Je reviens sur un des films les plus fous de son époque, avec un Will Smith et un Martin Laurence déchainés, du Michael Bay dans le texte, Bad Boys 2.
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Court métrageTranscription
00:00 Ah Michael Bay, si je devais les résumer en un mot ce serait...
00:04 *bruit de fusil*
00:13 Et pourtant il est un des derniers véritables artistes d'Hollywood.
00:16 Un auteur à la filmographie bien singulière ou bien s'est détaché une pépite.
00:20 La pierre angulaire de son oeuvre, la suite de son premier long métrage, Bad Boys 2.
00:25 Je le titre comme étant le film d'action ultime car il est un concentré de tout ce qu'est le cinéma d'action depuis qu'il existe.
00:31 Il pioche dans le cinéma hongkongais ses plus belles fusillades et même ses cascades.
00:35 *bruit de fusil*
00:44 Il aspire toute l'essence d'un body movie des années 80.
00:47 Il va chercher une imagerie très crue qui lui appartient mais qui appartient aussi au cinéma de divertissement du début des années 2000.
00:53 Et il ajoute une colorimétrie très vintage.
00:55 Sa principale source d'inspiration étant le travail de Tony Scott.
00:58 A travers un sens du patriotisme, on y reviendra.
01:01 Un humour bas du front décomplexé.
01:03 Un rapport assez spécial à la sexualité.
01:05 Et une photographie très pétillante, souvent orangée et qui ressort très fortement dans Bad Boys 2.
01:10 Comme si on assistait au remake du Flic de Beverly Hills 2 mais sous cocaïne.
01:14 Parce que si Tony Scott n'était pas connu pour être le réalisateur le plus subtil,
01:18 bah Michael Bay à côté c'est un putain de viking shooté à l'adrénaline.
01:22 Cependant avant d'aborder tout ce qui est action, explosions et autres gunfights,
01:26 j'aimerais m'arrêter sur tout ce qui entoure ce bordel épileptique.
01:29 La substance du récit, si je peux appeler ça ainsi.
01:32 On retrouve en premier lieu cet impérialisme américain que Bay n'a jamais cessé de mettre en avant et qu'il pousse ici à son paroxysme.
01:38 Russe, cubain, haïtien, personne ne résiste à nos deux flics chocs.
01:42 Qui dépeint une Amérique post 11 septembre, plus forte et plus vénère que jamais.
01:46 Une Amérique pourtant représentée par deux personnages assez excentriques si je puis dire.
01:50 "Y a pas un concert de Ricky Martin ce soir ? Allez, partez-vous !"
01:53 "Toujours aussi raciste, c'est plus fort que toi !"
01:55 Un addict au sexe qui se tape tout ce qui bouge, jusqu'à mater des cadavres,
01:59 qui tire et fait exploser tout et n'importe quoi, qui traumatise un gosse,
02:03 sans oublier le père de famille qui suit une thérapie pour troubles du comportement,
02:06 qui a des problèmes d'érection et qui soigne tout ça à l'ecstasie.
02:09 Bay est une Amérique irréprochable.
02:11 Et c'est là où le film se positionne comme un ovni dans le cinéma de divertissement.
02:15 Il est horriblement outrancier, sur plus de 2h30,
02:18 et il a été validé tel quel par un studio grand public.
02:21 Y a une espèce de nonchalance qui plane sur tout le film.
02:23 Une vulgarité crasse, des rats qui copulent,
02:26 l'autre qui joue avec un doigt humain alors que c'est le protagoniste du film,
02:29 de la nécrophilie, du racisme, sa flirte avec l'homophobie, en plus ses gores.
02:34 Et tout ça est passé à la moulinette par Michael Bay,
02:36 qui réussit l'exploit de tout nous faire accepter,
02:38 et de même nous faire apprécier ses personnages,
02:40 qui sur le papier sont moralement plus que discutables.
02:43 A cette époque, Bay sort de Pearl Harbor,
02:45 un ratage complet où il a voulu aller à l'encontre de son style,
02:48 pour finalement se faire quand même dézinguer par la critique.
02:51 A partir de là, il a sorti son plus beau doigt d'honneur,
02:54 et a décidé d'amener son cinéma à son prisme,
02:56 ne réalisant ce film que pour lui-même, sans se soucier de la vie des autres.
