• il y a 11 mois

Tous les jours dans Culture Médias, Thomas Isle dresse le portrait sonore de l'invité. Ce lundi, c’est Xavier Giannoli, réalisateur et producteur, pour la deuxième partie de sa série "D'argent et de sang" sur Canal+ diffusée à partir du 22 janvier.

Retrouvez "Le portrait sonore de l'invité" sur : http://www.europe1.fr/emissions/le-portrait-inattendu

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Transcription
00:00 J'ai la chance de recevoir ce matin un très grand réalisateur pour une très grande série d'argent et de sang.
00:06 Bonjour Xavier Giannoli, merci d'être avec nous.
00:09 Et on va parler de cette série qui raconte l'histoire folle de l'arnaque du siète autour de la taxe carbone.
00:15 Mais d'abord, on va dresser votre portrait sonore, des petits sons pour mieux vous connaître.
00:19 Voici le premier.
00:20 Je lui dirai les mots bleus, les mots qu'on dit avec les yeux,
00:27 parler de sang ridicule.
00:31 Je m'élance et puis je recule devant une femme inutile
00:38 qui briserait l'instant fagile d'une rencontre.
00:43 C'est assez étonnant, mais alors c'est le chanteur Christophe qui vous a transmis son goût pour le cinéma.
00:48 C'était votre voisin, c'est ça Xavier Giannoli ?
00:51 À l'époque, c'était surtout le voisin de mes parents.
00:54 Il habitait au rez-de-chaussée, moi au premier.
00:56 Il avait une fille de mon âge avec qui je m'étais lié.
00:59 J'étais vraiment tout petit et il était collectionneur de plein de choses, notamment de films.
01:05 Et à l'époque, on n'avait pas le droit d'avoir des bobines de 35 millimètres.
01:09 Ça s'appelle des copies d'exploitation.
01:10 Quand on en tire 300 pour la sortie d'un film, on en gardait quelques-unes en stock comme ça.
01:16 Mais les autres étaient passées à la hache.
01:17 Ça veut dire qu'elles étaient détruites.
01:19 Et il y avait tout un réseau de collectionneurs de copies 35.
01:22 Alors c'est des gens très fétichistes, celluloïdes.
01:26 C'était compliqué de les avoir et ça rendait les films encore plus excitants à regarder.
01:31 Christophe, il faisait partie de ces collectionneurs ?
01:34 Oui, il avait une cinéphilie très singulière, très libre.
01:37 Son seul snobisme, c'était son goût personnel.
01:40 Et surtout, il avait quelque chose d'extraordinaire, c'est qu'il avait un rapport silencieux au cinéma.
01:45 Ce n'était pas du tout intellectualisé et critique.
01:48 C'était très sensuel, très direct, très simple.
01:51 Et par exemple, il avait une copie de Mort à Venise, je m'en souviens très bien.
01:55 Et il la regardait en boucle comme on écoute un disque.
01:57 Et puis le film continuait à passer sur l'écran et il allait composer, travailler.
02:03 En plus, moi, j'étais tout petit garçon et c'était une époque où il n'a pas sorti de disque.
02:07 Il vivait clôtré chez lui dans le noir.
02:09 Il y avait des objets, enfin toute sa mythologie.
02:11 Parfois, il regardait même sans le son les films ?
02:14 Oui, et surtout avec que le son.
02:17 Très fort.
02:18 Voilà, et en fait, moi, j'avais ma chambre au-dessus de l'endroit où il regardait les films.
02:21 Et j'entendais la nuit.
02:24 Et vous imaginiez les images.
02:26 Exactement.
02:27 Et c'était une très grande chance.
02:28 Et puis, vous savez, surtout, quelque chose de très important à dire, c'est la générosité du passeur.
02:36 Ça veut dire qu'il avait une passion pour le cinéma, le blues.
02:38 Il avait ce petit garçon et sa fille dans les pattes.
02:41 Et il nous faisait découvrir, il nous faisait écouter.
02:43 Il nous mettait des trucs entre les mains, des images sous les yeux.
02:46 Il nous faisait aimer.
02:48 Et il avait quelque chose qui, en plus, dans le monde d'aujourd'hui,
02:51 me semble extraordinairement précieux.
02:53 Il avait le goût de la beauté.
02:55 Et moi, il m'a transmis cette idée aussi que les objets peuvent avoir une âme.
03:00 Ça veut dire que quand il avait une radio, quand il avait un cendrier des années 60,
03:05 alors une voiture, n'en parlons même pas, c'était presque des êtres vivants
03:09 avec qui il entretenait un rapport mythologique.
03:11 Il fallait enregistrer le son du moteur.
03:13 Il fallait toucher le cuir.
03:15 Il fallait... Voilà.
03:17 C'était un être rare, extraordinaire.
03:22 - Et alors, l'un des films que vous regardiez petit
