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00:00 Il est 8h40, on continue donc de parler politique.
00:02 Remarquez, on en parle ou on en parle pas ?
00:04 0-3-4-0-1-4-2-15-15, venez on est avec vous évidemment,
00:08 et puis avec notre invité, donc, Adler,
00:10 vous êtes avec le professeur de sciences politiques
00:12 à l'université de Bourgogne à Dijon, Raphaël Porteillard.
00:14 Alors Emmanuel Macron était sur France 5 hier soir dans l'émission C'est à vous,
00:18 un peu plus tôt, il a annoncé saisir le Conseil constitutionnel
00:21 après l'adoption de la loi immigration.
00:23 Qu'est-ce que ça veut dire, saisir le Conseil constitutionnel ?
00:26 Qu'est-ce qu'il veut nous dire quand il dit ça ?
00:28 Alors quand il dit ça, il dit ce qui est prévu par la Constitution,
00:31 puisque plusieurs personnalités politiques peuvent saisir le Conseil constitutionnel
00:34 une fois que la loi a été adoptée par le Parlement, définitivement par le Parlement,
00:39 dans la mesure où il suppose qu'il y a un certain nombre de dispositions
00:43 qui seraient contraires aux dispositions prévues par la Constitution,
00:47 on appelle ça les droits et les libertés fondamentaux,
00:49 ou des règles générales de droit constitutionnel.
00:53 Et donc il va le demander à l'organe, qui s'appelle le Conseil constitutionnel,
00:56 qui a été créé en 1958, qui va vérifier que la loi qui vient d'être adoptée
01:02 est bien conforme dans toutes ses dispositions.
01:04 Probablement le Président de la République va faire ce qu'on appelle une saisine blanche,
01:08 c'est un petit terme un peu compliqué, ça veut dire une saisine sans grief particulier.
01:12 Normalement il faut motiver la décision,
01:14 c'est souvent en général les membres de l'opposition qui le font,
01:18 mais quand on est de l'exécutif, Premier ministre ou Président de la République,
01:21 on peut demander simplement un avis, enfin un avis,
01:23 demander une décision au Conseil constitutionnel,
01:25 on dit que c'est une saisine blanche, il n'évoque pas de grief particulier.
01:29 - Et c'est peut-être une façon pour lui de mettre tout ça un peu à distance.
01:31 - Alors oui, et puis en même temps, tiens, voilà un terme bien à la mode,
01:36 ça pose quand même une petite question pour l'exécutif,
01:39 c'est un texte qui est d'origine exécutive,
01:42 c'était en tous les cas la volonté de la Présidence de la République et du Premier ministre,
01:46 qui a été remanié, vous le savez, par le Sénat,
01:48 mais qui reste quand même d'essence présidentielle,
01:50 et donc faire une demande au Conseil constitutionnel
01:54 d'un texte qui contiendrait des dispositions contraires à la Constitution,
01:57 c'est quelque part un peu paradoxal.
01:59 Cela dit, ça va donner beaucoup de blé à moudre à mes étudiants en première année de droit.
02:03 - Alors justement, pour vous, en tant que professeur de sciences politiques engagé à gauche,
02:07 qu'est-ce qui pose problème, d'après vous, dans cette loi immigration ?
02:10 - Oh, beaucoup, alors je vous confesse que je n'ai pas lu...
02:13 - Vous avez souvent des élèves, des étudiants devant vous, on imagine que...
02:15 - Oui, oui, alors je n'ai pas lu en détail le texte,
02:17 donc je veux ici être un petit peu généraliste,
02:21 je le lirai justement après la décision du Conseil constitutionnel,
02:25 car avant ça ne sert pas à grand chose.
02:26 Malgré tout, il y a un certain nombre de dispositions
02:30 qui ont été listées par des journaux, par des spécialistes, autour des APL,
02:35 donc vont-elles disparaître, vont-elles être conditionnées ?
02:37 Et c'est probablement un motif de censure du Conseil constitutionnel
02:40 s'il y a la fin de l'universalité des APL.
