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Samedi 6 janvier 2024, BE SMART reçoit Denis Ferrand (Directeur Général, Rexecode)

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Transcription
00:00 Et donc on démarre avec Denis Ferrand.
00:06 Salut Denis.
00:07 Bonjour Stéphane.
00:08 Le directeur général de Rex&Code, celui qui nous apporte, et je le remercie d'ailleurs,
00:15 des graphiques formidables.
00:16 Il y a toi et Philippe Wächter.
00:17 Oui, on est obsessionnels.
00:18 Les rois du PowerPoint.
00:19 Vous êtes obsessionnels.
00:20 Les rois du PowerPoint.
00:21 Il faut que tu essayes quand même là-dessus.
00:23 Denis, tu as peut-être déjà essayé, mais l'intelligence artificielle.
00:26 Je ne veux pas faire de pub, mais j'en ai moi testé deux, trois.
00:29 C'est très spectaculaire.
00:31 Très spectaculaire.
00:32 La façon dont ils font les courbes, dont ils dessinent les courbes, dont ils créent
00:35 un environnement avec une compréhension mais hallucinante du texte que tu as écrit.
00:40 Enfin bon, bref, je referme la parenthèse.
00:41 Je démarre par le commencement, parce qu'effectivement, début 2023, c'est plus ce qu'on se disait
00:47 Denis, mais sans doute devait-on parler de récession.
00:49 Et peut-être même d'ailleurs de récession sévère.
00:51 Finalement, on est dans une croissance molle telle qu'on la connaît.
00:55 C'est une divine surprise.
00:57 Comment est-ce que tu l'expliques au fond ?
00:58 Parce qu'il y a un moment que tu as pu y réfléchir, j'imagine, depuis trois, quatre
01:01 mois.
01:02 On sait qu'on va échapper à cette récession malgré le durcissement de la politique monétaire.
01:05 Comment est-ce que tu l'expliques ?
01:07 C'est vrai, en fait, ça me fait penser à un adage, à ta question, qui est, bon, tu
01:11 connais la phrase, les promesses des politiques n'engagent que ceux qui les écoutent.
01:14 Dans le cas des prévisionnistes, c'est un peu le contraire.
01:16 Quand tu fais une prévision, ça t'engage, toi, dans ce que tu prévois.
01:20 Et nous, ce que l'on avait prévu l'année dernière, quand on s'était vu l'année
01:22 dernière, la même période, début 2023, on voyait effectivement le scénario récessif
01:26 qui se dessinait.
01:27 Pourquoi ? Parce qu'on était au pic des prix de l'énergie, on sentait bien qu'il
01:31 y aurait une augmentation de taux extrêmement massive qui allait se manifester.
01:36 On voyait même la réduction de la masse monétaire, elle commençait à se voir concrètement.
01:39 Donc ça, ça veut dire, je le dis d'un mot, moins de crédit des banques vers les ménages
01:45 et les entreprises.
01:46 Tout à fait.
01:47 C'était cette mécanique délétère qui se mettait en place petit à petit, qui allait
01:50 aboutir à moins de dépenses de la part des ménages, moins de dépenses de la part des
01:53 entreprises, que ce soit pour l'investissement ou que ce soit pour l'emploi.
01:56 C'était un peu ça qui se mettait en place.
01:57 Parce qu'il y aura un comportement de prudence face à un choc totalement exogène, le choc
02:01 de prix de l'énergie, auquel les entreprises vont s'adapter.
02:04 Ce qui s'est produit entre temps, c'est qu'il y a quand même eu une augmentation
02:07 des dispositifs de soutien à décilation des entreprises face au choc de prix de l'énergie.
02:11 Et surtout, en fait, ce que l'on n'avait peut-être pas très bien mesuré, c'est
02:15 combien les entreprises sont rentrées dans cette phase de choc extrêmement tendu, avec
02:19 encore de la trésorerie, elles avaient encore de la liquidité, l'année 2023.
02:22 Elles en avaient encore suffisamment pour en réalité ne pas ajuster le niveau de leurs
02:28 dépenses à l'évolution de leurs ressources.
