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00:00 Donc j'ai l'honneur et le plaisir d'intervenir devant vous aujourd'hui pour, et je remercie
00:17 Émilie Bonnet de Rivière de m'y avoir conviée, pour une difficile mais motivante tâche puisqu'il
00:24 s'agit de réenchanter devant vous la planification par la construction d'un nouveau récit du
00:29 territoire inscrit dans le temps long. On a parlé ce matin de temps long dans le fait de se projeter
00:35 en avant et je vous propose ensemble de jeter un petit coup d'œil en arrière sur le passé de nos
00:41 territoires. Et le tout en dix minutes donc allons-y sans plus tarder. Donc pourquoi moi pour
00:51 cet éclairage ? Parce que je suis archéogéographe, c'est à dire que j'étudie l'histoire des paysages
00:58 et de leur formation sur le temps long, voire sur le temps très long. Et par paysage en fait j'entends
01:05 l'action, enfin le fruit de l'action conjointe de l'homme et de la nature tel que l'illustre
01:12 cette première photographie issue de l'Observatoire photographique des paysages de l'Atlas d'Ille-et-Vilaine.
01:18 En tant qu'archéogéographe on considère que le paysage actuel est fait entièrement d'héritage,
01:26 plus ou moins ancien et plus ou moins visible dans le tissu urbain actuel, puisque si on prend
01:34 l'exemple de Tours par exemple on va avoir du bâti qui est aujourd'hui conservé et visible
01:39 comme la cathédrale Saint-Gatien, mais on a des choses telles que l'ancien amphithéâtre
01:45 gallo-romain qui n'apparaît plus dans le tissu aujourd'hui quand on se promène et qui va
01:51 nécessiter donc des clés de lecture supplémentaires pour pouvoir révéler ses héritages. Et ces
01:56 clés que l'archéogéographe propose en allant lire la trace de cet héritage dans le parcellaire,
02:03 dans le tracé des parcelles qui en quelque sorte mémorisent cette présence ancienne dans le tissu urbain.
02:12 Donc l'archéogéographe restitue des états anciens des territoires en étudiant
02:22 différents objets, donc vous l'avez compris l'emprise de monuments anciens, les itinéraires,
02:27 les voies et les différentes limites de l'urbanisation au cours du temps, en s'appuyant
02:34 sur différents documents qu'il va venir compiler au sein d'un système d'information géographique.
02:40 Et donc il géoréférence ces documents et les compile, donc il s'agit de plans anciens,
02:48 de cartes anciennes de différentes emprises. Il va aussi croiser avec les éléments de la
02:55 topographie actuelle pour comprendre comment tout ce passé résonne avec le relief, les
03:02 connaissances archéologiques disponibles grâce aux fouilles, la carte géologique bien sûr,
03:07 les photographies aériennes anciennes et actuelles, qui donc toutes ces sources croisées en fait
03:14 permettent de venir étayer des hypothèses qu'on a et de les renforcer, comme par exemple ici cette
03:20 forme en losange que vous voyez à Castillon, la bataille sur la photographie aérienne,
03:24 qui en fait est venue mémoriser par le tracé des rues une ancienne citadelle. Et bien sûr aussi
03:32 les fameuses données LIDAR qui nous permettent de renseigner la micro topographie des sols.
