C’est la fin de la trêve hivernale pour le foot français. C’est-à-dire que les matchs reprennent. Pour l'occasion, Juliette a relu un classique de ce sport (oui oui, ça existe) : "Carton Jaune" de Nick Hornby, son écrivain anglais vivant préféré.
Retrouvez toutes les dramatiques de Juliette Arnaud dans « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-arnaud
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AmusantTranscription
00:00 Juliette Arnault, on va parler classique.
00:02 C'est la fin de la trêve hivernale, mais pour le foot français.
00:06 C'est-à-dire que les matchs reprennent.
00:08 Oui.
00:08 Vous avez lu un classique lié au football.
00:11 Oui, ça existe.
00:13 Vous en trouvez en tout cas, il y en a un.
00:15 Qui s'intitule "Carton jaune" de Nick Hornby.
00:19 Tout à fait.
00:20 Quand j'avais 20 ans, le père de ma meilleure amie était,
00:23 et il est toujours, supporter d'un club de foot qui s'appelle l'Espagnol de Barcelone.
00:27 Et comme j'y connaissais vraiment que dalle au foot, je lui avais demandé candidement,
00:30 "François, c'est quoi un supporter ?"
00:32 Et François m'avait répondu tout aussi innocemment.
00:35 "Un supporter, Juliette, il peut quitter son boulot,
00:38 il peut quitter sa patrie, il peut quitter sa femme,
00:41 jamais il quittera son club."
00:44 Réaction numéro 1, je m'étais dit, je ne lirai pas ma vie à un type
00:48 qui lit la sienne aux aventures de 11 gars en short.
00:51 Réaction numéro 2, OK, mais moi les obsessionnels, je les aime.
00:55 Ça m'avait fait une dissonance cognitive puissante
00:58 et une résolution grâce à ce livre, "Carton Jaune".
01:00 Et je vous avais déjà dit que les livres, ça résolvait tout ?
01:03 Je vous le redis.
01:04 "Carton Jaune", c'est écrit par Nick Hornby, qui est mon écrivain anglais vivant préféré,
01:08 et c'est le récit de cette obsession qui est la sienne.
01:11 Depuis 1968, à cette époque-là, il a 11 ans, jusqu'à 1991,
01:16 date à laquelle Arsenal, un des 30 clubs londoniens,
01:20 oui les Anglais, ils aiment le foot,
01:22 donc date à laquelle Arsenal commence à devenir un club puissant,
01:24 date à laquelle Nick Hornby publie son premier roman,
01:27 celui-là, "Carton Jaune", il a alors donc 34 ans,
01:30 et il parait que c'est l'âge où on devient une grande personne.
01:33 Coucou Gabi.
01:35 Nick Hornby ne décrit pas cet amour obsessionnel comme une partie de plaisir.
01:40 C'est toujours le cas avec les amours obsessionnels.
01:42 Il décrit une mémoire poussée jusqu'à l'absurde,
01:44 une tendance à vouer 9 mois de sa vie au rendez-vous fixé par le calendrier sportif,
01:49 entre brûlure d'estomac avant le match, crise de dépression après le match,
01:54 mais en fait il écrit ça sans phare, il dit que le foot pour lui, Arsenal,
01:59 c'est une ceinture de sécurité,
02:00 c'est un refuge contre le monde extérieur,
02:03 les matchs, le stade, ça lui donne un cadre temporel,
02:06 puisque c'est une fois par semaine, géographique,
02:09 parce qu'il va au stade, et quand on est dans le stade,
02:11 et je le cite, on appartient à un corps énorme et palpitant,
02:14 et disons le tout cru, un cadre spirituel.
02:17 Pourquoi ? Parce qu'en 68, quand il a 11 ans, ses parents viennent de divorcer,
02:21 et il se met à voir son père plus que le samedi,
02:23 et alors là c'est l'enfer de l'ennui, du malaise, du ressentiment non formulé,
02:28 et puis un jour, par hasard, un peu désespéré,
02:30 au lieu de l'emmener au zoo, son père l'emmène à Highbury,
02:34 qui était le nom de l'ancien stade d'Arsenal,
02:36 et là, Nick plonge pour Arsenal.
02:39 Enfin, son père et lui partagent une forme de routine,
02:42 à se geler les fesses concomitamment au stade toutes les semaines.
02:46 Il écrit "J'étais enchaînée à Arsenal comme mon père l'était à moi,
02:50 nous devions nous y résigner."
02:52 Et puis Nick va nous raconter aussi comment il deal avec la bêtise des supporters,
02:56 la violence aussi, celle qu'il subit surtout,
02:58 le racisme le plus bête et le plus violent, jusqu'à s'exclamer
03:02 "Mais où sommes-nous tombés s'il faut éprouver une bouffée de gratitude
03:05 quand un homme en traite un autre de con et pas de con noir ?"
03:10 Les obsessions aident à vivre.
