Video Game Masters: rencontre avec Cédric Peyravernay

  • il y a 8 mois
Dishonored, Dune: Awakening, Diablo 4, Love, Death and Robots… Avec Cédric Peyravernay, le character designer de renom qui œuvre autant pour le jeu vidéo que le cinéma d’animation.

Cédric Peyravernay vous propose de découvrir son approche du character design en revenant sur sa contribution à la série d'animation télévisée Love, Death and Robots (2019). Direction artistique, storytelling, peinture traditionnelle et digitale ou encore collaboration avec les réalisateurs David Fincher et Tim Miller, l’artiste révèle les coulisses de création de ses personnages et offre un regard réflexif sur les liens existants entre cinéma et jeu vidéo.

Cédric Peyravernay est senior concept artist pour l’industrie du cinéma et du jeu vidéo à l’international. Formé aux techniques de dessin traditionnel à l’école d’art Émile Cohl, il prête ses compétences de peintre et sculpteur aux studios de jeux vidéo français dès le milieu des années 2000 (Cryo Interactive, Ubi-Soft). Peyravernay lance officiellement sa carrière de character designer freelance à l’occasion de sa collaboration avec le studio lyonnais Arkane, œuvrant sur la saga déjà culte Dishonored. Les personnages de l’artiste sont criants d’authenticité grâce à un travail unique de la matière picturale. Son approche du dessin témoigne par ailleurs de son amour pour les grands maîtres de la peinture classique européenne (Vermeer, Le Greco, Rembrandt), autant que de son goût pour la culture américaine. Le talent de Cédric Peyravernay s’est récemment illustré sur les licences de jeux Dune: Awakening (Funcom), Diablo 4 (Blizzard Entertainment), ainsi que sur la série d’animation Love, Death and Robots (David Fincher et Tim Miller).

POPUP! Séance Video Game Masters.
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Transcript
00:00:00 Merci beaucoup de vous être déplacés pour cette masterclass.
00:00:11 Je crois savoir qu'il y a des fans à la fois du travail de Cédric
00:00:15 et puis je crois aussi qu'il y a des enfants de la famille Arkane
00:00:18 qui se baladent par chez vous.
00:00:20 Je sais qu'il y a aussi des membres du studio Arkane qui sont là.
00:00:22 Bref, ils se sont dissimulés dans la foule.
00:00:25 Je ne dirais absolument pas qu'ils se trouvent au premier rang.
00:00:28 Donc merci encore d'être là ce soir et sans torder,
00:00:31 je vais faire venir notre invité d'honneur pour la soirée,
00:00:34 donc Cédric Péraverné.
00:00:35 (Applaudissements)
00:00:37 (...)
00:00:44 -Bonsoir tout le monde.
00:00:48 -Oui, on vous souhaite la bonne année aussi,
00:00:50 parce que c'est déjà l'année dernière qu'on s'était vus.
00:00:54 Cédric, merci beaucoup d'être là avec nous ce soir.
00:00:57 On est très, très content de te recevoir au Forum des images
00:01:01 pour cette deuxième séance déjà des Vidéo Game Masters.
00:01:05 On va prendre le temps de te poser beaucoup de questions
00:01:09 sur ton parcours, ta carrière, qu'on puisse en savoir un petit peu plus,
00:01:11 parce que ça fait déjà un petit moment que tu travailles
00:01:14 pour l'industrie du jeu vidéo, mais pas que.
00:01:17 Et puis ensuite, on switchera, comme pour la dernière séance,
00:01:19 sur la partie carte blanche, où là, tu vas prendre le temps
00:01:23 de revenir sur une oeuvre en particulier
00:01:26 pour laquelle tu as collaboré, notamment avec Netflix.
00:01:29 Mais ça, on y reviendra tout à l'heure.
00:01:31 Alors, je vais commencer par le commencement
00:01:34 et te demander un petit peu d'où vient ton appétence,
00:01:37 on va dire, pour les arts graphiques.
00:01:38 À quel moment ça a commencé pour toi ?
00:01:41 Et est-ce que très tôt, tu as envisagé une carrière
00:01:44 d'artiste beaux-arts ?
00:01:46 -C'était... Ca remonte à longtemps.
00:01:50 J'ai eu, je crois, de mémoire d'avoir toujours dessiné,
00:01:52 comme ça, avoir une pochette sous la main
00:01:56 pour faire mes personnages.
00:01:58 Je dessinais plus que je ne faisais mes devoirs,
00:02:00 mais c'était vraiment un truc pour moi qui était important.
00:02:05 Et je l'ai toujours eu, en fait, cette appétence.
00:02:07 Ca m'a toujours accompagné.
00:02:09 Et puis, c'est quelque chose que j'ai réussi à concrétiser
00:02:13 par la suite, donc j'ai pas souvenir
00:02:14 de ne pas avoir dessiné, en fait.
00:02:16 -OK. Est-ce que peut-être, dans ta famille,
00:02:19 il y avait des gens qui dessinaient
00:02:20 ou qui étaient proches du milieu artistique ou pas ?
00:02:22 -J'ai mon frère qui était musicien,
00:02:25 qui faisait la guitare classique, du Lagoya,
00:02:28 des choses très poussées.
00:02:30 J'ai fait un peu de musique aussi avec lui.
00:02:33 Très rapidement, c'était le dessin qui remonte.
00:02:35 -Vraiment le dessin. -C'est pour moi le plus important.
00:02:37 -OK. Est-ce que...
00:02:39 Alors, le dessin, ça comprend des formes d'art
00:02:41 assez nombreuses.
00:02:43 Est-ce que peut-être tu avais déjà un goût prononcé
00:02:46 pour la bande dessinée ou la peinture, peut-être déjà ?
00:02:49 -C'était... Oui, non.
00:02:51 C'était un peu tout, en fait. Ça partait dans tous les sens.
00:02:53 Je récupérais des bouquins d'art qui traînaient chez moi,
00:02:56 un peu de partout. J'essayais de comprendre.
00:02:58 C'était vraiment une curiosité.
00:03:00 Petit à petit, les choses se sont affinées.
00:03:02 J'allais voir les "Metroisie", "Como et Bus", tout ça.
00:03:05 Je découvrais les bouquins.
00:03:07 Mon frère, qui lisait du Miller, avec "Sin City",
00:03:12 les comics américains, qui, à l'époque,
00:03:14 c'était un peu difficile de se les procurer.
00:03:17 Donc c'était vraiment pour moi des trucs incroyables comme ça.
00:03:20 Donc j'étais un peu le pied dans les deux, en fait.
00:03:23 Il y avait des choses très classiques.
00:03:25 Et puis, il peut y avoir le comics américain, comme ça,
00:03:28 qui venait un peu m'inspirer.
00:03:30 -OK. Alors, justement, le fait que tu sois déjà
00:03:33 très tôt initié au dessin,
00:03:36 tu vas commencer une formation à l'école d'art Émile-Caul.
00:03:40 Je crois savoir que tu enseignes aussi aujourd'hui dans cette école.
00:03:42 La boucle est bouclée.
00:03:44 -Oui, un peu moins ces derniers temps,
00:03:47 puisque j'ai pas mal de choses à boucler, justement.
00:03:50 Mais j'ai quelqu'un qui m'assiste très bien.
00:03:53 -OK. Alors, justement, est-ce que tu pourrais nous parler
00:03:55 un petit peu de la formation, toi, que tu as reçue, artistique ?
00:04:00 Quelles compétences, connaissances est-ce que tu as développées ?
00:04:03 Puisque quand tu as commencé ta carrière,
00:04:05 quand tu as commencé ta formation, ça fait un petit moment déjà.
00:04:08 Est-ce qu'on parlait déjà, à l'époque,
00:04:10 du métier de concept artiste ?
00:04:12 -Pas tant que ça.
00:04:14 De mémoire, on était vraiment dans une espèce de bulle comme ça,
00:04:19 où on travaillait.
00:04:21 On n'était pas autant ouverts comme ça à tout ce qui se faisait autour.
00:04:24 On était un peu isolés à créer des choses de notre côté.
00:04:28 Le métier de concept artiste était encore assez abstrait.
00:04:31 C'est quelque chose qui existait depuis un bout de temps,
00:04:33 mais qui s'était pas autant démocratisé comme maintenant,
00:04:36 avec les hardbooks, tout ça, qui sortent un peu dans tous les sens.
00:04:39 Mais à l'époque, on était juste...
00:04:42 C'était vraiment un enseignement classique
00:04:45 qui m'a permis comme ça d'apprendre les bases.
00:04:47 Et c'est ça que j'avais le plus besoin.
00:04:49 Un moment d'isolement.
00:04:51 Ce que je dis aux élèves, c'est qu'on était vraiment isolés
00:04:53 pour travailler, d'abord.
00:04:55 Et ensuite, les choses se sont faites avec l'ouverture,
00:04:57 Internet, tout ça.
00:04:59 -Quand tu dis que tu venais aux fondations du métier,
00:05:01 c'était vraiment une formation peinture traditionnelle,
00:05:05 dessin anatomique, ce genre de choses ?
00:05:07 -C'est comme en musique, le solfège.
00:05:10 C'est vraiment les bases.
00:05:11 C'est des trucs qui m'ont permis comme ça
00:05:13 d'avoir un spectre créatif sur pas mal de choses.
00:05:17 Je m'en prends en compte avec le recul.
00:05:19 Je ne suis pas allé direct dans le numérique, en fait.
00:05:21 Et ça m'a servi, par la suite, ça m'a beaucoup servi
00:05:24 du classique, du dessin, de l'anatomie, de la perspective.
00:05:27 Même si maintenant, bien sûr, on ouvre un logiciel 3D,
00:05:29 on fait de la perse en 30 secondes.
00:05:32 Ça permet de comprendre les choses et de les appréhender aussi.
00:05:35 Les faire à la main, c'est assez important quand même.
00:05:38 Continuité du cerveau, tout ça.
00:05:40 -Justement, suite à cette formation,
00:05:43 on va dire académique, Beaux-Arts, que tu as pu recevoir,
00:05:46 tu vas commencer naturellement ta carrière
00:05:48 en tant que peintre et sculpteur traditionnel
00:05:52 depuis ton atelier à Lyon.
00:05:53 Tu as un atelier d'artiste là-bas.
00:05:55 Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus
00:05:57 sur justement tes débuts,
00:05:59 le type de tableau, de peinture que tu pouvais produire à l'époque ?
00:06:03 Est-ce qu'il y avait déjà tous les marqueurs de ton univers,
00:06:06 à la fois en termes de style et d'iconographie ?
00:06:09 -J'ai eu fait l'artiste pas très longtemps, en fait.
00:06:13 Parce que rapidement, après, j'ai été contacté par les studios
00:06:15 pour travailler.
00:06:18 Donc j'ai été rattrapé par le réel aussi,
00:06:20 parce qu'il faut vivre aussi, c'est important.
00:06:23 Et ça, c'est quelque chose qui m'a permis
00:06:26 de tout de suite démarrer cette carrière.
00:06:29 Mais c'était... Excuse-moi la question.
00:06:32 -C'est le type de peinture que tu pouvais produire ?
00:06:35 -Le type de peinture...
00:06:36 En fait, j'ai jamais décroché des portraits, des visages.
00:06:40 C'était vraiment un truc récurrent dans tout ce que j'ai fait.
00:06:43 C'était de faire des portraits, des gros plans,
00:06:45 des vues de face, des vues de profil.
00:06:47 Une sorte d'obsession, comme ça.
00:06:49 C'est un truc qui me...
00:06:51 Il faut peut-être faire une espèce d'analyse, peut-être.
00:06:54 Mais c'était un truc qui était plutôt rassurant pour moi.
00:06:56 J'avais envie d'être m'entourer de personnages.
00:06:58 C'était un truc qui, dès le départ, m'a suivi, ça.
00:07:01 Et je pense que je répète maintenant, finalement.
00:07:03 C'est pas un truc nouveau.
00:07:05 -Est-ce que c'était des gens que tu connaissais, que tu peignais ?
00:07:08 Ou ça sortait de ton imagination ?
00:07:09 -Une tête comme ça, j'en ai pas trop encore posé.
00:07:12 -Et tes profs n'avaient pas cette tête-là à Mill Call, à l'époque ?
00:07:14 -Non, y en avait pas trop.
00:07:16 Certains m'ont inspiré ça, mais pas physiquement.
00:07:20 Et c'était vraiment...
00:07:22 Ouais, c'est des trucs qui sortaient comme ça.
00:07:23 C'était des envies de les poser, puis de les avoir à côté de moi.
00:07:26 C'était un côté un peu bizarre, mais je sais pas.
00:07:29 -On a même vraiment une photo de ton atelier,
00:07:31 mais tu as aussi affronté les araignées
00:07:34 qui se cachent dans ta cave pour essayer de retrouver
00:07:36 cette palette que tu utilisais de peinture quand t'étais plus jeune.
00:07:39 -Ça m'a suivi toute la scolarité, et même après.
00:07:43 C'est-à-dire que la palette, elle doit peser 2 ou 3 kg d'acrylique.
00:07:47 Et je pense que si on enlève les couches,
00:07:49 il y a tout l'historique de ce que j'ai fait.
00:07:51 Pour ceux qui connaissent l'acrylique, quand ça sèche,
00:07:54 ça devient presque du... C'est du plastique, quoi.
00:07:57 Et donc je la garde, je sais pas.
00:07:59 Je la regarde, je me dis "Tiens, il y a vachement de couches."
00:08:01 Si je coupe comme ça, il y a vraiment toutes les couleurs qui se dessinent.
00:08:03 Donc vraiment, c'est un vestige de...
00:08:05 Ça veut pas dire que j'arrêterais,
00:08:06 ça veut pas dire que c'est quelque chose que j'ai complètement arrêté,
00:08:08 mais c'est quelque chose que je reprendrai peut-être plus tard.
00:08:12 -Le numérique, pour l'instant, a pris le dessus.
00:08:14 -Ouais, ça a pris le dessus,
00:08:15 mais j'ai réussi quand même à concilier le numérique
00:08:18 et le... Je pense avoir concilié un peu les deux, comme ça.
00:08:21 -Justement, tout à l'heure, tu disais que, déjà, à cette époque-là,
00:08:24 tu peignais beaucoup de personnages sous forme de portraits.
00:08:29 Qu'est-ce qui te plaît, toi, dans la pratique du "cara design" ?
00:08:33 Quel type de personnages est-ce que tu aimes créer ?
00:08:36 Est-ce que t'as peut-être des genres en particulier qui t'attirent ?
00:08:42 -J'aime bien les personnages forts, un peu rugueux, comme ça,
00:08:46 qui ont des trucs à raconter,
00:08:48 qui me racontent déjà des choses dans le synopsis, dans l'histoire.
00:08:52 Et j'aime bien la simplicité d'un personnage,
00:08:56 mais qui arrive à faire passer quelque chose
00:08:58 avec quelques petits détails comme ça.
00:09:00 Ça peut être une morphologie, ça peut être trois fois rien.
00:09:03 -On en voit quelques-uns ici de tes créations.
00:09:05 -C'est assez vieux, ça, mais je ne suis pas forcément
00:09:10 dans la surenchère du perso qu'on peut avoir,
00:09:11 des fois, visuellement, dans certaines productions,
00:09:14 avec des bouts, des ceintures et tout.
00:09:16 Mais j'aime bien les choses simples,
00:09:17 et puis mettre en avant le caractère et le personnage.
00:09:21 Et après, ce qui me plaît, c'est ça,
00:09:23 c'est des univers un peu rugueux.
00:09:25 Il y a des personnages comme ça qu'on peut retenir facilement
00:09:28 et qui ont une vraie psychologie dans différents projets.
00:09:33 C'est ce qu'ils portent, en général.
00:09:35 -C'est marrant, parce que tout à l'heure,
00:09:36 les deux portraits que je montrais juste avant
00:09:37 étaient un peu plus anciens.
00:09:39 Ceux-là font partie de tes oeuvres un peu plus récentes,
00:09:41 notamment celle de droite.