02:30 Parce que oui, il y a bien un ralentissement de la ressource, oui il y a bien des prélèvements
02:33 qui sont intervenus un peu de partout sur les entreprises, mais comme elles avaient
02:35 encore du cash, elles ont continué de le mobiliser face aux besoins de renouveler
02:41 leur appareil de production, parce qu'il y a toute la problématique de transition,
02:45 transition au pluriel bien entendu.
02:46 Il y a toutes les thématiques de transition qui montent et donc les entreprises ne restent
02:49 pas l'arme au pied.
02:50 Elles avaient encore un peu de cash et donc elles l'ont investie.
02:54 C'est super intéressant ce que tu dis Denis, parce que ça amène d'ailleurs un élément
02:58 sur lequel tu as beaucoup disserté, un tout petit peu complexe, donc on ne va pas rentrer
03:02 dans les détails, mais c'est vrai qu'il y a eu deux phases.
03:04 Il y a eu une phase où les entreprises effectivement ont pu tenir des prix raisonnables en mangeant
03:10 leurs trésoreries.
03:11 Et ensuite, mais quand en fait la dialectique de l'inflation était déjà à l'intérieur
03:16 de nos esprits, elles ont pu augmenter en toute tranquillité leurs prix, quitte à
03:20 exagérer pour certaines d'entre eux.
03:22 Enfin exagérer, on n'exagère jamais, il y a quelqu'un qui achète.
03:25 Mais enfin en profiter, on va le dire comme ça, pour certaines d'entre eux.
03:28 Exactement, c'est vrai que la dynamique de l'inflation a été vraiment en deux temps.
03:30 Il y a eu vraiment cette dynamique qui est venue du choc extérieur et puis les entreprises
03:35 justement se sont dit "mais si je ne monte pas mes prix tout de suite, c'est peut-être
03:38 une manière aussi pour moi de gagner des parts de marché, parce que certains de mes
03:41 concurrents n'auront pas d'autre choix que d'augmenter leurs prix, donc ce faisant
03:44 moi je vais avoir peut-être un peu de marge pour pouvoir gagner des parts de marché".
03:47 Et puis dans un second temps, elles se sont rendu compte qu'il y avait un espace pour
03:51 pouvoir augmenter les prix et que leur trésorerie commençait quand même à être sacrément
03:55 érodée et donc à ce moment-là elles ont augmenté les prix.
03:57 Mais là on est en train de passer dans la troisième phase.
03:59 C'est là que les choses sont en train de changer.
04:02 Oui, alors le graphique ce n'est pas pour tout de suite, on en parlera tout à l'heure.
04:06 Les choses sont en train de changer dans le sens où ce qui contraint désormais véritablement
04:12 l'activité c'est l'espace de la demande.
04:14 Parce que tout à l'heure si je disais que les entreprises ont été au rendez-vous,
04:17 elles ont encore fait la croissance en 2023.
04:19 La croissance en gros en 2023 c'est 0,8 points.
04:21 Tu as 0,5 de ces 0,8 qui viennent des seules dépenses d'investissement des entreprises
04:26 qui ne font pourtant que 12% du PIB.
04:28 Donc plus de la moitié de la croissance a été le fait de l'investissement des entreprises.
04:32 En revanche, la dépense des ménages, consommation plus investissement qui fait grosso modo 75%
04:38 du PIB, n'a apporté que 0,1 point à la croissance de 2023.
04:42 Et donc petit à petit, ce qu'ont vu les entreprises c'est que la demande n'était
04:46 plus au rendez-vous, la demande finale en provenance des entreprises.
04:49 Et quand la demande n'est plus là, la possibilité de passer les hausses de prix qui étaient
04:52 intervenues dans cette seconde phase, cette possibilité s'est refermée.
04:55 Et donc on passe dans un moment qui devient plus tendu du point de vue des entreprises.
04:59 Et puis là pour le coup il va falloir les conserver les parts de marché.
05:02 Et là on va rentrer dans un moment concurrentiel qui va être absolument passionnant.
05:04 Et autant tu peux attendre un peu avant de remonter tes prix parce que tes clients sont
05:08 ravis.
05:09 Mais tu ne peux pas attendre s'il s'agit de les baisser et s'il s'agit de répondre
05:12 à la concurrence.
05:13 On est d'accord Denis ?
05:14 Tout à fait.
05:15 Là il faut être super vigilant.
05:16 Tu n'as pas le choix.
