvement s'étend, Jean-Wilfrid.
00:32 Oui, extension du mouvement depuis quelques jours. C'est la troisième nuit que la dizaine d'agriculteurs ici a passé sur place.
00:43 Ils sont très organisés ici aussi, avec un groupe électrogène qui fournit de l'électricité et de la lumière.
00:48 Ils ont reçu la visite du préfet ce week-end.
00:51 Le samedi, c'était, me disent-ils, une visite de courtoisie qui a duré finalement une heure, mais que des belles paroles, ce qu'ils déplorent.
00:58 Ils espèrent beaucoup, évidemment, ce soir, de la rencontre à Matignon avec Gabriel Attal, qui recevra une délégation composée de militants des J.A. ou de l'AFDSEA.
01:10 Ce qu'ils espèrent, c'est que tout cela aboutisse, qu'il y aura de l'argent à la sortie, parce que pour eux, la vie au quotidien est très, très difficile.
01:18 Et ce qu'ils n'espèrent pas, c'est que cette agriculture meurt et termine symboliquement dans ce cercueil qui se trouve juste derrière moi.
01:27 – Alors, ce qui est tout à fait remarquable, c'est que c'est une mobilisation qui s'étend.
01:30 Elle se déroule vraiment dans le calme, avec aussi le soutien des Français.
01:34 Je vais me tourner vers vous, Jérôme Bail.
01:36 Vous êtes effectivement l'une des figures de cette mobilisation depuis plusieurs jours maintenant,
01:41 sur ce barrage, ce mur de paille qui avait été installé sur l'autoroute A64.
01:47 Il y a eu un feu ce matin, et vous savez pourquoi ?
01:49 – Non, non, non. Sûrement pour nous intimider, peut-être.
01:58 Mais en tout cas, je veux bien préciser à tout le monde que ce n'est pas du tout les agriculteurs qui ont mis le feu.
02:05 Moi, je le dis et je le répète depuis le début, j'appelle vraiment au calme et surtout à aucune dégradation,
02:14 parce que nous, on veut juste entendre notre voix.
02:18 On ne veut pas que ça coûte de l'argent aux citoyens français.
02:23 – Jérôme Bail, donc il y a eu une réunion importante autour du Premier ministre ce soir.
02:27 Les représentants de la FNSEA et des jeunes agriculteurs y seront.
02:30 Vous n'avez pas été invité, vous ?
02:32 – Non, non, mais moi, vous savez, je suis juste, on va dire, une grande gueule,
02:40 qui a pris la parole au pinceau du Capitole, et j'ai dit tout haut ce que tous les agriculteurs français avaient envie d'entendre.
02:48 Maintenant, je me suis entretenu longuement hier soir avec Arnaud Rousseau, président de la FNSEA,
02:54 et je lui ai expliqué qu'il fallait qu'on travaille tous les mois dans la main,
03:00 autant avec les autres syndicats agricoles, et qu'aussi avec les agriculteurs de la base, comme moi sûrement,
03:07 pour que l'agriculture française en ressorte grandie,
03:11 et surtout que l'agriculture française reprenne une place importante dans l'agriculture mondiale.
03:19 Et si on a une agriculture française vraiment florissante et respectée mondialement,
03:26 l'industrie française repartira de plus belle, je pense.
03:31 – Alors, Arnaud Gaillot, vous y serez, vous, à Matignon tout à l'heure.
03:33 Qu'est-ce que vous allez demander au Premier ministre ?
03:35 – Ce qu'on va lui demander, la première des choses, c'est pour une fois d'essayer de nous écouter,
03:39 parce que ça fait des années qu'on les avertit, ça fait des années et des mois qu'on leur dit
03:43 que ce qui est en train de se passer en Occitanie allait arriver,
03:46 faute d'avoir des réponses, des vrais actes, et malheureusement, on se rend compte qu'on y est aujourd'hui.