00:09:42 Alors tu me dis si je me trompe,
00:09:43 mais il me semble que tu l'as créée au moment du Covid.
00:09:46 Tout le monde était enfermé chez soi,
00:09:47 il fallait chercher les rouleaux de PQ au supermarché.
00:09:50 L'inspiration n'était pas loin dans le quotidien.
00:09:54 -C'était un projet que je voulais faire aussi, sortir comme ça,
00:09:56 mais j'ai préféré le dessiner.
00:09:58 C'est une façon de le mettre sur le dessin.
00:10:03 Oui, c'était à ce moment-là, mais les choses plus récentes,
00:10:05 c'est un peu des choses qui me sortent un peu comme ça.
00:10:09 C'est des bouts de projets comme ça que je mets en place.
00:10:11 -Je me posais la question aussi,
00:10:14 typiquement, à l'époque, quand tu créais un personnage,
00:10:16 est-ce que tu passais parfois par l'écriture,
00:10:19 c'est-à-dire écrire des récits, des histoires,
00:10:21 et après, tu passais à l'image ou c'était directement la peinture
00:10:24 et puis tu créais le personnage au fur et à mesure de ce que tu as...
00:10:27 -C'est vraiment ces images-là ? -Oui.
00:10:28 -Non, c'est vraiment un côté un peu exutoire,
00:10:32 c'est-à-dire j'ai envie de faire un truc, je le fais,
00:10:33 je me pose pas de questions.
00:10:35 Là, j'ai envie de faire un personnage qui tient un casque,
00:10:37 qui est habillé comme ça.
00:10:39 C'est le relâchement, en fait.
00:10:41 C'est des idées qui me viennent comme ça tout de suite
00:10:43 et c'est vraiment l'envie de le faire.
00:10:45 Je sors un peu des contraintes de brief que j'ai
00:10:49 systématiquement sur les projets
00:10:50 pour aller vers ce que j'ai vraiment envie
00:10:52 et ce que j'ai vraiment en tête.
00:10:54 Donc c'est des idées qui n'ont pas forcément de sens comme ça.
00:10:57 Pour certaines, c'est des bouts de projet
00:10:58 que je commence un peu à droite, à gauche,
00:11:01 mais c'est vraiment...
00:11:03 C'est pas un journal intime, mais quelque part,
00:11:05 c'est une façon de poser mon envie de faire un truc actuellement.
00:11:09 Donc je le fais, je me pose pas trop de questions, en fait.
00:11:11 -OK.
00:11:13 On va dire que le milieu des années 2000
00:11:16 marque le début de ta collaboration
00:11:19 avec des studios de jeux vidéo français.
00:11:20 Alors, entre autres, on a Ubisoft, Cryo Interactive,
00:11:24 même Arkane, tu vas commencer très tôt
00:11:25 la collaboration avec eux.
00:11:27 Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus
00:11:29 sur comment s'est initiée la rencontre, justement,
00:11:31 avec cette industrie ?
00:11:32 Est-ce que toi-même, déjà,
00:11:34 tu es un grand consommateur de jeux vidéo ?
00:11:36 -J'ai plus le temps.
00:11:38 Je sais pas comment font les gars pour bosser
00:11:41 et passer des heures devant un jeu.
00:11:42 J'adore ça.
00:11:43 -On le fait pas, on le fait plus.
00:11:44 Généralement, ceux qui bossent dans le jeu,
00:11:45 ils ont plus le temps.
00:11:47 -Je crois aussi, non, mais j'ai des amis
00:11:48 qui arrivent à faire les deux, ça m'impressionne.
00:11:49 En fait, je prends 10 000 fois plus de plaisir
00:11:52 à les faire qu'à y jouer, en fait.
00:11:54 Ça veut pas dire que je m'y intéresse pas.
00:11:57 Je suis curieux, je sais tout ce qui sort,
00:11:59 notamment les prods auxquels je bosse,
00:12:01 je regarde un petit peu ce que ça donne,
00:12:03 mais je prends 10 000 fois plus de plaisir à les faire
00:12:05 qu'à y jouer.
00:12:06 J'ai ce sentiment, quand je passe deux heures sur un jeu,
00:12:08 d'avoir perdu un peu de temps, comme ça,
00:12:11 pendant deux heures, j'aurais pu créer un personnage.
00:12:13 Donc en fait, mon plaisir, il est plus dans le fait de le créer
00:12:16 que d'y passer du temps devant.
00:12:17 Mais encore une fois, ça veut pas dire que je m'y intéresse pas.
00:12:20 Je regarde, j'aime bien regarder les gars qui font des streams,
00:12:24 c'est nickel, ça me permet de pas y jouer
00:12:26 et de les regarder jouer, comme ça, j'ai les personnages,
00:12:29 j'ai l'univers, en plus, ça rame pas,
00:12:31 puisque lui, il a une confi qui sera meilleure que la mienne.
00:12:33 Donc, c'est nickel.
00:12:35 -Ouais, donc du coup, pour en revenir à la question
00:12:38 que je te posais tout à l'heure,
00:12:39 comment s'est initiée la rencontre avec l'industrie du jeu ?
00:12:43 Quel a été le premier jeu vidéo sur lequel tu as travaillé ?
00:12:45 -Alors ça, j'ai...
00:12:47 -J'ai pas réussi à voir les archives de l'époque.
00:12:50 Il a pas osé les sortir.
00:12:51 -Moi non plus, j'ai pas les archives.
00:12:53 -En fait, dans la boîte où j'étais au tout début,
00:12:56 qui s'appelait EMG, on faisait plein de jeux.
00:12:58 On était 4, 4-5, je crois, et on bossait comme des malades.
00:13:02 C'est là que j'ai appris énormément.
00:13:03 Et on avait démarré 3 ou 4 projets en même temps.
00:13:07 C'était vraiment des jeux pour enfants.
00:13:09 On avait développé notre propre jeu aussi.
00:13:11 Et je pourrais pas dire lequel a véritablement commencé.
00:13:15 Je crois que j'avais dû en commencer 2 ou 3 en même temps.
00:13:18 Un jeu pour enfants avec Cryo.
00:13:20 Et puis, il y avait un jeu qui était aussi une simulation
00:13:23 de la Terre sur...
00:13:24 C'était avant Google Earth, ça aussi.
00:13:26 C'était un truc qu'on avait fait qui était un peu avant-gardiste.
00:13:29 Et après, on avait démarré d'autres projets,
00:13:31 mais je peux pas dire précisément
00:13:35 lequel a été le vrai projet en premier.
00:13:38 -C'est eux qui sont venus vers toi pour te...
00:13:40 Tu as vu tes personnages qui se sont dit
00:13:41 "Tiens, on va le faire bosser sur ce..."
00:13:42 -C'est vraiment à la sortie de l'école.
00:13:44 Ça allait très vite. Je crois que j'ai pas eu de temps mort,
00:13:47 à part un petit moment où j'ai fait un peu l'artiste,
00:13:49 comme je te disais au début.
00:13:51 Mais j'ai comme ça été très vite contacté par l'équipe
00:13:54 et qui avait besoin de quelqu'un pour produire des images.
00:13:57 Et comme eux, ils étaient techniciens à la base,
00:14:00 ils ne savaient pas trop ce que c'était qu'un dessin.
00:14:02 Moi, je suis arrivé avec mon book papier acrylique,
00:14:05 avec que mes illustrations, et ils m'ont dit "C'est nickel."
00:14:08 Et j'aurais dit "Petit, il y a un petit problème, par contre,
00:14:10 je sais pas ce que c'est que Photoshop."
00:14:11 Ils l'auraient dit.
00:14:12 "Tu me parles de l'ailleurs, je sais pas ce que c'est."
00:14:14 Ils me disaient "Pas de problème, tu verras, ça va très vite."
00:14:16 Et en fait, j'ai dû apprendre tout seul pendant plusieurs mois.
00:14:20 C'est pour ça que j'étais quand même une bonne équipe,
00:14:22 ils m'ont fait confiance et je me suis un peu formé comme ça
00:14:25 au logiciel, par la force des choses, en fait.
00:14:28 Mais eux, ils avaient l'essentiel.
00:14:29 Ils avaient le dessin, ils avaient les personnages.
00:14:31 Donc c'est ça qu'ils voulaient, créer des personnages.
00:14:33 - Alors justement, je suis curieuse un petit peu de savoir,
00:14:36 parce qu'il y a une évolution drastique sur ces métiers
00:14:38 aujourd'hui dans l'industrie.
00:14:40 À quoi ça ressemblait, à cette époque-là,
00:14:42 au milieu des années 2000, la création graphique,
00:14:44 le développement visuel d'un jeu vidéo ?
00:14:47 Quel schéma de production vous aviez et quel type d'outil
00:14:50 est-ce que vous utilisiez ?
00:14:51 Tu commençais déjà à en parler un peu.
00:14:54 - Tu veux savoir comment c'était, la préhistoire ?
00:14:55 - Oui, la préhistoire m'intéresse.
00:14:58 - C'était en bois.
00:15:00 Non, en fait, ça n'a pas beaucoup changé.
00:15:02 En fait, il y a les contraintes qui ont vachement évolué.
00:15:06 C'est-à-dire qu'à l'époque, on faisait grand maximum des textures.
00:15:10 Je ne sais pas pour ceux qui savent ce que c'est qu'une texture,
00:15:12 c'est la couleur qui vient se plaquer sur la 3D.
00:15:16 Juste par exemple, c'était maximum 1024 ou 512.
00:15:19 On était très limité, l'ordinateur n'était pas puissant,
00:15:22 on avait de fortes contraintes.
00:15:24 C'était pas mal de bosser dans la contrainte aussi,
00:15:25 parce que ça nous obligeait à aller chercher des trucs efficaces visuellement.
00:15:29 Je crois que le truc qui a vraiment changé, c'est ça.
00:15:31 Maintenant, il n'y a plus trop de façon d'optimiser,
00:15:33 on y va à fond à la caisse, on en met partout,
00:15:35 ce qui fait que parfois les jeux ne sont pas finis aussi,
00:15:37 ou on rame ou on plante.
00:15:38 À l'époque, on avait ce souci de la contrainte,
00:15:40 on était obligé de bosser avec trois fois rien,
00:15:41 ça devait tenir sur un CD.
00:15:42 Je pense qu'il y a un truc qui a vraiment changé, c'est ça.
00:15:46 On se retenait parfois de ne pas aller trop faire les foufous
00:15:50 avec des trucs trop compliqués à la fin,
00:15:52 que le moteur ne peut pas gérer.
00:15:54 Sinon, c'est pareil, c'est de la 3D, des concepts.
00:15:58 J'utilisais Photoshop, j'ai fait du 3DS Max, j'ai fait du Maya.
00:16:02 J'en ai mangé pas mal.
00:16:04 - Je suis curieuse quand même,
00:16:05 parce que tu parles effectivement de l'utilisation de Photoshop,
00:16:08 mais toi, tu viens d'un milieu plutôt beaux-arts,
00:16:10 où tu utilisais essentiellement des outils traditionnels.
00:16:13 Est-ce que la transition du traditionnel au numérique a été difficile ?
00:16:18 Même si tu étais effectivement entouré d'une bonne équipe
00:16:20 et qu'elle t'a aidé, mais est-ce que c'était difficile pour toi ?
00:16:23 Comment tu as fait pour réussir à retranscrire, en gros,
00:16:26 ta touche picturale traditionnelle sur l'écran ?
00:16:32 - Ça a pris un peu de temps.
00:16:33 Je me souviens encore de m'isoler comme ça,
00:16:36 pour me dire "C'est pas possible, qu'est-ce que c'est moche,
00:16:38 le truc que je fais sur Photoshop,
00:16:40 c'était des espèces d'effets d'aérographe dégueulasses."
00:16:43 Et puis à côté, je regardais mes peintures,
00:16:44 je me disais "C'est pas possible, il faut que je fasse quelque chose."
00:16:46 J'aimais les deux, en fait.
00:16:47 Je découvrais un logiciel qui me plaisait,
00:16:51 et ça s'est fait que je passais du temps,
00:16:54 j'ai passé du temps un peu tout seul.
00:16:56 Il n'y avait pas des masses de tutoriaux, c'était un peu la galère.
00:16:59 - Mais des artistes que tu connaissais à l'époque,
00:17:01 qui peut-être t'aidaient ?
00:17:04 - En numérique ? - Oui, en numérique.
00:17:07 Des forums peut-être, où tu suivais les choses ?
00:17:09 - J'y allais pas, sur les forums, il n'y en avait pas beaucoup.
00:17:12 Non, je regardais à l'époque, il y avait "Mullins",
00:17:14 ce que j'aimais bien, "Good Brush",
00:17:17 c'était pour moi le mec qui se lâchait complètement avec des effets.
00:17:20 Même maintenant, ça reste assez moderne,
00:17:22 puisqu'il est...
00:17:23 C'était un festival de brosses.
00:17:25 Je voulais pas atteindre ça,
00:17:28 mais je voulais essayer de ramener ce que je savais déjà faire,
00:17:31 par refaire du "Mullins", en fait.
00:17:33 Donc je regardais mes dessins, je les photographiais,
00:17:36 je me souviens, je photographiais mes peintures, je les scannais,
00:17:39 et avec un vieux Photoshop pourri, j'essayais de voir ce que je pouvais faire
00:17:42 pour essayer de retrouver ça, et je copiais, collais,
00:17:44 c'était vraiment une usine à gaz.
00:17:46 Et j'ai vraiment passé un peu de temps comme ça à expérimenter,
00:17:49 et essayer de...
00:17:51 - Trouver le rendu à créer. - Trouver le rendu qui me plaisait bien.
00:17:53 C'est pas un truc que j'ai appliqué tout de suite,
00:17:55 ça a pris vachement de temps.
00:17:57 - Ça, c'est toujours...
00:17:58 Pour avoir discuté avec pas mal de concept artists de l'époque,
00:18:01 il y en a certains pour qui ça a été vraiment très, très difficile.
00:18:04 Je pense à un artiste comme Sparte, par exemple,
00:18:06 que vous connaissez peut-être,
00:18:07 qui a été directeur artistique de la saga "Halo".
00:18:10 Ça lui a pris huit ans pour réussir à faire quelque chose de correct.
00:18:13 Donc tu vois, finalement, tu t'en sors bien sur quelques mois
00:18:15 à réussir à faire quelque chose.
00:18:16 - Non, j'ai pas mis quelques mois.
00:18:17 Je pense...
00:18:18 En fait, je bossais dans le jeu vidéo, je modélisais, je faisais de la 3D,
00:18:22 et puis le soir, je faisais ma cuisine.
00:18:23 C'est-à-dire, je faisais mes trucs à moi.
00:18:25 J'avais envie de le faire, donc je le faisais.
00:18:27 Et il s'avérait qu'à un moment donné,
00:18:29 tu commencais à mettre le doigt sur quelque chose,
00:18:31 mais ça a été long aussi, ça a pris du temps.
00:18:32 Mais je prenais aussi mon temps parce que j'avais réussi
00:18:35 à commencer à vivre de ça.
00:18:38 Donc c'était long, quoi, de mélanger un peu les deux.
00:18:41 - Est-ce qu'à l'époque, malgré le fait qu'effectivement
00:18:44 la production se faisait en numérique,
00:18:46 est-ce qu'il y avait quand même une partie du travail
00:18:47 qui se faisait encore en traditionnel ?
00:18:49 Je pense par exemple aux itérations que tu pouvais faire
00:18:51 pour un personnage avant de passer à la création à Photoshop.
00:18:54 Est-ce que ça te permettait peut-être de gagner du temps,
00:18:56 le fait que tu étais plus rapide, plus efficace,
00:18:58 celui que tu étais formé ?
00:18:59 - N'importe comment, ce que j'allais faire sur papier
00:19:03 allait finir numérisé.
00:19:05 Donc à un moment donné, je me suis dit, ça va être sympa,
00:19:07 cinq minutes, mais je me suis dit, il faut absolument
00:19:09 que tu passes très vite au numérique.
