• il y a 2 ans
Harper's’ Bazaar France était partenaire de la conférence Paris Luxury Summit à cette occasion retrouvez la prise de parole Olivier Lalanne, Redacteur en Chef de Harper's’ Bazaar France, en replay
Transcription
00:00 Et maintenant je vous invite à entrer dans l'antre d'un des plus attendus et des plus anciens
00:06 en même temps magazines de mode américain. C'est vraiment l'univers de la presse de luxe créée au
00:13 19e siècle en 1867 qui a mêlé la mode, l'art, un concept totalement novateur à cette époque-là.
00:21 Et puis depuis le début de l'année, cette année 2023, le magazine Harper's Bazaar est arrivé en France
00:30 où il était extrêmement attendu. On peut dire que c'est le lancement presse de l'année et pour en
00:36 parler ce matin nous accueillons Olivier Lalanne. Alors bonjour Olivier, asseyez-vous. Vous êtes le
00:49 rédacteur en chef du Harper's Bazaar français. Est-ce que aujourd'hui lancer un magazine papier,
00:58 même si c'est luxe et même si c'est pour une clientèle sélectionnée, est-ce que c'est un
01:04 paradoxe aujourd'hui ? Paradoxe, je ne sais pas. J'ai plus envie de dire que c'est un acte de foi.
01:09 Quand on considère la petite santé de la presse écrite et l'effondrement de la diffusion, de
01:15 vendre des magazines, des quotidiens etc. C'est vrai que lancer un magazine comme ça, ça pouvait
01:21 paraître un peu fou, un peu challenge. Mais nous on y croyait. Moi j'étais convaincu que, étant donné
01:28 qu'Harper's Bazaar n'est pas un magazine féminin classique, c'est pas un magazine serviciel, mais
01:31 plus un magazine qui se rapproche du livre, du bel objet, qu'il y avait un désir de ça, une appétence
01:37 pour ça. De la même manière qu'on voit qu'il y a un vrai engouement pour le vinyle aujourd'hui,
01:42 notamment auprès des jeunes. J'étais sûr que un magazine comme ça pouvait avoir sa place sur le
01:46 marché de la presse. Et les chiffres, au bout d'un an, témoignent que voilà. Vous arrivez triomphant.
01:51 Pas triomphant, mais content. Vous êtes content. C'est à dire que c'est un lancement qui pour
01:56 l'instant correspond un peu à vos attentes. Au-delà. Je pensais pas qu'il trouverait sa place aussi
02:01 rapidement. On est à neuf numéros. J'avais conscience que le titre était très connu au sein du milieu.
02:06 Après, auprès du grand public, c'est pas vogue, il faut être clair. Donc je savais qu'il y avait
02:11 un travail de notoriété à faire. Et ça a été assez rapide. La diffusion a monté de manière organique.
02:16 Et les annonceurs, les modes, la publicité du titre dès le début. Alors par rapport aux gens qu'on
02:21 vient de rencontrer sur ce plateau, vous avez une attitude plutôt paradoxale. Vous vous dites que
02:27 vous ne voulez pas complètement connaître votre lectorat, un peu comme un cuisinier qui n'a pas
02:33 envie de savoir ce que les gens aiment manger systématiquement pour leur offrir quelque chose.
02:38 C'est quand même assez étonnant dans une époque où qui est très data orienté et qui essaie au
02:43 contraire de cibler au maximum. Mais je pense que la data c'est formidable sur le digital, c'est bien
02:48 dans le domaine du clienteling, etc. Si on parle de la presse écrite et du magazine, je trouve que
02:53 ça empêche en fait. C'est quelque chose qui coupe les ailes. Et moi, je pars toujours du principe
02:56 qu'une rédaction est là pour proposer des choses, pour surprendre un lecteur, pour "l'instruire",
03:03 l'inspirer, le faire rêver. Surtout pas lui donner ce qu'il attend. Sinon, il donne les clés du magazine
03:07 au lecteur et ils le font. Donc moi, j'ai toujours été contre ça. De la même manière, je suis hostile
03:11 à toutes les tables rondes de lecteurs que peuvent faire un certain groupe de presse afin de leur
03:14 demander ce qu'ils aiment, ce qu'ils aiment pas, ce qu'ils souhaiteraient. Je trouve que c'est la
03:17 pire des choses à faire. C'est le grand artiste new-yorkais qui avait ce panneau lumineux sur
03:24 lequel il y a écrit "Stop giving people what they want". Exactement, je suis complètement d'accord
03:29 avec ça. Donc c'est ce qu'on appelle un peu un marketing de l'offre. Et dans vos contenus,
03:32 vous dites que vous voulez décrire l'époque, mais sans faire de moraline. Qu'est-ce que ça signifie ?
03:39 Il y a trop de morale aujourd'hui ? Non, non, non. En fait, ce que j'ai remarqué,
03:44 c'est que dans certains titres, alors il y a des titres qui sont très légitimes pour ça,
03:46 des titres encore une fois féminins classiques, qui sont là pour analyser l'époque. L'époque est
03:52 intéressante parce qu'il y a des bouleversements idéologiques, il y a des prises de conscience.