05:17 Il faut être super vigilant et on est dans cette zone de tension auquel s'ajoute le
05:22 fait que tu as une augmentation de salaire qui intervient.
05:24 Absolument.
05:25 Parce que tu as l'ensemble de ta structure de coût qui était auparavant très impacté
05:29 par ce qui venait de l'extérieur qui désormais répond à des logiques internes, répond
05:32 à des logiques d'évolution des salaires.
05:34 Alors les salaires n'accélèrent pas si fortement que ça.
05:38 Les salaires vont progresser plus vite que l'inflation en 2024 qu'ils ne l'ont fait,
05:41 que cela a été le cas en 2023.
05:44 Mais quand tu vas faire 3, 3,5 de salaire grosso modo, ce que l'on peut attendre raisonnablement
05:49 pour l'année prochaine, eh bien ce sera plus que l'inflation.
05:52 Et donc dans un contexte où tu n'as pas de gain de productivité, c'est une alerte
05:55 sur les marges qui vient à se poser.
05:56 C'est pour ça, ce n'est pas notre sujet, mais je le dis d'un mot, c'est pour ça que
06:00 cette augmentation de retraite de plus de 5%, enfin je le dis, ça n'engage que moi, mais
06:04 un scandale politique.
06:05 C'est invraisemblable.
06:06 Bon bref, c'est de l'argent public quand même, bon Dieu, c'est de l'argent public.
06:10 14 milliards.
06:11 Pour qu'on soit sûr que les gens votent bien, mais comme si ça suffisait.
06:16 Alors, on l'a vu passer ce graphique.
06:19 Alors, question d'abord Denis, 2024, quel est pour toi l'événement le plus important
06:24 à attendre ?
06:25 Justement, c'est un peu cette idée de symétrie par rapport à 2023.
06:27 Autant en 2023, ce sont les entreprises qui ont fait la croissance, autant en 2024, c'est
06:31 elles qui vont à nouveau.
06:33 Enfin, comme toujours en réalité, oui en fait, c'est évident.
06:37 Mais à nouveau en 2024, surtout, ça va être de regarder très finement l'investissement
06:41 des entreprises.
06:42 S'il vient, c'est là qu'il y a la menace la plus importante pour les entreprises.
06:45 Mais c'est dans un contexte international qui est simplement hallucinant.
06:49 Hallucinant.
06:50 Alors, ce qu'on voit là, il faut que tu nous expliques un peu ce graphique et on va
06:53 le laisser à l'antenne.
06:56 Crédit accordé par les institutions financières en Chine et la courbe qui monte très fort,
07:03 c'est les crédits au secteur industriel.
07:05 La Chine, je dois dire Denis que c'est grâce à toi que j'en entends parler pour la première
07:09 fois, est en train de renouveler en profondeur son outil industriel.
07:14 C'est ça qui est en train de se passer.
07:15 Exactement.
07:16 En fait, la Chine a vécu sur une demande interne qui était extrêmement puissante.
07:20 C'était celle qui était apportée par le secteur de la construction.
07:22 La courbe en train orange, il y a une courbe qui monte beaucoup.
07:25 Oui, il y en a une autre qui descend, c'est la crise immobilière.
07:27 C'est la crise immobilière.
07:28 Ça veut dire qu'il y a un volant de demande interne qui s'est totalement dérobé, qui
07:33 a totalement disparu en Chine.
07:34 C'est le moment de l'accélération de la transformation de l'industrie chinoise.
07:39 Ça correspond aussi au plan China 2025 qui a été déployé en 2015 et qui est monté
07:44 en puissance à partir de 2020.
07:45 La Chine est en train de se réarmer du point de vue industriel et elle le fait à une vitesse
07:50 absolument folle.
07:51 Quand tu décomposes un peu les secteurs.
07:53 L'accélération, je le dis parce que c'est sur l'année 2022.
07:56 Sur l'année 2022, au moment où partout les titres des journaux c'était la crise industrielle
08:02 chinoise.
08:03 Ils investissent en pleine crise.
08:06 Si tu regardes l'ensemble des crédits alloués à l'économie, en fait ils n'ont pas accéléré
08:11 en Chine mais ils se sont simplement radicalement transformés.
