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00:00A 7h43, l'invité d'ici matin en direct est un artiste à part, Siegfried Maé alias
00:05Zig et dessinateur judiciaire, la loi interdit en effet d'enregistrer du son ou de prendre
00:10des photos dans les tribunaux, alors ce déjeuner assiste donc pour la presse locale ou nationale
00:15au haut procès d'Assis pour croquer le portrait des principaux acteurs de ses audiences, accusés,
00:20avocats, parfois les victimes des dessins, des aquarelles, qui sont autant de témoins
00:25de ces grandes affaires criminelles.
00:27Il est à vos côtés Thomas Nougaillon.
00:28Bonjour Sieg.
00:29Bonjour.
00:30Alors Sieg, votre actus, c'est le procès de Gérard Depardieu contre qui 18 mois de
00:35prison avec sourcils ont été requis pour agression sexuelle.
00:39Comment est-ce qu'on dessine ce genre de prévenu ? Quel est votre parti pris artistique
00:43s'il y en a un ?
00:44Alors un parti pris, pas vraiment, mais effectivement quand un visage est très connu, c'est encore
00:50plus difficile de le dessiner, l'exigence sur la ressemblance est plus forte encore
00:56que d'habitude.
00:58Et puis, bien sûr, cet individu a marqué aussi mon histoire, ne serait-ce que cinématographique,
01:05il fait partie de mon univers, donc de le voir assis là sur le siège des accusés,
01:10c'est toujours un peu troublant.
01:11Parce qu'il faut qu'on le reconnaisse, mais vous, vous ne dessinez pas finalement des
01:14visages, mais ce sont plus des moments, des séquences que vous prenez ?
01:17Alors c'est ce que j'essaye de capter.
01:19Si la ressemblance n'est pas parfaite, c'est pas grave.
01:22Pour autant, j'essaye que mes dessins portent une charge émotionnelle.
01:27Ces derniers jours, Zik, vous avez assisté au procès Le Squarnek à Vannes pour Reuters,
01:33une agence de presse, au procès de l'incendie criminel de Renève à Dijon.
01:36Comment est-ce que vous parvenez à passer d'une affaire à l'autre ? C'est pas trop
01:40compliqué ?
01:41Alors non, c'est pas compliqué.
01:42Si on ne s'arrête que sur les moments émouvants du procès, effectivement c'est compliqué,
01:48mais un procès c'est un ensemble, tout le monde pose les éléments sur la table et
01:53on discute de l'affaire.
01:54Donc il y a beaucoup d'aspects qui permettent justement d'avoir une vision globale et réfléchie
01:59de la situation.
02:00Donc on passe après à une autre histoire avec ce package complet.
02:05Donc ça va.
02:06Ce sont des procès pour lesquels vous devez travailler en amont chez vous, prendre des
02:09notes ou bien tout se fait finalement un petit peu au feeling, comme on dit ?
02:12Alors au feeling, oui, il y a de ça.
02:16Je ne veux pas trop me renseigner avant parce que je ne veux pas que ça influence mon dessin
02:22trop.
02:23Je préfère découvrir l'affaire sous les yeux et d'y aller avec l'émotion du moment.
02:29Alors on le voit dans ce que vous nous dites, Zieg, vous faites à la fois du procès très
02:34médiatique et à la fois du procès beaucoup plus local.
02:37Est-ce qu'il y en a un que vous préférez, que vous affectionnez plus que l'autre ?
02:42Non, c'est l'équilibre des deux qui fait tout l'intérêt de ce métier.
02:47Sous le feu des médias, on a une pression supplémentaire, on a aussi souvent des confrères
02:54ou des consoeurs et c'est enrichissant.
02:56Le côté plus local nous remet un peu les pieds sur terre et c'est auprès de chez
03:04nous et c'est encore plus dense aussi.
03:07Est-ce que vous vous considérez comme un journaliste ou pas ?
03:11Il y a de ça, je n'utilise pas les mots, je n'utilise pas la voix mais j'essaye d'être
03:17un témoin et au travers de mes dessins d'apporter une information qui va compléter celle du
03:21journaliste écrit.
03:22Est-ce que vous arrivez à être impartial ou est-ce que vous êtes parfois aussi un
03:25petit peu dans le jugement ? Est-ce que vous vous surprenez parfois à être du mauvais
03:28côté de la barrière ?