03:55 Un magazine se doit d'être dans la réalité. Donc qu'il s'agisse des questions de diversité,
04:01 d'inclusivité, d'écologie, de fluidité des genres, etc. Je pense qu'un magazine comme
04:06 Bazaar doit en tenir compte. Mais ce n'est pas le sujet des magazines. Moi, je suis très mal
04:10 à l'aise quand je vois des magazines... Vous venez retrouver la liberté qui est
04:13 celle des éditorialistes ? Non, ce que je veux dire, c'est que je suis gêné quand je vois des
04:17 magazines proches d'une autre, qui font des pages green ou des choses comme ça, qui sont un peu des
04:21 pages alibi. Moi, je considère que ces questions-là, c'est le vocabulaire de l'histoire, mais ce n'est
04:25 pas l'histoire. Un magazine comme Bazaar, son histoire, c'est la créativité, c'est l'imagination,
04:30 c'est l'artistique. Par contre, il est clair que dans ce qu'on montre, dans ce qu'on représente,
04:35 tout le monde est là, à droite cité, j'espère que c'est digéré naturellement. Je ne sais pas si
04:41 c'est très clair, mais l'approche est là. Donc pas de petite morale et vous maniez la diversité
04:46 dans des formats avec des textes longs, un peu comme le fait Vanity Fair ou d'autres, et puis
04:53 des formats plus courts qui sont plus adaptés aux réseaux sociaux. Comment cette alchimie fonctionne ?
05:03 Elle fonctionne plutôt bien et l'idée, c'était de tendre au maximum justement cette dichotomie.
05:08 C'est-à-dire que sur le digital, on est dans du scrolling, du "snacking", on va très vite,
05:13 on n'est pas très concentré. Alors que ce que je voulais pousser sur les magazines, c'est
05:17 effectivement les textes ambitieux, avec des entretiens assez fleuves, où les gens ont le
05:22 temps de s'exprimer, de dire des choses, des analyses, vraiment renouer avec le temps long,
05:26 voilà, sur le print, c'est très important. Et je trouve que pour le coup, il n'y a pas de paradoxe,
05:31 je pense que c'est deux formats qui cohabitent très très bien. Alors à propos de temps,
05:35 vous alternez entre la consommation, parce que vous faites toujours les clins d'œil à l'industrie
05:44 du luxe et à l'univers publicitaire, à la surconsommation même, mais aussi vous faites
05:49 la part belle à tout ce qui peut être vintage, seconde main, et ça c'est une nouveauté dans
05:54 les magazines de mode ? On n'a pas trop le choix, je pense qu'on est un peu confronté à la même
05:58 problématique que les marques de mode ou de luxe. Là pour le coup, c'est un vrai paradoxe,
06:02 c'est que les marques de mode sont connues pour être toujours en ébullition, production,
06:07 créativité, etc. Donc nous, en tant que magazine de mode, on est là pour documenter ça, pour
06:11 en témoigner. À côté de ça, c'est la deuxième industrie la plus polluante au monde, il y a une
06:16 prise de conscience là aussi. Attention, pas de moraline ! Non, mais c'est une réalité. On
06:21 essaie de ne pas le faire, mais c'est vrai qu'on est obligé quand même de tenir compte de ça,
06:25 et encore une fois, j'espère de manière subtile, d'encourager les consommateurs à consommer
06:31 différemment. On met en avant, on photographie des vêtements de saison, mais beaucoup de vêtements
06:36 d'archives, des vêtements vintage, on photographie jamais de vrais fourrures. La route sera longue,
06:41 mais on essaie quand même de trouver un compromis entre ces deux réalités, qui à un moment vont
06:47 devoir n'en faire qu'une. Alors on a Vogue, on a L'Officiel, on a Numéro, on a tous ces titres
06:53 là, on a Vanity Fair. Quelle place va se faire Harper's Bazaar en France et quelles sont vos
07:00 envies pour 2024 ? Bazaar va continuer à cultiver son petit jardin, moi je suis très content que
07:06 tous les autres soient là, je les regarde parce que je suis curieux, mais je crois que chacun a sa
07:10 couleur et c'est important que nous continuions à développer la nôtre. Et l'idée c'est un titre
07:16 qui à mon sens a une grande élasticité, c'est un titre assez mythique. Je pense qu'à terme,
07:20 une fois que la notoriété sera plus installée en France, on peut envisager des hors-série,
07:24 on peut envisager, pas forcément d'ailleurs sur la thématique de la mode, et j'aimerais aussi moi
07:28 le développer sur d'autres médiums, pourquoi pas faire des productions de documentaires, etc. Je
07:32 trouve que ça pourrait être très intéressant. Et bien c'est super, merci beaucoup. Merci à vous.
07:36 notre invitée suivante. Merci Olivier.

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