03:37 Cette étude des sources anciennes en fait, ça nous permet de mettre le doigt sur des choses aussi
03:43 qui peuvent avoir complètement disparu des paysages actuels et à ce moment là la cartographie
03:48 ancienne est une source irremplaçable. Mais peut-être ce qui va vous intéresser le plus ici,
03:54 c'est qu'il arrive parfois que la connaissance du passé des territoires soit vraiment rendue
04:01 cruciale par l'émergence de phénomènes de plus en plus accrus et problématiques,
04:09 souvent comme l'envasement des cours d'eau ou les inondations dont on a parlé ce matin. Et à ce
04:14 moment là l'archéogéographe est un expert vraiment essentiel pour comprendre en fait comment on en
04:19 est arrivé là et pourquoi le paysage actuel est tel qu'il est. Et donc à ce moment là,
04:24 là on est sur la commune de Margot-Santenac en Gironde et l'archéogéographe montre en fait,
04:31 par exemple, que le tracé de la berge est venu progressivement s'engraisser par l'association,
04:38 la greffe en fait, de différentes îles qui apparaissent bien en fait sur la carte de 1880
04:45 et qui aujourd'hui sont complètement rattachées à la ligne de berge. Donc à ce moment là,
04:51 l'archéogéographe en fait montre que le territoire et le paysage évoluent et donc
05:00 ainsi il met en lumière sa résilience et sa capacité en fait à proposer des solutions. Ça
05:05 veut pas dire forcément faire pareil ou revenir en arrière mais juste on connaît mieux donc on
05:09 sait mieux où on va. Donc forte en fait de cette lecture des paysages dans le parcellaire et dans
05:18 les cadastres, j'ai réalisé une thèse que j'ai soutenue l'année dernière en géographie sur la
05:24 question de la traduction des paysages dans les plans locaux d'urbanisme, me disant que j'avais
05:29 sans doute quelque chose à dire par rapport à ces zonages et à cette difficile question de savoir
05:34 comment on passe du paysage vu en 3D au paysage compris en 2D. L'archéogéographie c'est une
05:45 science qui est née dans le monde universitaire et qui continue à s'y étoffer mais aujourd'hui
05:52 moi j'ai fait le choix en fait dans la lignée d'un archéogéographe qui s'appelle Cédric Lavin
05:57 et qui a commencé ce travail dans le secteur de la Gironde depuis une quinzaine d'années,
06:01 en fait de sortir cette science de l'université et de la mettre au service des collectivités
06:07 territoriales et des problématiques de planification actuelles. Donc c'est ce qu'on
06:11 fait en ce moment et on se base toujours bien sûr sur les concepts théoriques et les méthodologies
06:18 de cette discipline qui sont consignées dans les ouvrages que vous voyez à l'écran. Donc ce qui
06:23 fait de moi aujourd'hui une consultante au service des collectivités mais avec une forte identité de
06:29 chercheurs qui reste, on ne se refait pas, et je voulais juste faire une allusion justement à
06:36 cette position du chercheur face à l'urgence des transitions en vous citant et en vous conseillant
06:41 par exemple d'aller lire le récent essai de Patrick Boucheron "Le temps qui reste" où il
06:47 parle de son engagement en tant qu'historien par rapport à ces transitions à venir et juste pour
06:52 vous dire que moi je ne vois pas ça comme un engagement, c'est-à-dire je participe pas parce
06:59 que je décide de m'engager et pas par conviction mais tout simplement parce que j'estime que je
07:03 peux avoir les outils aujourd'hui, les méthodes nécessaires pour véritablement faire quelque
07:09 chose par rapport à cette question de la planification territoriale. Et je le rejoins
07:13 en pensant évidemment que tout cela ne peut se faire sans joie, d'où le principe du réenchantement.
