• il y a 11 mois
Anne Fulda reçoit Philippe Besson pour son livre «Un soir d’été» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Philippe Besson.
00:02 -Merci. -On ne vous présente plus.
00:03 Vous avez écrit déjà de nombreux romans.
00:05 On les connaît, "Paris brillant", "Somme", "L'un des derniers".
00:08 Ceci n'est pas un fait divers aussi.
00:10 Et le dernier, qui est... Il y en a presque tous les ans,
00:13 c'est comme le Beaujolais, mais meilleur.
00:15 -Merci. Merci.
00:17 -Et ça s'appelle "Un soir d'été séparé chez Julliard",
00:21 avec toujours cette patte particulière,
00:23 ce style épuré, efficace, et comme souvent,
00:26 des références à votre jeunesse,
00:30 qui semblent être interroubles, presque inépuisables.
00:32 -Inépuisables, je sais pas.
00:34 Il m'est arrivé deux, trois choses dans cette jeunesse
00:37 et j'ai eu envie de le raconter.
00:38 Il me semblait qu'avec le temps et la patine du temps,
00:41 ça pouvait faire littérature.
00:43 Ce souvenir intime pouvait avoir une sorte d'écho un peu universel.
00:47 On a tous eu 18 ans un jour.
00:49 On a tous été...
00:50 Ces adolescents finissants qui se retrouvent en vacances
00:53 avec des amis,
00:55 des gens qui ont partagé des amitiés lointaines
00:57 ou d'autres plus récentes, comme on s'en fait.
01:00 Et puis, il y a cette espèce d'indolence, d'insouciance,
01:04 de futilité de l'été et de la vacance,
01:06 pendant les vacances,
01:07 et cette géographie intime de l'île de Ré,
01:09 mon territoire privilégié.
01:11 J'ai envie de raconter ça.
01:13 Comme on est chez moi, il se passe toujours une catastrophe,
01:16 mais en tout cas, c'était ça,
01:18 mon ambition de raconter cette intimité
01:21 avec l'espoir de tendre un miroir.
01:23 Oui. Alors, la "catastrophe",
01:26 le point dramatique, c'est la disparition,
01:28 qu'on apprendra à la fin,
01:30 de l'un des membres de cette bande.
01:33 Mais parlons déjà du décor.
01:35 C'est l'île de Ré, c'est un peu chez vous,
01:38 mais c'est l'île de Ré dans les années 80.
01:40 Elle n'a pas grand-chose à voir
01:41 avec celle qu'on dépeint pour caricature,
01:44 mais qui est un peu ça, c'est pas la Terre des Bobos.
01:47 C'était un endroit très populaire.
01:48 On y accédait en bateau, à l'époque,
01:51 parce que le pont, c'est un peu après,
01:53 à la fin des années 80.
01:54 Je me souviens des queues interminables
01:56 pour accéder à l'île de Ré,
01:57 depuis la Palisse jusqu'à Sablenceau.
01:59 Et puis, il y avait des campings,
02:01 c'était un mélange social,
02:03 et plutôt des classes sociales populaires
02:05 qui venaient en vacances ici,
02:07 en caravane ou en toile de tente.
02:08 Et puis, moi, il se trouve que j'étais ami
02:11 avec quelqu'un qui était le fils
02:13 du meilleur ami de mon père, en fait,
02:15 et qui est, en fait, le boucher ambulant
02:18 sur la place de Lanoue,
02:20 qui était un petit village au début de l'île de Ré.
02:22 Et j'étais heureux de revenir chaque été là,
02:25 parce que j'aimais les plages,
02:27 parce que j'aimais m'amuser,
02:29 parce que c'était l'insouciance de ce moment-là.
02:32 -Alors, c'est l'insouciance...
02:34 La bande est constituée de cinq garçons et d'une fille, Alice.
02:37 A priori, on dit que l'adolescence,
02:39 c'est l'insouciance,
02:40 mais c'est pas si facile que ça,
02:42 parce que c'est aussi les années où on t'attonne
02:44 pour plaire à qui, comment...