03:29Bien sûr que j'ai commencé avec beaucoup de préjugés et donc pouvait apparaître
03:34une sorte de jugement dans mes dessins.
03:36Avec les plus de 15 ans d'activité, je réussis à m'écarter de ça, je ne veux être qu'un
03:45témoin.
03:4615 ans d'activité, c'est-à-dire que vous avez eu une vie avant, comment tout a commencé
03:51Zig ?
03:52Alors complètement par hasard, un ami journaliste du bien public me voyant dessiner m'a proposé
03:58de travailler pour eux.
03:59J'ai eu la chance d'avoir une rédaction qui m'a accompagné, qui m'a laissé m'installer
04:03dans l'activité.
04:04Mais en découvrant l'univers d'une salle d'assises, on n'en sort pas indemne et pour
04:10moi c'était une vraie révélation.
04:11Dessiner dans un contexte comme ça, c'est fantastique.
04:14Vous dites on n'en ressort pas indemne, ça veut dire que vous êtes submergé par les
04:19émotions, même a posteriori ?
04:20Complètement et c'est mon outil de travail, c'est-à-dire que je suis là pour absorber
04:27ce qui se passe, autant les moments émouvants que les moments de réflexion et tout ça nourrit
04:32mes dessins.
04:33Il y a un procès qui chez vous a fait la bascule, c'est le procès de l'affaire Adoma qui a
04:38eu fait de nombreuses victimes à Dijon, on s'en souvient, il y a quelques années.
04:41Qu'est-ce qui a fait ce moment de bascule ? Qu'est-ce qui s'est passé dans votre tête ?
04:45Je me suis tellement identifié à l'accusé qui souffrait de son acte que j'ai tellement
04:53pu avoir fait la petite bêtise, le petit délit qu'il avait commis, enflammer une poubelle.
04:59Evidemment, l'immeuble avait pris feu, il y avait eu des morts dans cet immeuble.
05:03Avec des conséquences horribles et lui-même en souffrait.
05:06J'ai dit qu'en ayant vécu ce procès de très près, ça a été pour moi un déclic
05:13et mes dessins devaient porter beaucoup plus de nuances, beaucoup plus la difficulté du
05:17jugement.
05:18Et donc c'est à partir de ce moment-là que vous avez été plus dans l'humanité.
05:21Quel est le grand personnage que vous avez croqué récemment qui a marqué votre histoire ?
05:28Mon histoire de croqueur d'audience a été particulièrement marquée par Valérie Bacot,
05:35un procès avec une émotion.
05:39Rappelez-nous qui était Valérie Bacot.
05:41Valérie Bacot, c'est cette jeune fille qui a épousé l'amant de sa maman.
05:48Ensuite, elle est venue mère et elle était aussi prostituée par cet homme-là.
05:56Le contexte est vraiment horrible et le procès était d'une densité que j'ai rarement connue.
06:04Comment est-ce que vous ressortez de toutes ces audiences ?
06:07C'est dur de se mettre un petit peu de côté et de retrouver sa vie de famille normale
06:11une fois sorti de la salle d'audience ?
06:13Je ne sais pas vraiment ce qui se passe.
06:15Bien sûr que tout ça me remue.
06:17Je ne sais pas comment j'éteins les émotions.
06:21Je ne les emporte pas toutes chez moi.
06:24Mais il faut quand même comprendre aussi qu'un procès,
06:28comme je le disais tout à l'heure, c'est un ensemble de choses.
06:30Il y a des plaidoiries, il y a des enquêteurs, il y a des experts.
06:35En fait, il y a beaucoup d'intelligence et d'assister à ça, je me sens vraiment privilégié.
06:39Une dernière question, Zyg.
06:41Pour terminer, je vais vous citer quelques procès qui ont marqué l'histoire judiciaire en France.
06:45Vous allez me dire celui pour lequel vous auriez aimé dessiner.
06:48L'affaire Grégory, près de chez nous, l'affaire Doutreau, l'affaire Dreyfus,
06:52le procès Landru, ou bien plus loin de nous, mais pourquoi pas, le procès de Jeanne d'Arc.
07:00Tant qu'à faire le procès Jeanne d'Arc.
07:02Pourquoi ?
07:02Pour la qualité des armures.
07:05Merci beaucoup, Zyg, d'avoir été notre invité ce matin.
07:08Merci beaucoup pour votre travail.
07:10Un précieux travail, évidemment, de croqueur d'audience.
07:13Merci beaucoup.
07:13Bonne journée.