07:18 Donc voilà, le temps est venu pour moi de vous montrer qu'effectivement en archéogéographie on
07:26 manipule, et je vous l'ai déjà montré à travers le fait qu'on se tourne vers les cadastres anciens,
07:34 on a les mêmes objets, le même langage et même les mêmes référentiels géographiques de plus en
07:38 plus que la planification. Et je pense qu'aujourd'hui cette question si épineuse du ZAN,
07:44 sans être un chercheur, une chercheuse naïve et complètement déconnectée du terrain, je pense
07:51 que ça peut être un levier pour un changement de regard sur les paysages, puisque je pense qu'on
07:55 va sortir de cette logique de zonage qu'on connaît bien entre une zone urbaine en rouge et puis le
08:01 reste, le rural en vert et en jaune, qui vous me l'accorderez, est quelque peu déconnectée en fait
08:09 de la réalité des paysages et des usages sociaux qui ne cessent en fait de faire le lien entre ces
08:14 différentes zones. Et pendant mes études j'ai travaillé sur la ville de Dourdan et justement
08:20 en archéogéographie on cherche à dépasser ces modèles qui sont des modèles hérités en histoire
08:27 de la topographie historique, qui veut qu'une ville antique soit cadastrée, qu'une ville du
08:33 Moyen-Âge soit entourée de remparts et grossisse par accroissement successif de ses enceintes. Et
08:39 pour comprendre Dourdan en fait il a fallu que je change la carte, pour changer mon regard en fait
08:46 sur ce territoire et sur son passé. Et à ce moment-là j'ai changé la carte et j'ai découvert
08:51 ce qu'on appelle un corridor écomorphologique, ça correspond en fait à vos trames vertes et bleues
08:57 en aménagement. Et en redécouvrant le territoire comme ça j'ai pu replacer mes différents objets
09:02 et mieux les comprendre dans une hybridation totale en fait entre urbain et rural pour expliquer son
09:08 histoire. Ce qui permet de mieux comprendre des documents anciens mais aussi de réagir par rapport
09:16 à des phénomènes du présent tels que les problématiques d'inondation. Donc voilà pourquoi
09:23 ça me semble important, on va certainement avec le ZAN changer la carte, c'est-à-dire changer le
09:29 zonage et peut-être pouvoir se greffer davantage sur ces continuités paysagères pour venir planifier
09:36 le territoire. Et donc peut-être, je l'espère, avancer main dans la main avec l'archéogéographie
09:42 et avec la science de la connaissance des territoires. Je conclue en trois points,
09:48 je suis à 9 minutes 40, comment l'archéogéographie peut-elle aider à planifier les territoires ?
09:55 Premièrement en bâtissant un socle de connaissances sur ce passé des territoires. Donc je vous l'ai
10:01 expliqué, on travaille à partir de systèmes d'information géographique, donc des choses
10:04 tout à fait entendables et cohérentes par rapport à vos services de planification et d'aménagement.
10:10 En amont de la planification, ça veut dire très concrètement par exemple ici pour le
10:15 territoire de Bordeaux-Métropole, on constitue une carte archéogéographique qui renseigne
10:20 l'occupation des sols depuis le début du 18e siècle. Donc grâce à cette base de données,
10:25 on peut s'interroger sur l'usage qu'on va donner dans le futur au territoire en
10:29 ayant conscience de ce qu'ils ont pu abriter et de la faculté de ces espaces à avoir une
10:35 mutabilité plus ou moins faible ou forte. Deuxièmement, répondre à des problématiques
10:40 précises qui peuvent se poser. Ici un exemple très court, on est sur le quartier Saint-Eloi à
10:46 Bordeaux qui a été qualifié par ses habitants comme une zone froide de la ville, c'était des
10:52 termes qui étaient donnés, et à ce moment-là l'archéogéographe s'empare en fait de ce constat,
10:56 de cette perception de la population, pour essayer d'expliquer pourquoi. Et donc si ça vous
11:02 intéresse, l'article est en ligne, je n'ai pas le temps de vous expliquer pourquoi, mais en tout
11:06 cas l'archéogéographe trouve des éléments d'explication qui montrent à quel point il peut
11:09 y avoir une mémoire en fait latente des choses qui ont eu lieu au cours de l'histoire. Et troisième
11:15 et dernier point, eh bien il s'agit de produire et partager un récit de territoires innovants,
11:20 et de plus en plus on essaie de faire l'effort de mettre en forme nos études à travers des petits
11:27 films qui sont vraiment saisis par les élus pour essayer d'entamer des phases de concertation avec
11:34 les habitants, et ça marche plutôt bien. Et je pense que là pour le dernier mot ce sera de faire
11:40 le lien avec ce qui vient de nous être dit, c'est-à-dire redonner du sens, surtout donner
11:44 envie, et souvent ce type de support aussi donne envie de planifier en ayant un temps de connaissance
11:52 et de reconnaissance de cette mémoire du passé, ça peut être quelque chose qui fait envie. Voilà,
11:58 je vous remercie.
11:59 [Applaudissements]
12:03 [Musique]
12:05 [Musique]
12:07 Merci à tous !
12:09 Merci à tous !

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