00:19:12 Je gardais un pied dans le papier parce que c'est quelque chose
00:19:15 qui me plaisait bien, c'était de toucher la feuille et le crayon.
00:19:19 C'est le côté un peu artistique véritablement de la chose.
00:19:23 Mais concrètement, il fallait vite passer à quelque chose
00:19:27 de plus efficace.
00:19:28 C'est une production, après, donc il faut que les gens
00:19:31 puissent aussi réutiliser ton travail.
00:19:33 Et le papier, c'est bien pour mettre sur les murs après,
00:19:36 faire des croquis, mais c'est un peu plus long.
00:19:39 C'est un process qui peut être un peu plus long.
00:19:42 Pour moi, c'est un peu plus long.
00:19:43 - Peut-être que tu continuais de produire quelques œuvres
00:19:45 personnelles en traditionnel à côté de tes projets pro
00:19:48 pour équilibrer un peu les deux ?
00:19:49 - Actuellement ?
00:19:51 - Déjà à l'époque, mais aujourd'hui...
00:19:52 - Oui, oui, oui, non, mais mon appart était rempli de ça.
00:19:57 Je rentrais le soir, je peignais.
00:19:58 C'était mon plaisir du soir.
00:20:02 Hop, je peignais, et puis je repartais le matin bosser,
00:20:05 toujours avec plaisir parce que j'étais content d'avoir
00:20:07 une bonne équipe avec moi.
00:20:09 Et je rentrais le soir et je reparnais à mon projet de peinture.
00:20:12 Et puis après, j'ai réussi à concilier les deux.
00:20:16 - Alors là, on va arriver à une partie qui est quand même
00:20:19 importante de ta carrière, puisque en 2009, tu vas démarrer
00:20:24 officiellement ta carrière de character designer,
00:20:26 à l'occasion notamment du lancement de la création de Dishonored,
00:20:30 la célèbre licence du studio Arkane.
00:20:33 Je ne sais pas si je dois vous présenter vraiment Arkane.
00:20:35 Je pense que tout le monde ici connaît ce studio lyonnais,
00:20:38 qui a été créé par Raphaël Colantogno, qui est spécialisé
00:20:41 dans la création de jeux immersifs première personne.
00:20:45 Studio que tu connaissais déjà, puisque tu avais travaillé
00:20:48 au développement visuel du titre "Dark Messiah of Might of Magic",
00:20:54 qui est arrivé sous la direction artistique de Daniel Ballage.
00:20:57 Alors, je ne m'attarde pas dessus parce qu'on n'a pas d'archives visuelles
00:21:00 de ta production pour ce projet-là.
00:21:03 Beaucoup, en tout cas, t'ont découvert suite à la publication,
00:21:06 exposition de ton travail sur Dishonored.
00:21:08 On en a un petit peu aperçu ici, moi y compris.
00:21:10 Est-ce que tu peux nous parler un petit peu, justement,
00:21:13 de ce projet Dishonored ?
00:21:15 Comment est-ce qu'il t'a été présenté à l'époque,
00:21:17 entre autres par Victor Antonov et Sébastien Mitton ?
00:21:23 - A l'époque, oui, c'était...
00:21:26 Cette équipe-là avait besoin de...
00:21:29 Des besoins de ressources de recherche de personnages.
00:21:34 Recherche aussi avec un style particulier,
00:21:37 puisqu'ils avaient envie d'avoir quelque chose plutôt...
00:21:40 Avec un style pictural, peinture.
00:21:42 Il s'est avéré qu'un ami à moi travaillait là-bas,
00:21:46 M. Jean-Luc, qui est pas loin.
00:21:48 - Il n'est pas dans cette salle.
00:21:50 - C'est un peu lui qui a dit "Tiens, j'ai mon pote,
00:21:52 il fait plein de peinture".
00:21:53 Je crois que c'est un des seuls, Jean-Luc,
00:21:54 qui voyait un peu mon atelier avec tous mes tableaux.
00:21:57 Et il m'a dit "Tiens, j'ai mon pote, il fait de la peinture,
00:21:59 et ça pourrait coller, justement, à ce projet-là".
00:22:04 Donc c'était nickel,
00:22:06 puisque c'est un projet qui mettait en avant un style pictural
00:22:10 que moi, je faisais un peu aussi chez moi.
00:22:13 Et ça a été, je crois, effectivement le commencement
00:22:15 de pouvoir, comme ça,
00:22:18 marier mon envie de peinture et de projet.
00:22:21 C'était un projet pour moi qui était presque, pour le coup, sur mesure.
00:22:23 C'est-à-dire que je faisais des persos, je faisais des sales gueules,
00:22:27 je faisais du personnage, mais qui faisait presque un peu portrait.
00:22:31 Donc du coup, c'était parfait pour moi.
00:22:33 - C'était une collaboration qui était sur un temps court
00:22:35 ou est-ce que tu as accompagné toute la production, justement,
00:22:39 de "Dishonored" pour nous resituer un petit peu ?
00:22:42 - Je suis resté un bout de temps, quand même,
00:22:45 à développer les personnages.
00:22:47 Victor, lui, s'occupait de tout ce qui était véhicule,
00:22:51 tout ça, environnement.
00:22:52 D'ailleurs, c'était plutôt inspirant, comme ça,
00:22:54 on arrivait chacun avec nos concepts.
00:22:58 Mais c'était surtout du personnage que je mettais en avant.
00:23:05 Et c'était, pardon, la question...
00:23:07 - Ça y est, je ne sais déjà plus,
00:23:09 j'allais passer à la question suivante.
00:23:11 C'était de savoir si tu avais accompagné la production
00:23:14 sur un temps court ou si tu étais resté de A à Z
00:23:17 sur le temps long.
00:23:18 - En général, je démarre sur les projets au tout début
00:23:20 et ensuite, une fois que mon boulot est fait,
00:23:22 que les portraits sont faits, les personnages sont faits,
00:23:25 je laisse la place aux modelers
00:23:27 qui vont aussi mettre en avant mes boulots avec la 3D.
00:23:32 Donc, je pense que vers la fin de la prod aussi,
00:23:36 je pense que c'est des choses qui commencent un peu
00:23:38 à s'arrêter au niveau de la production graphique
00:23:41 pour aller vers la 3D et la production des assets,
00:23:44 des personnages.
00:23:46 C'est une chose évidemment qui est très importante au départ
00:23:48 et ensuite, évidemment, ça me nuise
00:23:50 et on va plutôt aller très vite pour finir le jeu.
00:23:52 Donc, je suis très présent au début,
00:23:54 mais après, assez vite, on a glissé avec les extensions, les DLC,
00:23:59 et puis on enchaîne ensuite avec le 2.
00:24:02 Donc, il n'y a quasiment pas eu de temps mort.
00:24:05 - Par rapport à ce projet d'Eason Ord,
00:24:09 qui a un univers quand même très particulier
00:24:11 et qui, je suppose, a demandé des recherches documentaires
00:24:15 particulières, quelles étaient peut-être les sources d'inspiration
00:24:20 ou en tout cas, les références peut-être artistiques
00:24:22 qui sont fortes pour ce projet-là qu'on t'a donné
00:24:25 ou que toi-même, tu es allé chercher ?
00:24:27 - Il y a eu des deux, c'est-à-dire que dans le studio,
00:24:31 eux-mêmes avaient déjà des références, des envies de choses
00:24:35 qu'ils avaient déjà mises en place de leur côté.
00:24:37 Les choses aussi évoluaient, c'est-à-dire qu'on proposait,
00:24:42 eux, à regarder comment ça se situait dans le monde,
00:24:45 dans l'univers avec la DA.
00:24:46 Eux aussi, de leur côté, avançaient aussi.
00:24:49 Les deux choses avançaient en parallèle comme ça
00:24:53 et il n'y avait pas forcément de choses très arrêtées tout de suite.
00:24:58 Je pense qu'aussi bien de mon côté que de leur côté,
00:25:00 on essayait de faire évoluer le projet au mieux possible
00:25:03 et de pousser un peu le truc comme ça dans ses retranchements.
00:25:07 Quand je pouvais rêver avec un perso qui, au final, n'était que secondaire,
00:25:11 on me dit "Tiens, finalement, il a une bonne gueule celui-là,
00:25:13 il faut qu'on arrive à le caser peut-être pour autre chose".
00:25:15 Donc ça pouvait arriver avec des choses comme ça,
00:25:17 c'est-à-dire c'est vivant, c'est un projet qui pouvait rester comme ça.
00:25:21 Je crois que c'est le marqueur d'un projet qui avance bien
00:25:24 quand ça reste à une phase un peu organique,
00:25:26 où ça peut encore bouger à tout moment et c'est pas figé.
00:25:29 Il ne faut pas trop que ça dure non plus.
00:25:31 - Je ne sais plus, il me semble, quand on avait échangé ensemble
00:25:35 il y a un petit moment déjà, tu m'avais expliqué que sur ce projet-là,
00:25:39 il y avait peut-être une dimension très historique qui ensuite a évolué.
00:25:44 Tu peux nous parler un petit peu de ça ?
00:25:46 - Oui, je sais que quand j'étais arrivé, de souvenir,
00:25:49 les premières recherches, c'était de mémoire, quelque chose d'assez historique.
00:25:54 Il fallait rester sur quelque chose d'assez classique.
00:25:57 Et très vite, ça s'est parti dans une dystopie.
00:26:00 Et tant mieux d'ailleurs, puisqu'on pouvait s'amuser cette fois-ci,
00:26:04 on pouvait commencer à mettre des choses qui sortent un peu des documents,
00:26:09 et c'est historique, parfois pas ennuyeux, c'est toujours intéressant l'histoire.
00:26:12 Mais là, ça restait un jeu, on peut s'amuser pour créer des concepts.
00:26:15 Et surtout, quand on voyait arriver des concepts de Victor,
00:26:19 on s'est dit "Tiens, ça, ça ne va pas trop faire...
00:26:21 Dans l'histoire, ça ne va pas trop se caler".
00:26:23 On a essayé de s'amuser un peu, chacun de notre côté,
00:26:26 et de voir ce qu'on peut faire avec ça.
00:26:28 C'est un peu plus excitant quand même de mélanger les choses comme ça.
00:26:31 - Alors, comment se passait l'articulation entre le travail
00:26:34 que tu pouvais produire sur les personnages
00:26:38 et tout ce qui était créé de l'autre côté par Victor Antonoff ?
00:26:41 Tu m'avais parlé de réunions créatives qui étaient assez folles avec lui.
00:26:45 - Chacun revenait du marché avec son petit panier et ses petits dessins.
00:26:50 Victor revenait de Paris, on se voyait avec Jean-Luc, tout ça.
00:26:55 On mettait tout ça, on regardait chacun nos dessins, on discutait.
00:26:58 C'était très intéressant cette phase-là,
00:27:01 parce que Victor, évidemment, c'est Half-Life 2,
00:27:04 des trucs quand même emblématiques.
00:27:07 Il lui arrivait avec des concepts, et moi j'ai dit "tiens, c'est cool ça".
00:27:09 Et dans ma tête, je me disais "tiens, je mettrais bien un perso comme ça".
00:27:12 Donc il y avait vraiment un espèce d'échange sans forcément se parler,
00:27:15 mais il y avait une inspiration qui se mettait en place.
00:27:18 C'était assez vertueux au niveau de la création.
00:27:21 Ça permettait d'avoir un truc qui poussait un peu le graphe bout à bout.
00:27:27 On se répondait indirectement quand je voyais ces trucs.
00:27:30 J'ai dit "tiens, je vais faire un perso là tout de suite".
00:27:33 Et avec ça, ça va bien le faire.
00:27:36 - On a fait défiler depuis tout à l'heure des personnages
00:27:38 que tu as pu concevoir pour le jeu.
00:27:41 Le résultat est assez magnifique, puisqu'on a des personnages,
00:27:45 dans le jeu, qui, disons-le, en prennent plein la gueule.
00:27:48 Ils ont une histoire forte.
00:27:51 Et ce qui est chouette aussi avec ta touche picturale,
00:27:54 c'est qu'il y a ce côté très brut aussi de la brosse.
00:27:57 Donc on a un répondant entre le style graphique qui est utilisé
00:28:00 et le design du personnage.
00:28:04 Est-ce qu'il y avait des contraintes peut-être particulières sur ce projet-là ?
00:28:08 Ou est-ce que tu as eu pleine liberté sur tes choix de design ?
00:28:13 - Non, je pense que ceux qui ont eu le plus de contraintes,
00:28:16 je pense, sont ceux qui ont dû reprendre ça et les modéliser.
00:28:21 C'est-à-dire qu'ils doivent reprendre un concept très artistique comme ça.
00:28:25 Le modéliser, c'est déjà difficile.
00:28:27 Mais ensuite, essayer de garder l'accroche visuelle, la texture, par exemple.
00:28:33 Ça peut être quelque chose de très fait à la main,
00:28:34 mais très vite en 3D, ça peut faire un peu sale comme ça.
00:28:37 Je pense que les équipes qui ont repris mes concepts
00:28:39 ont eu, je pense, plus de contraintes que moi.
00:28:41 Moi, j'étais un peu comme un gamin qui fait ses trucs de son côté,
00:28:45 mes personnages.
00:28:47 Et puis, ce que j'essayais de garder quand même,
00:28:50 c'est que quand on regarde ce personnage, ça soit inspirant.
00:28:53 Je pense toujours un peu à celui qui va reprendre mon truc.
00:28:56 Est-ce que ça va le motiver ?
00:28:58 Est-ce que ça va être inspirant pour lui ?
00:29:01 S'il est content de le faire,
00:29:02 je me dis "Tiens, j'ai bien placé mon concept".
00:29:06 En tout cas, je ne sais pas si eux étaient contents,
00:29:08 mais au vu du succès critique de Dishonored,
00:29:11 je pense que les gens étaient d'accord pour se dire
00:29:13 que tu avais produit un magnifique travail sur les personnages.
00:29:17 Est-ce qu'il y a peut-être un personnage
00:29:20 sur la production de Dishonored 1
00:29:22 que tu as eu particulièrement plaisir à créer ?
00:29:25 Un personnage plus qu'un autre ?
00:29:27 Tous, en fait.
00:29:30 J'avais vraiment à chaque fois un truc en tête,
00:29:33 des envies de le faire comme ça, comme ça,
00:29:35 de proposer aussi, parce que c'est un vrai échange aussi.
00:29:37 On discutait pas mal, je faisais mes propositions.
00:29:41 Je trouve que globalement, tout l'univers,
00:29:43 je le trouve assez cohérent.
00:29:45 Même eux, de leur côté, les équipes comme ça,
00:29:48 Arkane, ont mis le paquet pour que tout ça devienne aussi cohérent.
00:29:53 Je pense qu'il y a une vraie...
00:29:55 Sur le vin, comme ça,
00:29:58 il y a une sorte de vraie alchimie qui s'est mise en place
00:30:01 entre la création, l'envie de faire les choses.
00:30:04 C'est un projet qui va vraiment à l'essentiel, comme ça.
00:30:08 C'est pour ça que je pense qu'il a bien marché,
00:30:12 cet aspect comme ça, grosse claque.
00:30:16 Pas forcément avec un rendu ultime,
00:30:19 mais vraiment sur la partie graphique et recherche.
00:30:23 On parlait de Dishonored 1,
00:30:26 mais tu as donc travaillé aussi sur le second opus.
00:30:29 Est-ce que la direction artistique du titre,
00:30:31 elle a été renouvelée ici pour coller avec le nouvel environnement du jeu,
00:30:35 à savoir Karnaka, qu'on pourrait présenter très rapidement
00:30:39 comme une sorte de baie maritime
00:30:41 avec des architectures très composites ?
00:30:44 En gros, est-ce qu'il fallait conserver les mêmes marqueurs visuels
00:30:47 que pour le premier opus ou au contraire,
00:30:49 il fallait pousser plus loin la réflexion en termes de chara-design
00:30:52 et quels étaient, toi, tes parties prises
00:30:55 et tes ambitions créatives sur ce second opus ?