08:14 Ce qui veut dire aussi que si cette industrie se déploie très rapidement dans un contexte
08:20 où la demande interne n'est pas au rendez-vous en Chine, ça veut dire qu'il faut aller
08:23 chercher son espace de valorisation de son produit ailleurs que dans la seule économie
08:27 chinoise.
08:28 Donc tu as une accélération de la transformation de l'industrie dans un contexte où elle n'a
08:32 pas de ressources internes qui puissent absorber son produit.
08:35 Donc ça veut dire une concurrence démultipliée sur les marchés à l'étranger.
08:39 On a l'exemple de BYD.
08:40 Et bien j'allais le dire, on le résume en trois lettres.
08:43 BYD qui au quatrième trimestre a dépassé Tesla sur le nombre de véhicules hybrides
08:49 et électriques produits.
08:50 Mais même juste électriques.
08:51 En fait si on rajoute hybrides, ils dépassent Tesla depuis un petit moment, mais juste
08:55 électriques en fait, ils ont dépassé Tesla au quatrième trimestre.
08:58 Vous l'avez vu.
08:59 Voilà.
09:00 BYD.
09:01 En fait en 2023, pour moi le phénomène le plus remarquable c'était vraiment cette accélération
09:04 de l'industrie automobile chinoise.
09:06 Ça a été quelque chose de stratosphérique.
09:08 En 2020, la Chine produisait 20% de véhicules, ne produisait que 20% des véhicules qu'exportaient
09:17 les Allemands.
09:18 Désormais ils sont 30% au-dessus.
09:19 En l'espace de trois ans, c'est un truc qui est absolument incroyable.
09:23 Là où je suis, on va faire un peu d'auto-promo, c'est que vous allez retrouver une interview
09:27 exactement sur ce thème qui doit dater de mai dernier dans nos émissions de Bsmart.
09:32 Donc effectivement, BYD c'est très spectaculaire parce que c'est ultra moderne, c'est usine
09:37 ultra moderne et donc accélération et renouvellement du capital.
09:40 Et alors l'autre graphe, celui-là tu dis, celui-là il faut que tu nous l'expliques
09:45 encore plus, investissement en construction par le secteur manufacturier aux Etats-Unis.
09:51 Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
09:52 En gros c'est les investissements Greenfield de la part des entreprises.
09:55 C'est-à-dire vraiment je construis un nouveau site de production.
09:58 Les usines qu'ils sont en train de construire ?
09:59 C'est le secteur industriel manufacturier qui investit dans l'armature.
10:03 Alors de manière assez amusante, ce que l'on voit c'est que jusqu'à présent les investissements
10:07 en équipement de l'industrie ne sont pas progressés, ils n'ont pas accéléré.
10:10 Donc en gros c'est comme si en ce moment les Américains ne faisaient que construire
10:13 des usines sans mettre une seule machine à l'intérieur.
10:14 C'est ça, c'est ce que tu dis, c'est marrant.
10:16 Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que c'est simplement un décalage temporel.
10:18 J'ai du mal à imaginer que les Américains vont construire sans remplir.
10:22 Tu sais il y avait cette phrase "les ordinateurs sont partout sauf dans les chiffres de PIB",
10:26 ça ne marche pas pour les usines.
10:27 Quand les usines sont partout, elles viennent assez vite dans les chiffres du PIB.
10:30 Et les ordi vont venir dedans.
10:31 Bon, ça veut dire deux choses.
10:33 Donc pourquoi est-ce que c'est absolument passionnant ? Tu nous expliques donc une Chine
10:37 qui est en train de réarmer, c'est le mot à la mode, qui a totalement même réarmé
10:41 son outil industriel et qui va devoir le déverser sur le monde.
10:44 Sauf que le monde en face, c'est l'Amérique qui se réarme elle aussi.
10:48 Bim, on est au milieu du truc.
10:50 Et nous, nos investissements industriels, ils sont à quel niveau par rapport à ça,
10:54 Denis ?
10:55 Ils n'accélèrent pas autant.
10:56 C'est le point que tu as évoqué tout à l'heure quand tu regardes le crédit alloué
10:58 à l'économie.
10:59 Celui-ci est en train de se contracter.
11:01 Le crédit à destination des sociétés non financières recule dans l'ensemble de la
11:05 zone euro.
11:06 Et donc tu as, au moment même où les autres sont en train d'accélérer à une vitesse
11:10 absolument hallucinante.