02:42 Il y a la régularisation des sans-papiers,
02:44 comment ? Est-ce que ce seront vraiment les préfets qui vont s'en occuper ?
02:48 Ce qui veut dire qu'il y aura des distorsions territoriales.
02:51 Alors est-ce que c'est en fonction des bassins d'emploi ?
02:52 Ça pose quand même un certain nombre de questions.
02:54 - Ça, ça veut dire moins d'étudiants dans nos universités françaises ?
02:56 - Alors si on raisonne sur les étudiants,
02:57 le préfet n'aura pas grand chose à voir avec ça,
02:59 puisque les flux d'étudiants étrangers sont régulés par un organisme
03:04 qui s'appelle Campus France, qui est à l'extérieur,
03:06 puisque c'est lui qui délivre les visas.
03:08 Et là, c'est déjà le cas.
03:10 Depuis 2018, on a une politique publique qui s'appelle Bienvenue en France,
03:15 de mon point de vue, assez mal nommée,
03:16 et qui a quand même déjà un petit peu tari les flux d'étudiants étrangers,
03:20 puisqu'elle a sorti la délivrance de visas d'un certain nombre de conditions,
03:25 notamment des conditions matérielles et financières.
03:27 - Sur ce point-là, Emmanuel Macron disait, c'est sûr,
03:29 que sur cette mesure des étudiants, je ne vais pas sauter au plafond,
03:31 ce n'est pas une bonne mesure.
03:32 - Oui, il a plutôt intérêt à ne pas sauter au plafond.
03:34 Et la caution qui avait été envisagée,
03:38 je crois qu'Elisabeth Borne a déjà dit que ce serait très symbolique,
03:40 alors pourquoi l'avoir laissée ?
03:41 Si ce n'est pour avoir la possibilité de faire passer d'autres mesures
03:45 en accord avec LR et peut-être même l'extrême droite.
03:48 - Alors la majorité présidentielle assure depuis mardi
03:50 que cette loi a été attendue par les Français.
03:52 Il faut bien reconnaître aussi qu'une partie de la population
03:54 attendait des mesures plus fermes sur la situation des étrangers.
03:57 - Oui, peut-être faudrait-il déjà appliquer correctement les textes en vigueur.
04:01 Depuis 40 ans, il y a eu une succession de politiques d'immigration,
04:04 on appelle ça la politique publique de l'immigration.
04:06 C'est un phénomène mondial qui est pour une grande raison tenu
04:11 par des questions économiques, par des questions de maldéveloppement,
04:14 pour laquelle d'ailleurs la France comme l'Europe ou les États-Unis
04:16 ont une part de responsabilité, puisque leur ADP,
04:18 leur aide publique au développement est relativement faible,
04:22 en tous les cas en deçà de ce qu'il faudrait qu'elle soit.
04:24 Je ne dis pas que ça résoudra tous les problèmes,
04:25 mais en tous les cas probablement un certain nombre d'entre eux.
04:28 Et ensuite, il y a toute une question autour des guerres,
04:30 bien évidemment, donc des réfugiés, et puis des réfugiés climatiques
04:33 qui sont de plus en plus nombreux.
04:34 Tout ça fait partie d'un ensemble.
04:36 En France, on n'est pas submergé comme on l'entend.
04:38 Il suffit simplement de lire les travaux spécialisés
04:41 des collègues justement de l'université,
04:43 ce que j'engage à faire à la fois les autorités de notre pays,
04:47 mais aussi l'extrême droite.
04:48 - Alors avec le vote de cette loi, la majorité absolue,
04:50 on le rappelle, sans les voix du RN,
04:52 Marine Le Pen revendique donc une victoire idéologique.
04:55 Le ministre de la Santé, Adrien Rousseau, a claqué la porte.
04:58 Cette fracture de la majorité,
05:00 est-ce qu'elle va vraiment finir par céder ?
05:02 - Alors y a-t-il fracture ?
05:03 C'est déjà la première question.