00:30:57 Je pense qu'eux avaient déjà plus de parties prises de leur côté,
00:31:02 ils avaient déjà posé les bases de ce qu'ils voulaient vraiment faire.
00:31:05 Moi, je suis plus arrivé ensuite
00:31:07 pour répondre à ce qu'ils avaient envie de faire et leurs demandes.
00:31:11 Je pense que de mémoire, on avait quelque chose de...
00:31:14 On poussait un peu plus le curseur
00:31:17 sur la stylisation des personnages.
00:31:22 J'avais aussi Sergei qui bossait avec moi sur les personnages.
00:31:27 Mais je pense que la différence est là,
00:31:29 c'est qu'on a poussé un peu le curseur sur la stylisation
00:31:32 sans tomber dans la caricature non plus.
00:31:35 On essayait de ne pas trop s'écarter
00:31:37 d'un truc trop décalé non plus.
00:31:40 Mais c'est sensiblement la chose,
00:31:42 après ce qui change chez l'environnement, le contexte,
00:31:45 il y a un changement radical entre le passé de Londres
00:31:49 et des îles un peu plus comme ça,
00:31:51 avec un climat un peu plus...
00:31:53 Ce n'est pas forcément paradisiaque,
00:31:55 mais ce n'est pas la même ambiance.
00:31:57 - J'ai souvenir que tu m'avais parlé notamment
00:32:00 du travail autour de la morphologie des personnages.
00:32:04 C'est-à-dire que tu as dans le jeu "Dishonored 2"
00:32:07 plusieurs classes sociales qui sont représentées.
00:32:10 Tu expliquais avoir développé un certain type de silhouette,
00:32:13 de morphologie en fonction des classes sociales
00:32:15 pour vraiment les marquer dans le décor.
00:32:18 Est-ce que tu pourrais nous parler un peu peut-être de ça ?
00:32:20 - Oui, c'est un peu ce que je vais vous faire voir tout à l'heure.
00:32:24 Mais c'est une méthode qui permet de très rapidement...
00:32:29 Comme il y a beaucoup de personnages à créer,
00:32:31 on essaye de se créer comme ça une méthode
00:32:33 pour essayer de les distinguer assez rapidement
00:32:36 et de leur donner du sens visuellement.
00:32:39 Ça passe par les silhouettes,
00:32:42 les petites choses comme ça qu'on va ajouter,
00:32:44 mais assez rapidement, avec la couleur aussi,
00:32:48 c'est des choses qui permettent de les distinguer.
00:32:51 C'est sensiblement la même chose que pour "Dishonored 1".
00:32:55 Les classes moyennes, les middle.
00:32:58 - On n'a pas trop envie de la croiser au restaurant pour le coup.
00:33:01 - Pas trop, non.
00:33:03 - Ce qui impressionne beaucoup aussi dans ces designs,
00:33:06 c'est qu'on a l'impression de lire un texte
00:33:09 avant de voir un design de personnage.
00:33:11 On a déjà beaucoup d'éléments narratifs
00:33:13 qui sont intégrés au design.
00:33:16 D'ailleurs, je ne sais pas si pour ces personnages-là,
00:33:18 c'est parce que tu avais systématiquement un brief
00:33:20 de présentation par personnage ou au contraire,
00:33:22 on t'a dit que tu avais juste un référence de classe sociale,
00:33:25 par exemple, et que tu devais créer des personnages
00:33:28 autour de cet aspect social-là.
00:33:31 - De mémoire, encore une fois,
00:33:33 je crois que le truc devenait de plus en plus précis
00:33:35 de leur côté aussi.
00:33:36 Forcément, j'avais de plus en plus de précision aussi
00:33:39 sur les personnages et sur ce que je devais mettre en avant
00:33:44 là-dessus au niveau créatif.
00:33:46 Je pense que j'avais quand même des briefs précis
00:33:50 sur le personnage, sur sa classe.
00:33:52 Il y avait parfois aussi des références
00:33:54 avec lesquelles je pouvais m'amuser
00:33:56 et coller dessus visuellement.
00:33:58 Il y avait aussi un vrai travail en amont de leur côté
00:34:02 pour essayer d'avoir le personnage type
00:34:05 qui va coller au scénario.
00:34:07 Ça s'est encore plus affirmé, il me semble, sur le 2.
00:34:11 On a essayé d'avoir quelque chose d'encore plus précis
00:34:13 sur les personnages.
00:34:15 - Est-ce que tu as eu autant de plaisir à travailler sur le 2
00:34:18 que sur le premier ?
00:34:20 - Comme je t'ai dit tout à l'heure,
00:34:24 je crois que ce qui m'a plu dans le 1,
00:34:26 c'est ce côté comme ça, le truc s'est fait
00:34:28 de manière un peu radicale, très vite.
00:34:30 J'ai l'impression que c'est passé super vite, le 1.
00:34:32 Il y a une sorte de spontanéité comme ça, je trouve,
00:34:35 dans le 1, qui m'a vachement plu.
00:34:37 Ça ne veut pas dire que le 2 plaît moins.
00:34:39 Le 2 aussi, j'ai adoré travailler dessus.
00:34:41 Je n'ai pas eu forcément le même sentiment.
00:34:46 Après, c'est juste un ressenti.
00:34:48 Globalement, j'ai pris vraiment plaisir sur les 2.
00:34:51 Il y avait plus de choses.
00:34:53 C'était différent.
00:34:55 Je pense qu'on ne pouvait pas refaire un 10 au 2
00:34:58 qui se passe dans un même environnement.
00:35:00 Là, on partait sur d'autres personnages.
00:35:02 C'était cool.
00:35:04 Je pense qu'il y a une plus grosse richesse de mon côté
00:35:06 en termes de personnages et de peinture.
00:35:08 Il y a une plus grande richesse dans le 2,
00:35:10 dans la variété de personnages.
00:35:12 - La collaboration avec le studio Arkane a perduré ensuite,
00:35:16 y compris avec la branche américaine de la société,
00:35:19 puisque tu as bossé avec celle qui est basée à Austin
00:35:22 sur le jeu Prey.
00:35:24 Mais ta carrière ne se limite pas à cette collaboration avec Arkane.
00:35:29 On ne compte plus le nombre de partenaires avec lesquels
00:35:32 tu as travaillé, autant dans le milieu du cinéma
00:35:34 que le jeu vidéo.
00:35:36 Pour en nommer quelques-uns, Unity Image, Paramount,
00:35:38 Warner Bros.
00:35:40 J'en ai noté plein.
00:35:42 Rockstudy, Netflix aussi, dont tu vas nous parler tout à l'heure.
00:35:45 Videogame Masters Oblige, je m'attarde sur tes projets
00:35:49 jeux vidéo les plus récents.
00:35:51 Je pense notamment à un jeu qui s'appelle Dune Awakening.
00:35:55 Un jeu qui n'est pas encore sorti,
00:35:58 qui est développé par le studio norvégien Funcom.
00:36:01 Et tout ce qu'on sait encore de ce jeu-là,
00:36:04 c'est que c'est un jeu multijoueur qui nous propose
00:36:06 d'arpenter les paysages d'Arakis,
00:36:09 qui sont tirés du roman de Franck Herbert.
00:36:12 Et toi, tu as signé des recherches graphiques pour ce jeu-là.
00:36:17 Je crois qu'à ce moment-là, on est courant 2020,
00:36:20 le film de V-9 n'est pas encore sorti.
00:36:23 - Le film n'est pas sorti.
00:36:25 Eux, ils ont la chance, par contre,
00:36:27 ils ont vu le film avant tout le monde,
00:36:29 puisque le projet appartient à Legendary Pictures
00:36:33 et ils ont eu la chance de voir le film.
00:36:36 J'avais des feedbacks comme ça pour me dire que forcément,
00:36:39 c'était cool, que c'était bien, génial, tout ça.
00:36:41 Mais la volonté quand même avec ce projet-là,
00:36:44 déjà, c'est super ambitieux.
00:36:46 Pour moi, c'est un truc qui peut foutre un peu le trac,
00:36:49 de dire "On va se frotter à un truc pas possible".
00:36:51 J'ai encore en mémoire le documentaire Jodorowsky
00:36:54 avec Moebius, qui est génial,
00:36:56 qu'il faut absolument voir, le film qui n'a jamais abouti.
00:36:59 Et eux, ils avaient cette volonté,
00:37:02 c'était pas forcément de coller au film de V-9.
00:37:06 Donc, les premières peintures que j'ai faites,
00:37:08 c'était vraiment, j'ai essayé de faire un truc un peu space opéra,
00:37:11 c'est-à-dire j'ai essayé de faire quelque chose de moins froid,
00:37:14 parce que le film de V-9 est quand même assez réaliste,
00:37:16 dans la couleur, tout ça.
00:37:18 On ne peut pas refaire ça pour un jeu, ça reste des tremblements.
00:37:21 - On est complètement à l'opposé de l'approche de Lynch.
00:37:24 - Oui, oui, oui, mais c'est génial.
00:37:26 J'ai adoré le V-9.
00:37:28 J'aime bien aussi celui de Lynch.
00:37:30 Mais il ne fallait pas qu'on fasse forcément un truc comme ça,
00:37:34 avec des couleurs photoréalistes.
00:37:35 Donc, j'ai proposé comme ça, cette recherche.
00:37:38 Cette image, cette peinture, c'est vraiment pareil,
00:37:40 j'ai un peu lâché prise.
00:37:42 Je ne suis pas un grand connaisseur de Dune.
00:37:44 - Un grand, pour qu'on puisse l'apprécier un peu plus.
00:37:46 - Je ne suis pas un expert de Dune.
00:37:48 Il y en a qui sont experts dans tous les sens.
00:37:50 J'ai eu droit à des analyses de ouf sur mon film,
00:37:52 pour me dire que ça, ça n'existe pas.
00:37:54 Forcément, ça n'existe pas.
00:37:56 Mais j'ai vraiment essayé de faire un truc un peu décomplexé,
00:37:59 un peu SF comme ça.
00:38:02 Et pas forcément un référent au jeu.
00:38:04 Parce que je crois que de leur côté, le jeu a vachement évolué.
00:38:07 Ils sont revenus à quelque chose d'un peu réaliste.
00:38:09 Mais avec Luc, on a essayé d'amener une dimension comme ça,
00:38:14 space opéra coloré.
00:38:16 Il fallait qu'on garde quelque chose de séduisant,
00:38:19 pour produire de la couleur, un peu de couleur.
00:38:22 - Est-ce que tu travaillais spécifiquement sur les personnages,
00:38:25 ou est-ce que tu as fait un peu de décors sur cette production ?
00:38:28 Parce que je vois les personnages qui sont mis en scène,
00:38:31 pas nécessairement au format portrait close-up comme on a vu pour...
00:38:34 - J'ai fait les deux.
00:38:35 Je crois que j'en ai fait une ou deux,
00:38:37 deux ou trois peintures comme ça.
00:38:39 Mais assez rapidement, j'ai dû décliner tous les personnages.
00:38:41 J'ai décliné plein de personnages, des Harkonnen, tout ça.
00:38:44 J'ai fait des versions, j'ai testé des morphologies.
00:38:47 Il y avait d'autres artistes aussi qui travaillaient avec moi.
00:38:50 Mais j'ai vraiment, avec eux, bossé dans la phase un peu expérimentation.
00:38:54 C'était au tout début, en fait.
00:38:56 Moi, c'est la partie qui me pèle le plus.
00:38:59 C'est comme un gamin dans un bec à sable, il y a tout autour de moi.
00:39:01 J'essaye les trucs comme ça.
00:39:03 C'est pour ça qu'on arrive à ça au final.
00:39:05 Mais c'était vraiment le point de départ.
00:39:07 Donc il n'y avait pas vraiment de choses imposées,
00:39:09 si ce n'est qu'ensuite, comme je t'ai dit,
00:39:11 il fallait éviter de coller au film.
00:39:14 - Tu avais travaillé au début du projet,
00:39:18 c'était sur un temps plutôt court.
00:39:20 Tu n'es pas resté sur toute la...
00:39:22 - Je suis resté...
00:39:23 Je crois que j'ai dû bosser trois ans quand même.
00:39:27 - Ah oui, donc un temps plutôt long.
00:39:28 - Trois ans, oui, ça fait un petit temps.
00:39:30 - Est-ce que tu vas nous donner des indices sur la date de sortie du jeu ou pas ?
00:39:33 - Non, mais après, je laisse mes bébés, mes dessins entre leurs mains
00:39:40 et je les laisse finir le projet.
00:39:42 Moi, c'est un peu ça, je finis mon truc, puis après, je m'en vais.
00:39:45 - Est-ce que tu as au moins vu tes personnages modélisés ?
00:39:47 - J'en ai vu quelques-uns passer sur leur Insta.
00:39:50 C'est plutôt cool, c'est bien foutu.
00:39:52 Je pense que le projet va être bien.
00:39:55 Il y a une grosse ambition derrière, qui colle assez bien en plus aux origines du roman.
00:40:00 Mais il y a ce côté, je finis mon truc, je m'en vais,
00:40:04 et puis je serais le plus heureux de voir que le projet soit cool et aboutisse.
00:40:10 Mais après, ça m'échappe, ça n'est plus de mon ressort.
00:40:14 - Tu vas quand même prendre la manette pour tester tes personnages sur le jeu ou pas ?
00:40:18 - Je...
00:40:19 - Même pas ?
00:40:20 - Non, je joue quasiment pas.
00:40:24 Je fais confiance aux streamers, je vais aller voir un streamer ou deux
00:40:27 qui va me faire un petit test.
00:40:29 Non, je prends vraiment plaisir à aller voir bouger,
00:40:33 j'ai pas vraiment ce temps-là pour y jouer.
00:40:37 Surtout ça, ça va être un jeu qui va demander beaucoup de temps.
00:40:40 - Oui.
00:40:41 Alors, autre production récente sur laquelle tu as pu travailler,
00:40:46 Diablo IV, qui lui est sorti en juin 2023.
00:40:50 - Je n'y ai pas joué non plus.
00:40:53 - Tu n'y as pas joué.
00:40:54 Ça nous surprend beaucoup.
00:40:56 Est-ce que tu peux nous parler justement de cette collaboration avec Blizzard ?
00:41:00 Parce que c'est vrai que quand le jeu avait été annoncé à l'époque,
00:41:03 c'était une grosse cinématique de 10 minutes qui était montrée
00:41:06 et tout le monde était en feu.
00:41:08 Donc voilà, peux-tu nous parler un peu de ce projet ?
00:41:12 - À l'époque, oui, je finissais un projet, j'ai enchaîné avec...
00:41:16 Ils m'avaient contacté il y a longtemps, mais j'étais sur un autre projet,
00:41:21 avec Rocksteady, donc je n'avais pas pu honorer le truc.
00:41:24 Puis je me suis dit, putain, merde, Blizzard, c'est cool, quoi.
00:41:28 Diablo, j'ai adoré Diablo, les vieux Diablo.
00:41:31 Donc quand j'avais fini mon projet, je les avais recontactés.
00:41:35 Et du coup, on avait pu démarrer la collaboration.
00:41:38 Je tombais bien parce que leur côté n'avait pas forcément démarré.
00:41:41 Et donc John Muller, qui est le DA de Diablo, avait vu mes peintures aussi.
00:41:48 Il voulait la même chose, il voulait des personnages comme ça, un peu forts.
00:41:51 Et puis moi, comme un gamin, je n'avais pas encore dessiné de barbare
00:41:55 dans ma librairie de personnages.
00:41:57 Donc j'avais encore cette envie de le faire.
00:42:00 Et donc du coup, j'étais parti sur ces portraits.
00:42:03 À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de prestataires externes chez Blizzard.
00:42:07 C'était compliqué.
00:42:08 Je sais que pour bosser avec eux, j'ai dû signer je ne sais pas combien de papiers.