11:11 Je souris parce qu'il a mis un tout petit peu de temps à arriver le graph, mais vous
11:14 le voyez, il est très spectaculaire.
11:16 Donc ça, c'est dépenses de construction.
11:18 C'est les constructions d'usines aux Etats-Unis.
11:20 Tout à fait.
11:21 On voit bien que c'était assez flat auparavant.
11:23 Et puis d'un seul coup, il y a l'accélération avec l'IRA, avec le Chips Act, vraiment pour
11:27 créer les unités de production.
11:29 Parce qu'on est dans le temps de la confrontation.
11:31 Parce que c'est une confrontation entre les deux superpuissances.
11:33 Et nous, on est un peu au milieu.
11:35 Et en fait, le ventre mou, ça peut être celui qui va absorber justement, qui va être l'espace
11:40 de réalisation.
11:41 C'est pour ça qu'on a face à nous une nouvelle compétitivité.
11:43 On a fait à Rex & Co, on a souvent fait des travaux sur la compétitivité en se comparant
11:49 à nos voisins, en se comparant à l'Allemagne, en se comparant à l'Italie.
11:52 En réalité, ce ne sont plus eux qui sont les référentiels.
11:54 Les référentiels face auxquels on doit se jauger quant à notre capacité à être compétitif,
11:59 ce sont les Chinois.
12:00 Ce sont les Américains désormais, parce qu'il y a une détermination à la transformation
12:03 de leur appareil productif qui est absolument colossale.
12:05 Et un rajeunissement du capital.
12:07 Oui, bien entendu.
12:08 Et donc, ça veut dire que la décision capitale que devrait prendre par exemple un gouvernement
12:14 français aujourd'hui en 2024, elle n'est pas spectaculaire, malheureusement.
12:19 Mais c'est un équivalent surinvestissement de ce qu'avait fait François Hollande, c'est-à-dire
12:24 donner une prime massive au renouvellement du capital industriel.
12:27 Enfin, au renouvellement du capital tout court.
12:29 Oui, tout à fait.
12:30 Surtout pas d'ailleurs qu'industriel, parce que ça avait été le problème de François
12:33 Hollande et que donc tout ce qui était dépenses en logiciels, en transfo, en modernisation,
12:39 révolution industrielle, intelligence artificielle, etc. ne rentrait pas dans la première phase
12:43 de suramortissement.
12:44 Mais tout en choisissant bien ses combats, il ne faut pas avoir la prétention de tout
12:46 faire.
12:47 Il faut peut-être aussi l'envisager à une échelle européenne qui est une échelle
12:51 pertinente pour penser le marché.
12:53 On va dire que ce serait de l'argent mieux utilisé que d'augmenter les retraites par
12:56 exemple.
12:57 Par exemple.
12:58 Alors justement, puisque dernière minute, non mais ça va on a encore 3-4 minutes pour
13:03 parler du deuxième, alors qui moi est mon obsession.
13:05 J'en suis désolé d'ailleurs, j'en parle très régulièrement, c'est travail et salaire.
13:09 Le gouvernement demande à deux économistes, dont Étienne Wassmer qui vient nous voir
13:14 de temps en temps, il est prof à Abu Dhabi, Étienne Wassmer, de réfléchir.
13:19 Il est prof à Abu Dhabi et il a une vision justement sur les ingénieurs et les cadres
13:22 du nouveau monde qu'on devrait de temps en temps avoir plus souvent en tête.
13:27 Bref, demande à deux économistes de réfléchir à nouveau sur nos trappes à bas salaire,
13:31 donc allègements de charges, primes d'activité, tout cela créé derrière des situations
13:37 invraisemblables qui se résument tragiquement dans un constat, il n'y a jamais eu autant
13:41 de salariés au SMIC en France.
13:45 Je ne vais pas te demander de résoudre le sujet là Denis, mais je ne vois pas de solution.
13:51 Je tire ce problème, j'essaie de soulever toutes les pierres autour de ce problème
13:55 depuis des années et je ne vois pas d'autre solution pour sortir de ce piège terrible
14:01 qui est en train d'emmener des générations entières entre 1 et 1,5 SMIC, 1,6, 1,7.