05:05 Plusieurs ministres ont dit qu'ils étaient effectivement
05:07 sur la même position que le ministre de la Santé.
05:09 Le feront-ils ? Le feront-ils pas ?
05:11 Je pense que les SMS et les téléphones ont dû crépiter sérieusement.
05:14 Pour l'instant, c'est juste un.
05:16 - Bon, un seul ministre qui claque la porte,
05:18 ça s'est déjà vu dans pas mal d'endroits,
05:20 chevènement en son temps.
05:22 Ça n'a pas véritablement fracturé.
05:23 Ce qui est remarquable, c'est que le gouvernement
05:25 n'a pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale.
05:28 Et donc, ça l'oblige en permanence à faire des compromis,
05:31 des discussions, des échanges.
05:32 Sauf que ce que indiquait en avril 2022 Emmanuel Macron,
05:37 changer de méthode, cette méthode n'a pas changé.
05:39 - Il ne change pas de méthode.
05:40 - Pour nous éclairer sur l'actualité,
05:42 l'actualité politique, France Bleu Bourgogne,
05:44 et on parle de la politique,
05:45 on se demande si la politique fait partie des sujets
05:48 qui vont revenir sur le devant de la table
05:49 pendant les fêtes de fin d'année.
05:51 Pourquoi ? Parce qu'il y a la loi immigration
05:52 qui est passée, évidemment,
05:53 que même à l'intérieur du gouvernement, ça fait débat.
05:56 Donc, on en parle ce matin avec un professeur de sciences politiques
05:59 à l'Université de Bourgogne à Dijon.
06:01 - Raphaël Portellier, alors cette loi immigration,
06:03 elle n'a pas fracturé que la majorité.
06:06 Il y a aussi un coût porté au bien-vivre dans notre société.
06:09 Qu'est-ce qu'elle nous dit de notre société justement, cette loi ?
06:12 - Je crois que dans tous les débats que j'ai pu entendre,
06:14 il y a un mot qui manque quand même en particulier
06:17 du côté de nos dirigeants, c'est le mot "humain" et "humaniste".
06:22 Je pense qu'on ne peut pas se dire représentant des valeurs des Lumières,
06:26 de la France démocratique, de notre devise "liberté, égalité",
06:31 sans parler de fraternité.
06:33 - On n'écoute plus assez les Français aujourd'hui dans la politique,
06:36 quand on fait de la politique ?
06:37 - On ne s'écoute plus.
06:39 - On dit qu'on les écoute, mais on ne les écoute plus.
06:41 - Je pense que c'est un vrai, vrai problème.
06:43 Ce n'est pas tout de dire qu'il va y avoir des cours d'empathie dès l'école primaire.
06:48 On n'enseigne pas l'empathie.
06:51 On apprend à être empathique et ensuite on naît empathique dans notre relation.
06:57 Mais ça ne s'apprend pas en tant que géographie mathématique.
07:01 C'est quelque chose qui relève de l'intime, de la conviction personnelle.
07:05 De ce point de vue-là, il y a beaucoup de formations
07:08 qui sont sur la bienveillance et l'empathie.
07:11 Je crois qu'on aurait besoin, les hommes politiques, la classe politique,
07:14 auraient besoin de cela.
07:15 Je ne mets pas tout le monde dans le même sac, de ce point de vue-là.
07:18 Il y en a qui le font naturellement et je crois que c'est ça.
07:20 Et puis le dernier mot qui n'est pas souvent cité, c'est le bien commun.
07:24 Qu'est-ce que le bien commun ?
07:25 Est-ce qu'on est tous des êtres humains sur la planète ?
07:28 Est-ce que même les frontières ont quelque part quelque chose à voir
07:31 avec notre bien-être ensemble ?
07:35 Moi, je crois qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire là-dessus.
07:37 Et peut-être, peut-être qu'en effet, dès l'école, dès la primaire, dès le collège,
07:42 il y aurait besoin de réinsérer un petit peu cette culture.