00:42:12 J'envoyais mes contrats signés à la main là-bas, directement.
00:42:16 Il fallait que tout soit... C'était très compliqué.
00:42:17 Maintenant, je pense qu'ils sont un peu calmés avec ça.
00:42:19 On peut plus facilement travailler avec eux.
00:42:21 Mais à l'époque, c'était compliqué.
00:42:23 Et c'était cool.
00:42:25 Moi, j'avais des envies comme ça.
00:42:27 Encore une fois, je venais avec mes propositions de personnages.
00:42:31 C'était donner, insuffler comme ça un personnage un peu emblématique
00:42:36 pour chaque catégorie de personnages dans Diablo.
00:42:40 Alors il y en a plein.
00:42:41 - J'en montre quelques-uns en même temps.
00:42:45 Je sais qu'il y a le hardbook qui est sorti.
00:42:46 Il y a ceux que je n'ai pas montré.
00:42:48 Ils le montrent dans le hardbook.
00:42:50 J'ai fait pas mal de droits.
00:42:52 C'est encore une fois, c'est toujours un plaisir.
00:42:55 Je prends toujours plaisir à créer des personnages qui vont coller à l'univers.
00:43:02 - Justement, dans cet univers-là, comment est-ce qu'on fait
00:43:05 pour ne pas avoir des personnages qui soient trop stéréotypés ?
00:43:08 Ce serait que certains genres de jeux, on peut s'attendre à les toucher.
00:43:13 - Il faut casser le nez, il faut placer des petites cicatrices.
00:43:16 Il faut forcer un peu le trait.
00:43:19 Sur Diablo, c'était un peu plus compliqué.
00:43:22 Il fallait que je garde des personnages iconiques, forts,
00:43:25 qu'on ait envie de jouer aussi.
00:43:27 Donc il ne fallait pas non plus que je parte trop dans des gueules cassées
00:43:30 ou des personnages comme ça, un peu flippants.
00:43:32 Mais il fallait que ces personnages soient forts visuellement
00:43:35 et qu'on ait envie de les prendre et qu'on ait envie de jouer avec.
00:43:38 J'avais fait plein de tests aussi.
00:43:42 Je verrai plus tard si je peux les utiliser.
00:43:44 - Est-ce que tu retravailleras à l'avenir avec Blizzard ?
00:43:47 - Pour l'instant, je n'ai pas...
00:43:50 J'ai des propositions, mais je n'ai pas forcément...
00:43:53 J'ai le luxe de pouvoir choisir ce que j'ai envie de faire.
00:43:59 Ce n'est pas forcément certains projets que je n'ai pas envie de faire forcément.
00:44:03 Avec peut-être Diablo, je ne sais pas encore Diablo.
00:44:06 Je pense que ce ne sont pas forcément des univers qui me plaisent le plus.
00:44:11 J'ai testé, j'ai regardé. Je ne sais pas, je ne me pose pas de questions.
00:44:14 Je pense que je verrai sur l'instant si j'ai envie de refaire des barbares.
00:44:19 J'en vois tellement en ce moment des trucs médiévaux, des armures.
00:44:23 Je n'ai juste envie de ne plus trop en voir.
00:44:25 - De changer un peu de l'imaginaire.
00:44:27 - C'est pour ça que des fois je fais des trucs perso.
00:44:29 C'est juste pour me vider un peu l'esprit.
00:44:31 Il y a quand même une grosse équipe derrière pour modéliser les personnages.
00:44:35 C'est énorme. - Une grosse équipe chez Blizzard.
00:44:37 Je ne sais pas exactement combien ils sont.
00:44:39 - C'est carrément une ville.
00:44:41 C'est une ville qui s'appelle Blizzard.
00:44:44 Il y a toutes des équipes.
00:44:45 Je devais partir, en fait.
00:44:46 Ils m'avaient proposé de...
00:44:48 Ils voulaient carrément me faire partir là-bas.
00:44:50 Me payer déménagement, l'appart ou tout.
00:44:54 - Tu n'es pas allé chercher le rêve américain.
00:44:56 - Non, je ne sais pas.
00:44:58 Je passerai peut-être pour aller faire un coucou.
00:45:01 Mais ce n'est pas forcément mon...
00:45:03 Je n'ai pas forcément mon envie.
00:45:05 Forcément.
00:45:06 Mais voilà, ce sont des choses que je garde sous le couteau.
00:45:10 - On approche doucement de la fin de l'interview.
00:45:13 On va bientôt switcher avec la carte blanche.
00:45:15 Néanmoins, on disait tout à l'heure,
00:45:17 tu as commencé à travailler en tant que character designer au milieu des années 2000.
00:45:21 On peut dire que tu célèbres tes 20 ans de carrière dans l'industrie du divertissement.
00:45:26 Je pense pouvoir dire au nom de tout le monde ici dans la salle
00:45:29 qu'on est très admiratifs à la fois du parcours
00:45:31 et du travail artistique que tu peux produire.
00:45:34 J'ai envie de te poser une question un peu bilan avec le recul.
00:45:38 Comment est-ce que tu perçois l'évolution de l'industrie du jeu vidéo
00:45:42 et même celle du métier de concept artiste ?
00:45:45 Quel conseil peut-être est-ce que tu donnerais à un jeune artiste
00:45:49 qui débute sa carrière et qui commence en 2024 ?
00:45:54 - L'évolution, je la vois...
00:45:56 C'est compliqué.
00:45:58 Ça va vite.
00:45:59 Tout va très vite.
00:46:01 Je pense que c'est quelque chose qui va perdurer de toute façon,
00:46:04 parce qu'on aura toujours besoin de créateurs comme ça,
00:46:08 avec une personnalité qui viennent donner des envies
00:46:12 de création de personnages et d'univers.
00:46:15 Ça va aller très vite.
00:46:17 Évidemment, il y a d'autres choses qui vont arriver à côté.
00:46:19 Le conseil que je peux donner, je pense qu'il faut rester passionné.
00:46:23 Du coup, ça rend comme ça le métier vivant.
00:46:28 Il faut faire ça en essayant d'apporter un peu sa culture aussi.
00:46:33 C'est ce qui fait un peu les différences.
00:46:34 Je vois des artistes qui n'ont pas forcément d'envie
00:46:37 ou pas forcément de culture visuelle.
00:46:39 Je crois que c'est le petit truc qui fait la différence dans son travail.
00:46:42 C'est d'apporter sa sensibilité aussi dans son boulot.
00:46:45 Il y en a qui font des trucs un peu random aussi.
00:46:48 Essayez de vous faire remarquer,
00:46:49 créer quelque chose d'un peu différent de ce qu'on voit des fois.
00:46:52 Ça aussi, après, vous vous ferez piquer ça par un prompt.
00:46:55 Mais au moins, démarrez un truc, créez quelque chose, soyez innovant.
00:47:00 Arrivez avec un personnage fort qui n'a jamais été vu.
00:47:03 C'est un peu le truc qu'on avait réussi à faire avec Dishonored.
00:47:07 C'est de foutre des gueules comme ça, arriver avec des peintures.
00:47:09 Ça a un peu surpris tout le monde.
00:47:11 C'est ça que je dirais.
00:47:13 Essayez d'innover quelque chose, inventez un truc qui sera à vous.
00:47:17 Ça, vous le garderez, même si ça va être repris ou piqué.
00:47:20 Je sais que des styles, ça se pompe énormément.
00:47:23 Créez un truc qui va vous porter.
00:47:25 Moi, j'ai la chance encore de travailler avec des équipes créatives
00:47:30 et qui ont envie de bosser avec des créatifs.
00:47:32 Des gens avec qui discuter, avec qui échanger et ne pas taper des lignes.
00:47:36 On échange une idée, on échange un film, une culture.
00:47:39 Et je ne suis pas sûr que ça se télécharge.
00:47:42 C'est un truc qui se vit, en fait.
00:47:44 C'est organique.
00:47:46 Et je pense que je bosse avec des projets, avec des studios encore aux Etats-Unis.
00:47:51 Et clairement, certains utilisent autre chose que des artistes.
00:47:56 Mais ce n'est pas forcément les meilleurs projets.
00:48:00 Et je crois que les meilleurs studios, les bons studios qui tournent bien,
00:48:04 eux, ils vont plutôt aller chercher le sur-mesure.
00:48:08 Un artiste qui va se donner et qui aura une vraie identité, il va faire du bio.
00:48:13 On va faire du concept art de qualité avec des gens qui ont une vraie histoire
00:48:18 et une vraie passion.
00:48:20 C'est ça, je pense qu'il faut essayer de garder en mémoire.
00:48:24 Si il fait la différence, je ne suis pas non plus négatif.
00:48:27 Rien n'est foutu.
00:48:29 Je crois qu'on va terminer sur ces mots-là.
00:48:32 Je pense que vous aurez compris les...
00:48:35 Enfin, vous l'irez entre les lignes, je pense.
00:48:38 On s'est compris.
00:48:40 Alors, on va passer effectivement à la session carte blanche.
00:48:44 Pour cette Masterclass, tu as choisi de revenir effectivement
00:48:47 sur la série "Love, Death and Robots" qui est sortie en 2019.
00:48:51 Qui a été réalisée par David Fincher et Tim Miller.
00:48:54 Tu as travaillé, tu vas nous l'expliquer ici, sur deux épisodes en particulier.
00:48:59 Mais toi, tu vas revenir sur le premier, la première saison.
00:49:03 Je vais te laisser tranquillement t'installer au pub vitré
00:49:06 et je vais quand même vous montrer un petit aperçu visuel
00:49:10 pour ceux qui n'ont pas vu la série.
00:49:14 En tout cas, du premier épisode.
00:49:20 (Générique)
00:49:22 ---
00:49:32 (Générique)
00:49:35 ---
00:49:47 (Générique)
00:49:49 ---
00:49:56 (Générique)
00:49:59 ---
00:50:07 (Générique)
00:50:10 -Bon, alors voilà, je vais vous présenter un peu le processus créatif
00:50:16 qu'il y a eu sur la série "Love, Death and Robots".
00:50:18 Pour cette présentation de mon travail,
00:50:21 je vais essayer de me servir de ce projet pour expliquer
00:50:24 un peu le processus créatif que j'ai eu sur la série
00:50:28 et les différentes approches que j'ai eues sur les personnages.
00:50:32 Je n'aurai pas le temps de tout vous expliquer.
00:50:34 Je vais plutôt me concentrer sur deux, trois études
00:50:38 que j'ai eues à faire tout au long de la série.
00:50:41 Et plus le travail de caractère designer,
00:50:45 je vais essayer de l'expliquer pour ceux qui ne savent pas vraiment ce que c'est.
00:50:48 Ce sera un peu scolaire par moment,
00:50:50 mais j'ai essayé d'un peu mélanger les deux.
00:50:53 Alors, pour préciser un peu tout ça,
00:50:56 préciser les choses, "Love, Death and Robots",
00:50:59 c'est une série de Netflix,
00:51:01 qu'on appelle une série d'anthologie d'animation pour adultes.
00:51:05 C'est une série qui a commencé en 2019,
00:51:08 qui continue actuellement avec...
00:51:12 Ça va faire cinq ans, exactement.
00:51:14 Dans la saison 1, vous avez 18 épisodes
00:51:17 et c'est produit par Tim Miller et David Fincher.
00:51:21 J'ai eu la chance de travailler sur la saison 1 sur deux épisodes.
00:51:25 Le projet a démarré complètement
00:51:27 et quand on voit arriver un projet avec David Fincher,
00:51:30 en général, on accepte.
00:51:32 On ne réfléchit pas trop, on dit "Allez, je vais me le faire".
00:51:35 La particularité de ce projet-là,
00:51:41 c'est d'avoir un univers graphique très différent
00:51:43 tout au long des épisodes
00:51:45 et une déa très forte.
00:51:47 C'est un univers singulier à chaque épisode.
00:51:50 Il y a beaucoup d'artistes qui ont travaillé dessus
00:51:53 et qui ont apporté leur univers graphique.
00:51:57 C'est un peu ce qui donne toute la richesse visuelle de cette série.
00:52:02 Comme vous pouvez le voir ici,
00:52:04 vous avez du réalisme, du cartoon,
00:52:07 du stop-motion, il y a vraiment tous les styles.
00:52:10 Il y a un truc qu'il faut savoir aussi,
00:52:13 c'est que ce projet part d'une inspiration très forte
00:52:16 qui est le magazine "Metal Hurlant".
00:52:18 Un magazine culte des années 70
00:52:21 avec des grands artistes qui ont bossé dessus
00:52:24 comme Moebius, Du Truyet, Nicolet
00:52:27 qui fut aussi un de mes professeurs en école d'art.
00:52:31 Et beaucoup d'autres à l'époque.
00:52:33 Il y a vraiment comme ça, cet ovni qui est arrivé
00:52:36 et qui a un peu cassé la baraque.
00:52:39 Pour ceux qui connaissent "Metal Hurlant",
00:52:41 je crois que ça existe encore maintenant,
00:52:43 mais il n'y a pas forcément Moebius.
00:52:45 J'ai eu la chance de travailler sur ces deux épisodes-là.
00:52:51 Ces deux épisodes sont dans un univers assez différent.
00:52:54 Il faut savoir aussi que ce sont des adaptations
00:52:58 d'auteurs de science-fiction.
00:53:00 Vous avez "Beyond the Aquila Reef", c'est l'épisode 7
00:53:03 qui est l'adaptation d'Alester Reynolds.
00:53:06 Et puis vous avez "Sony Edge" qui lui
00:53:09 est une adaptation de Peter Hamilton.
00:53:12 Pour la présentation, je vais plutôt me concentrer
00:53:15 sur "Sony Edge" parce que j'ai passé plus de temps dessus.
00:53:19 Et "Sony Edge" qui est réalisé par David Wilson.
00:53:23 Je vais plutôt vous présenter ça
00:53:26 à travers deux, trois personnages.
00:53:28 Deux, trois approches artistiques que j'ai eues sur ces personnages-là.
00:53:32 Pour replacer un peu les choses dans le contexte,
00:53:35 "Sony Edge" c'est quoi ?
00:53:37 Je ne vais pas spoiler pour ceux qui n'ont pas vu.
00:53:40 J'essaierai d'être le plus évasif possible.
00:53:43 "Sony Edge" c'est vraiment un épisode qui se passe
00:53:45 dans un futur comme ça, dystopique.
00:53:47 Là, vous avez quelques images qui vous donnent
00:53:49 les différentes ambiances que vous allez rencontrer
00:53:51 dans cet épisode.
00:53:52 Ça raconte l'histoire d'une jeune femme marquée, traumatisée
00:53:55 par un passé douloureux comme ça,
00:53:58 qui participe à des matchs à mort clandestins
00:54:01 entre créatures interposées.
00:54:03 Pour faire simple, c'est un Pokémon pour adultes.
00:54:07 Je pense que là, pour resituer plus rapidement le truc.
00:54:11 À la fin de mon pitch, je pense que je vous passerai
00:54:15 des images du résultat final.
00:54:17 Là, c'est un peu des plans larges, des ambiances.
00:54:20 On fera un focus sur les personnages pour voir le résultat
00:54:23 et ce que ça donne en vrai sur l'écran.
00:54:27 Je vais aussi présenter les équipes avec qui j'ai travaillé.
00:54:31 Blur, c'est une société, je pense que ceux qui sont
00:54:34 dans le dessin et dans l'animation, tout ça,
00:54:36 elles les connaissent.
00:54:37 C'est quand même une grosse société aux États-Unis.
00:54:40 En Californie, pour être précis, elle s'occupe en général
00:54:43 des effets spéciaux dans le cinéma, dans l'animation,
00:54:46 dans le design.
00:54:47 Elle fait aussi de la cinématique pour le jeu vidéo.
00:54:51 Elle a travaillé pour Marvel d'ici.
00:54:54 Et puis sur son CV, vous avez du Avenger, du X-Men,
00:54:57 du Avatar, donc que des belles choses.
00:54:59 Et à côté, vous avez Dale Wilson.