14:07 C'est vrai que c'est la même façon dont on a pensé les allègements avec à chaque
14:12 fois des seuils qui faisaient…
14:13 À chaque fois c'est des bonnes idées d'ailleurs.
14:15 Oui, tout à fait, on comprend très bien les motivations pour lesquelles on a mis en
14:18 place ces dispositifs.
14:19 C'était des dispositifs qui visaient au retour à l'emploi, mais là on n'est
14:22 plus dans une problématique de retour à l'emploi.
14:25 Alors attention, cette problématique, elle demeure quand même en partie quand on a une
14:29 augmentation du taux d'emploi mais que celui-ci est encore à 68,5 alors que les autres pays
14:33 d'Europe du Nord sont encore à 76…
14:35 67,5% de la population active.
14:37 Oui, pardon, 68,5% de la population en âge de travail est en emploi.
14:41 Alors qu'on est à 76 dans les pays d'Europe du Nord, donc on voit bien qu'il y a encore
14:45 une question de retour à l'emploi.
14:46 Oui, mais cette obsession nous tue en fait Denis.
14:47 Cette obsession nous tue, c'est cette obsession qui nous tue.
14:49 Tout à fait, et comment est-ce qu'on arrive en fait à embarquer tout le monde de manière
14:53 à ce qu'il y ait une récompense de l'effort ? Or si cette récompense, elle devient un
14:57 coût rédhibitoire pour les entreprises, c'est parce qu'il y a certains seuils dans
14:59 lesquels augmenter de 1 euro en net le salarié revient à augmenter de 4 le coût pour l'entreprise.
15:06 Et donc c'est bien cette équation, comment est-ce qu'on arrive à lisser les chocs
15:10 pour permettre une progression qui soit beaucoup plus régulière et qui n'incite pas à
15:14 la fois l'offre et la demande de travail à ne pas augmenter les émissions de salaire.
15:18 Et bien tu ne peux pas.
15:19 Non.
15:20 Tu ne peux pas.
15:21 Non, non, mais sérieusement, enfin, je ne sais pas si vous avez réfléchi avec
15:23 ces codes au truc, mais exactement, mais c'est un reset profond qu'il faut.
15:27 Parce que tous les systèmes sociaux sont assis en fait sur ces trappes à bas salaire.
15:32 Et moi je me souviens de la création de la prime d'activité.
15:35 Et on se disait à l'époque, mais bien sûr, pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt ? Et
15:39 aujourd'hui on réalise combien cette prime d'activité est un piège.
15:42 Moi, enfin, je constate des situations, mais même avec des salaires un petit peu intéressants,
15:47 où en fait le gars va commencer à travailler, il faut bien le dire, en perdant un petit
15:52 peu d'argent.
15:53 Parce qu'il y a la prime d'activité qui baisse et que comme il sort de l'ensemble
15:57 des aides qui accompagnent aujourd'hui les chômeurs, tel passe Navigo, telle aide à
16:01 la garde d'enfants, la cantine, les trucs, etc.
16:04 Il faut une volonté de dingue pour se mettre au travail.
16:07 Ce ne sont pas que des dispositifs nationaux, effectivement, tu fais bien d'insister,
16:12 ce sont des dispositifs locaux, avec chacun, qui sont tous pavés de bonnes intentions,
16:17 mais qui aboutissent à ce que tu n'aies pas une incitation qui soit importante.
16:21 Quand on parle de la prime d'activité, quand elle a été mise en place, c'était à l'époque
16:25 de Jospin, c'était la prime pour l'emploi et ensuite elle a été remise avec la fusion
16:32 de la prime pour l'emploi et le RSA.
16:34 Voilà, le vrai décollage en fait, ça doit être 2018, 2017-2018, dans la foulée d'ailleurs
16:41 des ordonnances Pénicaud.
16:42 Mais quand tu regardes sur cette période-là, tu n'as pas eu d'augmentation du taux d'emploi
16:46 des personnes qui sont les plus éloignées de l'emploi.
16:48 C'est là qu'on a une difficulté, c'est-à-dire qu'elle a bénéficié en fait à ceux qui
16:52 étaient déjà dans l'activité et pas forcément pour faire un retour dans l'activité parce
16:56 que ceux qui sont, enfin c'est mon data, tu le sais, je l'ai déjà évoqué à plusieurs
17:00 reprises, mais le chiffre qui me marque le plus, c'est le taux d'emploi des personnes
17:04 qui ont le plus faible niveau de formation initiale.