03:24 et que vous avez continué à regarder plus grand, c'est celui-ci.
03:26 Alors, vous avez vu tous les films de Martin Scorsese 30 fois,
03:37 mais alors "Raging Bull", que vous avez vu enfant,
03:39 il vous a vraiment marqué au fer rouge, celui-là.
03:41 Voilà une question pour les cinéphiles.
03:43 Où est-ce qu'il y a cette musique dans deux très grands films américains ?
03:47 - Ouh là ! Olivier Venkemoor ?
03:49 - En le deuxième !
03:51 - Mais je ne l'ai pas !
03:52 - Alors dites-nous.
03:53 - Elle est dans le "Parin 3" puisque l'opéra qui se prépare à la fin
03:58 avec le fils de Don Corleone, c'est justement "Cavellia Lustigana" qu'on entend.
04:02 Ça, c'est l'intermezzo qui est peut-être le plus beau générique de l'histoire du cinéma
04:05 où, en ralenti, on voit Jack Lamotta piétiner et donner des coups comme ça.
04:10 Et d'ailleurs, j'ai remarqué très tard que les lignes du ring autour,
04:15 ça fait comme une partition de musique.
04:17 Il y a le même nombre de lignes.
04:19 Et il y a ce rapport musical à l'image en plus,
04:22 avec tout ce que ça trimballe de culture italienne, de christianisme.
04:25 C'est très important dans "Cavellia Lustigana".
04:28 Voilà, oui, "Raging Bull", moi je l'ai vu sur le bateau.
04:30 Mon père m'a emmené le voir sur le bateau, le ferry qui allait en Corse.
04:34 À l'époque, il y avait des salles de cinéma, c'était la nuit.
04:36 Et j'étais trop petit pour le voir.
04:39 Je devais avoir 8 ans.
04:42 Il était fasciné et j'étais d'autant plus fasciné qu'il était fasciné.
04:46 Allez, un dernier petit extrait.
04:48 Et le César du meilleur espoir masculin est attribué à...
04:52 Benjamin Voisin.
04:53 Et le César est attribué à Pierre-Jean Larreaux.
04:58 Le César des meilleurs décors est attribué à...
05:00 Riton du Pierre Clément.
05:02 Le César du meilleur acteur dans un second rôle est attribué à...
05:07 Vincent Lacoste.
05:08 Le César de la meilleure photo est attribué à...
05:11 Christophe Bocambe.
05:13 Le César de la meilleure adaptation est attribué à...
05:15 Xavier Giannoli et Jacques Fesquy.
05:18 Et le César est attribué à...
05:22 Illusion perdue.
05:24 Voilà, tout ce qu'on vient d'entendre, c'est pour un même film.
05:26 "7 Césars" pour votre huitième film, "Illusion perdue" en 2022,
05:31 dont celui du meilleur film.
05:33 Alors c'est votre sacre et vous, vous n'étiez pas là.
05:37 Vous étiez où ce soir-là ?
05:38 Vous ne vouliez pas venir au César ?
05:40 C'était un acte militant ou c'était un problème d'emploi du temps ?
05:43 Alors militant, sûrement pas.
05:46 Ça avait des explications humaines.
05:51 Voilà, c'est des moments dans la vie où on peut faire des trucs
05:53 et des moments où on ne peut pas.
05:54 Là, ce n'était pas le moment.
05:56 Et puis, vous savez, on sortait de drôles de moments dans les Césars.
05:58 Les cérémonies d'avant, vous vous rappelez,
06:01 c'était la Cé, et voilà, je me suis dit...
06:04 Trop de polémiques ?
06:05 Au fond, j'ai toujours préféré Rosalie au César.
06:08 Vous n'avez pas regretté de ne pas y être allé ?
06:14 J'ai regretté pour mon équipe et en même temps,
06:17 j'étais fier et heureux pour eux parce que c'est un travail d'équipe,
06:21 un film, pardon de dire une telle banalité.
06:24 Ça a été un film extraordinairement difficile à faire.
06:27 Ils ont tous été récompensés et je regrettais non pas vis-à-vis
06:31 du petit milieu du cinéma,
06:34 mais des techniciens qui ont voté,
06:35 parce que le collège des gens qui votent au César,
06:37 je crois que c'est environ 5000 personnes.
06:39 Et les gens qui avaient eu la générosité de voter pour le film,
06:43 j'ai prouvé une reconnaissance.
06:46 Mais je n'étais pas à l'aise.
06:49 Puis il y a un truc avec la reconnaissance où je...
06:52 Je ne sais pas, je ne suis pas...
06:53 Pas très à l'aise avec les récompenses ?
06:54 Si, oui, mais non.
06:56 Puis c'était un moment de vie où ça n'allait pas.
06:58 Bon, en tout cas...
06:59 Vous l'avez récupéré ?
07:00 Enfin, le César, vous avez...
07:02 Le vote.
07:03 Vous l'avez ?
07:04 C'était la production.
07:05 C'était la production.
07:06 En tout cas, ça a marqué un tournant dans votre carrière
07:09 et puis ça vous a permis, peut-être après aussi,
07:11 de réaliser votre première série d'argent et de sang,
07:14 une série bluffante dont on parle dans deux minutes.