00:55:02 C'est avec lui que j'ai bossé directement.
00:55:04 On échangeait directement ensemble par mail.
00:55:06 C'est le réalisateur de l'épisode.
00:55:09 Il a également travaillé sur Avenger et Star Wars.
00:55:12 Je me souviens qu'à la même époque où on travaillait
00:55:15 sur Sonny Hedge, lui, il faisait son film avec...
00:55:19 On travaillait en 2017.
00:55:21 On a commencé à bosser en 2017 ensemble.
00:55:23 Et en même temps, il faisait son film avec Vin Diesel,
00:55:25 qui s'appelait Bloodshot, qui est aussi une adaptation de comics.
00:55:29 Le gars était quand même sur deux projets en même temps.
00:55:32 Je me suis pensé que j'étais le seul, mais lui, c'est pire que moi.
00:55:36 Voilà pour la présentation.
00:55:38 J'ai passé plus de temps avec Dave quand il avait le temps
00:55:41 et quand il ne fallait pas s'occuper de Vin Diesel.
00:55:44 Avant de dessiner, je vais lire un brief.
00:55:51 Je vais lire un espèce de document qui va essayer de m'expliquer...
00:55:55 Ça va être le synopsis du projet
00:55:58 et je vais mettre en place les bases et la déa en général.
00:56:02 La lecture du brief du personnage aussi,
00:56:05 je vais avoir des choses à développer plus précisément,
00:56:08 mais ça, on verra après.
00:56:09 Dans ces images-là, qui sont tirées du brief,
00:56:12 qui est bien plus conséquent que ça,
00:56:14 mais j'ai extrait quelques images du brief de Blur,
00:56:17 il y avait des images pour illustrer le projet.
00:56:19 Pour ceux qui connaissent, vous avez Snatch avec Brad Pitt.
00:56:23 Ça, c'était plus pour la partie combat illégal.
00:56:27 Vous avez Alan Ford aussi, je ne sais pas si vous connaissez,
00:56:29 on l'appelle tête de break dans la série, toujours dans Snatch.
00:56:32 C'était pour le type de morfo, donc une sacrée gueule.
00:56:34 J'aurais pu le faire, celui-là, en peinture.
00:56:36 Il est génial avec ses grosses lunettes.
00:56:38 Il y avait aussi Millennium avec Rune Mara.
00:56:41 C'était une source d'inspiration pour Sony.
00:56:43 Un personnage comme ça qui est assez intéressant.
00:56:47 Et puis, il y a cette petite image au-dessus, en haut à droite,
00:56:51 c'était plus pour donner une indication sur l'ambiance colérée
00:56:53 qu'on voulait essayer d'avoir sur l'épisode.
00:56:55 C'était cette ambiance un peu rétro-punk futuriste.
00:56:59 A l'époque, Cyberpunk, le jeu n'était pas encore sorti.
00:57:02 On commençait à revenir un peu avec ça, tout doucement.
00:57:05 J'étais également content de voir que mes boulots étaient
00:57:08 des points de référence.
00:57:10 Il y avait pas mal de mes peintures comme points de référence pour le projet.
00:57:14 Donc, ça tombait bien, j'allais bosser dessus.
00:57:16 C'était nickel.
00:57:18 Comme quoi, vous voyez, ces projets-là, la fille qui est assise,
00:57:21 c'est un projet perso que j'ai dû faire il y a je ne sais pas combien d'années.
00:57:23 J'ai débalancé, il a voyagé sur Internet et il me permet de bosser
00:57:27 sur un truc comme ça.
00:57:28 Donc, ça, ça répond un peu à la question de Marine.
00:57:30 Faites des choses, soyez innovants et ça voyage.
00:57:32 Puis, les gens peuvent être inspirés et proposer des choses
00:57:35 comme cette série.
00:57:37 Assez rapidement, à lecture du brief, parce que moi, je vais lire le synopsis,
00:57:41 je vais lire le brief.
00:57:42 Et puis, dans ma tête, je vais aussi avoir des idées comme ça,
00:57:44 des envies de choses.
00:57:45 Donc, je vais débouler avec mes quelques petites références
00:57:48 de personnages forts que j'ai aimés.
00:57:51 Alors, des personnages forts, je ne vais pas vous faire voir
00:57:55 forcément le brief de Blur, mais il y avait moins des choses différentes,
00:57:59 un peu plus anciennes que je vous fais voir.
00:58:02 C'est vraiment comme un jouet.
00:58:04 C'est-à-dire que quand j'ai le projet qui arrive, je vais penser à des films forts,
00:58:07 des personnages forts et je vais essayer comme ça,
00:58:10 avec l'excitation de créer des personnages, aller chercher des choses
00:58:13 qui m'ont marqué.
00:58:14 Donc, je vais penser à des personnages du cinéma comme ça.
00:58:17 Il y a du Sigourney Weaver.
00:58:18 Ça part un peu dans tous les sens, mais là, c'est ce qui me passe
00:58:21 le plus, tout de suite.
00:58:22 Linda Hamilton, à fond les caisses.
00:58:25 Terminator 1, Terminator 2, c'est quand même une sacrée référence.
00:58:28 On s'arrête au Terminator 2, on ne va pas plus loin.
00:58:31 Ça reste une sacrée référence quand même pour moi.
00:58:34 Bruce Lee, que j'adore.
00:58:35 C'est un personnage mythique qui crève l'écran.
00:58:38 Je pensais à lui, puis il me dit "Putain, il faudrait que je mette un peu de Bruce Lee là-dedans".
00:58:41 Je ne vais pas le dire.
00:58:42 Je vais le garder pour moi et je vais le discrètement glisser.
00:58:46 Et je vais me servir un peu de tout ça pour commencer aussi à proposer des choses.
00:58:50 C'est ce qui fera peut-être un peu la différence avec tel ou tel artiste.
00:58:54 Moi, j'arrive avec mon petit bagage comme ça.
00:58:56 Donc, je vais donner des choses à proposer
00:59:00 et avoir une vraie valeur ajoutée sur le brief initial.
00:59:04 Je vais commencer ensuite à travailler.
00:59:06 C'est-à-dire que tout ça, je vais l'utiliser pour commencer à développer
00:59:10 et je vais commencer par procéder avec des étapes différentes.
00:59:13 Trois grandes étapes qui vont me permettre de commencer à créer des choses.
00:59:18 La première, ça va être comme ça, ce que j'appelle avoir une espèce de vision d'ensemble.
00:59:23 C'est-à-dire que je vais prendre une planche et je vais essayer de commencer à tout poser.
00:59:26 Il faut savoir que c'est une commande.
00:59:28 Donc, il faut être capable de proposer des choses,
00:59:30 respecter le brief initial, mais être capable de proposer.
00:59:33 J'ai besoin de comprendre le projet au départ.
00:59:36 Et puis, plein de choses vont me venir en tête.
00:59:38 C'est sur cette planche-là où ça va un peu se bousculer,
00:59:41 mais je vais laisser venir les formes.
00:59:43 C'est ici que je mets un peu tout en vrac.
00:59:45 C'est donc mes références, mes idées. On doit ressentir deux ou trois films là-dedans.
00:59:50 Et je me laisse une part de liberté.
00:59:52 Ça sera un peu le dernier moment où je vais proposer des choses
00:59:54 puisque je vais pouvoir créer et essayer d'avoir comme ça un plus par rapport au brief.
00:59:59 Rapidement, je vais essayer de déterminer des silhouettes.
01:00:02 Donc, comme vous pouvez le voir, il n'y a pas de détail pour l'instant.
01:00:04 Ceux qui font du concept, ils savent ce que c'est.
01:00:07 C'est une vision d'ensemble.
01:00:09 J'essaye d'ajouter un élément ou deux.
01:00:11 J'essaie de les rendre un peu distinctifs,
01:00:13 comme ça un personnage fort déjà par la silhouette.
01:00:16 Mais je laisse d'abord venir les formes, les idées
01:00:18 pour commencer à rendre ça reconnaissable.
01:00:22 Alors, je n'utilise pas forcément la couleur.
01:00:25 Pourquoi ?
01:00:27 Parce que là, c'est vraiment la phase où j'essaye de,
01:00:30 pour l'instant, de me focaliser sur les choses simples.
01:00:34 Avec une brosse simple aussi, pour le côté un peu technique,
01:00:38 on me pose souvent des questions,
01:00:40 mais là, je prends une brosse toute simple avec zéro opacité.
01:00:43 Il y a trois valeurs et c'est tout.
01:00:45 Ça me permet juste d'aller choper une silhouette,
01:00:47 un pantalon, un bras, et terminé.
01:00:49 Donc ça, je vais commencer à l'utiliser pour ensuite
01:00:52 aller dans la phase que j'appelle la caractérisation du personnage.
01:00:56 C'est-à-dire que je vais commencer à rentrer un peu plus dans le brief
01:01:00 et dans le brief à respecter.
01:01:02 Donc, ça va être la phase où je vais commencer à intégrer les éléments.
01:01:05 Au milieu, vous avez les choses qui m'étaient imposées
01:01:08 pour le personnage de Dico par Blur.
01:01:10 Il fallait que le personnage ait ses vêtements.
01:01:13 On devait se rapprocher un peu de cette morphologie,
01:01:15 particularité physique, sa fonction, tout ça.
01:01:17 C'est la phase qui permet un peu de tester
01:01:19 et d'avoir un échange avec les équipes.
01:01:21 Là, je commence à envoyer les tests.
01:01:23 J'essaye des choses, on essaye des choses avant de les valider.
01:01:27 On va avoir une idée avant de passer à la couleur,
01:01:29 parce que la couleur, ça va être la phase où on va passer le plus de temps.
01:01:32 Donc, on teste, on regarde, ça prend un peu de temps,
01:01:34 mais on essaye des choses et c'est vraiment,
01:01:36 on va dire que c'est un travail d'équipe.
01:01:38 Et puis, il y a la phase finale.
01:01:42 C'est la phase où je vais prendre mes concepts.
01:01:43 Et puis là, si on me dit c'est OK, celui-là, il nous plaît bien,
01:01:46 vas-y, termine-le.
01:01:47 C'est ce que j'appelle l'iconisation.
01:01:49 C'est-à-dire, je vais prendre le personnage
01:01:51 et je vais le rendre comme ça.
01:01:53 On va préciser un peu le personnage avec du détail,
01:01:55 de la couleur, de la physique, des bijoux.
01:01:58 Par exemple, ici, vous avez des lunettes pour Wes.
01:02:00 On le reconnaît tout de suite.
01:02:02 On va essayer de le rendre unique,
01:02:04 comme si chacun des personnages avait sa propre existence.
01:02:09 Et moi, j'aime bien leur faire porter comme ça sur leur tête,
01:02:12 les portraits des traits d'une vie comme ça.
01:02:14 Ça doit être quelque chose d'important.
01:02:16 C'est assez important pour moi.
01:02:17 C'est vraiment une étude de portrait.
01:02:19 C'est quelque chose qui me permet comme ça de m'amuser.
01:02:22 Je mets de la texture.
01:02:24 Et c'est la phase vraiment où je mets en avant mon approche graphique
01:02:26 et mon univers.
01:02:27 Et j'utilise mes brosses, et tout à cit avec la couleur.
01:02:30 Donc ça, c'est la phase finale, on va dire.
01:02:33 Ça, c'est prêt à partir en prod.
01:02:35 Les équipes vont le récupérer et vont bosser un mois,
01:02:38 deux mois avec et modéliser.
01:02:40 Maintenant, je vais vous expliquer un peu le processus,
01:02:45 un peu plus précisément les choses.
01:02:47 Je vais commencer par Sony.
01:02:49 Dans un premier temps, je ne vous ferai pas voir les briefs
01:02:52 en interne des studios parce que ça reste quand même
01:02:55 des documents confidentiels.
01:02:57 Mais vous verrez peut-être un aperçu ici,
01:03:01 puisque là, pour le personnage de Sony,
01:03:04 on m'avait demandé de respecter comme ça,
01:03:06 ces quelques lignes comme ça.
01:03:08 Les caractéristiques du personnage.
01:03:10 C'est un personnage qui est assez jeune, qui a 20 ans.
01:03:14 Elle devait porter des cicatrices,
01:03:16 donc un passé douloureux comme ça, elle le porte sur son visage.
01:03:18 Rester assez fine visuellement.
01:03:20 Les pieds nus, ça aussi, c'est un truc qui m'était demandé.
01:03:23 On devait lui mettre une capuche aussi, cheveux courts.
01:03:26 Et puis tatouage lumineux, on verra ça avant du final.
01:03:29 Donc j'ai essayé à partir de tout ça,
01:03:31 de commencer à proposer des choses,
01:03:33 à trouver des caractéristiques,
01:03:35 des choses qui soient propres au personnage.
01:03:38 Je vais proposer, je vais essayer des contrastes intéressants ou pas
01:03:41 dans les vêtements, la forme du tee-shirt, les tatouages.
01:03:44 Je vais essayer d'aller chercher des ruptures de forme.
01:03:46 Toujours en essayant de coller au brief de Wilson,
01:03:49 mais j'essaye de proposer vraiment des choses en plus.
01:03:51 Quand je suis dans cette phase-là,
01:03:54 j'ai un truc qui me démange très vite.
01:03:56 J'ai envie de quoi ?
01:03:57 J'ai envie très vite de commencer le portrait.
01:03:59 Ça, c'est un truc qui me revient.
01:04:00 Je ne peux pas m'en séparer.
01:04:02 C'est un truc qui est récurrent chez moi.
01:04:04 Donc je vais faire des propositions de morphologie et de visage.
01:04:08 J'aime assez rapidement pousser le portrait.
01:04:10 C'est un peu mon spécial.
01:04:12 Mais ça me permet aussi de distinguer assez rapidement
01:04:15 la personnalité du protagoniste avec la forme du visage.
01:04:20 Je trouve que c'est un peu l'âme du perso globalement,
01:04:22 la forme des yeux.
01:04:24 Pour moi, ça doit raconter beaucoup de choses.
01:04:27 Je vais essayer de dessiner en noir et blanc.
01:04:29 Encore une fois, je vais rester sur des choses un peu simples,
01:04:32 comme si je sculptais dans le volume,
01:04:35 sans trop aller dans le détail,
01:04:37 que je vais faire des propositions.
01:04:39 Et eux, ils vont choisir ou pas des choses qui vont leur plaire.
01:04:42 De mémoire, je crois qu'on était parti sur la version,
01:04:45 la dernière, la main, sur la quatrième.
01:04:47 Et je vais éviter de tomber trop vite dans l'effet de la couleur
01:04:50 puisque je vais essayer de rester vraiment
01:04:53 dans l'efficacité de noir et blanc.
01:04:55 Ça me permet aussi de rapidement voir si une idée est bonne ou pas.
01:04:58 On ne va pas passer de la couleur sur un concept
01:05:01 si au final ça ne marche pas.
01:05:02 On va essayer de le tester déjà en noir et blanc
01:05:04 et on va voir ce que le studio va me dire.
01:05:07 On me pose souvent la question comment je procède pour la couleur.
01:05:11 On pourrait croire que j'utilise ce type de nuancier.
01:05:14 Pour ceux qui connaissent, c'est du bon vieux Photoshop
01:05:17 avec un nuancier de base pour travailler la couleur.
01:05:20 Moi, ce n'est pas du tout mon kiff, comme on dit.
01:05:23 Ça ne me parle pas trop, c'est même plutôt froid.
01:05:25 J'ai eu vachement de mal avec ça.
01:05:27 Alors oui, c'est bien parce que ça permet d'être précis.
01:05:30 Les petits carrés, comme ça, on peut aller chercher la couleur.
01:05:33 C'est nickel.
01:05:34 Mais pour moi, ce n'est pas le top si on veut commencer à créer
01:05:38 et à expérimenter de la couleur.
01:05:40 Ça ne permet pas forcément de m'amuser comme je peux le faire
01:05:43 avec une palette et des pots de peinture.