03:12 Elles fournissent un logiciel de compréhension de cette foutue vie
03:15 qui n'est pas, et je cite Nick Hornby,
03:17 "qui n'est pas et ne sera jamais un match remporté à domicile
03:21 par 2 à 0 contre les leaders après un bon fish and chips."
03:24 Merci, bisous, merci.
03:26 [Applaudissements]
03:30 Et l'histoire de carton jaune se prolonge, Juliette l'a adaptée.
03:35 Il ne s'agit plus d'Arsenal mais de l'OM ici.
03:38 Oulala, vous prenez des risques les gars.
03:41 Alors imaginez les tribunes du stade Vélodrome
03:44 avec toute la troupe qui prend place sur des gradins.
03:47 Guillaume serait le héros de cette histoire
03:49 que l'on va suivre au fil des années.
03:52 Christine Gonzalez joue sa mère, Frédéric Fromet son père,
03:55 Juliette Arnault sa petite amie.
03:57 Quant à Emerick Lomprey, il joue le pote supporter du héros.
04:00 26 mai 1993.
04:03 Et c'est fini !
04:04 L'Olympique de Marseille a remporté la Coupe d'Europe des clubs champions !
04:09 Yeah !
04:10 Oulala !
04:12 C'est le plus beau jour de ma vie papa !
04:15 Ouais bah je te rappelle que t'as que 11 ans, ta vie est encore longue.
04:18 Ouais comme...
04:19 Bière, bière, comme ta bière !
04:20 Non j'allais dire comme ma bite mais...
04:22 Le foot c'est ma vie, j'aime l'OM,
04:24 j'aime l'émotion des matchs gagnés,
04:26 l'émotion des matchs enflammés !
04:27 Et l'émotion des matchs truqués ?
04:29 Non !
04:30 Allez, allez, quand on va boire des bières ?
04:32 1994.
04:35 Bonjour, l'Olympique de Marseille est donc en 2ème division.
04:40 Bon, maman, tant qu'à faire autant être honnête,
04:44 je redouble.
04:45 Quoi ?
04:45 Ouais, c'est comme l'OM si tu veux,
04:48 c'est mieux, je repars sur une base saine.
04:50 Mais arrête avec ça, t'es pas un club de foot,
04:52 t'es un crétin qui va redoubler sa 5ème.
04:54 Oh putain, j'ai raté le match ?
04:56 Alors, comment ?
04:59 On joue contre qui ?
05:01 Bové.
05:02 Eh putain, est-ce que c'est pas un jour à boire les mélouses ça ?
05:04 Il est en 5ème !
05:06 2006.
05:08 L'OM, éliminé !
05:10 C'est incroyable !
05:12 Éliminé dans les arrêts de jeu,
05:15 et ce 4ème but de Slidasek,
05:17 à une minute de la fin,
05:18 nous a anéantis.
05:20 Tu crois vraiment que c'était le meilleur endroit
05:24 pour fêter notre anniversaire de mariage ?
05:25 Ben quoi, les sandwiches ils sont bons, la bière est bonne,
05:28 les copains ils sont là.
05:29 Ouais, ouais.
05:31 Bon, eh ben au risque de me répéter,
05:33 je me lève et je me casse.
05:35 Ben, ça me déprime ça.
05:37 Ben je comprends, c'est une phibie.
05:38 Eh non, pas elle, l'élimination en coupe à l'UEFA.
05:41 Oh, mais t'inquiète Mobilet, on est là.
05:45 Eh ben, qui ? Oh !
05:47 Ben fait, Fradar, la bière et moi !
05:49 Oh !
05:50 2016.
05:51 Et on en reste là, monsieur Bastien,
05:54 qui cite la fin de ce match 5-1,
05:57 succès historique du PSG.
05:59 Hein, Mauric ?
06:00 Oui ?
06:01 Hein, Mauric ?
06:01 Oui ?
06:02 Je crois que je vais arrêter.
06:03 Quoi, la bière ?
06:04 Non, ne supportez l'OM,
06:06 j'en peux plus, on fait que perdre,
06:07 j'ai l'impression d'être le supporter de la Belgique.
06:10 Ah, je vais soutenir une équipe qui gagne.
06:12 Attends, Fradar,
06:13 tu vas quand même pas supporter le PSG, quand même.
06:15 Ah, j'ai dit une équipe qui gagne.
06:18 Oh, mais alors tu vas suivre quel sport ?
06:20 Je paie sur le football féminin.
06:23 Oh, merde.
06:25 Ça veut dire que tu vas arrêter la bière ?
06:27 Ça veut dire qu'on va boire des alcools de filles ?
06:29 Genre du rosé, du Kirroyal, du Malibu,
06:33 et autres jus du Patriarcat ?
06:38 Merci à toute la troupe de la Dramatique Radio,
06:43 ici dans les filles de 104.
06:44 Vous êtes en direct sur France Inter,
06:46 dans le Grand Dimanche Soir,
06:48 à l'heure peut-être où le petit prend son bain
06:50 et le plus grand cherche son cartable pour demain.