03:52 – Mais c'est quoi les vrais actes ?
03:53 – Les vrais actes, c'est à un moment donné faire respecter la loi des États généraux de l'alimentation,
03:57 parce qu'à un moment donné on a fait une grande loi, on s'est tous impliqués dedans,
04:00 mes collègues dans les territoires, on a travaillé pour finalement reconstruire un prix en marche avant
04:05 et forcer de constater que 4-5 ans après, on n'y est toujours pas au rendez-vous.
04:09 Et donc, à un moment donné, ça commence à bien faire.
04:12 Et le sentiment aussi que les agriculteurs ont sur le terrain,
04:14 c'est d'être finalement l'impression du vilain petit canard,
04:17 que finalement toutes les causes de ce pays seraient de leur faute,
04:20 la pollution, la destruction de l'environnement, le mal-être des animaux,
04:25 et donc, il y a un moment donné, ce ras-le-bol général fait que chaque petite goutte d'eau qui vient se rajouter,
04:29 fait que vous avez le cocktail qui est en train de se passer en ce moment.
04:32 Voilà, mais il y a beaucoup de dossiers.
04:33 Est-ce qu'il y a un moyen d'agir vite pour éviter, Gaëtan Mélin, que cette colère prenne de l'ampleur ?
04:38 Parce qu'encore une fois, les agriculteurs aujourd'hui font preuve d'une très grande responsabilité,
04:42 et on l'a encore entendu par la voix de Jérôme Bale.
04:45 L'idée, c'est pas d'emmerder les Français, mais d'obtenir satisfaction par la discussion.
04:49 Oui, et encore le respect de la loi Egalim, cette fameuse loi qui...
04:53 Elle n'est pas respectée ?
04:54 Eh bien non, elle ne l'est plus. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, en fait, on a des contradictions.
04:59 On a d'un côté les Français qui veulent des prix les plus bas, et des agriculteurs qui veulent vivre de leur travail.
05:05 Et aujourd'hui, 50% de ce que les Français ont dans leurs assiettes, ce sont des importations.
05:11 Pourquoi des importations ? Parce qu'elles sont moins chères que les produits français.
05:15 Mais aujourd'hui, force est de constater que toutes ces contraintes environnementales,
05:20 toutes ces démarches administratives très lourdes, ces matières premières qui augmentent,
05:28 font que les revenus des agriculteurs ne sont pas en progression, et leurs coûts sont beaucoup plus élevés.
05:35 Pourtant, on paye plus cher, nous, consommateurs. C'est ça qu'il faut. On paye plus cher, mais vous gagnez moins.
05:39 Demandez à M. Leclerc s'il gagne moins, lui. Moi, je pense que non.
05:44 Et vous voyez ces discours qu'il a en permanence. Moi, j'ai toujours dit que M. Leclerc travaille mieux que moi,
05:48 parce qu'il excite plus les gars que moi sur le terrain. Mais à un moment donné, il faut qu'il comprenne aussi
05:52 qu'il faut aussi qu'il joue la carte du Français. Ce n'est pas « je suis français que quand ça m'arrange ».
05:55 Et donc, ces entreprises, si elles existent en France, c'est aussi parce qu'il y a des agriculteurs qui permettent de vendre des produits.
06:00 Vous le disiez à juste titre. Alors actuel, 50% de ce que l'on consomme en France est importé, et je vous garantis,
06:05 avec des règles qui sont très loin d'être les nôtres, avec des qualités et des standards de production qui sont très loin.
06:10 Et il y a bien des pays où le bien-être animal, je vous garantis que c'est loin de leurs préoccupations.
06:14 – Jérôme Beyel, en nous écoutant, vous vouliez intervenir.
06:17 – Je voulais en venir là-dessus. À nous, on nous demande de produire moins. Je vais vous prendre un exemple.