01:05:46 Donc moi, je vais très vite aller vers ça,
01:05:48 c'est-à-dire un truc un peu plus compliqué,
01:05:50 voire un peu plus bordélique.
01:05:52 Je vais en mettre de partout, je vais aller chercher les tâches.
01:05:55 Ça, ça me parle plus puisque je vais rester autour du personnage,
01:05:58 mais je vais expérimenter la couleur, la matière.
01:06:02 C'est une espèce de bordel organisé de tâches
01:06:06 qui me permet de mélanger un peu mes teintes.
01:06:09 J'essaye des trucs et j'essaie de garder,
01:06:12 alors ça, c'est dur à faire,
01:06:14 mais j'essaie de garder une approche organique, du numérique.
01:06:17 Je n'essaie pas de rester sur du pixel.
01:06:19 J'essaie d'aller chercher de la matière, de mélanger la couleur,
01:06:22 comme si j'utilisais les tâches pour commencer à préciser le personnage
01:06:26 avec différentes brosses, comme vous pouvez le voir.
01:06:29 Ça donne quelque chose d'assez abstrait.
01:06:31 C'est évidemment ça, si je balance ça en concept,
01:06:33 ça va me revenir dans la gueule assez vite et je vais me faire engueuler.
01:06:37 Et ce n'est pas forcément très précis, mais je me garde cette phase-là
01:06:40 et parfois, ça me donne des idées aussi d'aller chercher une forme.
01:06:43 Ça débloque des trucs et ça me permet de faire aussi des propositions.
01:06:46 Donc, je peux presque trouver l'inspiration
01:06:49 dans cette espèce d'abstraction comme ça, de forme.
01:06:52 Ça me parle, je me garde toujours cette phase-là.
01:06:54 Elle est importante pour moi.
01:06:56 La finalité, c'est quoi ?
01:06:58 C'est d'avoir ce personnage comme ça, avec un rendu qui est beaucoup plus précis,
01:07:03 de travailler la couleur, d'affiner le concept, d'être plus précis, évidemment.
01:07:07 Je me dois d'être précis parce que les équipes, elles ne sont pas à côté de chez moi.
01:07:11 Elles sont aux États-Unis, on travaille à distance.
01:07:13 Donc, je me dois d'être précis dans mes designs.
01:07:16 Et on fait tout ça par mail.
01:07:18 Je ne serai pas là pour dire "ce n'est pas comme ça, c'est comme ça".
01:07:21 Le truc va voyager et va faire sa vie après.
01:07:24 De mon côté, pour les résultats finals,
01:07:27 ça doit être comme ça, l'iconisation avec la précision, les détails.
01:07:33 Tout ça, c'est pour vraiment penser à l'équipe qui va arriver derrière
01:07:37 et qui va modéliser ton personnage pendant un mois ou deux.
01:07:41 Je passe d'un truc assez abstrait à un concept assez précis.
01:07:44 La finalité, c'est quoi ?
01:07:46 Je dois essayer de ne pas rester sur un concept trop flou.
01:07:49 La finalité étant d'avoir un personnage 3D modélisé
01:07:52 comme vous avez sur la droite, par les équipes aux États-Unis
01:07:56 qui ont passé du temps dessus.
01:07:58 C'est du CGI.
01:08:00 C'est une traduction d'images générées par ordinateur.
01:08:04 C'est modélisé, c'est texturé.
01:08:07 La finalité, c'est de pouvoir créer un personnage comme ça
01:08:10 qui va bouger et qui va prendre vie sur l'écran.
01:08:13 On va quand même avoir besoin du concept du milieu
01:08:16 pour préciser tout ça.
01:08:18 Je vais maintenant rentrer un peu plus dans le détail de la couleur.
01:08:22 J'étais un peu plus large, mais je vais commencer à préciser
01:08:25 mon approche picturale avec ce personnage-là.
01:08:28 Donc là, dans un premier temps, ce que vous voyez là,
01:08:31 ce sont des recherches de caractérisation pour Jennifer.
01:08:34 Il y a un personnage qui est important dans l'épisode aussi.
01:08:37 Je vais faire des propositions.
01:08:39 Comme d'hab, je fais mes propositions.
01:08:41 Je dois rester sur une jeune fille de 20 ans, blonde, comme ça,
01:08:44 mystérieuse, avec un visage assez doux, une voix douce,
01:08:48 un accent anglais.
01:08:49 Voilà, c'était toutes les lignes que je devais un peu respecter
01:08:51 dans le personnage.
01:08:52 Et puis, je vais expliquer un peu plus précisément la couleur
01:08:55 que j'ai eu à faire sur ce personnage avec les différentes étapes.
01:08:58 Blur, je crois de mémoire, a validé le A.
01:09:02 Et de mon côté, quand le A est validé, je me dis "ok, nickel".
01:09:05 Je vais prendre le A et je vais commencer à bosser dessus
01:09:08 et à voir ce que je peux en faire.
01:09:10 Ce n'est pas fini, c'est simplement une recherche.
01:09:13 Donc, partons de cette recherche-là.
01:09:17 Je vais prendre, je vais agrandir et avec la couleur,
01:09:19 je vais alors commencer à redéfinir le portrait.
01:09:21 C'est-à-dire que je vais prendre cette base noir et blanc
01:09:24 et je vais commencer à y mettre ma couleur avec de la texture.
01:09:28 Un truc qui me reste de peinture, c'est aller chercher
01:09:31 une carnation de peau.
01:09:32 Pour ceux qui connaissent, vous savez ce que c'est la carnation de peau.
01:09:35 C'est de faire simuler les rougeurs, les choses qui font
01:09:38 qu'une peau, le rendu fonctionne.
01:09:40 Je vais aller chercher une carnation de peau avec mes brosses,
01:09:43 avec différents tons.
01:09:44 Je vais tourner autour.
01:09:46 Je vais essayer de m'amuser comme ça.
01:09:47 Je vais travailler les couches aussi de couleurs
01:09:49 avec des brosses différentes pour aller chercher la matière.
01:09:51 Et puis, un peu comme un peinture traditionnelle
01:09:53 pour ceux qui en ont déjà fait et savent ce que c'est.
01:09:55 Ça demande un peu de temps.
01:09:57 Je vais tourner autour de cette base noir et blanc
01:09:59 pour commencer vraiment à en accentuer,
01:10:01 accentuer la personnalité et essayer de booster un peu le concept.
01:10:07 Voilà une des premières étapes comme ça, à partir de ce concept.
01:10:11 Ensuite, je vais commencer par préciser la touche
01:10:15 et je vais commencer par redéfinir le visage
01:10:18 et donc gagner en lecture.
01:10:20 C'est comme si on zoomait comme ça,
01:10:23 on allait chercher la définition dans l'image.
01:10:25 Je dois garder à l'esprit, encore une fois,
01:10:27 que mon concept va être repris par des équipes.
01:10:30 Je vais commencer à préciser tout ça.
01:10:32 Il a besoin d'être clair et précis.
01:10:34 Je vais préciser la forme des yeux, la forme du nez, de la bouche.
01:10:37 On commence un peu à s'écarter du concept noir et blanc,
01:10:41 mais j'essaye encore une fois d'apporter un truc en plus.
01:10:44 C'est toujours cette volonté de faire avancer le projet
01:10:46 qui me motive et qui me donne envie de continuer dans le concept.
01:10:51 Résultat final, c'est ça.
01:10:55 Vous avez ce visage-là qui reste assez juvénile.
01:10:58 J'ai essayé de créer un visage assez pur dans les lignes,
01:11:01 qui va contraster avec le twist final.
01:11:04 Pour ceux qui ont vu l'épisode, comprenons de quoi je parle.
01:11:07 Mais j'ai surtout essayé de donner vie au concept
01:11:09 avec la couleur et la texture.
01:11:12 La couleur à ce truc, c'est de vraiment ajouter l'intensité
01:11:16 au concept initial.
01:11:18 J'ai aussi renforcé l'éclairage sur le visage.
01:11:21 Ça permet de comprendre un peu mieux la forme
01:11:23 pour ceux qui vont modéliser derrière.
01:11:25 Et plus la forme globale du visage
01:11:27 pour pouvoir plus facilement le modéliser.
01:11:29 Donc à chaque fois, j'essaie de garder à l'esprit
01:11:32 que c'est récupéré par des équipes.
01:11:34 Le personnage est posé.
01:11:36 J'ai posé les grandes lignes, j'ai modélisé.
01:11:40 Mais parfois, ça ne suffit pas, puisqu'on s'est rendu compte
01:11:42 que le visage manquait un peu de douceur.
01:11:45 On avait perdu un peu le portrait initial.
01:11:48 La version de Jennifer était un peu trop mature.
01:11:51 Pas assez douce pour contraster avec le twist final,
01:11:55 comme je disais tout à l'heure.
01:11:57 J'ai modifié encore cette version.
01:11:59 J'ai dû réadapter mon concept.
01:12:01 Ça aussi, ça fait partie du métier.
01:12:03 Il faut être capable de prendre ce qu'on a déjà produit
01:12:06 et de se renouveler, réinventer un truc derrière.
01:12:09 Parfois, ce n'est pas facile.
01:12:10 On est vraiment parti dans cette direction plus soft.
01:12:14 La mâchoire est moins marquée.
01:12:16 Le visage est bien plus rond.
01:12:18 Je vois que les yeux sont plus ouverts aussi.
01:12:20 J'ai gardé la même base, puisque l'équipe avait validé le personnage.
01:12:24 On ne voulait pas complètement le refaire.
01:12:26 Il faut se dire que le timing est assez serré.
01:12:29 C'est vraiment un ping-pong avec les studios.
01:12:32 On s'envoie les boulots.
01:12:34 Lui, il est en train de finir ses trucs avec Vin Diesel.
01:12:38 Il répond à minuit et demi.
01:12:39 Des fois, à 1h de l'après-midi, il ne dormait pas.
01:12:42 C'est tout un décalage.
01:12:44 C'est des échanges qui peuvent être laborieux.
01:12:46 Ici, dans le meilleur des cas, c'est super bien passé.
01:12:48 C'est quelqu'un qui m'avait laissé assez confiance là-dessus.
01:12:53 C'est la phase de portrait qui, pour moi, est terminée.
01:12:57 Elle est prête à partir en 3D.
01:12:59 Il y a eu des réunions dans tous les sens.
01:13:01 Ils ont validé le projet, le personnage.
01:13:03 Ils se disent que c'est bon.
01:13:06 Ils ont fait un gros modeleur et ils vont commencer à modéliser.
01:13:08 Je suis sur l'étape pour arriver à cette version.
01:13:11 Ça prend forcément un peu de temps.
01:13:13 On va dire que ça a été du sur-mesure.
01:13:17 Ça prend du temps.
01:13:19 Mais ce que je disais tout à l'heure, c'est ce qui fera la différence.
01:13:22 Si vous arrivez à vous adapter et à bosser avec les studios,
01:13:25 vous ferez du sur-mesure, de la qualité.
01:13:28 Je vais vous parler de ce personnage aussi.
01:13:31 Pourquoi ? Parce que j'avais une approche un peu différente artistiquement.
01:13:35 Je n'étais pas tellement à l'habitude de dessiner.
01:13:37 Pour le personnage de Dicot, c'était un peu différent.
01:13:40 Le personnage de Dicot, on le verra plus tard,
01:13:42 c'est un personnage qui est complice avec Jennifer.
01:13:45 J'avais du mal à trouver une approche intéressante.
01:13:48 Je n'étais pas tellement satisfait.
01:13:50 Pour trouver un élément marquant du visage,
01:13:52 j'avais dans un premier temps fait des croquis,
01:13:55 aux traits, pour essayer de marquer le visage.
01:13:58 Vous avez vu que le personnage est plus ancien, plus vieux,
01:14:01 un visage plus marqué.
01:14:04 Parfois, l'approche artistique me permet de changer
01:14:06 et de débloquer certaines situations graphiques
01:14:09 et de trouver des idées.
01:14:11 Quand ça bloque d'un côté, j'essaye avec le dessin.
01:14:14 Parfois, ça m'aide. Je ne suis pas vraiment dessinateur,
01:14:16 je suis plus peintre, mais des fois, ça m'arrive de revenir
01:14:19 avec le crayon pour essayer d'aller chercher une forme
01:14:22 qui ne passe pas avec la tâche ou la forme.
01:14:25 Ensuite, je reviens avec la valeur.
01:14:28 Pour faire le brief du personnage,
01:14:32 il doit être de 50 ans, assez mince, assez grand,
01:14:34 riche, un érotin, courtois, manipulateur.
01:14:38 Il a un bon CV.
01:14:40 On doit commencer à ressentir tout ça déjà dans le visage.
01:14:43 Ce que je dis souvent, c'est que la morphologie,
01:14:46 c'est là pour donner des indications
01:14:48 et pour souligner la personnalité de votre personnage,
01:14:53 pour le mettre en avant.
01:14:55 J'ai essayé d'imaginer tout ça avec du volume noir et blanc
01:14:58 puisque je vais très vite passer à la couleur.
01:15:01 Ça peut m'arriver de passer directement à la couleur.
01:15:03 Ça m'est arrivé de le faire avec plein de projets
01:15:05 puisqu'il n'y avait pas beaucoup de temps pour ça,
01:15:07 mais il faut prendre en compte aussi le fait de pouvoir communiquer
01:15:10 avec le studio et d'avoir un vrai échange.
01:15:12 Il y a des studios qui n'aiment pas vraiment ça.
01:15:14 Quand le gars arrive et qu'il termine son truc
01:15:16 et que ça ne va pas, ça fait perdre du temps.
01:15:18 Quand on y va step by step, on peut régler les choses
01:15:21 et finaliser et ne pas perdre trop de temps.
01:15:24 C'est vraiment un dialogue et un échange d'idées
01:15:26 qu'on a comme ça avec Dave Wilson.
01:15:30 Au final, j'ai pris ce personnage-là, je l'ai mélangé comme ça
01:15:33 et j'ai fait une proposition des deux.
01:15:35 Je trouvais que le visage faisait encore un peu trop bourrin au milieu
01:15:40 et on était censé avoir un personnage un peu élégant.
01:15:43 Je ne me suis pas arrêté à cette version de moi-même.
01:15:46 J'ai repris le truc et je me suis dit
01:15:48 "Tiens, je vais essayer de te faire un autre truc, Dave,
01:15:50 et je vais essayer de garder ce travail d'analyse et de critique sur mon boulot.
01:15:56 C'est important aussi d'avoir un peu de recul.
01:15:59 Là, ça ne colle pas et je vais essayer de te proposer un truc avec la couleur.
01:16:03 J'ai redéfini un peu la morpho quand je suis passé à la couleur.
01:16:06 Je crois qu'à ce moment-là, Dave était en plein dans son film.
01:16:08 Il m'a dit "Oui, ça roule".
01:16:10 J'ai dit "Non, ça ne va pas trop, je vais te proposer un truc plus élégant".
01:16:14 Il m'a dit "Vas-y, je te fais confiance".
01:16:16 J'ai redéfini le visage avec la couleur, plus de finesse dans les traits.
01:16:22 Et puis Dave est revenu avec derrière.
01:16:24 Il m'a dit "Putain, c'est cool et tout, on va essayer de pousser encore un peu le truc".
01:16:28 Il m'a dit "Vas-y, on va allonger le front, on va écarter les oreilles".
01:16:31 Tout ça, c'est vraiment quelque chose qui a permis d'aller vers ce personnage-là.
01:16:35 Il colle encore plus au brief, je trouve,
01:16:37 mais qui a vraiment permis de se débloquer par un échange, par un procédé
01:16:42 et par une approche graphique un peu différente que d'habitude.
01:16:46 Là aussi, c'est un exemple sur le principe de pouvoir échanger des idées
01:16:50 et de pouvoir communiquer.
01:16:52 C'est super important.
01:16:54 Par mail, encore une fois, puisqu'on ne pouvait pas vraiment se voir.