03:00 Donc que l'on aime ou pas Bite Boys 2, il reste une vraie prise de risque,
03:03 prenant un autre chemin que le premier opus,
03:05 poussant le curseur au plus haut,
03:07 représentant le cinéma de son auteur comme aucun autre de ses films.
03:10 C'est pour ça que tous ces éléments scénaristiques un peu chelous,
03:13 ben ça passe, parce que c'est la garniture qui cache le coeur fondant,
03:16 les scènes d'action et la mise en scène.
03:18 Michael Bay est un cinéaste qui pense ses plans comme un puzzle.
03:21 Il place ses caméras partout, filme l'action,
03:23 fait en sorte d'avoir tous les éléments à sa disposition,
03:26 et les assemble sans forcément savoir à quoi ça va ressembler.
03:29 C'est un risque qui ne paie pas toujours,
03:31 mais Bite Boys 2 est bordéliquement jouissif.
03:33 Et dans ce cas précis, la méthode Bay fait des merveilles.
03:36 C'est chaotique et millimétré à la fois, mais c'est surtout inventif.
03:39 Et pour vous le prouver, je vais revenir sur deux scènes en particulier.
03:42 Et on va commencer par l'introduction.
03:44 On y retrouve notre duo infiltré dans une réunion du Ku Kux Klan,
03:47 Will Smith apparaît en contre-plongée,
03:49 deux secondes de ralenti, trois cuts,
03:51 et on le découvre les bras en croix tel le Messie.
03:54 Après ça, on introduit la situation avec humour,
03:56 on remet en avant les traits de caractère des deux personnages,
03:58 un fou de la gâchette et un peu heureux,
04:00 puis là ça part.
04:01 On ne sait pas qui tire sur qui, mais ça dégomme.
04:04 La cavalerie débarque, et là on a ce plan sorti de nulle part.
04:07 Le bullet time. 2003 oblige.
04:09 Mike tire, la caméra suit la balle,
04:12 qui traverse du verre, le cul de Marcus,
04:15 avant d'atterrir dans la jugulaire d'un facho.
04:17 Et vous allez me dire, pourquoi ?
04:19 Et bien parce que Michael Bay, tout simplement.
04:21 D'autres plans cools étaient prévus pour la fusillade,
04:23 mais on se contentera de ça,
04:25 et c'est déjà une introduction qui donne le ton.
04:27 La seconde fusillade marquante, elle arrive un peu avant la première heure,
04:30 dans un lieu confiné,
04:32 un décor qui va permettre à la scène d'être incroyablement inventive.
04:35 Le mouvement circulaire permet de délimiter les deux camps,
04:38 offrir une vraie compréhension de l'espace,
04:40 et surtout, en dehors de toute analyse,
04:42 nous offrir une scène hyper cool.
04:44 Les éléments du décor sont ensuite utilisés habilement,
04:46 pour se débarrasser de l'ennemi,
04:48 et faire avancer les récits.
04:49 On est dans une bulle pendant quelques minutes,
04:51 et on digère ce petit bijou,
04:53 qui vient agrémenter un film déjà bien pimenté.
04:55 L'autre élément incroyablement jouissif du film,
04:58 c'est les courses-poursuites.
04:59 Et croyez-moi, on est servi.
05:01 La course-poursuite finale, à travers un bidonville
05:03 construit spécialement pour l'occasion,
05:05 très très fortement inspiré de Polly Story,
05:07 mais où les caméras prennent place à des endroits habiles
05:09 pour nous faire vivre l'action.
05:11 On a également cette course-poursuite incroyable
05:13 sur le freeway de Miami,
05:14 où nos deux flics partent à la poursuite d'un camion
05:16 qui leur balance des voitures à la gueule,
05:18 sans parler du bateau et du bordel monstre
05:20 que tout ça engendre.
05:21 La scène a demandé une logistique folle.
05:23 Des caméras blindées suivent l'action
05:25 pour qu'on soit au plus près,
05:26 et évidemment, tout ce qui explose à l'écran,
05:28 explose réellement devant la caméra.
05:30 Le découpage fera du mal aux migraineux,
05:32 mais Michael Bay le justifie en affirmant
05:34 que c'est l'exaltation du moment qui compte,
05:36 et la cohérence des plans entre eux.
05:37 Et pour le coup, on peut pas lui donner tort,
05:39 parce que la scène est folle.
05:40 On peut pas faire plus Michael Bay-esque.