06:26 Nous, passé 150 du GB, on est classé élevage industriel. Mais je ne suis pas sûr que 150 du GB,
06:33 à haut du pic du Cagir, et je vais dire 150 de vaches gasconnes, la race locale de chez nous,
06:39 à haut du pic du Cagir, il n'y a rien de plus naturel. Au contraire, ça nettoie nos montagnes et ça entretient nos montagnes.
06:45 Quand en France, aujourd'hui, on importe des produits bio qui utilisent des pesticides et des matières actives
06:52 qui sont interdites dans notre pays et qui sont considérées comme bio, là on peut parler de concurrence déloyale
06:58 et qu'on n'est pas sur les mêmes règles. Moi, quand un animal naît sur ma ferme, la première chose que j'ai à faire,
07:05 c'est y mettre une boucle avec un prélèvement auriculaire pour faire des analyses, pour savoir s'il est viable ou pas.
07:14 Dites-vous que dans les autres pays mondiaux, on va dire l'Argentine, le Brésil, les Amériques et le Canada,
07:22 la première chose qu'on fait à un animal caïné, c'est y faire une piqûre d'hormones. Et on importe cette viande-là,
07:29 on importe cette matière première-là, au bout d'un moment, il y a deux poids, deux mesures.
07:34 On est en train de sacrifier l'agriculture française en nous traitant de pollueurs, en nous traitant d'assassins
07:41 et alors que l'agriculture française, ne l'oubliez pas, reste quand même l'agriculture la plus saine au monde.
07:47 — Et ça, personne n'en parle. — Jérôme Askil est très indiscret de vous demander combien vous gagnez.
07:54 — Je le dis, je l'ai annoncé, je m'en cache pas. J'ai une exploitation de 150 hectares en SAU.
08:02 J'ai 90 vaches allaitantes de race limousine en sélection, bien sûr. Je fais un chiffre d'affaires prime pas complice qui sont
08:12 de 45 000 €. Je fais un chiffre d'affaires total de 220 000 €. Et je finis mon année à -7 000 €, sans me dégager
08:21 de salaire. Le seul salaire que je me dégage, c'est le gasoil pour ma voiture personnelle, c'est mon forfait téléphonique
08:29 et mon abonnement télé. Et voilà, je me dégage pas de salaire depuis 2 ans maintenant.
08:34 — Bon, c'est pas tenable, autrement dit. Mathieu Croissando, est-ce que le gouvernement a les moyens de répondre
08:38 immédiatement à cette colère ? Jérôme Bel a répété ce matin que s'il n'y avait pas de réponse, les tracteurs se mettraient
08:44 en route vers Paris. — C'est très compliqué. C'est que les demandes sont multiples. Il y a cette question de pouvoir d'achat,
08:49 de survie économique tout simplement des agriculteurs dans leur exploitation. Il y a les questions des normes dont on a parlé aussi,
08:53 des normes qui sont françaises, qui sont européennes. Et puis il y a ce sentiment aussi de relégation, d'abandon de cette cause agricole,
09:02 ce qui était une des bases de notre patrimoine commun, de notre culture dans le pays. Le nombre d'exploitations a quand même
09:08 diminué de façon drastique depuis 30 ans. Donc il n'y a pas une mesure. C'est pas une manifestation avec une mesure,
09:14 l'abrogation de telle ou telle réforme. C'est une multitude de mesures. Et ça, c'est très dur pour un gouvernement.
09:19 — Vraiment, Damo, vous pensez que... Enfin ça peut bien se passer au point que le mouvement soit entre guillemets suspendu ?
09:26 — Qu'est-ce qu'il faudrait ? Damo, des mesures d'urgence, une prise de parole consciente et un acte rapide. Mais je pense que vous
09:38 reflètez très bien la situation. Elle est multiple et complexe. Et finalement, d'avoir voulu faire pourrir la situation,
09:44 on en est là aujourd'hui. Et chacun devra prendre ses responsabilités.