02:47 -Oui, c'est-à-dire qu'en fait,
02:49 il y a une espèce de libido balbutiante,
02:52 il y a une sorte de désir qui circule,
02:54 on est porté vers l'autre, on se dit,
02:55 "Ce serait bien que je passe à l'acte,
02:57 "que je concrétise les choses."
02:59 Le temps des vacances réduit tout.
03:01 On se dit, "Je vois une inconnue ou un inconnu,
03:03 "il va sans doute repartir bientôt,
03:05 "donc il faudrait que je puisse aller vers lui ou vers elle."
03:08 Et en même temps, on est bien contre soi,
03:11 contre amis, à se dire,
03:12 "Cet après-midi, si on allait à la plage,
03:14 "en fin d'après-midi, si on allait prendre une bière au bar,
03:17 "et ce soir, en boîte de nuit."
03:19 On est dans cette dichotomie un peu bizarre
03:21 de vouloir exercer son désir et de se servir de son corps tout neuf,
03:25 et en même temps, d'être un peu paresseux
03:27 et de se dire, "C'est pas si mal, les amis, les copains."
03:29 -Alors, il y a des rivalités amoureuses,
03:32 en l'occurrence, il y a une jeune fille, Alice,
03:35 qui est convoitée par deux garçons,
03:37 et il y a déjà un décor social qui est en place,
03:42 puisqu'Alice, elle vient de la ville, elle habite Paris.
03:45 -Oui, elle habite Paris, donc, effectivement,
03:47 elle appartient à un autre monde que le nôtre.
03:49 Elle, elle a fait des études, elle vit dans un milieu privilégié,
03:53 voilà, alors que nous, on vient d'un milieu populaire.
03:57 Et moi, je suis, au fond, entre deux,
03:59 c'est-à-dire que je suis déjà le transfuge de classe,
04:02 c'est-à-dire qu'à la fois, je suis issu d'une classe populaire,
04:05 mon père est instituteur, ma mère est secrétaire,
04:07 je viens en vacances là, j'ai fait du camping,
04:10 et en même temps, je sors d'une prépa HEC,
04:12 je vais dans une école de commerce,
04:14 et donc, ils se disent, "On va le récupérer dans notre camp."
04:17 Deux réalités sociales un peu différentes.
04:19 -Et puis, il y a aussi, en toile de fond,
04:21 ces années 80 qui sont proches et lointaines,
04:24 mais qui sont... Bon, il y a la musique, évidemment,
04:26 il y a la façon de s'habiller,
04:28 la gomme dans les cheveux pour les garçons,
04:31 et puis, il n'y a pas de portable.
04:33 -C'est ça, il n'y a pas de portable, c'est compliqué de se rejoindre.
04:36 Quand on se donne des rendez-vous, il faut se retrouver.
04:39 Je voulais rendre hommage aux années 80,
04:41 parce qu'elles sont devenues, paraît-il, extrêmement tendances.
04:45 On voit la bande-son entre Etienne Dao, Rita Mitsouko,
04:49 mais aussi d'autres chansons de débuts de soirée ou ailleurs,
04:52 et ça m'amusait de parler de ça, de ce que nous étions à ce moment-là,
04:56 et de... Voilà, des bandanas dans la poche du jean,
04:59 des filles qui voulaient ressembler à Madonna,
05:01 des jambières sur les chevilles,
05:03 parce que ça dit une époque et ça dit, oui, effectivement,
05:06 le fait qu'on n'était pas rattrapés par l'urgence,
05:09 par la surinformation, par le dehors.
05:11 Le fracas du dehors ne nous arrivait pas.
05:13 Ça nous permettait d'être très libres et insouciants.
05:15 Insouciants jusqu'à la disparition de ce fameux Nicolas,
05:19 mais je ne vous en dirai pas plus.
05:20 Il faut lire le livre pour en connaître plus.
05:23 En tout cas, ça se lit, comme d'habitude,
05:26 avec beaucoup de plaisir.
05:27 "Un soir d'été", c'est paru chez Julliard.
05:29 - Merci, Philippe Besson. - Merci, Anne Fulda.
05:31 ...
05:35 [SILENCE]

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