17:06 Et bien ce taux d'emploi, il est environ 38% et il n'a fait que reculer pendant toute
17:10 cette période où elle a été mise en place à prime pour l'activité.
17:12 Alors qu'on a tout fait pour qu'il augmente.
17:17 Donc ça veut dire que cette logique généreuse est une erreur profonde.
17:23 Et que, alors c'est Jean-Marc Daniel qui dit ça assez régulièrement, quand on subventionne
17:28 quelque chose, on le multiplie.
17:30 C'est logique.
17:31 Et donc en subventionnant finalement le travail sous-qualifié, les bas salaires, on l'a
17:36 multiplié, tu rajoutes là-dessus la désindustrialisation et t'as ce piège qui se refait.
17:39 Exactement.
17:40 Et tu ne crées pas des conditions d'aspiration et de développement personnel de tout un
17:42 chacun.
17:43 Bon mais on n'a pas de solution en fait.
17:45 Non mais bon on peut faire confiance à Étienne, Étienne va les trouver.
17:49 Je ne sais pas quel est le pardon pour le deuxième économiste qui est avec Étienne
17:52 Bassel.
17:53 Alors Antoine Bosio.
17:54 Voilà, ben merci.
17:55 Mais en tout cas le fait que cette question soit déjà d'un moment instruite, c'est
18:01 quand même un premier pas qui est très important.
18:03 Parce qu'effectivement c'est quelque chose qui était totalement sous le radar.
18:06 Il y a eu plusieurs fois des alertes et notamment tu en as relayé très souvent, ces alertes
18:10 tu les as portées.
18:11 Mais il n'empêche que c'est quelque chose qui n'a pas vraiment imprimé jusqu'à
18:13 présent dans le débat public.
18:14 Non parce que c'est emploi, emploi, emploi.
18:16 Et encore dans le discours politique c'est "on va supprimer les emplois, on va supprimer
18:20 les emplois, on va supprimer les emplois".
18:21 Mais non.
18:22 En fait il va falloir à un moment parler de bons et de mauvais emplois.
18:26 Oui et attention parce que ce thème de la smicardisation également peut être un incitatif
18:31 très puissant à aller justement vers ce type de problématique.
18:34 Mais ce que l'on voit, c'est que chaque fois qu'il y a eu une augmentation de la
18:37 proportion de smicards dans la population, il y a eu ensuite, en fait ça correspond
18:41 au fait qu'il y a eu l'accélération du smic par la loi tout simplement.
18:43 Il y a eu ensuite ?
18:44 Il y a eu ensuite une redilatation, donc tu as une compression de l'échelle des salaires
18:48 parce que les salaires qui sont juste au-dessus du smic ne réagissent pas tout de suite à
18:50 l'augmentation du smic mais ils augmentent dans un second temps.
18:53 Et donc tu vas avoir progressivement une redilatation de l'échelle des salaires.
18:56 En gros les barreaux vont se remettre à leur niveau.
18:58 C'est-à-dire celui qui était à 1,2 smic qui est désormais rattrapé par les smicards
19:03 qui n'est plus qu'à 1,1 smic.
19:05 Et bien progressivement il va y avoir une réaugmentation de son salaire qui va le repositionner
19:08 à 1,2 smic.
19:09 Et donc tu vas avoir une baisse de la proportion de smicards.
19:11 Et tant mieux pour lui mais à quel prix pour l'entreprise ?
19:12 Mais à quel prix pour l'entreprise ?
19:13 Et pour la compétitivité ?
19:15 Oui mais parce qu'à la fin ce que ça dit c'est que tu n'as plus l'indexation des salaires
19:19 sur les prix mais comme tu as toujours l'indexation du smic sur les prix et que petit à petit
19:22 la hausse du smic elle se diffuse dans l'ensemble de l'échelle des salaires, ça veut donc
19:26 dire que tu as une indexation de facto des salaires sur les prix.
19:30 Merci Denis Ferrand qui nous accompagnait pour démarrer l'année.
19:35 On se retrouve très bientôt et puis nous on continue Bismarck avec le rebond des entrepreneurs.

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