05:42 Puis quand c'est pas des bagnoles,
05:43 c'est des cadavres que les méchants leur balancent
05:45 dans une autre course-poursuite,
05:46 qui virent au cartoon sanglant,
05:48 tant tout ce qui se passe sous nos yeux
05:49 est d'un what the fuck absolu.
05:50 Je veux dire, pourquoi ?
05:52 Pourquoi ?
05:53 On se tarait !
05:54 La première heure du film est déjà folle,
05:56 mais la deuxième atteint un niveau de jeu
05:58 m'en foutiste tellement choquant
05:59 que chaque scène est pleine de conneries inoubliables.
06:02 Les fulgurances de Michael Bay font des merveilles.
06:05 Sa caméra n'a pas de limite,
06:06 et elle n'est même pas numérique.
06:08 Tout ce qui se passe à la morgue est assez incroyable,
06:10 ne serait-ce que par la tension qui s'en dégage,
06:12 mais aussi par sa puissance humoristique.
06:14 Je veux dire, Marcus sous Ecstasy, c'est super drôle.
06:17 T'as vu tes pupilles ?
06:18 Comment je vais pour voir mes pupilles ?
06:20 Très marrant, comment je fais pour voir mes pupilles ?
06:23 Et c'est vrai qu'on pourrait se dire
06:24 que le film est un peu long,
06:25 mais Michael Bay est généreux avec nous.
06:27 Il nous offre un double climax
06:29 comme a pu le faire James Cameron
06:30 à l'époque de True Lies,
06:31 et il n'hésite pas à faire cabotiner
06:33 son antagoniste principal,
06:35 qui en fait des tonnes et c'est hyper drôle.
06:37 Surtout en VF.
06:38 On a un stupide problème avec deux balles,
06:41 on est d'accord.
06:42 Mais !
06:43 On a un problème quand même !
06:45 En dehors de tout ça, bien sûr,
06:47 tout est bon pour faire exploser tout et n'importe quoi.
06:49 Des voitures, des racistes,
06:51 des bidonvilles, des piscines,
06:53 des rats, des morgues,
06:55 des villes hors de prix,
06:56 parce que oui, c'est bel et bien une véritable villa
06:58 que la production s'est payée pour la faire sauter.
07:01 Bon, en sachant qu'elle devait quand même être détruite,
07:03 donc autant que ce soit fait par le maître de la destruction en personne.
07:06 C'est ce film là qui aurait dû s'appeler Armageddon,
07:21 tant c'est le chaos qui règne.
07:23 On n'est pas loin de la science-fiction,
07:24 parce que tout va si vite,
07:26 les personnages sont à 300 à l'heure en permanence,
07:28 et du coup, leur humanité en prend un sacré coup,
07:30 parce qu'on se dit, tu peux pas te suivre une cadence pareille.
07:33 Et ça, c'est la mise en scène de B qui fait ça.
07:35 Des surcotages permanents, qui peuvent être énervants, je le conçois,
07:38 mais qui fait partie de son style,
07:40 et qui s'avère être surtout un parti pré-artistique
07:42 qu'on se doit de respecter à défaut de ne pas aimer.
07:44 On ressort de la séance épuisée, mais satisfaite.
07:47 Et c'est aujourd'hui qu'on se rend compte que le film est unique en son genre.
07:50 Il a tout pour être détestable,
07:52 mais en même temps tout pour être admiré,
07:54 comme LE chef-d'oeuvre de son auteur.
07:56 Un mec passionnant et passionné, qui aime le cinéma,
07:58 qui en fait de façon unique,
08:00 et qui fait preuve d'une créativité qu'il met encore aujourd'hui
08:02 au service de toutes et tous.
08:04 Bad Boys 2 mérite qu'on prenne le temps de s'y attarder,
08:07 d'y réfléchir, de l'étudier.
08:09 Parce que c'est un cinéma qu'on n'est pas prêt de revoir,
08:11 ne serait-ce que pour la générosité qu'il dégage.
08:13 Donc voyez et revoyez Bad Boys 2, ça vaut le coup d'œil.
08:17 Aujourd'hui, Michael Bay commence à être réhabilité
08:19 en tant que véritable cinéaste de talent,
08:21 que ce soit par des professionnels ou des amateurs comme moi.
08:24 Et j'ai hâte, personnellement, de découvrir les futurs films
08:26 de réalisateurs qui, j'espère, continuera d'exploser tout sur son passage.