01:16:58 Pour renforcer l'élégance du personnage,
01:17:03 on est parti sur un costume comme ça, avec une coupe assez droite.
01:17:07 C'est un style vestimentaire, un peu du Edwardien revisité.
01:17:12 On est resté sur une couleur assez sobre,
01:17:15 avec un petit gilet jaune, avec un peu de graphique et de texture.
01:17:20 J'aime bien garder la simplification des plis, souvent.
01:17:24 Je trouve ça intéressant, ça permet de contraster avec un visage un peu plus organique.
01:17:28 Je trouve que graphiquement, c'est parfois intéressant.
01:17:30 Je fais souvent ça, ça me permet de mettre en avant le portrait.
01:17:34 Ce que je fais aussi, c'est que la version finale,
01:17:37 je peux ajouter de la texture, de la matière sur les vêtements.
01:17:39 Ça, c'est pour ceux qui vont commencer à modéliser.
01:17:41 Je vais faire quelques propositions.
01:17:43 La petite fleur jaune, elle est importante,
01:17:45 puisque c'est un petit élément qui va rappeler Jennifer,
01:17:48 puisque les deux, encore une fois, seront complices dans l'épisode.
01:17:52 Et voilà pour la planche finale.
01:17:54 Ça va être prêt, encore une fois, à partir en production chez Blur.
01:17:58 Ça va être prêt à être modélisé.
01:18:00 Ça prend beaucoup plus de temps,
01:18:02 puisqu'il y a un artiste qui va s'occuper des vêtements,
01:18:05 il y en a un qui va s'occuper du visage.
01:18:07 C'est vraiment un vrai travail d'équipe.
01:18:09 On verra ça à la fin, je vous ferai voir quelques images.
01:18:12 Je vois que le temps passe très vite.
01:18:15 Je vais essayer d'aller à l'essentiel aussi.
01:18:17 Ça, c'est intéressant aussi.
01:18:19 Je vais vous parler de Simon. Pourquoi ?
01:18:21 Parce que là aussi, j'ai une autre démarche, une troisième démarche.
01:18:24 J'en ai plein d'approches.
01:18:25 Ça me permet de m'amuser, pas tout le temps faire la même chose.
01:18:28 J'avais fait ces propositions, très vite, le deuxième avait été validé.
01:18:33 Simon, c'est un personnage qui va se confronter à Sony dans l'épisode.
01:18:37 Pareil, indirectement, par créature interposée.
01:18:40 J'avais commencé cette recherche noir et blanc,
01:18:42 puis rapidement, on avait décidé de prendre le deuxième.
01:18:45 Et moi, j'avais poussé le noir et blanc un peu dans ses retranchements
01:18:48 et j'avais poussé un peu le détail.
01:18:50 Ici, la différence avec les autres portraits,
01:18:52 c'est que j'avais un peu tout raconté déjà dans le noir et blanc.
01:18:54 Il ne se trouvait pas nécessaire d'aller rechercher par la couleur le détail.
01:18:58 Pour gagner du temps, parce que là, on arrivait à la fin du projet,
01:19:01 il fallait aller vite.
01:19:02 J'ai décidé de garder ma base en noir et blanc.
01:19:05 Il m'arrive de faire ça, c'est-à-dire prendre mon noir et blanc qui est assez poussé
01:19:09 et de le superposer avec une couleur
01:19:12 que je vais essayer de m'amuser un peu avec la texture et la matière
01:19:15 pour aller chercher une teinte intéressante au personnage.
01:19:19 Ceux qui connaissent Photoshop, j'ai pu facilement le prendre
01:19:22 et le superposer au noir et blanc.
01:19:24 Ça m'a permis d'avoir un espèce de procédé de superposition
01:19:28 et j'ai pu conserver le détail de ma recherche noir et blanc
01:19:31 en plus de la couleur.
01:19:33 Ça permet de gagner vachement de temps
01:19:35 et ce n'est pas aussi laborieux que pour Jennifer.
01:19:37 Jennifer, je crois que c'était le premier portrait que j'avais passé du temps,
01:19:40 mais ça permettait de poser les bases aussi de l'ADA de l'épisode.
01:19:44 Alors, le résultat, il est sympa,
01:19:47 mais ça fait un peu vieille photo colorisée,
01:19:50 donc ça ne me plaît pas non plus.
01:19:52 Très vite, je reviens sur mon concept
01:19:54 et je vais rajouter de la couleur, de la matière, de la texture,
01:19:57 tout ce qui me fait plaisir en peinture.
01:20:01 Je vais essayer de retrouver l'approche initiale et précédente au personnage,
01:20:05 mais on s'est rendu compte que j'avais fait un test aussi
01:20:08 avec des équipes, avec des cicatrices,
01:20:10 on trouvait ça un peu redondant avec Sony.
01:20:12 Donc je suis revenu sur cette version un peu plus soft
01:20:16 et c'est vraiment la version finale du concept pour Simon
01:20:20 que vous avez dans l'épisode à la fin.
01:20:22 Voilà pour vous dire que je ne reste pas sur une seule approche artistique,
01:20:27 c'est vraiment les trois approches un peu comme ça.
01:20:29 Alors, j'en ai d'autres, je m'amuse pas mal en couleur des fois
01:20:32 à faire des choses différentes.
01:20:34 Je n'aurais pas le temps de tout exposer ici,
01:20:36 mais toujours en essayant de garder mon rendu final,
01:20:38 des fois, je peux prendre des chemins différents
01:20:40 et des approches différentes.
01:20:42 Et ça, on le voit de temps en temps,
01:20:44 parfois avec quelques boulots que je peux poster,
01:20:46 on s'en rend compte que c'est différent.
01:20:48 C'est surtout que j'ai envie de m'amuser avec la couleur
01:20:50 et j'expérimente des fois.
01:20:52 Parfois, j'expérimente directement dans une prod.
01:20:55 Alors, la finalité de tout ça, ça a été de créer,
01:20:59 on a créé avec Dave un véritable casting de personnages comme ça,
01:21:03 mémorables, on a essayé de donner une forte identité visuelle.
01:21:06 Essayer de marquer les esprits aussi, c'est difficile
01:21:10 quand l'épisode ne dure que 17 minutes.
01:21:12 Il faut quand même aller chercher des gueules, des personnages forts.
01:21:15 J'étais assez content du résultat,
01:21:17 puisque l'écriture était plutôt bien foutue, ça va à l'essentiel.
01:21:20 J'avais fait d'autres personnages aussi,
01:21:22 mais on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas assez de temps
01:21:24 pour les intégrer.
01:21:25 Et l'équipe de doubleurs a fait un super boulot
01:21:27 au-dessus de la modélisation, puisqu'elle a gardé le concept
01:21:30 et a réussi à rajouter des choses avec la 3D.
01:21:32 Donc, ils ont remis encore la barre un peu plus haut.
01:21:34 Donc, ils ont su interpréter tout ça.
01:21:36 Je suis assez content aussi d'avoir aussi démarré la série
01:21:40 parce que j'étais un des premiers à bosser dessus.
01:21:42 On a ouvert la porte avec Dave
01:21:44 et c'est épisode 1, saison 1.
01:21:46 J'ai bien aimé bosser avec Dave aussi,
01:21:48 puisqu'il m'a laissé quand même vachement de liberté,
01:21:51 de création sur ses personnages.
01:21:53 Ce qui donne, je trouve, un truc assez radical,
01:21:55 comme ça, visuellement.
01:21:56 On a vraiment une tête à chaque fois qui est forte
01:21:59 et qu'on arrive à s'en souvenir.
01:22:02 Voilà, pour le rendu final, c'est ça.
01:22:05 C'est la finalité de mon boulot.
01:22:07 C'est d'avoir comme ça des personnages en 3D modélisés,
01:22:09 en CGI encore une fois.
01:22:11 Alors là, il y a beaucoup d'artistes qui ont bossé dessus,
01:22:14 puisqu'il y a de la modélisation,
01:22:16 il y a de l'éclairage, il y a de l'environnement.
01:22:18 Je vais vous faire voir quelques images,
01:22:20 pas tout, puisque je vais essayer d'aller à l'essentiel,
01:22:23 les personnages,
01:22:24 puisque c'est ça qui nous intéresse aujourd'hui.
01:22:26 Je tiens quand même à parler, à citer Damien,
01:22:30 qui a travaillé dessus.
01:22:31 Alors lui s'est occupé de ces trois personnages,
01:22:33 alors qu'il y a un petit Frenchie comme moi à avoir bossé dessus.
01:22:35 Et là, vous reconnaissez le résultat.
01:22:37 Vous avez le résultat final des trois persos.
01:22:39 Vous avez Jennifer, vous avez Wes,
01:22:41 et puis vous avez Dico.
01:22:42 Il a vraiment su capter l'intensité des personnages comme ça.
01:22:46 Et puis, avec une modélisation qui colle plutôt bien.
01:22:49 Ce n'était pas facile.
01:22:50 C'était des concepts comme ça qui étaient un peu graphiquement,
01:22:53 artistiquement difficiles à retranscrire.
01:22:55 Wes, c'est le personnage au milieu.
01:22:58 C'est un personnage important aussi,
01:22:59 puisque c'est un trio avec Sony et Irvina.
01:23:02 On verra ça, vous verrez ça si vous n'avez pas vu l'épisode.
01:23:05 Encore trois personnages forts aussi,
01:23:07 que Damien a travaillé dessus.
01:23:09 Il a travaillé sur le résultat.
01:23:10 Vous avez Simon, vous avez l'arbitre au milieu,
01:23:12 vous avez Irvina.
01:23:13 Trois personnages forts, là aussi, trois identités fortes.
01:23:16 Le rendu est très intéressant aussi.
01:23:19 Là, chaque personnage a encore une fois sa propre identité visuelle.
01:23:23 Et je pense qu'on les mémorise assez facilement.
01:23:26 J'ai eu plein de messages pour me dire,
01:23:28 pourquoi ça s'arrête ?
01:23:29 On veut d'autres suites à Sony S.
01:23:30 Mais non, Sony, c'est fini.
01:23:31 C'était fait.
01:23:32 C'était éphémère.
01:23:33 Les personnages ne vont pas forcément revenir.
01:23:36 Hassan Vajramovic aussi,
01:23:38 il a fait un bon boulot de rendu,
01:23:41 puisqu'il a participé au rendu final.
01:23:43 Modélisation, texturage, shading.
01:23:46 Ceux qui ne connaissent pas la 3D,
01:23:48 la modélisation, c'est création d'un mesh pur,
01:23:50 d'un personnage en 3D.
01:23:51 Le texturage, c'est la couleur,
01:23:53 vous allez rajouter par-dessus le personnage.
01:23:56 Et le shading, c'est vraiment la matière
01:23:59 qui va prendre la lumière.
01:24:00 C'est-à-dire que là, en l'occurrence,
01:24:01 vous avez un shader de peau.
01:24:02 Ça va réagir différemment du shader tissu
01:24:06 et des cheveux du personnage.
01:24:08 Le shader, c'est vraiment la matière
01:24:10 que vous allez rajouter en finalité à votre personnage.
01:24:13 C'est vraiment une succession de couches
01:24:15 qui fait que le personnage a ce rendu-là
01:24:17 et avec cet éclairage très puissant du personnage,
01:24:21 il a ce rendu final.
01:24:22 C'est la finalité du boulot.
01:24:24 Encore du Hassan aussi.
01:24:27 Là, c'est un personnage un peu plus large de Simon
01:24:29 avec une ambiance colorée.
01:24:31 J'aime bien la palette utilisée sur les scènes de combat.
01:24:34 C'est des palettes qui contrastent assez bien
01:24:36 avec des ambiances un peu plus dark.
01:24:39 Là, on voit bien le personnage d'état final
01:24:41 pour Dico et Jennifer.
01:24:43 Une espèce d'ambiance comme ça, victorienne,
01:24:45 avec un peu de futuriste.
01:24:47 Vous avez vraiment l'architecture ancienne
01:24:49 qui s'oppose avec des éclairages néons au sol.
01:24:52 J'aime bien ce contraste-là.
01:24:54 Je trouve que cette image, elle marque bien l'esprit.
01:24:57 Ces deux personnages, encore une fois,
01:24:59 regardez l'épisode, vous comprendrez un peu
01:25:01 à quoi ils servent.
01:25:02 Là aussi, des contrastes assez forts dans les scènes
01:25:04 puisque vous avez la rencontre entre Sonny et Dico
01:25:07 où ils sont en train de négocier un combat.
01:25:11 L'éclairage aussi est intéressant.
01:25:14 J'aime bien la lumière du fond, là,
01:25:16 puisqu'elle nous ramène à la créature
01:25:18 qu'on verra ensuite comme un élément fort de l'épisode.
01:25:21 Là aussi, je peux quand même bien citer
01:25:24 un artiste qui a bossé dessus.
01:25:26 C'est Darren Bartlett qui a créé
01:25:28 une des créatures pour Sonny Edge,
01:25:30 la créature emblématique de l'épisode.
01:25:32 Pareil, un bon travail sur la morphologie.
01:25:35 On sent que c'est une créature qui va bouger,
01:25:37 qui va être en mouvement.
01:25:37 C'est un beau mariage, je trouve,
01:25:39 entre Sonny et la création de Darren.
01:25:42 Je ne vais pas trop vous spoiler
01:25:44 puisque c'est quand même un épisode.
01:25:46 Si vous n'avez pas l'occasion de le voir,
01:25:47 je vous laisserai le regarder.
01:25:48 Attention, ce n'est pas pour les enfants.
01:25:50 C'est quand même assez violent.
01:25:51 Ne mettez pas Sonny Edge en pensant mettre les Pokémon.
01:25:54 Vous risquez d'avoir des mauvaises surprises.
01:25:56 Pour conclure, on va essayer de conclure quand même
01:25:58 parce que je vois que le temps passe très vite
01:26:00 et mon temps est parti et c'est fini.
01:26:02 Je pense que vraiment, le caractère designer,
01:26:05 vous devez être capable d'apporter des choses à un projet.
01:26:06 Ça, c'est important.
01:26:08 Voir même plus, ça aussi,
01:26:10 c'est ce qui fera un peu la différence
01:26:12 avec d'autres personnes peut-être.
01:26:14 Ça va passer par votre, comme on disait tout à l'heure avec Marine,
01:26:16 ça va passer par votre culture, votre sensibilité.
01:26:18 Si vous arrivez à l'intégrer dans vos projets,
01:26:20 c'est encore plus cool.
01:26:22 Je pense que si c'est ça qui va vous rendre unique
01:26:24 dans votre créativité, dans vos personnages,
01:26:26 être capable aussi d'avoir une vraie valeur ajoutée
01:26:29 sur ce qu'on vous donne, sur les documents que vous recevez,
01:26:31 et pas bêtement les remplir les cases.
01:26:34 S'adapter à un projet aussi, ça c'est important.
01:26:36 C'est difficile, pas tout le monde est capable de le faire.
01:26:38 C'est important si vous voulez aussi commencer en vivant
01:26:40 parce que finalement, on va intégrer une prod qui est déjà installée
01:26:43 donc c'est quelque chose qui demande un peu de travail.
01:26:46 Et c'est quand même toujours gratifiant de voir ces personnages
01:26:48 comme ça prendre vie à l'écran, bouger, parler.
01:26:52 Et c'est vraiment, on va dire que c'est un peu
01:26:55 la finalité du caractère designer,
01:26:57 c'est de pouvoir donner vie à des personnages
01:27:00 et ensuite les voir dans un jeu vidéo ou un film.
01:27:03 Donc voilà, vraiment mon plaisir il est là,
01:27:05 c'est de les voir ensuite faire leur vie
01:27:07 et embarquer comme ça dans des histoires différentes,
01:27:13 que ce soit encore une fois un jeu ou un film.
01:27:15 Voilà, je pense avoir fait le tour,
01:27:17 je pense qu'on a plus tellement le temps
01:27:19 et il me semble que si vous avez des questions, n'hésitez pas.
01:27:25 (Applaudissements)
01:27:30 (Applaudissements)

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